Sommaire

Présidence de Mme Sylvie Robert

Secrétaires :

M. Jean-Michel Arnaud, Mme Catherine Conconne.

1. Procès-verbal

2. Décès d’un ancien sénateur

3. Dématérialisation de l’état civil. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

Mme Samantha Cazebonne, auteure de la proposition de loi

M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois

M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité, de la francophonie et des Français de l’étranger

M. Dany Wattebled

Mme Olivia Richard

Mme Mélanie Vogel

M. Ian Brossat

Mme Annick Girardin

M. Ludovic Haye

Mme Hélène Conway-Mouret

M. Ronan Le Gleut

M. Aymeric Durox

Mme Évelyne Renaud-Garabedian

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

M. Yan Chantrel

Amendement n° 5 rectifié de Mme Hélène Conway-Mouret. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 2

Amendement n° 2 de Mme Mélanie Vogel. – Retrait.

Amendement n° 1 de Mme Mélanie Vogel. – Retrait.

Amendement n° 8 de Mme Mathilde Ollivier. – Rejet.

Amendement n° 3 de Mme Mélanie Vogel. – Adoption.

Amendement n° 6 rectifié de Mme Hélène Conway-Mouret. – Retrait.

Amendement n° 4 de Mme Mélanie Vogel. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Vote sur l’ensemble

Mme Mathilde Ollivier

Mme Olivia Richard

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

Suspension et reprise de la séance

4. Communication relative à une commission mixte paritaire

5. Ordonnance de protection. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles

Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois

Mme Olivia Richard

Mme Mélanie Vogel

Mme Evelyne Corbière Naminzo

M. Michel Masset

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Laurence Harribey

Mme Elsa Schalck

M. Dany Wattebled

Mme Laurence Rossignol

Mme Marie-Do Aeschlimann

Mme Alexandra Borchio Fontimp

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendements identiques nos 2 rectifié de Mme Olivia Richard, 3 rectifié quater de Mme Elsa Schalck et 11 rectifié bis de Mme Mélanie Vogel

Amendement n° 15 rectifié bis de Mme Marie-Do Aeschlimann

Amendement n° 6 de Mme Laurence Rossignol

Demande de priorité

Demande de priorité de vote sur l’amendement n° 6. – Mme Laurence Rossignol ; M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois ; Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. – Adoption.

Article 1er (suite)

Amendement n° 6 de Mme Laurence Rossignol (suite). – Rejet.

Amendements identiques nos 2 rectifié de Mme Olivia Richard, 3 rectifié quater de Mme Elsa Schalck et 11 rectifié bis de Mme Mélanie Vogel (suite). – Adoption des trois amendements.

Amendement n° 15 rectifié bis de Mme Marie-Do Aeschlimann (suite). – Devenu sans objet.

Amendement n° 10 rectifié ter de M. Arnaud Bazin. – Adoption.

Amendement n° 4 de Mme Laurence Harribey. – Rejet.

Amendement n° 18 rectifié bis de Mme Marie-Do Aeschlimann. – Rejet.

Amendement n° 23 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 1 de Mme Evelyne Corbière Naminzo. – Rejet.

Amendement n° 8 rectifié de M. Thani Mohamed Soilihi. – Rejet.

Amendement n° 19 rectifié bis de Mme Marie-Do Aeschlimann. – Retrait.

Amendement n° 17 rectifié bis de Mme Marie-Do Aeschlimann. – Retrait.

Amendement n° 7 de Mme Laurence Rossignol. – Retrait.

Amendement n° 14 de Mme Annick Billon. – Retrait.

Amendement n° 20 rectifié bis de Mme Marie-Do Aeschlimann. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 1er

Amendement n° 16 rectifié bis de Mme Marie-Do Aeschlimann. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 5 de Mme Laurence Rossignol. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 1er bis (nouveau)

Amendement n° 24 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 9 rectifié de M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 2

Amendement n° 21 rectifié bis de Mme Marie-Do Aeschlimann. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 2 bis (nouveau) – Adoption.

Article 3

Amendement n° 25 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Vote sur l’ensemble

Mme Annick Billon

Mme Muriel Jourda

Mme Olivia Richard

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

Suspension et reprise de la séance

6. Financement des entreprises et attractivité de la France. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie et de l’énergie

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis de la commission des lois

M. Thomas Dossus

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

M. Éric Bocquet

M. Michel Masset

M. Bernard Buis

M. Rémi Féraud

Mme Christine Lavarde

M. Christopher Szczurek

M. Jean-Luc Brault

M. Michel Canévet

Mme Florence Blatrix Contat

M. Olivier Rietmann

M. André Reichardt

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 1 de M. Thomas Dossus. – Rejet.

Amendement n° 2 de M. Thomas Dossus. – Rejet.

Amendement n° 26 de M. Éric Bocquet. – Rejet.

Amendement n° 3 de M. Thomas Dossus. – Rejet.

Amendement n° 56 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 25 de M. Éric Bocquet. – Rejet.

Amendement n° 4 de M. Thomas Dossus. – Rejet.

Amendement n° 50 de M. Louis Vogel. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 1er

Amendement n° 15 de Mme Florence Blatrix Contat. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 36 de M. Éric Bocquet. – Rejet.

Article 2

Amendement n° 5 de M. Thomas Dossus. – Rejet.

Amendement n° 27 de M. Éric Bocquet. – Rejet.

Amendement n° 14 rectifié bis de M. Claude Raynal. – Adoption.

Amendement n° 62 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 2

Amendement n° 40 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Retrait.

Amendement n° 43 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Retrait.

Amendement n° 44 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Rejet.

Article 2 bis (nouveau)

Amendement n° 59 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 2 ter (nouveau)

Amendements identiques nos 28 de M. Éric Bocquet et 61 du Gouvernement. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’article.

Après l’article 2 ter

Amendements identiques nos 39 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin et 63 de la commission. – Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.

Article 2 quater (nouveau)

Amendement n° 29 de M. Éric Bocquet. – Rejet.

Amendement n° 64 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 2 quinquies (nouveau)

Amendement n° 60 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 3

Amendements identiques nos 6 de M. Thomas Dossus et 30 de M. Éric Bocquet. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 46 de M. Michel Canévet. – Retrait.

Amendement n° 7 de M. Thomas Dossus. – Rejet.

Adoption de l’article.

Après l’article 3

Amendement n° 35 de M. Éric Bocquet. – Rejet.

Article 4

Amendement n° 47 rectifié bis de M. André Reichardt. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 5

Amendement n° 31 de M. Éric Bocquet. – Rejet.

Amendement n° 51 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article.

Après l’article 5

Amendement n° 41 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Retrait.

Amendements identiques nos 38 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin et 45 de M. Michel Canévet. – Rejet des deux amendements.

Article 5 bis

Amendement n° 32 de M. Éric Bocquet. – Rejet.

Adoption de l’article.

Après l’article 5 bis

Amendement n° 54 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 16 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.

Amendement n° 52 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 8 de M. Thomas Dossus. – Rejet.

Amendement n° 9 de M. Thomas Dossus. – Rejet.

Articles 6 et 7 – Adoption.

Article 8

Amendement n° 55 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 37 de M. Hervé Maurey. – Non soutenu.

Adoption de l’article modifié.

Article 9 – Adoption.

Article 10

Amendement n° 33 de M. Éric Bocquet. – Rejet.

Amendement n° 10 de M. Thomas Dossus. – Rejet.

Amendement n° 23 rectifié ter de M. Michel Canévet. – Retrait.

Amendement n° 13 de M. Thomas Dossus. – Rejet.

Amendement n° 49 rectifié de M. Éric Bocquet. – Rejet.

Amendement n° 20 rectifié ter de M. Michel Canévet. – Rejet.

Amendement n° 18 rectifié ter de M. Michel Canévet. – Rejet.

Amendement n° 22 rectifié ter de M. Michel Canévet. – Rejet.

Amendement n° 19 rectifié ter de M. Michel Canévet. – Rejet.

Amendement n° 24 rectifié ter de M. Michel Canévet. – Rejet.

Amendement n° 11 de M. Thomas Dossus. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 10 bis A (nouveau)

Amendement n° 58 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles 10 bis et 10 ter – Adoption.

Article 10 quater (supprimé)

Amendement n° 53 du Gouvernement ; sous-amendements nos 65 et 66 de la commission. – Adoption des deux sous-amendements et de l’amendement rétablissant l’article.

Article 10 quinquies (nouveau) – Adoption.

Après l’article 10 quinquies

Amendement n° 67 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 11 – Adoption.

Article 11 bis

Amendement n° 12 de M. Thomas Dossus. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 12

Amendement n° 34 de M. Éric Bocquet. – Rejet.

Amendement n° 68 de la commission. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.

Article 13

Amendement n° 69 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 14 – Adoption.

Après l’article 14

Amendement n° 42 rectifié de Mme Vanina Paoli-Gagin. – Retrait.

Vote sur l’ensemble

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

7. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Secrétaires :

M. Jean-Michel Arnaud,

Mme Catherine Conconne.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du mardi 7 mai 2024 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Décès d’un ancien sénateur

Mme la présidente. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Gérard César,…

Mme la présidente. … qui fut sénateur de la Gironde de 1990 à 2017.

Le président du Sénat lui rendra hommage au début de notre séance de questions d’actualité au Gouvernement ce mercredi.

3

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à poursuivre la dématérialisation de l'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères
Article 1er

Dématérialisation de l’état civil

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à poursuivre la dématérialisation de l’état civil du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, présentée par Mme Samantha Cazebonne et plusieurs de ses collègues (proposition n° 433, texte de la commission n° 578, rapport n° 577).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Samantha Cazebonne, auteure de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Olivia Richard applaudit également.)

Mme Samantha Cazebonne, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2019, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) lançait l’expérimentation de la dématérialisation de son état civil,…

Mme Samantha Cazebonne. … conformément à la loi d’août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, dite loi Essoc.

Après les résultats très positifs de cette expérimentation, je vous présente un texte pérennisant ce dispositif dans la loi et poursuivant la dématérialisation de l’état civil du MEAE.

Tout d’abord, je tiens à remercier notre commission de lois d’avoir souscrit à cette proposition de loi et à saluer le travail de son rapporteur, Christophe-André Frassa.

Mme Samantha Cazebonne. Chantier prioritaire du Gouvernement depuis plusieurs années, la dématérialisation a d’ores et déjà fait la preuve de ses bénéfices, tant pour les usagers que pour les administrations et les officiers de l’état civil.

Le projet de registre d’état civil électronique (RECE) a pour but de dématérialiser intégralement l’état civil dont le MEAE est dépositaire.

Sur le territoire national, les fonctions d’état civil sont exercées par les maires ; pour les Français ayant connu un événement d’état civil à l’étranger, elles relèvent des chefs de mission diplomatique, des chefs de poste consulaire ainsi que du service central d’état civil (SCEC).

Ce projet de registre électronique concerne les actes d’état civil établis par les autorités françaises pour des événements d’état civil survenus à l’étranger et les actes d’état civil français des personnes nées à l’étranger ayant acquis la nationalité française par décret ou naturalisation. Sont donc concernés tous les Français nés, résidant ou ayant vécu à l’étranger demandant en ligne un acte d’état civil.

Le premier article de cette proposition de loi sort de la phase d’expérimentation, pour l’inscrire dans le droit commun, la dématérialisation de la délivrance d’un extrait d’état civil déjà existant et conservé par le service central d’état civil à Nantes.

Engagée en 2019, cette expérimentation mérite en effet d’être pérennisée, au regard des bénéfices constatés tant pour les usagers que pour l’administration.

Le second article de cette proposition de loi prolonge l’expérimentation sur le volet relatif à l’établissement, la conservation et la mise à jour des actes d’état civil électroniques. Il permet notamment la création d’actes d’état civil dématérialisés ayant la même valeur juridique que des documents papier.

En effet, en application de l’article 40 du code civil, l’authenticité d’un acte d’état civil dépend de la signature manuscrite d’un officier de l’état civil. Il convient de prolonger de trois ans l’expérimentation relative à l’établissement, à la conservation et à la mise à jour des actes d’état civil électroniques afin de poursuivre ses développements techniques. Ces derniers seront par la suite évalués et les conclusions qui en seront tirées seront soumises au Parlement.

À l’issue de l’expérimentation, le ministère possédera un état civil numérique doté d’un service à l’usager plus simple et plus efficace.

En tant que sénatrice des Français établis hors de France, je tiens à souligner l’importance de cette dématérialisation. Bien sûr, ce chantier concerne non pas les seuls Français de l’étranger, mais tous les Français ayant connu un événement d’état civil à l’étranger. Cela étant, pour nous, Français de l’étranger, une procédure totalement dématérialisée représente un gain absolument considérable.

Les chiffres sont éloquents : avant la dématérialisation, les délais cumulés de traitement de la demande et de réception d’un extrait ou d’une copie d’acte d’état civil étaient de quinze à trente jours pour nos compatriotes expatriés ; au mois de février 2024, grâce à la dématérialisation, ce laps de temps était réduit à deux jours. Le taux d’adhésion à la délivrance dématérialisée, indicateur d’impact de la réforme, s’élevait à 95 %.

Les Français de l’étranger qui souhaitent transcrire un acte d’état civil doivent aujourd’hui prendre rendez-vous, puis se déplacer au consulat pour remettre leur dossier, ou bien l’envoyer par courrier : l’ouverture d’un nouveau téléservice de déclaration d’événement d’état civil, permise par l’article 2 de cette proposition de loi, donnera dans les prochains mois la possibilité aux usagers de demander une transcription d’acte en ligne, de manière sécurisée et instantanée.

De plus, avant la mise en place du registre d’état civil électronique, les actes consignés à l’étranger devaient être conservés, puis transportés jusqu’au service central d’état civil du MEAE, à Nantes : le registre d’état civil électronique permet de supprimer cette étape contraignante et coûteuse.

L’administration mesure elle aussi les avantages de ce projet. Pour le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, le retour sur investissement est d’ores et déjà supérieur à 1,3 million d’euros par an ; il devrait dépasser 1,5 million d’euros par an à l’issue de la mise en place du registre électronique. Cet outil réduit les coûts de production et de gestion des actes en permettant des économies d’échelle substantielles.

Par ailleurs, je tiens à répondre aux craintes de certains de mes collègues, qui ont déposé des amendements en commission et en séance pour prévenir la fracture numérique.

Il est important de préciser que cette dématérialisation n’entrave en rien la possibilité, pour les usagers qui le souhaitent, d’obtenir leurs actes en version papier.

À titre d’exemple, en 2023, plus de 80 000 demandes ont été adressées par courrier et 1,1 million de demandes ont été formulées par voie numérique. Le service central de Nantes reste joignable par téléphone et peut transmettre les actes par voie postale. Les deux formats coexistent et continueront de coexister, notamment afin de lutter contre la fracture numérique. Tous les usagers pourront obtenir leur acte d’état civil sous le format qu’ils souhaitent ; ce faisant, nous éviterons toute rupture d’égalité de traitement.

En matière de dématérialisation, la sécurité informatique représente un autre enjeu majeur.

Il ne faut pas oublier que, dans des contextes politiques parfois très contraints, les risques portent davantage sur les dossiers papier, notamment lors de fermetures précipitées de postes consulaires. Au surplus, l’analyse des risques qui a été menée n’a pas révélé de risque supplémentaire propre à la dématérialisation, l’état civil étant déjà informatisé.

Mes chers collègues, l’adoption de cette proposition de loi permettrait une avancée, non seulement pour le service central d’état civil du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, mais avant tout pour l’ensemble de nos compatriotes, notamment ceux qui sont établis hors de France. C’est tout spécialement pour eux que je vous invite à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC. – Mme Marie Mercier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2018, lors du vote de la loi dite Essoc, les législateurs, dont les plus chanceux d’entre nous faisaient déjà partie (Sourires.), ont autorisé le ministère de l’Europe et des affaires étrangères à déroger au cadre général de traitement des actes d’état civil dont il est dépositaire afin d’expérimenter une démarche ambitieuse de dématérialisation.

Le Sénat avait soutenu le principe de cette expérimentation. Il avait en effet jugé, selon les mots de nos collègues Pascale Gruny et Jean-Claude Luche, le projet de dématérialisation « pertinent au regard des distances qui peuvent séparer les postes diplomatiques et consulaires du service central d’état civil et du délai conséquent d’acheminement du courrier postal ou du coût de l’acheminement par valise diplomatique, utilisé dans les pays sensibles ».

Ce projet de dématérialisation n’a véritablement été engagé qu’à la suite de la publication de l’ordonnance du 10 juillet 2019, qui en précise les modalités. Il est apparu ambitieux, dans la mesure où il couvre les quatre composantes du traitement des actes d’état civil : leur établissement, leur mise à jour, leur délivrance et leur conservation.

Il était nécessaire de passer par la loi pour autoriser cette dématérialisation : bien que certaines procédures aient été informatisées dès les années 1990, le cadre général de l’état civil reste régi, pour ses quatre composantes, par le principe du support papier.

À titre d’exemple, l’authenticité de l’acte d’état civil découle toujours, en application de l’article 40 du code civil, d’une signature manuscrite de l’officier de l’état civil. En conséquence, les actes d’état civil sont établis sur support papier. Ils sont inscrits et conservés sur un ou plusieurs registres tenus en double exemplaire.

Pour permettre au MEAE d’expérimenter la dématérialisation de la gestion des actes d’état civil dont il est dépositaire, nous avions accordé au Gouvernement un délai de trois ans à compter de la publication de l’ordonnance du 10 juillet 2019. Ce délai n’a malheureusement pas été tenu. C’est pourquoi la durée de l’expérimentation a été prorogée de deux ans par la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite 3DS. En l’état du droit, l’expérimentation arrive donc à son terme le 10 juillet 2024.

Cette échéance très proche explique plus qu’elle ne les justifie les délais contraints dans lesquels nous examinons ce texte. En effet, la date du 10 juillet 2024 est problématique au regard du très important retard pris pour trois des quatre composantes de l’expérimentation, ce malgré un budget largement supérieur aux premières estimations – l’inspection générale des affaires étrangères (IGAE) l’évalue à 11,35 millions d’euros, alors que le budget prévisionnel initial s’élevait à 5 millions d’euros.

Seule la délivrance des copies et extraits des actes d’état civil du MEAE est pleinement dématérialisée, depuis le 12 mars 2021 : la dématérialisation de l’établissement, de la mise à jour et de la conservation de ces actes exige encore des développements informatiques, au moins jusqu’à la fin de l’année 2025.

Cet ample retard, qui serait principalement lié à une sous-estimation des difficultés techniques du projet, est la raison pour laquelle les deux rapports d’évaluation, transmis au Parlement en mars 2022 et en décembre 2023, n’ont pas pu dresser le bilan de ces trois composantes de l’expérimentation, faute d’éléments à analyser.

Les travaux menés par la commission en avril dernier n’ont pas pu pallier ce manque, la mise en application étant encore trop lointaine, malgré une première expérience concluante d’établissement dématérialisé d’un acte d’état civil en janvier 2024. En revanche, les deux rapports d’évaluation font état d’un bilan globalement « positif » de l’expérimentation de la dématérialisation de la délivrance des copies et extraits d’actes.

La commission fait sien ce constat encourageant.

D’un point de vue quantitatif, l’expérimentation est indubitablement un succès : au total, 1 264 372 demandes de copies ou d’extraits d’actes d’état civil ont été formulées en 2023 sur service-public.fr, dont seulement 0,3 % ont été accompagnées d’une demande d’impression.

D’un point de vue qualitatif, les deux rapports mettent également en avant un résultat satisfaisant, aussi bien pour l’usager que pour l’administration et pour les officiers de l’état civil.

Pour l’usager, la dématérialisation permettrait une simplification des démarches et un raccourcissement des délais de délivrance. Le service présenterait un intérêt particulièrement marqué pour les Français de l’étranger, qui résident parfois loin du service consulaire dont ils dépendent et ne peuvent compter, pour leurs demandes, sur des services postaux fiables. Le taux de satisfaction, mesuré par l’observatoire de la qualité des démarches en ligne de l’État – désormais Vos démarches essentielles –, atteint ainsi un honorable 8,7 sur 10.

Pour l’administration, la dématérialisation aurait engendré des économies substantielles – M. le ministre nous le confirmera sans doute dans quelques instants. Les éléments transmis à la commission font apparaître que plus de 1,3 million d’euros de dépenses ont été évités grâce à la dématérialisation en 2023. Ces économies sont principalement liées à l’affranchissement et à l’achat de papier sécurisé. L’expérimentation a également permis la suppression de onze équivalents temps plein (ETP) en 2021. La dématérialisation participerait donc du bon usage des deniers publics, préoccupation chère à notre assemblée.

Quant aux officiers de l’état civil, ils semblent adhérer de plus en plus largement au projet.

Au regard de ce bilan positif, l’article 1er de la proposition de loi pérennise dans le code civil la délivrance numérique des copies et extraits d’actes d’état civil établis par le MEAE.

Je précise, notamment pour rassurer nos collègues des groupes GEST et SER, au regard des amendements déposés par leurs membres, que cette délivrance numérique ne serait qu’une possibilité, la remise des copies ou extraits d’actes sur support papier restant évidemment assurée.

À l’inverse, compte tenu des retards accumulés, l’article 2 proroge de trois années supplémentaires l’expérimentation pour les trois autres pans. J’y insiste : cette nouvelle phase sera limitée à l’établissement, à la conservation et à la mise à jour des actes d’état civil du MEAE.

L’expérimentation serait ainsi prolongée jusqu’au 10 juillet 2027 pour atteindre une durée prévisionnelle de huit ans, contre trois initialement prévus.

Mes chers collègues, en cohérence avec la position exprimée par le Sénat en 2018 et en 2022, et afin que l’expérimentation que nous avions soutenue soit enfin pleinement déployée, la commission des lois a approuvé ces mesures. Elle vous invite à faire de même aujourd’hui.

La pérennisation de la dématérialisation de la délivrance des copies et extraits d’actes nous a semblé opportune et souhaitable. Non seulement nos concitoyens y ont massivement recours, sans qu’aucun dysfonctionnement majeur ait été identifié jusqu’à présent ; mais, comme je viens de le préciser, elle est assortie d’une procédure de substitution pour tous les usagers éloignés du numérique. Elle n’est donc pas une voie unique d’accès au service public de l’état civil.

La commission s’est montrée plus circonspecte quant à la prorogation de l’expérimentation de la dématérialisation de l’établissement, de la mise à jour et de la conservation des actes d’état civil du MEAE, le triplement de la durée de l’expérimentation étant difficilement compréhensible et justifiable. Monsieur le ministre, j’imagine que vous nous en expliquerez les raisons.

Malheureusement, l’état d’avancement du projet ne nous permet pas de réduire cette durée, du moins si nous souhaitons qu’un bilan puisse être dressé après le déploiement tant attendu de la totalité de l’expérimentation. La commission a pris acte de ce retard, tout en formant le vœu que la prorogation demandée soit bien la dernière. Afin de limiter ce risque et d’imposer davantage de transparence sur l’état d’avancement de l’expérimentation, la commission a prévu une présentation annuelle par le Gouvernement de la mise en œuvre de l’expérimentation devant l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE), suivie d’un débat en sa présence, qui pourra donner lieu à un avis de cette instance. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de lattractivité, de la francophonie et des Français de létranger. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame la sénatrice, chère Samantha Cazebonne, monsieur le rapporteur, cher Christophe-André Frassa, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je suis très heureux d’être devant vous cette après-midi pour débattre de la proposition de loi visant à poursuivre la dématérialisation de l’état civil du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Je tiens tout d’abord à remercier Mme Samantha Cazebonne, sénatrice représentant les Français établis hors de France, ainsi que les collègues qui l’ont accompagnée, d’avoir pris l’initiative de déposer ce texte.

Je salue également le travail accompli en commission par M. le rapporteur, qui a enrichi cette proposition de loi.

Le présent texte poursuit une expérimentation législative menée depuis 2019 par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères ; expérimentation qui – je le rappelle à mon tour –, sans nouveau vote du Parlement, se terminerait le 10 juillet prochain.

La question qui nous est posée aujourd’hui est très simple : faut-il poursuivre ou non l’expérimentation, engagée il y a cinq ans, de dématérialisation de l’état civil du ministère ? Avant d’y répondre au nom du Gouvernement, je tiens à retracer l’histoire de ladite expérimentation.

Ce projet n’est pas nouveau. Il s’est concrétisé en 2018, avec la loi Essoc. L’ambition était alors simple : dépoussiérer notre vieil état civil, fait de registres en papier et de documents envoyés par courrier, et permettre ainsi à des millions de Français de simplifier leurs démarches administratives, les libérer du carcan bureaucratique grâce à la dématérialisation et à la numérisation progressive de leur état civil, dans la lignée du mouvement de simplification engagé par le Président de la République.

Il s’agissait également d’en finir avec les coûts engendrés par des procédures trop lourdes, qu’il s’agisse de l’achat de papier, des frais d’envoi postal ou encore des coûts de transport et d’archivage des registres, d’autant que, grâce aux progrès technologiques récents – je pense notamment à l’essor de la signature électronique –, le papier n’est tout simplement plus nécessaire pour garantir l’authenticité d’un document : plus besoin d’avoir un registre dans un placard ou un feuillet dans une enveloppe, signé à la main, pour pouvoir dire : « Ce document est authentique. »

La dématérialisation de l’état civil n’en est pas moins un chantier complexe ; et elle l’était probablement plus encore en 2018 qu’elle ne l’est aujourd’hui. La sensibilité des données d’état civil imposait en effet de prendre toutes les garanties nécessaires pour s’assurer de la viabilité d’un tel changement de paradigme. Le choix d’une expérimentation était alors le plus évident ; et le choix de confier cette expérimentation au ministère de l’Europe et des affaires étrangères l’était aussi.

Ce ministère est habitué aux expérimentations en matière d’action publique. En proposant ces dernières aux Français de l’étranger, dont il a la charge, il fait en quelque sorte office de laboratoire du service public de demain. On pense bien entendu au vote par internet ; on l’a constaté plus récemment encore avec le renouvellement à distance des passeports, lancé au Canada et au Portugal, ainsi qu’avec d’autres mesures d’innovation et de modernisation dont la mise en œuvre repose sur le travail et l’engagement des services consulaires du ministère, que je tiens tout particulièrement à saluer.

Ce n’est pas tout. Le ministère détient le plus grand fonds de documents d’état civil en France, avec plus de 16 millions d’actes. Tous les actes d’état civil des Français nés, mariés ou décédés à l’étranger sont conservés par le service central d’état civil, établi à Nantes.

Le ministère était ainsi le candidat idéal pour mener cette expérimentation, lancée quelques mois après le vote de la loi Essoc, par une ordonnance de juillet 2019.

La création d’un registre d’état civil électronique a fait partie des projets prioritaires du Gouvernement lors du premier quinquennat. Elle a bénéficié d’un fort appui interministériel, en particulier via plusieurs cofinancements, à hauteur de 4,8 millions d’euros, notamment au titre du fonds pour la transformation de l’action publique (FTAP) et de France Relance.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, après cinq ans de travail, il est temps de dresser un premier bilan des deux volets de cette expérimentation : d’une part, la délivrance dématérialisée des copies et extraits d’actes d’état civil ; de l’autre, la création d’actes d’état civil électroniques.

La délivrance dématérialisée a fait l’objet d’un examen détaillé de la part des inspections générales des affaires étrangères et de la justice, dont le rapport d’évaluation vous a été remis au début de l’année 2024.

Monsieur le rapporteur, vous l’avez souligné et je vous en remercie : ce bilan est sans appel.

Tout d’abord, cette expérimentation a permis à l’administration de dégager d’importantes économies, dans une période de forte contrainte budgétaire.

La diminution du recours au courrier pour transmettre les documents aux usagers a permis de dégager onze postes de travail au service du courrier. Elle a aussi engendré des économies pour l’achat de papier et d’enveloppes ainsi que pour l’affranchissement. Au total, ces économies sont aujourd’hui évaluées à plus de 1,3 million d’euros par an.

Surtout, le bilan est sans appel pour l’usager. Avant cette expérimentation, si votre acte se trouvait au service central d’état civil, vous demandiez votre document en ligne et vous le receviez par courrier. Si vous résidiez en France, l’envoi postal arrivait à destination en cinq jours ; mais si vous résidiez à l’étranger, c’était une tout autre histoire… Tout dépendait du lieu d’habitation : souvent, l’acheminement du courrier exigeait quinze jours au minimum ; dans certains cas, c’était même un mois ; et parfois, malheureusement, le courrier n’arrivait jamais, pour différentes raisons.

Avec la solution développée et mise en œuvre par le ministère, tout est beaucoup plus simple : la dématérialisation de la délivrance permet désormais d’assurer une égalité de traitement entre tous les usagers concernés. Qu’ils résident en ville ou à la campagne, en Europe ou à l’autre bout du monde, nos concitoyens reçoivent leur document dans les mêmes conditions et dans les mêmes délais.

Les Français de l’étranger bénéficient ainsi d’une procédure unique et rapide. Elle prend trois jours en moyenne, soit un délai plus court que ce que la plupart des mairies de France sont en mesure de proposer pour la délivrance de leurs actes.

Les usagers ont bien saisi l’intérêt de cette démarche : en 2023, plus de 93 % d’entre eux ont opté pour la dématérialisation. Depuis 2021, ce sont ainsi plus de 2,5 millions de documents signés électroniquement qui leur ont été délivrés.

Bien sûr, nous avons laissé et nous laisserons la possibilité aux usagers, notamment à ceux qui sont les plus éloignés du numérique, de demander leur acte par courrier. Mais – on le constate – l’immense majorité d’entre eux sollicitent à présent leurs documents sous forme dématérialisée. Quant aux équipes du service central d’état civil, que l’envoi des documents accaparait, elles ont gagné un temps considérable.

L’entrée dans le droit commun qu’assure le premier article de la proposition de loi apparaît dès lors comme une nécessité : il faut conserver et pérenniser ces bénéfices, tant pour l’administration que pour les usagers.

Le bilan était sans appel pour le premier volet de l’expérimentation ; il est aujourd’hui prometteur pour son second volet. En effet, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a établi en janvier 2024 les premiers actes d’état civil électroniques. Mais – il faut l’avouer – cinq années n’ont pas été suffisantes pour faire aboutir ce chantier. D’importants développements applicatifs sont encore nécessaires pour généraliser la création et la mise à jour électroniques des actes. En outre, nous devons disposer d’un recul suffisant pour être certains que le registre d’état civil électronique doit devenir la solution de droit commun.

Le chantier a été plus long que prévu pour plusieurs raisons. Tout en soulignant, si besoin en était, la pertinence dudit chantier, la crise sanitaire a ralenti les développements informatiques. De plus, la grande complexité technique du dossier et la sensibilité des données d’état civil nous ont conduits à renforcer nos standards de sécurité.

Les mesures prises pour protéger ces données sont multiples, qu’il s’agisse du cloisonnement, de la réplication des sauvegardes dans un système d’archivage électronique sécurisé ou encore du traçage des accès et des modifications apportées. Ces processus sont coûteux, mais ils permettent aujourd’hui d’offrir toutes les garanties nécessaires pour protéger les données à des niveaux très élevés, peut-être jamais atteints avec le papier.

Finir l’expérimentation de dématérialisation de l’état civil est un objectif majeur du chantier « Améliorer la qualité du service rendu aux Français de l’étranger », mené par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères dans le cadre des projets prioritaires du Gouvernement.

À cette fin, le présent texte accorde trois années supplémentaires aux services compétents : nous en sommes convaincus, ce délai sera suffisant. Les développements applicatifs pourront ainsi être achevés et déployés dans l’ensemble de notre réseau consulaire. Les agents disposeront d’un outil performant ; ce dernier leur assurera une productivité à même de permettre, à terme, de nouveaux redéploiements d’effectifs au sein du ministère.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le vote de cette proposition de loi est une étape nécessaire afin de poursuivre au-delà du 10 juillet prochain cette expérimentation ambitieuse, suivie de près par M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Stéphane Séjourné. Il nous évitera de perdre tous les bénéfices déjà constatés, tant par nos administrations que par les usagers eux-mêmes.

En menant à terme cette expérimentation, nous achèverons le vaste chantier de modernisation de notre état civil. Le travail accompli à ce titre répondra pleinement à l’ambition du Président de la République et du Premier ministre d’accélérer la simplification des démarches administratives pour tous les Français ! (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et UC. – M. Philippe Grosvalet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled.

M. Dany Wattebled. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la dématérialisation de l’état civil est un enjeu essentiel de simplification. En permettant l’envoi des documents numérisés, l’expérimentation menée depuis 2019 par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères supprime l’obligation de se rendre physiquement dans les bureaux gouvernementaux.

Cette expérimentation de la dématérialisation et de la délivrance des actes d’état civil a d’ores et déjà porté ses fruits. Les usagers en témoignent : les démarches sont plus simples et surtout plus rapides. Le passage à la numérisation garantit une traçabilité optimale, tout en réduisant drastiquement les délais de délivrance des documents.

C’est un enjeu majeur, tant certains services peinent à répondre de manière optimale à la cadence élevée des demandes. Ce gain en accessibilité est précieux. Nos institutions doivent s’adapter aux évolutions de notre époque, dont la flexibilité, la fiabilité et la simplicité sont les maîtres-mots.

Il ne s’agit pas non plus de révolutionner ce service. Comme cela a été rappelé en commission, la délivrance numérisée des documents est une simple possibilité, et non une obligation. C’est important de le souligner pour nos concitoyens les plus éloignés des outils ou des pratiques numériques : je pense notamment aux personnes âgées, qui souhaiteraient ne pas changer leurs habitudes et conserver leur possibilité d’accéder aux guichets. La solution apportée par ce texte complète le bouquet de services disponibles.

Plus généralement, la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui représente une manière de mettre la technologie au service de nos concitoyens, afin de simplifier leur quotidien et de réduire les lourdeurs administratives.

Reste un sujet essentiel : la sécurisation des données personnelles. Nous savons combien il est préoccupant tant les attaques contre des institutions publiques ont été récurrentes ces derniers mois. Nous faisons toute confiance au système actuel puisque l’expérimentation est déjà très encadrée pour éviter les falsifications.

Le système de signature électronique bénéficie d’une sécurité hautement élevée empêchant toute contrefaçon. Aucun dysfonctionnement important n’a été identifié ces dernières années. La pérennisation éventuelle de l’ensemble du dispositif devra faire l’objet d’une étude rigoureuse pour sécuriser l’ensemble des processus de dématérialisation et de conservation des données.

La commission des lois a apporté quelques modifications au texte pour l’adapter, de façon précise, aux besoins de nos concitoyens et aux réalités des services. Je salue notamment l’amendement du rapporteur visant à la présentation annuelle devant l’Assemblée des Français de l’étranger du bilan d’étape de l’expérimentation. Je tiens aussi à féliciter l’autrice de ce texte, qui soulignait que l’expérimentation aurait déjà permis à l’administration d’économiser 1,3 million d’euros par an.

Ces différentes mesures s’inscrivent dans la lignée du choc de simplification que nous appelons de nos vœux, destiné à rationaliser le temps et l’argent consacrés à la transmission de ces documents du quotidien. Il faut y avoir une avancée tant pour nos concitoyens, en particulier les Français de l’étranger, que pour les agents du ministère.

Ce texte nous permet d’avancer collectivement dans la bonne direction. Pour ces différentes raisons, le groupe Les Indépendants, que j’ai le plaisir de représenter, votera en sa faveur. Il apporte des mesures utiles pour nos concitoyens, qui en verront les bienfaits dans leurs démarches administratives : nous pouvons nous en féliciter ! (Applaudissements sur les travées du groupe RPDI. – M. Pascal Martin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Olivia Richard. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Olivia Richard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec une grande joie que je m’adresse à vous pour la première fois sur une proposition de loi qui concerne nos compatriotes établis hors de France. C’est sur l’initiative de notre collègue Samantha Cazebonne que nous nous penchons sur l’une des spécificités qui marquent la vie des Français de l’étranger.

Laboratoire de bon nombre d’actions de modernisation de l’État, la France à l’étranger est résolument numérique. En effet, dès 2003, les Français établis hors de France ont franchi le Rubicon de la dématérialisation avec la première expérimentation de ce que l’on appelait alors le « vote par correspondance électronique ».

Permettez-moi de saluer avec affection et émotion l’auteur de la proposition de loi qui en était à l’origine, Robert del Picchia, sénateur des Français établis hors de France, qui siégea ici de 1998 à 2021, et avec qui j’ai eu l’honneur de travailler pendant vingt ans.

Père du vote par internet, Robert del Picchia avait l’habitude de souligner la distance, souvent rédhibitoire, qui sépare l’électeur de l’urne française installée dans une ambassade, un consulat, un lycée ou un institut français. Son idée était donc de rapprocher l’urne de l’électeur, dans le but de rapprocher l’électeur de la France. Les réticences envers sa démarche étaient alors fortes, et elles le sont toujours.

C’est bien une volonté politique sans faille, celle du Président Chirac, qui a permis l’adoption de la loi tendant à autoriser le vote par correspondance électronique, grâce au vote unanime des deux chambres de notre Parlement. Elle fut promulguée le 28 mars 2003.

Espérons que la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui connaisse le même sort. Son adoption rapide permettra au service central d’état civil de Nantes de continuer à délivrer aux Françaises et aux Français nés ou établis à l’étranger les copies ou extraits d’actes d’état civil de façon totalement dématérialisée.

Comme l’a expliqué notre excellent rapporteur, dont je salue le travail éclairant,…

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je suis un phare dans la nuit. (Sourires.)

Mme Olivia Richard. … le Parlement a prorogé en 2022 l’expérimentation lancée par le MEAE en 2019.

Marqué par des retards – notons que seule la délivrance des actes est actuellement dématérialisée, à l’exclusion de leur établissement, de leur mise à jour et de leur conservation –, ce chantier de modernisation et de simplification administrative satisfait les usagers. Ainsi, seulement 0,3 % des 1,3 million d’actes demandés ont été accompagnés d’une demande d’impression.

Selon les rapports évoqués par notre rapporteur, les usagers y voient une simplification bienvenue des démarches. Dorénavant, plus aucune présentation physique dans un consulat n’est nécessaire. C’est un chantier plein de bon sens, d’autant que, dans certains pays, le service postal est tout simplement inexistant.

Certains souligneront que les économies de papier sécurisé et de frais d’acheminement ne parviendront pas à compenser des coûts plus importants que prévu. C’est vrai : l’inspection générale des affaires étrangères évalue le coût total à 11,35 millions d’euros. Néanmoins, les économies générées se répéteront tous les ans. Cette dématérialisation est donc un investissement pour l’avenir.

Mes chers collègues, plusieurs d’entre nous peuvent redouter que les efforts généralisés de dématérialisation, qui obéissent au double impératif de réduction des dépenses publiques et de simplification administrative, ne conduisent à écarter les personnes démunies face au numérique.

Personnes âgées ou déconnectées, beaucoup manient mal ou ne manient pas du tout les outils modernes qui sont aujourd’hui à notre service. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter les retraités qui ne parviennent pas à fournir un certificat d’existence, la démarche en ligne étant bloquée par l’impossibilité de s’identifier sur FranceConnect, comme c’est encore le cas dans de nombreux pays.

Rappelons que les Français de l’étranger sont nombreux à ne pas avoir de compte sur ameli.fr ou le site des impôts. Quant au service d’identité numérique de La Poste, il est très, voire trop souvent défaillant : même des personnes chevronnées échouent à s’identifier. Par ailleurs, même lorsqu’il fonctionne, le service est ouvert à un nombre trop faible de pays.

La dématérialisation doit avoir pour corollaire l’accessibilité pour toutes et tous, sans quoi elle rime avec l’exclusion, ce qui n’est pas acceptable.

L’administration consulaire est fière de ce chantier, et à juste titre. Celui-ci participe à son rôle essentiel : incarner les services de l’État à l’étranger qui œuvrent au quotidien pour nos compatriotes – c’est son ADN même.

En outre, ces chantiers pilotes de l’administration consulaire renvoient une image novatrice et dynamique de la France à l’étranger. Je partage donc la fierté de l’administration.

Depuis 2019, à chaque session de l’AFE, le ministre chargé des Français de l’étranger – qu’il s’agisse de Jean-Baptiste Lemoyne, que je salue, d’Olivier Becht, ou, aujourd’hui, de Franck Riester – ne manque jamais de rappeler la volonté d’offrir à nos concitoyens établis hors de France un service public moderne et simplifié.

Le rapporteur de la commission des lois a souhaité que l’AFE soit destinataire d’une information sur cette expérimentation de dématérialisation des actes d’état civil. J’ai soutenu sa proposition, car tout ce qui va dans le sens d’un renforcement du rôle des élus doit être défendu.

Je note toutefois que les sessions plénières de l’AFE, qui se déroulent deux fois par an pendant cinq jours, à Paris, sont toujours l’occasion de faire un point sur ce chantier, lequel relève de la compétence de la commission des lois de cette institution.

Informer l’AFE est une bonne chose, mais est-ce suffisant ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. La réponse est dans la question…

Mme Olivia Richard. Je déplore que l’AFE ne réunisse que 20 % des conseillères et des conseillers des Français de l’étranger. À charge pour ses membres de relayer les informations reçues, me direz-vous ! Soit, mais rappelons que, contrairement aux élus locaux de nos territoires, les conseillères et les conseillers des Français de l’étranger ne disposent d’aucun moyen d’assistance dans l’exécution de leur mandat. Ainsi, ce débat me donne l’occasion d’exprimer une nouvelle fois un vif regret : que tous les élus locaux des Français établis hors de France ne soient pas membres à part entière de l’AFE.

Mes chers collègues, cette expérimentation prend davantage de temps qu’escompté. Certes, mais l’enjeu est d’importance, car elle ouvre la voie à la dématérialisation des actes d’état civil également en France.

Permettez-moi de remercier le ministre délégué chargé des Français de l’étranger, Franck Riester, Mme Pauline Carmona, directrice des Français à l’étranger et de l’administration consulaire à l’administration centrale du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, et l’ensemble des agents affectés à cette tâche.

En moins d’un an, les grands chantiers de la modernisation de l’administration consulaire ont été repris avec un grand pragmatisme. Le service France Consulaire, plateforme téléphonique permettant un contact direct et une réponse rapide, est un bon remède : il évite de laisser sur le bord de la route les « fracturés » numériques. En quelques mois, une expérimentation pour le renouvellement dématérialisé des passeports a également été lancée. Je salue ces avancées et en attends les résultats avec impatience.

Vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste votera cette proposition de loi de notre collègue Samantha Cazebonne. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier ma collègue Samantha Cazebonne d’être à l’initiative de ce texte, ainsi que Christophe-André Frassa, pour son travail en tant que rapporteur de la commission des lois.

Je n’apprendrai rien à personne : lorsque vous vivez à l’étranger, le contact avec les autorités françaises peut être très compliqué, mais il n’en est pas moins indispensable. On pense par exemple aux déclarations de naissance après un accouchement, qui doivent s’effectuer au consulat. Si vous habitez à Manakara, une ville de la côte est de Madagascar, vous devez prendre rendez-vous au consulat à Antananarivo : l’aller représente une journée entière de trajet, lequel s’effectue de toute évidence dans des conditions difficiles.

On comprend donc bien comment et pourquoi la dématérialisation des démarches peut faciliter très concrètement la vie des Françaises et des Français établis hors de France.

Alors que les rendez-vous au consulat où l’envoi d’une lettre restent aujourd’hui souvent indispensables, malgré les longues distances et des services postaux aléatoires dans certaines régions du monde, cette dématérialisation pourrait à terme rendre possibles certaines démarches en ligne directement. Malheureusement, nous n’y sommes pas encore.

En revanche, l’expérimentation a montré que l’envoi des actes d’état civil, par exemple, pouvait se faire en ligne – cela concerne les demandes des Françaises et des Français de l’étranger, des citoyennes et des citoyens naturalisés, ainsi que les demandes relatives aux actes établis dans les anciennes colonies.

Ma collègue Mathilde Ollivier et moi-même saluons cette nouvelle possibilité qui, de manière très concrète, facilite le quotidien de nos compatriotes. C’est pourquoi nous soutenons pleinement la pérennisation de cette avancée par la présente proposition de loi.

Malheureusement, c’est le seul volet de l’expérimentation qui a vu le jour, alors qu’elle a été lancée il y a quatre ans. Ni la déclaration en ligne des événements d’état civil survenus à l’étranger ni la dématérialisation complète du traitement des actes n’ont été expérimentées à ce jour. Comme l’expérimentation prendra fin le 10 juillet prochain, ces volets ne seront jamais expérimentés si nous ne votons pas la prolongation prévue par ce texte.

Or abandonner l’expérimentation maintenant reviendrait à fermer la porte à une avancée potentiellement importante pour les Français de l’étranger, alors même que d’autres pays nous montrent que la dématérialisation est tout à fait réaliste et possible : c’est le cas de la Belgique et de l’Italie, entre autres, où les demandes et l’envoi des actes peuvent être accomplis entièrement en ligne.

Il nous faut absolument éviter l’abandon automatique de l’expérimentation dans cinquante-sept jours : voilà pourquoi nous devons soutenir sa prolongation en votant cette proposition de loi.

Nous devons toutefois nous poser une question essentielle : pourquoi la dématérialisation a-t-elle pris autant de retard, celui-là même qui nous oblige à voter une prolongation aujourd’hui ? De mon point de vue, cela s’explique par le manque de moyens indispensables alloués à cette expérimentation, ce qu’a d’ailleurs démontré le rapport d’évaluation remis au Parlement au mois de mars.

Non seulement le développement informatique a pris du retard, mais, en plus, les informaticiens ont été réaffectés à d’autres tâches au sein du ministère, si bien qu’ils n’ont pas pu continuer à travailler sur l’expérimentation. Dans ces conditions, il était impossible de faire avancer de manière satisfaisante la dématérialisation.

Il aurait fallu procéder à des embauches dès l’apparition de ce retard. Or, à la place, le Gouvernement a annulé des crédits budgétaires par décret : au contraire, il faut augmenter les moyens ! Nous craignons que cette dématérialisation ne puisse servir de prétexte pour réduire les moyens du MEAE et, in fine, supprimer des postes.

Comme Mathilde Ollivier et moi-même l’avions demandé lors de l’examen de la loi de finances, il faut investir dans l’accompagnement individuel des Françaises et des Français de l’étranger. De plus, il faut absolument veiller à l’accessibilité, à la fiabilité et à la sécurité de l’état civil du ministère : nous défendrons divers amendements en ce sens.

Enfin, je me réjouis que le rôle de l’AFE ait été conforté, notamment grâce au travail du rapporteur.

Grâce à cette expérimentation, nos compatriotes de l’étranger pourraient être, une fois de plus, à l’avant-garde des mutations de l’action publique qui, à terme, profiteront à toutes les Françaises et à tous les Français, y compris à ceux qui vivent en France métropolitaine. C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ian Brossat.

M. Ian Brossat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui appelés à délibérer sur la question de la dématérialisation des actes d’état civil pour nos compatriotes vivant à l’étranger, soit une réforme phare du MEAE.

Plus précisément, il nous est demandé de nous prononcer sur la pérennisation définitive du dispositif mis en place pour gérer l’octroi des copies et extraits d’actes d’état civil, ainsi que sur la prolongation de l’expérimentation de la dématérialisation du traitement de l’état civil des Français de l’étranger, c’est-à-dire l’établissement, la mise à jour et la conservation des actes.

Le retour d’expérience sur l’expérimentation en vigueur depuis 2019 nous donne l’occasion d’apprécier les atouts, mais aussi les limites de cette démarche de dématérialisation, grâce à sa pratique par les services du ministère et les usagers de ce service public.

Nous reconnaissons bien volontiers les mérites de la dématérialisation : à l’évidence, elle apporte une solution concrète à nos compatriotes éparpillés aux quatre coins du monde ; elle facilite l’accès aux services d’état civil, alors que certains de nos concitoyens doivent parcourir de longues distances pour obtenir des documents essentiels.

Pour autant, nous ne pouvons ignorer ce qu’implique la dématérialisation d’un tel service public. Comme le souligne fréquemment la Défenseure des droits, la dématérialisation n’est pas anodine et ne peut s’effectuer sans prendre en compte ses conséquences pour tous les usagers.

Le service public doit être accessible à tous. Or, de manière générale, la dématérialisation du service public a pour écueil d’accroître des inégalités et d’isoler les personnes les plus éloignées du service public. Ainsi, la dématérialisation ne saurait s’accomplir au détriment de l’accessibilité.

À cet égard, il convient de souligner que s’ajoutent d’autres inégalités face à la dématérialisation : des régions entières du globe ont un accès limité à internet et des gouvernements étrangers restreignent l’accès à des sites essentiels, y compris ceux de nos ministères. Ces barrières ne peuvent être négligées.

Un autre enseignement doit être tiré de l’expérimentation en place depuis 2019 : les services publics, même numériques, doivent être de qualité. Or le logiciel utilisé par les services d’état civil du MEAE depuis plusieurs années a connu des défaillances importantes à plusieurs reprises, allant jusqu’à la disparition de certains actes d’état civil du système. Lors de la panne du portail de l’État en octobre 2023, les services ont rencontré une difficulté technique interrompant les demandes d’extrait ou de copie d’actes en ligne pendant plusieurs jours. En conséquence, le délai de traitement des demandes non urgentes a fortement augmenté et le nombre d’appels et de courriels a explosé.

Pour autant, rien n’a été mis en œuvre pour remédier à ces difficultés et éviter qu’elles ne se reproduisent, et le même logiciel continue à être utilisé.

Enfin, cette réforme permet de faire des économies sur les frais d’affranchissement, et c’est tant mieux. Toutefois, elles ne sauraient être réalisées sur le dos du personnel du ministère. Pourtant, depuis septembre 2021, onze équivalents temps plein ont été supprimés et le ministère a prévu d’en supprimer vingt de plus. Nous ne saurions nous en réjouir.

Or, si, à la suite de la dématérialisation, certains postes sont moins sollicités, d’autres, à l’inverse, doivent être créés pour accompagner les usagers et les agents face à ces évolutions technologiques.

Ainsi, si la dématérialisation de l’état civil du MEAE répond indéniablement à une demande et à un besoin des usagers, elle ne peut se faire au détriment de l’accessibilité et de la qualité du service public.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Girardin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Annick Girardin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup a déjà été dit sur cette proposition de loi visant à poursuivre la dématérialisation de l’état civil du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ; M. le ministre a lui-même dressé le bilan de l’expérimentation mise en place.

Depuis 2019, les Français de l’étranger bénéficient d’une dématérialisation, qui se veut complète, de leurs actes d’état civil. Cette expérimentation, qui donne le droit au MEAE d’expédier une version électronique plutôt qu’une version papier d’une copie d’acte d’état civil, est bénéfique sur les plans à la fois écologique, administratif et financier.

Naturellement, l’expérimentation rencontre un franc succès. Depuis mars 2021, le service central d’état civil a délivré plus de 2,5 millions de documents d’état civil dématérialisés : que de temps gagné, d’économies réalisées, de tracasseries épargnées et d’arbres sauvés !

L’administration a évalué les dépenses évitées à plus de 1,2 million d’euros chaque année. Pour l’usager, cette avancée a permis une simplification des démarches et un raccourcissement des délais de délivrance des copies. Par ailleurs, les différents rapports remis au Sénat soulignent une adhésion progressive au projet et une évolution positive.

Forte de son succès, l’expérimentation mise en place en 2019 a été reconduite jusqu’en juillet 2024. La reconduire une nouvelle fois apparaît nécessaire pour finaliser les différentes phases de la démarche de transformation engagée.

Cette proposition de loi est donc la bienvenue : elle permet de pérenniser la dématérialisation de la délivrance des copies et de proroger, jusqu’en juillet 2027, la dématérialisation du traitement de l’état civil.

Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen salue l’ancrage de cette expérimentation, qui s’inscrit dans la continuité de la position que nous avions exprimée lors de l’examen de la loi Essoc. Nous approuvons également les travaux menés en commission par le rapporteur.

Il est absolument indispensable que cette expérimentation soit la dernière et que le MEAE soit tout de suite au rendez-vous de la finalisation du déploiement, rapide, de tous les outils prévus, afin de ne pas accroître les préjudices déjà causés par les multiples reports des dispositions initiales de la loi Essoc. Ces retards se déportent en premier lieu sur les usagers.

Par ailleurs, nous sommes favorables à associer l’AFE à l’évaluation de cette mesure. Le format reste à définir, mais le souhait du rapporteur de voir émerger un débat suivi d’un vote consultatif sur sa mise en œuvre nous semble être une voie judicieuse vers davantage de transparence.

Ce texte montre le chemin vers une administration exemplaire en matière d’écologie et d’économies, soucieuse de proposer dans le même temps à ses administrés des démarches de plus en plus simplifiées.

Pour autant, cette évolution ne doit pas faire oublier l’indispensable sécurisation des démarches et l’amélioration de l’accueil des usagers lorsque leur présence physique reste nécessaire. De manière générale, le RDSE soutient les objectifs de modernisation, de simplification et de réduction des coûts dans tous les services publics français. Toutefois, ils ne peuvent légitimer l’éloignement constaté entre l’administration et le public.

À cet égard, je rappellerai que, l’année dernière, notre groupe a fait adopter à l’unanimité une proposition de résolution visant à préserver l’accès pour tous aux services publics. C’est donc à cette condition que le RDSE votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ludovic Haye.

M. Ludovic Haye. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi avant toute chose de remercier ma collègue Samantha Cazebonne pour le travail réalisé sur ce texte, ainsi que pour son exposé très clair sur les enjeux qui y sont liés.

La dématérialisation de l’état civil est un sujet clé pour les Français de l’étranger. En effet, malgré sa très grande qualité, le réseau consulaire français ne peut être présent partout. Cette expérimentation vise ainsi à rapprocher les Français de l’étranger de l’État. Il s’agit surtout d’une réforme de bon sens, animée par la volonté de faciliter la vie des Français de l’étranger : c’est une dimension essentielle de la proposition de loi, qui ne saurait être oubliée.

L’expérimentation menée depuis la loi Essoc – je remercie M. le ministre d’en avoir retracé l’historique – est un succès indéniable. En 2023, ce sont près de 1,3 million de copies ou d’extraits d’actes d’état civil qui ont été délivrés. Cela représente des économies budgétaires et de personnels pour le ministère, ainsi qu’une simplification des démarches pour l’usager.

L’observatoire de la qualité des démarches en ligne, devenu Vos démarches essentielles, note à 8,7 sur 10 le taux de satisfaction des usagers au sujet de la dématérialisation. Ainsi, l’article 1er du présent texte pérennise dans le code civil la dématérialisation de la délivrance des copies intégrales et des extraits d’actes : il inscrit donc dans la loi un dispositif qui fonctionne.

Il est vrai que le reste des dispositions prévues en 2018 tardent à venir. Quelque part, ce retard est normal puisque l’administration entreprend un chantier important, sous-tendant un vaste changement de paradigme. Toutefois, des réserves ont été exprimées en commission par certains de mes collègues. Je pense notamment à l’amendement tendant à ce qu’un effort accru de transparence soit fait, ce qui me semble aller dans la bonne direction.

De façon constructive et positive, il intègre l’AFE à l’évaluation des progrès de l’expérimentation. Les conseillers des Français de l’étranger seront indubitablement les meilleurs juges de la mise en place de cette réforme puisqu’ils sont directement en contact avec les bénéficiaires de cette dernière.

La prolongation de l’expérimentation jusqu’en 2027 est nécessaire afin de mettre en place la dématérialisation de l’établissement, de la mise à jour et de la conservation des actes d’état civil. En 2027, le MEAE possédera un état civil complet, fonctionnel et facile d’accès – le ministère a déjà tant investi dans ce projet qu’il serait illogique d’y mettre fin maintenant !

Lors de la présentation du texte, notre collègue Cazebonne a évoqué deux sujets collatéraux particulièrement importants, à savoir la fracture numérique et la cybersécurité.

Le maintien à Nantes d’un service permettant de contacter le ministère par téléphone et de recevoir une copie d’acte par courrier constitue une ligne rouge. Sur ce sujet, le Gouvernement s’est voulu rassurant en rappelant son intention de ne pas créer de rupture d’égalité dans l’accès aux services publics. Je l’en remercie.

Se pose aussi la question de la cybersécurité. La dématérialisation fait peser une charge supplémentaire sur les systèmes d’information et de communication du ministère. Toutefois, l’analyse des risques réalisée a montré la solidité de nos infrastructures et n’a pas révélé de risque supplémentaire.

Ce texte est cohérent avec l’effort de simplification voulu par les Français et le Gouvernement. La dématérialisation est une pierre angulaire de la clarification des démarches d’état civil.

À l’heure du numérique, c’est à nous qu’il revient de mettre fin à une administration bureaucratique croulant sur les formulaires papier et les signatures manuscrites. Cette expérimentation et son succès préfigurent des chantiers qui seront ensuite appliqués plus largement. Le temps, les moyens et l’énergie investis depuis 2019 sont autant d’économies réalisées pour la suite.

Vous l’aurez compris, le groupe RDPI votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme ceux qui se sont exprimés avant moi, je veux remercier notre collègue Samantha Cazebonne d’avoir déposé au Sénat cette proposition de loi, qui vise deux objectifs.

Le premier consiste à pérenniser, en l’insérant dans le code civil, le premier volet de l’expérimentation, à savoir la dématérialisation de la délivrance des copies intégrales et des extraits d’actes d’état civil. La simplification et le gain de temps pour les Français de l’étranger sont indéniables.

Certains de nos compatriotes sont contraints de faire de longues heures de trajet, parfois en avion, pour se rendre au consulat le plus proche ou doivent attendre le passage aléatoire des tournées consulaires ; d’autres peinent à mener à bien leurs démarches en raison de la défaillance des services postaux de leur pays de résidence.

Cette expérimentation est utile et a fait ses preuves : 2,5 millions d’actes ont été délivrés par voie dématérialisée depuis sa mise en place en 2021. Il est donc tout à fait logique que nous accueillions positivement sa pérennisation.

Le second objectif tend à proroger la durée de ses autres volets, qui concernent l’établissement, la conservation et la mise à jour des actes d’état civil dans le cadre du registre électronique.

Cinq ans se sont déjà écoulés depuis le lancement de cette expérimentation ; son coût est d’ores et déjà de 5 millions d’euros et le montant total devrait doubler. Malgré une première prolongation de deux ans, cette partie du dispositif n’a été lancée qu’en janvier 2024.

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous aimerions connaître les causes des retards accumulés et des coûts supplémentaires qui les accompagnent. Les problèmes en matière de développement informatique sont-ils liés à un manque de personnel et d’investissement dans les outils nécessaires ?

Vous comprendrez également que nous souhaitions instaurer un contrôle budgétaire accru, au vu du manque d’anticipation des dépenses, dès lors que 61 % de l’expérimentation a été financée grâce à des cofinancements, notamment par la mise à contribution du programme 151.

Nous dénonçons chaque année le manque de moyens alloués aux affaires consulaires, un domaine qui ne saurait supporter des ponctions supplémentaires. D’ailleurs, les onze équivalents temps plein supprimés n’auraient-ils pas pu être redéployés au sein d’un ministère qui manque cruellement de moyens afin, justement, d’accélérer la dématérialisation ?

Il est important pour nous d’obtenir ces réponses, même si, sur le fond, nous sommes favorables à une nouvelle prolongation – formons toutefois le vœu qu’il s’agisse bien de la dernière ! – afin de permettre l’achèvement d’un projet bénéfique tant aux usagers qu’à l’administration. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste demandera au Gouvernement la transmission au Parlement du point d’étape annuel présenté à l’Assemblée des Français de l’étranger, de manière que nous puissions exercer notre mission de contrôle.

Vous l’aurez compris, cette proposition de loi répond parfaitement aux besoins du Gouvernement de modifier l’ordonnance prise en 2019.

J’ajoute un mot à ce propos.

Mon groupe, comme la plupart de nos collègues présents, a eu l’occasion de dénoncer avec raison le recours outrageux aux ordonnances, qui est une constante depuis 2017. Ce véhicule législatif implique naturellement la possibilité de ne pas solliciter l’avis du Conseil d’État, ce qui est toujours utile lorsque l’on a à craindre une saisine ultérieure du Conseil constitutionnel ; il se caractérise également par l’absence d’étude d’impact, c’est-à-dire de cette obligation faite à l’administration d’estimer le coût d’une réforme, ses effets induits ou son calendrier de déploiement. Cet exercice de prospective rationnelle et construite a pour avantage d’informer le Parlement, et pour inconvénient de pouvoir lui être ultérieurement opposé. Tel aurait sans doute pu être le cas ici.

L’excellent rapport présenté par notre collègue Christophe-André Frassa sur cette proposition de loi relève les deux écueils auxquels cette dématérialisation s’est heurtée : celui du coût et celui du temps, avec un dérapage de 100 % pointé par l’inspection générale et un retard d’au moins trois ans et demi par rapport au premier délai fixé par loi Essoc. C’est cela que votre recours aux ordonnances a rendu possible et nous ne saurions nous en satisfaire.

Cependant, cette proposition de loi nous offre l’occasion d’aller plus loin, tant les chantiers sur la simplification et la modernisation des services rendus aux usagers à l’étranger sont importants. À nous de nous en saisir !

La première priorité serait de régler une bonne fois pour toutes les difficultés de connexion à la plateforme FranceConnect. Dans l’attente du déploiement du programme France Identité, qui devrait permettre à terme à chaque personne de justifier de son identité en ligne de manière simple, sécurisée et garantie par l’État, nombre de nos compatriotes sont confrontés à un véritable parcours du combattant, souvent sans issue, pour mener à bien leurs démarches administratives.

La plupart d’entre eux ne sont ni résidents fiscaux ni assurés sociaux en France et ne disposent donc pas de numéro fiscal ou de numéro de sécurité sociale pour se connecter via le portail impots.gouv.fr ou ameli.fr. L’application Yris ne fonctionne pas dans certains pays et l’identité numérique de La Poste, quant à elle, ne reconnaît toujours pas le numéro de téléphone de 20 % des usagers.

Les retraités établis hors de France, par exemple, qui ont besoin de transmettre leur certificat de vie et de faire valoir leurs droits à pension, se trouvent ainsi dans une impasse : l’accès à leur espace personnel de l’assurance retraite n’est possible que via FranceConnect.

Monsieur le ministre, il est urgent de prendre enfin des mesures pour résoudre ce dysfonctionnement majeur en y consacrant les moyens financiers et humains nécessaires ; à défaut, la modernisation se limiterait à une fausse simplification. Avant de chercher à élargir la gamme de la dématérialisation, assurons-nous que les services publics de base fonctionnent et sont accessibles à tous.

Le deuxième chantier prioritaire concerne le renouvellement à distance des cartes nationales d’identité (CNI) et des passeports. Votre ministère a lancé une expérimentation relative à ce dernier document en octobre dernier au sein de cinq postes consulaires au Canada et au Portugal. Cette facilité administrative répond à une demande forte et récurrente des usagers éloignés de leur consulat et n’étant pas en mesure de s’y rendre.

La France accuse pourtant un retard par rapport à d’autres pays, comme le Royaume-Uni, où ces documents sont reçus dans un délai de quarante-huit heures. L’effet dissuasif lié à la lenteur et à la complexité de l’obtention du passeport français est tel que certains binationaux vont jusqu’à y renoncer. Vous en conviendrez : c’est regrettable !

Cette expérimentation, dont l’échéance est prévue en février 2025, gagnerait donc à être accélérée, généralisée, mais aussi élargie. En effet, les statistiques montrent que 50 % des demandes au Portugal concernent non seulement les passeports, mais aussi les CNI, alors même que celles-ci sont pour l’instant exclues du champ du dispositif.

Monsieur le ministre, nos compatriotes peuvent-ils espérer avoir accès au renouvellement à distance de leur titre d’identité ?

À l’approche des élections européennes, comment ne pas évoquer enfin le vote et l’établissement des procurations par voie électronique ?

Nos postes consulaires déploient des efforts remarquables pour assurer le bon déroulement des opérations électorales, notamment en offrant la possibilité du vote à l’urne. Cependant, trop peu de nos compatriotes en bénéficient. Dans des circonstances extrêmes, certains d’entre eux paient un éloignement trop important de l’impossibilité même d’exercer leur droit constitutionnel de désigner leurs représentants.

La mise en place d’un service en ligne de gestion des procurations le leur permettrait et soulagerait les équipes consulaires en tension. Le ministère de l’intérieur et des outre-mer semble projeter la mise en place d’un tel système, mais bute, une fois encore, sur la question de l’authentification des votants. Monsieur le ministre, où en est donc cette réflexion, menée conjointement avec votre ministère ?

Je souhaite enfin souligner que l’ensemble de ces évolutions doit se faire au bénéfice de tous nos compatriotes. Les plus âgés d’entre eux, en particulier, ne disposent ni d’identité numérique, ni d’ordinateur, ni de smartphone, et se tournent souvent vers leurs élus de proximité, qui réalisent un travail exceptionnel pour les assister. J’ai ainsi à l’esprit ces conseillers qui tiennent des permanences, qui portent des dossiers auprès des consuls honoraires ou des consulats et qui les relaient en direction des parlementaires.

Pour toutes ces personnes, le contact humain est essentiel. Nous défendrons donc un amendement tendant à veiller à ce que toutes les voies d’accès aux services publics, physiques comme numériques, restent ouvertes. Il s’agit d’ailleurs d’une préconisation que la Défenseure des droits a rappelée dans son dernier rapport annuel.

Le MEAE devient, grâce à cette expérimentation, un véritable laboratoire, en proposant un service innovant aux Français de l’étranger, qui a vocation à s’étendre, à terme, à l’ensemble des usagers de l’Hexagone et des outre-mer. Aussi, nous ne pouvons qu’espérer que celle-ci aboutisse.

Sous réserve des conditions que j’ai mentionnées, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Le Gleut. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Ronan Le Gleut. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues : « un parcours du combattant » ! Combien de fois au cours de mes déplacements à la rencontre des communautés françaises à l’étranger ai-je entendu cette expression dans la bouche de nos compatriotes pour qualifier leurs démarches administratives auprès de nos postes diplomatiques et consulaires ?

Les Français résidant en France se plaignent souvent, également, de leurs relations avec l’administration, mais lorsque l’on vit à l’étranger, les difficultés sont démultipliées. Nous, Français établis hors de France, avons coutume de dire que les consulats sont nos mairies. Or, lorsque vous résidez à plusieurs centaines de kilomètres du consulat, obtenir un document, refaire son passeport ou voter sont autant d’opérations compliquées.

Au 31 décembre 2023, le nombre d’inscrits au registre des Français établis hors de France s’élevait à 1 692 978. Ainsi, si les Français de l’étranger constituaient un département, ce serait le cinquième le plus peuplé de France, après le Nord, Paris, les Bouches-du-Rhône et le Rhône.

Cependant, l’inscription au registre des Français établis hors de France n’étant pas obligatoire, on estime que le nombre global de Français qui vivent à l’étranger serait plutôt de l’ordre de 3 millions, soit une population comprise entre celle de la région Bourgogne-Franche-Comté et celle de la Bretagne.

Or nos compatriotes établis hors de France peuvent parfois vivre à des centaines de kilomètres du consulat le plus proche et le seul moyen de transport raisonnable pour l’atteindre est alors l’avion. Citons par exemple les situations que l’on rencontre au Canada, en Australie ou encore au Brésil. Dans de telles circonstances, on mesure combien la dématérialisation des actes de l’état civil répond à une nécessité.

Tout ce qui tend à simplifier la vie des Français de l’étranger est bienvenu. L’expérience de dématérialisation menée par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, initiée par la loi Essoc en 2018, a ainsi bénéficié de notre soutien, d’autant plus qu’elle restera – nous en avons reçu l’assurance – une option, n’excluant pas le recours aux demandes papier pour ceux de nos compatriotes qui ne maîtrisent pas le numérique.

Pour autant, si nous pouvions nous attendre à un retard de mise en œuvre, voire à une prolongation de l’expérimentation, aucun d’entre nous ne s’attendait à un quasi-triplement du délai. Quand vous faites venir un entrepreneur pour effectuer des travaux dans votre appartement et que celui-ci vous annonce une durée de trois mois, vous savez que cela va peut-être prendre quatre ou cinq mois, mais vous n’anticipez pas neuf mois de retard.

Je partage donc la réserve circonspecte de notre collègue Christophe-André Frassa, que je remercie de son excellent rapport, quant à cette nouvelle prorogation de l’expérimentation, laquelle – hélas ! – ne fait pas mentir l’adage « jamais deux sans trois ». Veillons toutefois à ne pas donner naissance à une nouvelle expression : « Jamais trois sans quatre ! »

L’amendement de Christophe-André Frassa visant à imposer une présentation annuelle par le Gouvernement d’un état d’avancée de l’expérimentation devant l’Assemblée des Français de l’étranger apparaît à ce titre comme une excellente initiative. Cette communication spécifique, en lieu et place d’une vague évocation diluée au sein du bilan général présenté par le ministre délégué chargé des Français de l’étranger à l’AFE, aura pour effet d’obliger le Gouvernement à la transparence et, surtout, à l’action.

L’examen de cette proposition de loi me donne l’occasion de dresser un constat global quant aux choix opérés par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères dans le domaine numérique.

Si certaines administrations françaises ont bien géré la transition numérique, celle du MEAE semble avoir de grandes difficultés à faire des choix cohérents et efficaces sur ces sujets techniques. Cette expérimentation de dématérialisation avec des prolongations à rallonge en est une illustration supplémentaire, mais les immenses couacs à répétition lors des votes électroniques le démontraient aussi de manière éclatante. Je pourrais citer bien d’autres exemples de tout ce qui ne fonctionne pas dans le domaine numérique pour les Français de l’étranger, à l’image des difficultés rencontrées pour utiliser FranceConnect.

Monsieur le ministre, où est la start-up nation annoncée et voulue par le Président de la République dès sa première élection en 2017 ? Quel échec ! Sept ans après, la France est infiniment moins avancée que tant d’autres pays en termes de transition numérique !

Formons le vœu, pour le bien de la Nation et des Français, que, de manière générale, les progrès s’accélèrent enfin et que, concernant en particulier la question de la dématérialisation des actes d’état civil, qui nous intéresse aujourd’hui, la nouvelle prolongation de l’expérimentation soit la dernière, que ce troisième délai de mise en œuvre soit enfin le bon.

Dans cet espoir, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Aymeric Durox.

M. Aymeric Durox. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi vise à pérenniser la dématérialisation de la délivrance des copies et extraits des actes d’état civil du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, ainsi qu’à proroger jusqu’au 10 juillet 2027 l’expérimentation de la dématérialisation de l’ensemble des champs du traitement de l’état civil.

Même s’il est frustrant de constater que, depuis le début de cette démarche permise par le législateur en 2019, l’ensemble de la dématérialisation n’a pu être mise en œuvre par le ministère et que celui-ci n’a pas fait preuve, selon mes collègues de la commission des lois du Sénat, de la plus totale transparence, il convient d’accompagner ce processus, qui est utile pour nos concitoyens.

Nous considérons que la dématérialisation des actes d’état civil permet de faire de la France un État moderne, efficace et rigoureux quant à la gestion de ses finances publiques.

Un État moderne, d’abord, qui fait un pas de plus vers la dématérialisation de documents authentiques, permettant ainsi aux Français de bénéficier en ligne de ces avancées concrètes, en particulier pour nos compatriotes de l’étranger qui vivent parfois à des centaines, voire à des milliers de kilomètres du premier service consulaire.

Un État efficace, ensuite, simplifiant les démarches des usagers, qui pourront disposer des copies ou extraits d’actes d’état civil dans des conditions optimales de sécurité et dans de meilleurs délais. Il leur sera également possible de déclarer en ligne des événements d’état civil de leur vie quotidienne, sans avoir à effectuer de longs déplacements en distance et en temps d’attente.

Enfin, un État soucieux de ses finances publiques, grâce à la réalisation d’économies d’échelle liées à la suppression du papier, à une meilleure gestion des parcours et des carrières et à la réaffectation de l’administration à des tâches clés. En l’espèce, nous visons la nécessité pour le ministère de compter, à effectifs constants, sur davantage d’emplois d’attaché scientifique et culturel dans nos ambassades ou encore de conseiller politique dans des pays où la France doit renforcer sa présence.

Grâce à l’amélioration du texte par la commission des lois du Sénat, qui a notamment conditionné la poursuite de cette expérimentation à une meilleure gestion des coûts et à un effort accru de transparence, nous pouvons voter sereinement cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 1er du décret du 20 septembre 1792 confiait aux municipalités les actes destinés à consacrer les naissances, les mariages, les décès, autrefois établis par le clergé.

Aujourd’hui, nous examinons le texte visant à parachever l’établissement du registre de l’état civil électronique géré par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Il s’agit de la dématérialisation des données de l’état civil dans toutes ses composantes : établissement, mise à jour, délivrance, conservation. Désormais, les actes figurant dans le registre ont la même valeur juridique que les copies ou extraits délivrés auparavant sur support papier. Vous reconnaîtrez avec moi qu’il s’agit d’une avancée considérable pour nos compatriotes Français de l’étranger.

Nous tous, nos familles, nos amis, nos relations connaissons les affres de l’accès aux services de l’état civil de Nantes pour les Français nés à l’étranger ou vivant à l’étranger. Depuis une dizaine d’années, ceux-ci peuvent solliciter la délivrance d’un acte par internet ; toutefois, son acheminement par voie postale peut prendre des semaines, voire des mois.

L’expérimentation de la dématérialisation, décidée en 2019 et prévue initialement pour trois ans, puis prorogée jusqu’en juillet 2024, a débuté par la délivrance des actes d’état civil sur support électronique.

Cette possibilité a, d’une part, permis de réduire le délai à quelques jours seulement et, d’autre part, suscité un fort engouement des usagers. Pour rappel, en 2022, plus d’un million d’actes d’état civil ont été délivrés par voie électronique, contre 25 000 sur papier. Au cours des trois premiers trimestres de 2023, on compte 925 000 actes électroniques, contre seulement 3 000 documents papier.

Que reste-t-il à faire ? Tout d’abord, il faut achever la mise en place technique du dispositif pour permettre l’établissement, la mise à jour et la conservation des actes d’état civil, puis leur mise à la disposition des usagers. C’est la raison pour laquelle une nouvelle prorogation est nécessaire.

Les bénéfices attendus du développement des autres volets pour les usagers sont la simplification des démarches et la réduction des délais. Ainsi, un Français de l’étranger ne sera plus contraint de prendre l’avion pour déclarer la naissance de son enfant dans un poste consulaire très éloigné de son lieu de résidence, et ne sera plus dépendant des services postaux locaux, parfois défaillants, voire inexistants.

Les bénéfices pour les postes consulaires sont également connus : les agents chargés de l’état civil gagneront du temps. Ils pourront se consacrer à d’autres missions et soulager, par exemple, les services des visas, en tension dans de nombreux pays.

L’administration, quant à elle, vise une réduction des coûts liés à la gestion des documents papier, le redéploiement des effectifs du service courrier vers d’autres tâches ainsi que la facilitation des échanges d’informations avec les différentes institutions et administrations : l’Insee, la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), la sous-direction de l’accès à la nationalité française, les préfectures et les services de retraite de l’État.

Je ne peux donc qu’apporter mon soutien à ces évolutions importantes et je voterai, bien entendu, en faveur de ce texte.

Toutefois, monsieur le ministre, j’appelle à la vigilance sur trois points qui me paraissent fondamentaux.

Le premier est la nécessité d’une sécurité numérique sans faille pour protéger les informations personnelles et sensibles contre les cyberattaques et les violations de la vie privée.

Deuxième point : les besoins en matière de développement pour l’achèvement du registre doivent faire l’objet d’une évaluation juste et réaliste, et le coût de son déploiement être précisément chiffré et davantage maîtrisé. Nous constatons aujourd’hui que tous les crédits le concernant ne sont malheureusement pas sécurisés : son budget, évalué à 5 millions d’euros à l’origine, s’établirait en réalité à 11,35 millions d’euros.

Enfin, le troisième point s’attache au nécessaire accompagnement des populations, notamment des seniors, dans l’usage de ces nouveaux outils ; une mission en ce sens pourrait être confiée aux conseillers des Français de l’étranger, car certains d’entre eux s’en chargent déjà.

Du succès de la dématérialisation des actes d’état civil du service de Nantes dépend le déploiement d’un registre électronique à une plus large échelle, celle du territoire national, une simplification attendue tant par les municipalités que par les usagers. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La discussion générale est close, nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à poursuivre la dématérialisation de l’état civil du ministère de l’europe et des affaires étrangères

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à poursuivre la dématérialisation de l'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères
Article 2 (début)

Article 1er

Après le premier alinéa de l’article 101-1 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les copies intégrales ou les extraits des actes de l’état civil établis par le ministère des affaires étrangères peuvent être délivrés sur support électronique. »

Mme la présidente. La parole est à M. Yan Chantrel, sur l’article.

M. Yan Chantrel. Le champ de cette proposition de loi est restreint, alors que la dématérialisation ne saurait se réduire à la seule question de l’état civil. J’ai souhaité intervenir maintenant, dans la mesure où nous n’avions pas la possibilité de déposer des amendements visant à l’étendre à d’autres dispositions, en vertu de l’article 45 de la Constitution.

Nous sommes actuellement en pleine campagne pour les élections européennes et nous sommes toutes et tous attachés à ce que le plus grand nombre de nos compatriotes participent à ce scrutin. Or l’absence de vote électronique, corrélée à une diminution du nombre de centres de vote, laisse malheureusement présager qu’un grand nombre d’entre eux ne pourront pas voter, alors même que la France est l’un des rares pays à permettre à ses ressortissants établis hors de ses frontières de prendre part aux élections.

Une mesure de facilitation est pourtant envisageable : la dématérialisation de l’établissement des procurations. Le Gouvernement s’étant engagé sur cette question, pouvez-vous nous informer de l’état d’avancement de ce dossier et nous préciser à partir de quelles élections cette évolution entrera en vigueur ?

Par ailleurs, des compatriotes établis à l’étranger et qui seraient victimes d’incivilités ou d’infractions en France n’ont pas la possibilité de déposer plainte par internet, contrairement à ceux qui résident en France. Nous échangeons à ce sujet avec le ministère de l’intérieur, mais pouvez-vous vous engager à faire avancer cette question ?

Enfin, dématérialisation ne saurait rimer avec réduction des effectifs. Ma collègue Hélène Conway-Mouret a évoqué les expérimentations menées au Canada et au Portugal. Je me suis moi-même rendu au Canada pour observer le processus en cours ; j’y ai constaté un alourdissement significatif de la charge de travail, qui nécessite, finalement, d’augmenter le nombre d’agents, le temps consacré à chaque usager passant d’un quart d’heure à trois quarts d’heure, voire à une heure.

Pouvez-vous vous engager à ce que cette dématérialisation s’accompagne d’un renforcement des effectifs dans nos consulats afin de les épauler dans cette transition numérique ?

Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par Mmes Conway-Mouret et de La Gontrie, MM. Durain, Temal et Bourgi, Mme Carlotti, MM. Chaillou et Darras, Mme Harribey, M. P. Joly, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Marie, Mme Narassiguin, MM. Roiron, M. Vallet, Vayssouze-Faure, Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

ou par courrier sur demande

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le rapporteur, je vais peut-être un peu anticiper sur votre réponse, car l’article 1er prévoit la possibilité de délivrer par voie dématérialisée un acte d’état civil. Par cet amendement, nous souhaitons toutefois lever toute ambiguïté en précisant que la délivrance sur papier se fera à la demande de ceux qui le souhaitent. C’est le cas actuellement, mais nous souhaitons qu’il en aille de même dans les années qui viennent.

Nous sommes attachés à la planète et notamment aux arbres, et nous partons donc du principe que les personnes connectées peuvent imprimer elles-mêmes les actes reçus, si elles le souhaitent. Cette délivrance ne se ferait donc que sur demande des personnes non connectées.

Comprenez cet amendement comme un appel au secours au nom de ceux qui n’ont pas accès aux services en ligne, par exemple de certains retraités qui ne parviennent pas à toucher leurs pensions et qui se retrouvent en situation de détresse après avoir épuisé toutes leurs économies.

Si la dématérialisation représente un progrès indéniable pour la grande majorité de nos concitoyens, elle ne doit en aucun cas emporter une désincarnation totale des rapports avec l’administration consulaire, dont le cœur de métier reste le contact humain, déjà passablement abîmé par des années d’économies et de suppressions de postes.

Nous avons la volonté de ne laisser personne sur la touche et de permettre à tout le monde de bénéficier de cet ambitieux projet.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Comme vous l’avez vous-même souligné, ma chère collègue, la possibilité de délivrer des extraits et copies d’actes d’état civil par courrier est déjà prévue par les textes. C’est d’ailleurs aussi le cas dans le cadre de l’expérimentation.

Autrement dit, non seulement il est déjà possible actuellement d’obtenir une copie ou un extrait d’acte d’état civil sur support papier – en 2023, un peu moins de 5 000 personnes ont demandé une impression de leur acte d’état civil depuis le site service-public.fr, et le service central d’état civil traite bien évidemment les demandes formulées par courrier –, mais il sera toujours possible de les obtenir après que la dématérialisation sera pérennisée. Nos concitoyens éloignés du numérique auront donc toujours accès au service public de l’état civil.

Lors de son audition, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères m’a par ailleurs garanti qu’il n’était aucunement envisagé de faire de la voie dématérialisée l’unique voie de délivrance des extraits et copies d’actes d’état civil dont il est dépositaire – j’imagine que M. le ministre délégué nous le confirmera dans un instant.

En conséquence, il ne me paraît pas opportun d’alourdir le texte, alors qu’il n’y a aucune ambiguïté sur le sujet. Ce point est du reste bien précisé dans le rapport. La volonté du législateur est claire en la matière.

Je vous demande donc, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Comme l’a rappelé fort justement M. le rapporteur, cet amendement est déjà satisfait.

Au-delà de l’engagement qu’a pris le Gouvernement, il est précisé dans le texte même, madame la sénatrice, que les copies intégrales ou les extraits d’actes d’état civil établis par le ministère des affaires étrangères « peuvent » être délivrés sur support électronique. Cela signifie donc qu’ils peuvent aussi être délivrés par la voie classique, si je puis dire, c’est-à-dire la voie physique.

Chacun comprend les raisons pour lesquelles vous avez déposé cet amendement : vous voulez signifier ainsi votre préoccupation que l’on continue à offrir un service physique à nos concitoyens installés à l’étranger. Pardonnez-moi, madame la sénatrice, mais nous ne vous avons pas attendue pour veiller à ce que nos compatriotes établis hors de France soient pris en compte et bénéficient d’un accueil physique ! En effet, il arrive que certaines demandes nécessitent, pour diverses raisons, ce type de prise en charge.

Il s’agit d’ailleurs d’un point sur lequel la sénatrice Samantha Cazebonne, que je remercie encore de son travail,…

M. Franck Riester, ministre délégué. … s’était penchée. Je profite de l’occasion pour saluer le président Patriat, ainsi que tout le groupe RDPI, qui ont contribué à la préparation de ce texte. Je sais aussi que mon ancien collègue du Gouvernement, Jean-Baptiste Lemoyne, a beaucoup œuvré, lorsqu’il était en fonction, pour la dématérialisation et la simplification de la vie de nos compatriotes installés à l’étranger.

Plus largement, je vous ai trouvée, madame la sénatrice, tout comme le sénateur Ronan Le Gleut du reste, un peu sévère, même si je sais bien que vous êtes tous les deux très attachés à ce que nos compatriotes installés hors de France bénéficient de la meilleure administration possible. Si vous n’aviez montré cette sévérité qu’à l’endroit du Gouvernement, on aurait pu considérer que ce sont des choses qui arrivent dans un cadre démocratique, mais je vous ai trouvée aussi un peu sévère, voire injuste vis-à-vis des équipes qui mettent en œuvre cette dématérialisation.

Pour ma part, je tiens à saluer l’administration, car elle fait un travail remarquable. Chacun sait que la dématérialisation de démarches administratives peut nécessiter du temps et, donc, prendre plus de temps que prévu : ce n’est en tout cas pas une raison pour jeter l’opprobre sur les équipes qui y travaillent et qui doivent parfois relever des défis difficiles. Permettez-moi de leur redire que nous les soutenons.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie par avance pour l’adoption de ce texte qui, je l’espère, fera l’objet d’un vote le plus large possible. C’est du moins ce que je pressens après que les différents intervenants des groupes se sont exprimés lors de la discussion générale. Cette proposition de loi est nécessaire : il y va de l’intérêt général et de l’intérêt de nos compatriotes installés hors de France.

Madame la sénatrice, je rappelle que votre souhait d’un traitement physique et d’un contact humain dans les démarches qu’engagent nos compatriotes installés hors de France est notamment rendu possible par le déploiement de la plateforme France Consulaire.

Ce service dématérialisé est, vous le savez, actuellement accessible dans près de 50 % des pays : il couvre plus précisément quarante-six pays et concerne la moitié des Français à l’étranger. Madame la sénatrice, ce service répond justement à votre préoccupation, dans la mesure où il fournit des renseignements par téléphone à celles et à ceux qui demandent des informations sur les démarches consulaires.

Nous poursuivons le déploiement de France Consulaire, lequel devrait s’achever à la fin de 2025 : à cette échéance, l’intégralité de nos compatriotes installés hors de France aura accès à cette plateforme clé qui, je le sais, rend beaucoup de services et satisfait nos concitoyens résidant à l’étranger.

Mon ministère, ainsi que le ministère de l’intérieur et des outre-mer, travaille actuellement sur la question de l’élargissement aux cartes d’identité – ces documents disposent d’une puce numérique et offrent donc une forme d’identité numérique – du renouvellement des pièces d’identité à distance. Le ministre Darmanin est, vous le savez, très mobilisé sur ce sujet, notamment dans le cadre de son implication sur les questions sécuritaires.

Comme M. le rapporteur, je vous demande donc, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Madame Conway-Mouret, l’amendement n° 5 rectifié est-il maintenu ?

Mme Hélène Conway-Mouret. Permettez-moi de préciser de nouveau qu’il s’agissait d’un amendement d’appel.

Je souhaite également vous dire, monsieur le ministre, que je ne pense pas avoir été sévère en posant des questions, auxquelles vous avez d’ailleurs répondu, et je vous en remercie. Mes questions sont légitimes, d’abord parce que ce projet de dématérialisation est très ambitieux, ensuite parce que nous souhaitons que les personnes qui sont éloignées du numérique ou qui appartiennent à une classe d’âge qui, de fait, ne leur permet pas d’être autant connectées que les autres ne soient pas confrontées à de graves problèmes.

Voilà pourquoi je souhaitais vous alerter : mon seul objectif en vous posant ces questions était de faire en sorte que nous puissions, dans la période de transition que nous vivons, corriger les problèmes et éviter la survenue de nouvelles difficultés.

Quant à ma question relative au retard dans la mise en œuvre de ce projet, elle constituait moins une critique de l’administration qu’une interrogation légitime : comment un tel projet peut-il réclamer deux fois plus de temps et d’argent que ce qui était prévu initialement ? Il y a certainement des explications valables, mais nous ne les connaissons pas, et c’est pourquoi je me suis permis de poser la question.

Cela dit, je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à poursuivre la dématérialisation de l'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères
Article 2 (fin)

Article 2

L’ordonnance n° 2019-724 du 10 juillet 2019 relative à l’expérimentation de la dématérialisation des actes de l’état civil établis par le ministère des affaires étrangères est ainsi modifiée :

1° À l’article 1er, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « huit » et les mots : « , la mise à jour et la délivrance » sont remplacés par les mots : « et la mise à jour » ;

2° L’article 2 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, la troisième occurrence du signe : « , » est remplacée par le mot : « et » et, à la fin, les mots : « et, le cas échéant, de les délivrer conformément à l’article 101-1 du même code » sont supprimés ;

b) À la deuxième phrase, les mots : « code civil » sont remplacés par les mots : « même code » ;

3° L’article 10 est abrogé ;

3° bis (nouveau) À la fin de la deuxième phrase du second alinéa de l’article 12, le mot : « électroniques » est remplacé par les mots : « de ces actes » ;

3° ter (nouveau) Après l’article 12, il est inséré un article 12-1 ainsi rédigé :

« Art. 12-1. – Pendant la durée de l’expérimentation, le Gouvernement présente annuellement à l’Assemblée des Français de l’étranger l’état d’avancement et le bilan provisoire de ladite expérimentation.

« Cette présentation donne lieu à un débat en présence du Gouvernement. Il peut donner lieu à un avis de l’Assemblée des Français de l’étranger. » ;

4° À l’article 13, la référence : « 10, » est supprimée.

Mme la présidente. L’amendement n° 2, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mme Senée, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au premier alinéa de l’article 3, après le mot : « centralisé », sont insérés les mots : «, tenu en double exemplaire et » ;

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à améliorer la sécurité du registre des actes de l’état civil électronique, en prévoyant que ceux-ci soient tenus en double exemplaire.

Par principe, vous le savez certainement, les registres d’état civil sont établis en double exemplaire, une exigence qui permet de renforcer leur sécurité, puisqu’elle contribue à réduire le risque de perte.

Ce principe s’applique à tous les registres de l’état civil, même si la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle prévoit une dérogation pour les communes qui ont recours au traitement automatisé des registres. Sauf que, à ce jour, aucune commune ne peut avoir recours à ce traitement automatisé, car le ministère de la justice n’a pas défini les exigences de sécurité minimales. Le garde des sceaux a concédé que l’élaboration de ces exigences se heurtait à une réelle complexité technique et devait permettre de garantir l’intégrité des traitements automatisés.

Dans la mesure où il est prévu que le dispositif de dématérialisation permette de déroger au principe de la tenue en double des actes, le registre serait donc exposé à un risque certain pour sa sécurité, auquel s’ajoute le risque qu’induit la dématérialisation elle-même, un risque qui nous rendrait inutilement vulnérables à des défaillances matérielles ou à des cyberattaques.

C’est la raison pour laquelle nous proposons de commencer par expérimenter la dématérialisation du registre avant d’évaluer l’opportunité de ne conserver qu’un seul serveur. Un pas après l’autre !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ma chère collègue, nous avons déjà débattu de la tenue en double exemplaire du RECE centralisé la semaine dernière lors de l’examen du texte en commission, puisque votre groupe avait alors déposé un amendement similaire.

Comme je l’ai dit à cette occasion, un tel amendement est satisfait, puisque les actes d’état civil dématérialisés seront conservés simultanément dans le RECE et dans le support des archives numériques du ministère des affaires étrangères, qui porte le doux nom de Saphir, pour « système d’archivage pérenne pour l’histoire, l’information et la recherche ». Il y aura donc bien deux exemplaires archivés sur deux serveurs différents.

Comme pour le précédent amendement, il ne me semble pas opportun d’alourdir inutilement le texte. Je vous demande donc, ma chère collègue, de bien vouloir retirer le vôtre, un amendement analogue ayant été, au demeurant, déjà rejeté en commission la semaine dernière pour les mêmes raisons ; à défaut, j’y serai défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. Madame Vogel, l’amendement n° 2 est-il maintenu ?

Mme Mélanie Vogel. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 2 est retiré.

L’amendement n° 1, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au début du premier alinéa de l’article 5, sont insérés les mots : « Sans préjudice de la possibilité de s’adresser directement auprès des autorités diplomatiques ou consulaires, » ;

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Cet amendement, dont le dispositif est assez simple, vise à inscrire de manière explicite dans la loi que des alternatives au téléservice seront maintenues pour les déclarations d’événements relatifs à l’état civil survenus à l’étranger.

J’ai toujours été une grande défenseuse de la dématérialisation et de l’accès aux services en ligne, mais je sais, pour bien connaître la communauté française à l’étranger, qu’un grand nombre de nos compatriotes ne sont pas en mesure d’accéder aussi facilement que vous et moi aux services en ligne, soit parce qu’ils sont en situation d’illectronisme, soit parce qu’ils sont éloignés du numérique par divers aspects de leur vie personnelle.

Il nous semble important d’inscrire cette disposition dans la loi, même si l’absence de cette mention ne remet pas forcément en cause le principe que nous défendons : nous voulons garantir à nos compatriotes qu’ils et elles pourront toujours avoir un accès physique à ces démarches en parallèle de la dématérialisation de l’état civil.

Tous ceux qui connaissent la communauté française à l’étranger savent que la dématérialisation a parfois eu pour effet d’éloigner un certain nombre de nos concitoyens de l’accès à certains droits et à certains services, qui leur semblait devenu trop complexe.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Madame Vogel, pour les mêmes raisons que celles que j’ai invoquées pour l’amendement n° 5 rectifié, je vous indique que votre amendement est satisfait. En effet, dans le cas d’espèce, la dématérialisation n’est qu’une possibilité. N’alourdissons pas davantage ce texte et ne prenons pas le risque de lui faire perdre en lisibilité.

Je comprends parfaitement la position que vous défendez, mais les textes sont clairs : il est toujours possible de déclarer directement naissances et décès auprès des autorités. Il n’est donc pas obligatoire d’exécuter ces démarches en ligne.

Dans la mesure où cet amendement est satisfait, j’en demande le retrait ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. Madame Vogel, l’amendement n° 1 est-il maintenu ?

Mme Mélanie Vogel. Monsieur le ministre, pourriez-vous confirmer que, si l’on n’adoptait pas cet amendement, autrement dit si la loi restait en l’état, les Français de l’étranger conserveraient une alternative aux services en ligne pour leurs déclarations en matière d’état civil ? Pouvez-vous me garantir qu’à droit constant, c’est-à-dire en l’absence de toute autre loi qui l’interdirait, les Français de l’étranger pourront toujours accéder aux services de l’état civil et effectuer leurs déclarations autrement que par voie électronique ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Franck Riester, ministre délégué. Comme vient de me le souffler M. le rapporteur, la répétition est l’art de la communication.

Nous avons dit très clairement tout à l’heure, en réponse à Mme Conway-Mouret, que le texte prévoyait la possibilité de dématérialiser ces démarches, ce qui signifie que la démarche dite « classique », l’accès physique au service public de l’état civil, reste de rigueur. Je vous confirme l’existence d’une alternative, madame la sénatrice.

Mme la présidente. Au bénéfice de ces explications, madame Vogel, retirez-vous votre amendement ?

Mme Mélanie Vogel. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 1 est retiré.

L’amendement n° 8, présenté par Mmes Ollivier et M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après l’article 8, il est inséré un article 8-… ainsi rédigé :

« Art. 8 –…. – En cas de dysfonctionnement technique impactant la délivrance dématérialisée des actes de l’état civil effectuée par le service central du ministère des affaires étrangères, les usagers particuliers, professionnels ou institutionnels concernés par une demande en cours sont informés de la survenance du dysfonctionnement et des délais estimés de rétablissement du service. » ;

La parole est à Mme Mathilde Ollivier.

Mme Mathilde Ollivier. Cet amendement porte sur l’information des usagers en cas de défaillance technique du service de délivrance dématérialisée des actes de l’état civil.

Dans un contexte où nous nous orientons chaque jour davantage vers la dématérialisation des services publics, nous devons veiller à ce que ces services soient non seulement accessibles, mais aussi fiables. Or, comme nous le savons tous, aucune technologie, aucun projet numérique n’est à l’abri de dysfonctionnements. Et lorsque ces dysfonctionnements surviennent, ils peuvent entraîner des retards et des perturbations pour les usagers.

C’est pourquoi nous proposons qu’en cas de défaillance technique, les usagers soient informés de la situation et des délais estimés de rétablissement du service. Cela permettrait de réduire les effets induits par ces dysfonctionnements : hausse du nombre d’appels et des sollicitations de la part des usagers, doublons, etc. Il faut éviter que les usagers ne restent dans l’incertitude et ne soient tentés de renouveler leur demande, ce qui peut engendrer une surcharge de travail pour le service central d’état civil.

Avec cet amendement, nous proposons de répondre aux difficultés qui pourraient survenir, comme cela a d’ailleurs été le cas en octobre 2023, lorsqu’un dysfonctionnement technique a entraîné l’interruption du service en ligne pendant plusieurs jours. Le délai de traitement des demandes a augmenté significativement, atteignant en moyenne trente jours. Le nombre d’appels et de courriels envoyés au SCEC s’est également accru : on a ainsi enregistré une hausse de 46 % des appels et de 111 % des courriels.

À l’évidence, nous devons anticiper de telles situations et mettre en place des dispositifs d’information des usagers pour limiter les effets de ces dysfonctionnements.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement traite de l’information des usagers en cas de dysfonctionnement technique du service de délivrance dématérialisée des copies et extraits d’actes d’état civil.

Il vise à insérer des dispositions relatives à la délivrance dématérialisée des copies et extraits d’actes d’état civil du ministère des affaires étrangères au sein de l’ordonnance du 10 juillet 2019, qui prévoit les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation de la dématérialisation.

Or nous venons d’adopter l’article 1er, qui pérennise, au sein du code civil, la délivrance dématérialisée de ces actes. De surcroît, l’article 2, que nous sommes en train d’examiner, tend justement à supprimer toutes les mentions de cette délivrance au sein de l’ordonnance du 10 juillet 2019.

Si vous ne retirez pas votre amendement, ma chère collègue, je ne pourrais donc qu’émettre un avis défavorable, car celui-ci ne s’inscrit pas dans le bon véhicule juridique.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Même avis que M. le rapporteur pour les mêmes raisons que celles qu’il vient d’invoquer.

J’ajoute qu’en cas de dysfonctionnement, les Français résidant hors de France disposent d’ores et déjà d’un certain nombre d’informations, puisque tout usager est informé par le service de réponse téléphonique et les courriels du service central d’état civil, ainsi que par le service dit « support » de service-public.fr. En somme, l’amendement est déjà satisfait.

Mme la présidente. Madame Ollivier, l’amendement n° 8 est-il maintenu ?

Mme Mathilde Ollivier. Permettez-moi de préciser que cet amendement vise principalement à éviter que l’usager qui tente d’effectuer sa démarche en ligne, mais qui ne peut pas le faire en raison d’un dysfonctionnement, ne répète la même opération plusieurs fois, ce qui conduit à un encombrement des services d’état civil qui ont pour rôle de traiter ces demandes. Notre objectif est de faire en sorte que les usagers disposent d’informations fiables sur ces dysfonctionnements en amont des démarches, et pas uniquement au moment de la délivrance de l’acte d’état civil.

Je maintiens donc mon amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

…° L’article 12 est ainsi modifié :

…) Au premier alinéa, après le mot : « Parlement », sont insérés les mots : « et à l’Assemblée des Français de l’étranger » ;

…) À la deuxième phrase du second alinéa, le mot : « électroniques » est remplacé par les mots : « de ces actes » ;

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à ce que le rapport final de l’expérimentation soit adressé à l’Assemblée des Français de l’étranger, car ce n’est pas le cas aujourd’hui. Actuellement, l’expérimentation fait uniquement l’objet d’un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat : l’Assemblée des Français de l’étranger, qui réunit pourtant les élus qui représentent le mieux les Français de l’étranger, n’est donc pas impliquée.

Le tir a été corrigé en commission grâce à un amendement du rapporteur – que je remercie –, qui prévoit que le rapport d’étape soit transmis à l’AFE, ce qui est tout à fait pertinent et intelligent. Nous demandons simplement que le rapport final, remis à l’issue de l’expérimentation, soit lui aussi transmis à l’AFE pour que celle-ci puisse s’en saisir. Cela nous semble la moindre des choses qu’une assemblée qui a pour fonction d’éclairer au mieux le législateur sur les besoins des Françaises et des Français établis à l’étranger puisse y avoir accès.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à ce que l’AFE se voie remettre le rapport d’évaluation de l’expérimentation, autrement dit le rapport final remis par les inspections à l’issue de l’expérimentation dans trois ans – il ne faut pas confondre ce rapport avec le point d’étape que fera le ministre devant les membres de l’Assemblée des Français de l’étranger, disposition qui a déjà été adoptée en commission et qui a donc déjà été insérée dans le texte.

La commission y est favorable. Dès lors qu’il est prévu que ce rapport final d’évaluation de l’expérimentation, qui est un document certes important, mais qui n’est pas public, soit remis au Parlement, il me semble logique que les membres de l’Assemblée des Français de l’étranger puissent également en être destinataires.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Je tiens une nouvelle fois à saluer l’apport de M. le rapporteur sur ce texte. J’émets tout comme lui un avis favorable sur cet amendement. C’est une très bonne idée que de rendre accessible cette évaluation finale à l’Assemblée des Français de l’étranger. C’est tout à fait logique, et c’est l’occasion pour moi de saluer les élus de cette assemblée.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par Mmes Conway-Mouret et de La Gontrie, MM. Durain, Temal et Bourgi, Mme Carlotti, MM. Chaillou et Darras, Mme Harribey, M. P. Joly, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Marie, Mme Narassiguin, MM. Roiron, M. Vallet, Vayssouze-Faure, Chantrel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Après les mots :

Assemblée des Français de l’étranger

insérer les mots :

et au Parlement

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. Le choix du Gouvernement de légiférer par ordonnance l’oblige à recourir à une proposition de loi pour corriger et adapter un dispositif d’expérimentation qui ne sera malheureusement pas mené à bien dans le délai envisagé et nécessitera de consommer davantage que le budget prévu. C’est un paradoxe : en voulant aller vite, on a à la fois doublé les crédits et le temps requis.

Le rapport d’évaluation présenté au terme de l’expérimentation, conformément aux dispositions de l’article 12 de l’ordonnance de 2019, s’est, hélas ! révélé trop tardif pour corriger le tir.

Cet amendement vise à ce que le point d’étape annuel présenté devant l’Assemblée des Français de l’étranger, qu’a très justement proposé le rapporteur, soit également présenté au Parlement, et ce afin que les commissions des lois puissent anticiper de nouveaux aléas, voire des retards supplémentaires. À défaut, le Sénat se priverait de tout droit de regard au cours du déploiement du dispositif et risquerait d’être de nouveau sollicité en 2027 – qui sait ? – pour une rallonge de temps et d’argent.

Nous voulons, par cet amendement, permettre à notre assemblée d’exercer pleinement sa prérogative constitutionnelle de contrôle de l’action du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Le dépôt de cet amendement résulte, me semble-t-il, d’une incompréhension du texte adopté par la commission la semaine dernière.

Nous avons estimé que le point d’étape que pourrait présenter le ministre devant les membres de l’AFE chaque année, compte tenu du caractère extrêmement ciblé de l’expérimentation, puisqu’elle concerne la dématérialisation des actes d’état civil pour les seuls Français de l’étranger, ne revêt pas un caractère tel qu’il devrait faire l’objet d’un débat annuel devant le Parlement.

C’est pourquoi je considère que la demande formulée par Mme Conway-Mouret à travers cet amendement est quelque peu excessive et que je la prie de bien vouloir le retirer. À défaut, j’y serai défavorable.

Cela étant, si le ministre en est d’accord, je propose que ce rapport fasse l’objet d’une audition dédiée devant la commission des lois – je parle sous le contrôle de son président – : il s’agirait d’un point d’étape annuel sur l’avancement de l’expérimentation pour les trois années à venir.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Même avis que la commission : je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

Concernant la proposition du rapporteur, je saisis la balle au bond, si je puis dire, et me tiens à la disposition de la commission des lois si elle souhaite que je fasse un point très précis sur cette expérimentation chaque année.

Mme la présidente. Madame Conway-Mouret, l’amendement n° 6 rectifié est-il maintenu ?

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, vous me tendez la main : je suis bien évidemment prête à la saisir.

Mon ambition était moins d’appeler à un débat chaque année devant le Parlement, comme cela se fera devant l’Assemblée des Français de l’étranger, que de demander que le Parlement soit informé et bénéficie de ce rapport d’étape annuel, sans avoir à attendre le terme des trois années d’expérimentation. À mon sens, ce point d’étape doit permettre à nos assemblées d’anticiper et, éventuellement, de préparer le débat budgétaire de fin d’année.

En réalité, je n’envisageais pas la tenue d’un débat parlementaire. Aussi, ce que vous proposez me convient parfaitement : une présentation devant la commission des lois nous permettra de préparer ensemble le débat budgétaire et d’anticiper une éventuelle hausse des crédits nécessaires à cette expérimentation pour qu’elle aboutisse positivement.

Je retire mon amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié est retiré.

L’amendement n° 4, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La présentation comporte une analyse des risques pour la sécurité informatique des procédures d’établissement, de conservation et de mise à jour des actes de l’état civil.

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Cet amendement traite de la sécurité du registre d’état civil électronique et, notamment, des tests qui doivent être réalisés pour nous protéger contre les cyberattaques.

Pour la seule année 2022, le montant des dommages causés par les cyberattaques aux administrations et entreprises françaises s’est élevé à 2 milliards d’euros. Nous savons que ces menaces émanent principalement de la Russie et de la Chine et que le registre d’état civil fait partie des cibles potentielles.

Les cybercriminels effectuent des scans pour identifier les failles dans nos registres, obtenir un accès au système et en profiter à un moment ultérieur – vous imaginez aisément toutes les informations et données que contient un registre d’état civil.

Cet amendement vise par conséquent à ce que le rapport d’étape annuel comporte une analyse des risques pour la sécurité informatique du registre et qu’il soit transmis aux élus de l’Assemblée des Français de l’étranger.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je comprends tout à fait la préoccupation de Mme Vogel, surtout dans le contexte actuel, marqué par les menaces permanentes qui pèsent sur nos systèmes informatiques, d’autant plus lorsqu’ils sont déployés à travers la planète.

Cela étant, l’exercice auquel nous souhaitons que le ministre se prête chaque année devant les membres de l’AFE s’inscrit dans le cadre de son allocution annuelle. Il s’agit non pas de la remise physique d’un rapport, mais bien d’un point d’étape oral. Comme toutes ses interventions, cette intervention sera suivie d’un débat avec les membres de l’Assemblée des Français de l’étranger, lesquels pourront émettre un avis sur le sujet. Toutefois, je le redis, il n’y aura pas de document écrit à proprement parler.

Par ailleurs, je souligne que le rapport d’évaluation réalisé par les deux inspections a relevé et identifié l’ensemble des risques techniques, y compris donc les risques que vous venez d’énumérer, madame la sénatrice, et que ce rapport a déjà été remis au Parlement en 2023. À mon sens, il s’agit du document adéquat dans lequel doivent figurer ces éléments d’analyse.

Dès lors que votre amendement est satisfait, puisque le rapport d’évaluation remis au terme de l’expérimentation dressera le bilan de tous les problèmes techniques rencontrés, je vous demande de bien vouloir le retirer ; à défaut, j’y serai défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Franck Riester, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. Madame Vogel, l’amendement n° 4 est-il maintenu ?

Mme Mélanie Vogel. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 4 est retiré.

Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Mathilde Ollivier, pour explication de vote.

Mme Mathilde Ollivier. Je tiens à revenir sur la question de la reprise des données dans le cadre du projet de registre d’état civil électronique. Ce sujet me semble tellement important que j’ai déposé un amendement qui a, hélas ! été déclaré irrecevable.

La mise à jour dématérialisée des actes d’état civil est l’un des volets majeurs du projet RECE. Or, sans une reprise des données existantes efficace et complète, cette actualisation ne pourra pas se faire sous une forme dématérialisée et ne pourra pas être complètement évaluée, puisqu’elle sera limitée à une catégorie spécifique d’actes d’état civil à établir. Il s’agit d’un point crucial pour une dématérialisation totale.

Aujourd’hui, les agents du service central d’état civil effectuent manuellement les mises à jour des actes d’état civil. La diversité de ces actes et le volume des données à reprendre rendent ardue la mise en œuvre de l’intégration des données existantes. Il y a là un véritable défi à relever si nous voulons que le RECE puisse atteindre son plein potentiel et offrir les avantages que la dématérialisation peut apporter. C’est également le constat dressé par l’inspection générale de la justice et l’inspection générale des affaires étrangères.

Nous demandons qu’une vigilance accrue soit de mise pour ce qui concerne la reprise des données inhérente à la mise à jour et à la gestion de ces actes d’état civil sous forme électronique. Nous ne demandons pas l’ajout d’une nouvelle activité dans le cadre de l’expérimentation ; nous voulons avoir la garantie que la reprise des données, qui était déjà prévue, mais qui n’a pas pu être évaluée, soit menée à bien.

Mme la présidente. La parole est à Mme Olivia Richard, pour explication de vote.

Mme Olivia Richard. Pour conclure, monsieur le ministre, j’aimerais en appeler à votre vigilance sur un point et vous interroger sur un autre.

Tout d’abord, comme plusieurs de mes collègues l’ont rappelé dans la discussion générale, l’utilisation du service FranceConnect reste une barrière infranchissable pour un grand nombre de nos compatriotes. J’ai vérifié : pour demander un extrait ou une copie intégrale d’acte d’état civil sur le site servicepublic.fr, il faut s’authentifier via FranceConnect. Marie Godefroy Barros, conseillère des Français de l’étranger de Rio de Janeiro, m’en parlait encore la semaine dernière. Ce point mérite toute notre vigilance si nous voulons que la dématérialisation soit accessible à tous. Je vous remercie donc, monsieur le ministre, de l’action que vous menez en partenariat avec la filiale Docaposte pour faciliter le plus possible ces démarches.

Ensuite, j’entends que la commission des lois se verra remettre un rapport au terme de l’expérimentation. Je ne peux que me réjouir de l’implication des élus représentant les Français de l’étranger. Néanmoins, pour respecter le champ de leurs compétences, nous devons convenir que la commission des lois reste souveraine quant à son ordre du jour et que c’est bien au bureau de l’Assemblée des Français de l’étranger de déterminer l’ordre du jour de ses sessions.

Cela étant dit, je vous remercie encore pour cet effort très apprécié par les Français de l’étranger.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ? …

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à poursuivre la dématérialisation de l’état civil du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

(La proposition de loi est adoptée.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 2 (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à poursuivre la dématérialisation de l'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères
 

4

Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

5

 
Dossier législatif : proposition de loi renforçant l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate
Article 1er

Ordonnance de protection

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, allongeant la durée de l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate (proposition n° 380, texte de la commission n° 558, rapport n° 557).

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de léducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de lenfance, de la jeunesse et des familles. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ouvrirai mon propos en vous priant d’excuser le garde des sceaux qui, compte tenu du drame que nous avons malheureusement vécu aujourd’hui, se trouve aux côtés des agents de la pénitentiaire, en cellule de crise. C’est un réel choc qui touche notre pays.

Mais il est des combats, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous devons conduire sans jamais faillir ; et tel est bien le sens de notre détermination collective à faire reculer toutes les formes de violences intimes, celles qui, exposant à plus de 80 % des femmes et des enfants, mettent en danger les personnes au sein de leur propre foyer.

Ce texte est de nouveau l’occasion de concrétiser notre mobilisation transpartisane pour renforcer la protection des victimes et assurer la réactivité de l’action judiciaire. C’est pourquoi je soutiens pleinement les objectifs de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Comme vous le savez, ce texte est issu des travaux que vous avez menés, madame la rapporteure, très chère Dominique Vérien, avec la députée Émilie Chandler, dans le cadre de l’élaboration du rapport Plan rouge VIF. Améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales. Ce rapport – j’y insiste – fera date en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.

Ce texte constitue une nouvelle étape dans le renforcement des outils de protection qui sont à la disposition du juge civil en amont de toute déclaration de culpabilité.

Depuis le lancement du Grenelle contre les violences conjugales à l’automne 2019, nous avons œuvré collectivement pour renforcer l’action judiciaire. Je pense aux avancées récentes que le garde des sceaux a portées avec la plus grande énergie, notamment la loi du 18 mars 2024, dont l’initiative revient à la députée Isabelle Santiago, visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales. Vous l’avez votée à l’unanimité de manière transpartisane et engagée, tant ce texte vise à compléter notre arsenal juridique en empêchant le parent agresseur de se prévaloir de ses droits parentaux pour maintenir son emprise ou réitérer ses agissements.

Je pense également à la proposition de la loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille, adoptée en première lecture par les deux assemblées et qui devrait prochainement aboutir, la commission mixte paritaire ayant été conclusive, ce dont je me réjouis.

Je pense bien évidemment à la création des pôles spécialisés en matière de violences intrafamiliales dans toutes les juridictions, qui est effective depuis le 1er janvier 2024. Vous aviez largement approuvé cette avancée majeure contenue dans la loi du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027. Notre détermination à faire reculer le fléau des violences au sein du couple doit être cohérente et ces pôles spécialisés constituent un cadre idéal pour accueillir la mise en œuvre du texte qui vous est soumis aujourd’hui. En effet, depuis le mois de janvier 2024, toutes les juridictions disposent d’une organisation dédiée qui permet de favoriser l’échange d’informations entre les acteurs impliqués et de créer des passerelles entre les procédures civiles et pénales.

Je veux ici rappeler que les juridictions se sont bien emparées des outils votés par le Parlement. Je vous livre quelques chiffres – le garde des sceaux avait à cœur de vous les rappeler – qui rendent compte de cette réactivité : quelque 5 709 téléphones grave danger (TGD) ont été déployés en 2023 ; l’activation de plus de 1 000 bracelets antirapprochement (BAR) a permis 10 500 interventions des forces de sécurité intérieure, soit autant de vies de sauvées ; 3 586 ordonnances de protection ont été délivrées en 2022, contre 1 392 en 2017.

Les juridictions ont par ailleurs su s’adapter pour délivrer l’ordonnance de protection dans un délai de six jours seulement, contre quarante-deux jours en moyenne en 2017. Le taux d’acceptation est aujourd’hui de plus de 70 % !

Poursuivons donc le combat grâce à ce texte, qui comporte de nombreuses avancées.

Ainsi, l’article 1er permet d’allonger la durée initiale des mesures ordonnées par le juge en la faisant passer de six à douze mois. Cette prolongation opportune répond aux situations très complexes, qui sont susceptibles de ne pas être résolues dans le délai initial de six mois, ou encore à celles dans lesquelles la personne en danger ne peut pas bénéficier de la prolongation automatique parce qu’elle n’est pas mariée ou qu’elle n’a pas d’enfant en commun avec l’auteur présumé des violences.

Je me dois par ailleurs de rappeler que l’ordonnance de protection est un dispositif civil qui permet d’ordonner en urgence des mesures de nature quasi pénale, donc attentatoires aux libertés du défendeur. À cet égard, nous avons la responsabilité de ne pas en fragiliser le délicat équilibre constitutionnel.

La notion de danger doit rester au cœur de l’office du juge. Nous devons lui faire confiance s’agissant d’apprécier les « violences vraisemblables », le « danger vraisemblable » et, désormais, le « danger grave et immédiat ».

Nous aurons un débat sur ce sujet, mais je veux souligner l’importance de ne pas mettre en péril un dispositif qui est connu de tous les acteurs. Le maintien des deux critères de violences vraisemblables et de danger vraisemblable assure la sécurité du dispositif civil et donc une protection effective des victimes.

L’article 1er de la proposition de loi vise en outre à créer un nouveau dispositif, à savoir l’ordonnance provisoire de protection immédiate (OPPI).

L’objectif de cette ordonnance provisoire de protection immédiate est de permettre au juge aux affaires familiales (JAF) de prononcer des mesures de protection en vingt-quatre heures et sans contradictoire, dans l’attente de l’audience au fond sur l’ordonnance de protection, laquelle interviendra dans un délai de six jours. Ce nouveau dispositif donne au juge la possibilité, dans les cas les plus graves, d’ordonner en urgence des mesures propres à assurer une protection immédiate des victimes de violences conjugales.

L’absence de contradictoire et de voie de recours et le délai extrêmement court dans lequel le juge aux affaires familiales peut prononcer des mesures restrictives de liberté exigent toutefois d’encadrer très strictement l’ordonnance provisoire de protection immédiate. Là encore, il s’agit de garantir le nécessaire équilibre entre la protection de la partie demanderesse et les atteintes aux libertés de la partie défenderesse.

Sensibles à cet impératif constitutionnel, l’Assemblée nationale et la commission des lois du Sénat ont travaillé à maintenir et à améliorer les garanties qui entourent l’ordonnance provisoire de protection immédiate.

Premièrement, les critères de délivrance de l’ordonnance provisoire de protection immédiate, nécessairement plus restrictifs que ceux de l’ordonnance de protection, ont été maintenus. Ainsi, le danger auquel est exposée la partie demanderesse doit être un danger grave et immédiat.

Deuxièmement, le caractère accessoire, sur un plan procédural, de l’ordonnance provisoire de protection immédiate, qui est le seul à même de garantir la limitation dans le temps du dispositif, a également été maintenu. Ainsi l’ordonnance provisoire de protection immédiate prendra-t-elle automatiquement fin au jour de la délivrance de l’ordonnance de protection ou, comme cela a été opportunément ajouté par la commission des lois, lorsque l’instance prendra fin pour un motif de procédure.

Troisièmement, la commission des lois a opportunément ajouté la dissimulation de domicile aux mesures qui peuvent être prononcées dans le cadre de l’ordonnance provisoire de protection immédiate. Quelques ajustements rédactionnels pourront être réalisés afin d’en faciliter la mise en œuvre.

Si je me réjouis de ces améliorations, fruits d’un véritable travail transpartisan, je ne souscris pas en revanche à certaines des orientations prises par la commission des lois du Sénat ; je m’en explique.

Le premier point de divergence entre nous concerne l’interdiction faite au juge de fonder son refus de délivrer une ordonnance provisoire de protection immédiate sur le fait que la requête est accompagnée de pièces en langue étrangère.

Cette disposition n’est pas utile, car aucun texte n’impose aux parties de produire une traduction faite par un traducteur assermenté lorsqu’elles versent aux débats un document en langue étrangère : elles peuvent en produire une traduction libre, y compris obtenue via un logiciel de traduction sur internet. Le juge apprécie, en fonction de chaque cas d’espèce, la force probante des éléments qui lui sont soumis lorsqu’ils sont rédigés dans une langue étrangère.

Notre deuxième point de divergence concerne la possibilité donnée à la personne en danger de solliciter auprès du juge aux affaires familiales la délivrance d’une ordonnance provisoire de protection immédiate, après avis conforme du ministère public, possibilité introduite par la commission des lois.

Si je comprends l’objectif d’une telle mesure, à savoir assurer la célérité requise par l’urgence dans le traitement des dossiers les plus graves, il me semble que tel n’est pas le meilleur moyen d’y pourvoir.

Tout d’abord, vous renversez l’équilibre jusqu’ici préservé, qui place le procureur de la République au cœur du dispositif en lui permettant de décider seul, dans son office de traitement des situations urgentes, de la nécessité d’ordonner des mesures attentatoires aux droits et libertés dans un cadre non contradictoire. Le traitement de l’urgence est maîtrisé par le parquet comme par les juges, et il nous appartiendra d’en préciser le circuit opérationnel par voie de circulaire afin d’en garantir l’efficacité.

Ensuite, en pratique, cette possibilité complexifie les circuits de la procédure de l’ordonnance provisoire de protection immédiate en y ajoutant des étapes supplémentaires, ce qui affectera nécessairement l’efficacité du dispositif.

Enfin, vous accordez à la personne en danger le droit de saisir le juge aux fins d’obtenir une ordonnance provisoire de protection immédiate tout en conditionnant cette saisine à l’avis d’un tiers, ce qui pose question au regard du droit fondamental d’accès au juge.

Nous construisons ici un dispositif inédit, dérogatoire aux règles et aux principes fondamentaux de la procédure civile, ce qui n’est pas sans risque sur le plan constitutionnel. Nous devons donc le sécuriser autant que possible, tout en garantissant son efficacité. C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, vous aurez à examiner un amendement visant à ce que seul le procureur de la République puisse solliciter, sans délai vu l’extrême urgence, la délivrance d’une ordonnance provisoire de protection immédiate.

L’article 1er bis a quant à lui pour objet de masquer l’adresse de la personne bénéficiaire de l’ordonnance de protection lors de la demande de communication des listes électorales prévue à l’article L. 37 du code électoral. Cette disposition, introduite par la commission des lois sur votre initiative, madame la rapporteure, est nécessaire.

L’inventivité des auteurs de violences est redoutable et nous devons la contrecarrer. Néanmoins, nous devons articuler la mise en œuvre de cette disposition avec l’exigence de transparence démocratique qui justifie la communication des listes électorales à tout électeur en faisant la demande. C’est pourquoi je propose qu’un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application de cette mesure.

L’article 2 prévoit que la violation d’une ordonnance de protection comme d’une ordonnance de protection immédiate sera sanctionnée pénalement d’une peine portée à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

En l’espèce, il m’est une nouvelle fois donné l’occasion de saluer le travail effectué par votre commission : en unifiant et en augmentant les peines encourues quelle que soit la nature de l’ordonnance rendue par le juge aux affaires familiales, vous permettez la mise en œuvre d’actes d’enquête qui en garantiront l’efficacité.

Enfin, à l’article 2 bis, il est expressément prévu que la future ordonnance provisoire de protection immédiate peut donner lieu, comme c’est le cas pour l’ordonnance de protection, à l’attribution d’un téléphone grave danger. Là encore, cela participe à accroître la protection que nous voulons accorder à toutes les victimes de violences conjugales.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi nous offre l’occasion de sécuriser un outil judiciaire inédit permettant d’appréhender toutes les situations de danger avant même l’intervention du juge pénal. Cette intervention judiciaire immédiate doit être à fois protectrice des victimes et garante des principes essentiels de notre État de droit. Nous le devons aux victimes qui ont perdu la sécurité du foyer familial. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Elsa Schalck et M. Laurent Somon applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à exprimer mon soutien au ministre de la justice, qui ne peut être parmi nous cet après-midi, ainsi qu’à l’ensemble de la famille pénitentiaire, qui a été durement touchée. J’adresse toutes mes condoléances aux familles des victimes.

La proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui est la continuation d’un long travail parlementaire de lutte contre les violences intrafamiliales. Ce fléau nécessite, pour pouvoir être endigué, une mobilisation sans faille de toutes les parties prenantes, ainsi que l’implication constante des pouvoirs publics, des services sociaux, des forces de l’ordre et du monde judiciaire.

Ce travail revêt une absolue nécessité : tous les trois jours, une femme tombe sous les coups de son conjoint ou de son ex-conjoint. En 2022, ce sont 118 femmes qui sont décédées à la suite de violences conjugales, tandis que 267 autres ont été victimes d’une tentative de féminicide. Les forces de sécurité ont enregistré la même année près de 240 000 femmes victimes de violences commises par leur partenaire ou leur ex-partenaire et 87 000 femmes victimes de violences sexuelles.

Derrière chaque chiffre, il y a une victime que la société a échoué à protéger. Derrière chaque victime, il y a une faillite des dispositifs de protection dont il est de notre devoir d’assurer la mise en œuvre effective.

Les ordonnances de protection constituent l’un de ces dispositifs. Créées en 2010 et s’inspirant du modèle espagnol, elles sont un outil de protection judiciaire d’urgence des victimes présumées de violences intrafamiliales. Elles permettent au juge aux affaires familiales d’assurer dans l’urgence la protection de victimes de violences intrafamiliales en prononçant, dans un délai de six jours, ce qui représente déjà une réelle amélioration par rapport aux quarante jours constatés en moyenne au début du dispositif, des mesures protectrices et temporaires, à mi-chemin du droit civil et du droit pénal, visant à garantir la sécurité de la victime et à l’aider à rendre effective la séparation, dans l’attente d’un éventuel jugement pénal.

Ces mesures sont valables pour une durée maximale de six mois, qui peut, sous certaines conditions plutôt restrictives, être prolongée par le juge.

Le non-respect de ces mesures constitue un délit pouvant être puni d’une peine de 15 000 euros d’amende et de deux ans d’emprisonnement.

Les ordonnances de protection sont de mieux en mieux identifiées depuis 2010. Le nombre de demandes portées devant la justice civile n’a cessé d’augmenter, passant d’un peu plus de 1 600 en 2011 à près de 6 000 en 2021. Cette augmentation est encourageante et doit être soulignée. Elle démontre que les ordonnances de protection répondent à un réel besoin, qui doit nous alerter.

Toutefois, le nombre d’ordonnances de protection délivrées reste faible au regard du nombre de victimes que j’évoquais précédemment. Le danger n’est pas toujours évalué à sa juste valeur, c’est-à-dire à l’aune des violences passées dont on sait, depuis que nous travaillons sur le contrôle coercitif, qu’elles relèvent d’un système qui ne s’arrête ni à la porte de la maison ni après une séparation ; d’où le débat que nous aurons sur l’article 515-11 du code civil.

Ainsi le dispositif est-il indéniablement perfectible. Du reste, plusieurs des cinquante-neuf préconisations du rapport Plan rouge VIF que ma collègue députée Émilie Chandler et moi-même avons remis il y a un an visaient à renforcer le dispositif des ordonnances de protection.

Je me réjouis de constater que ces travaux ont été pris en considération et soutenus par le Gouvernement. Plusieurs mesures d’ordre réglementaire sont déjà en cours d’application. Pour ce qui relève du domaine législatif, je vous remercie, madame la ministre, et à travers vous M. le ministre de la justice, d’avoir inscrit la présente proposition de loi à l’ordre du jour d’une semaine gouvernementale.

Ce texte, adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 5 mars dernier, reprend l’idée de la création d’une ordonnance provisoire de protection immédiate.

La proposition de loi contient deux mesures phares ayant pour objet d’étendre dans le temps la protection des victimes : l’une le fait en amont, en créant la fameuse ordonnance provisoire de protection immédiate que je viens de mentionner, l’autre en aval, en prévoyant l’allongement de la durée maximale de l’ordonnance de protection, qui passerait de six à douze mois. Ainsi, les personnes qui ne sont pas mariées et qui n’ont pas d’enfant pourront bénéficier d’un temps plus long pour organiser leur séparation.

En effet, le dispositif actuel de l’ordonnance de protection prévoit qu’un allongement de la durée des mesures au-delà des six mois n’est possible que si une demande en divorce ou en séparation de corps a été déposée ou si le juge aux affaires familiales a été saisi d’une demande relative à l’exercice de l’autorité parentale, privant de fait de ce bénéfice les victimes de violences conjugales non mariées et sans enfant.

La création de l’ordonnance provisoire de protection immédiate constitue quant à elle la mesure la plus novatrice du texte. Elle vise à assurer une meilleure protection des victimes dans le court temps qui sépare la saisine du juge aux affaires familiales et la décision rendue par ce dernier sur la demande d’ordonnance de protection, temps pendant lequel le danger peut être prégnant.

Telle que remaniée par la commission des lois, l’ordonnance provisoire de protection immédiate pourrait être demandée en parallèle d’une ordonnance de protection, soit par la personne en danger et sur avis conforme du ministère public, qui se prononcerait dans un délai de vingt-quatre heures, soit directement par le ministère public en accord avec la personne en danger. Elle serait ensuite délivrée par le juge aux affaires familiales dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa saisine et au vu des seuls éléments joints à la requête, c’est-à-dire sans avoir entendu la partie défenderesse.

J’ai pris conscience, à l’occasion de discussions qui ont eu lieu entre l’examen du texte par la commission et la séance de ce jour, que l’avis conforme du procureur serait un blocage par rapport à une procédure civile. Deux solutions s’offrent alors : conserver la mention de l’avis du procureur, mais sans le rendre conforme, comme pour toute ordonnance de protection, ou bien, selon ce que préconise Thani Mohamed Soilihi dans un amendement dont nous débattrons, ne pas permettre à la victime ni à son avocat de demander la procédure d’urgence et ne laisser la main qu’aux procureurs, qui disent ne pas le souhaiter – nous aurons tout à l’heure à trancher ce débat.

Par ailleurs, le texte initial prévoyait que le juge pourrait ordonner quatre des onze mesures qui peuvent être édictées dans le cadre d’une ordonnance de protection : interdire à la partie défenderesse de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge, ainsi que d’entrer en relation avec elles ; interdire à la partie défenderesse de se rendre dans certains lieux spécialement désignés par lui ; interdire à la partie défenderesse de détenir ou de porter une arme ; ordonner à la partie défenderesse de remettre au service de police ou de gendarmerie les armes dont elle est détentrice.

S’il est justifié, compte tenu de l’extrême urgence et du caractère non contradictoire de l’ordonnance provisoire de protection immédiate, de limiter le nombre de mesures pouvant être prises par le juge aux affaires familiales, il est apparu opportun à la commission d’ajouter à ce panel la possibilité pour le juge de suspendre provisoirement, pour la durée de l’ordonnance provisoire de protection immédiate, le droit de visite et d’hébergement de l’auteur présumé des violences, ainsi que d’autoriser la victime présumée à dissimuler son adresse à l’auteur des violences.

Ces mesures seraient valables jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales sur la demande d’ordonnance de protection, soit pendant une durée d’environ six jours.

Enfin, au-delà de ces deux mesures principales et outre des modifications rédactionnelles ou mineures, la commission a complété le texte par trois autres mesures protectrices des victimes.

En premier lieu, nous avons modifié le code électoral afin de garantir l’effectivité de la dissimulation de l’adresse de la victime lorsque celle-ci est prononcée par le juge aux affaires familiales.

En deuxième lieu, nous avons aligné les peines encourues pour non-respect d’une ordonnance de protection et non-respect d’une ordonnance provisoire de protection immédiate sur une peine unique de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, ce qui permettra au juge d’imposer à la personne ayant violé la mesure le port d’un bracelet antirapprochement.

En troisième lieu, nous avons étendu aux ordonnances provisoires de protection immédiate la possibilité offerte au procureur de la République d’attribuer à la victime un téléphone grave danger.

Cela étant, des freins persistent encore, mais les solutions ne sont pas évidentes tant l’enjeu de la conciliation des droits de la défense et de la protection des victimes de violences nous place parfois sur une ligne de crête constitutionnelle. C’est pourquoi nous avons volontairement réservé le nécessaire débat sur les conditions d’octroi des ordonnances de protection et sur la définition du danger pour la séance publique.

Je me réjouis que de nombreux amendements sur le sujet aient été déposés et que nous puissions en discuter. Malheureusement, nous ne pourrons pas obtenir d’engagement ni de réponse de la part du ministre de la justice ; nous aurons toutefois jusqu’à la commission mixte paritaire pour trouver des solutions qui puissent nous convenir à tous.

Pour conclure et nonobstant ces futurs échanges, il me revient de vous indiquer, mes chers collègues, que la commission des lois s’est naturellement prononcée en faveur de ce texte, qu’elle vous invite à adopter.

Les ordonnances de protection constituent en effet un dispositif équilibré, qui concilie le volontarisme dans la lutte contre les violences intrafamiliales avec le souci de l’efficacité et de la préservation des principes fondamentaux qui garantissent les libertés de chacun.

Ce dispositif peut néanmoins encore être perfectionné, afin qu’il remplisse au mieux son office, à savoir la protection des victimes. Et je suis convaincue que cette sixième réforme des ordonnances de protection marquera un pas important dans l’atteinte de cet objectif. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Olivia Richard. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Elsa Schalck et M. Mathieu Darnaud applaudissent également.)

Mme Olivia Richard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de rendre un hommage appuyé à la rapporteure et présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes pour son engagement dans la lutte contre les violences faites aux femmes, perpétrées notamment dans le cadre familial.

Madame Vérien, chère Dominique, le rapport Plan rouge VIF. Améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales que vous avez rendu il y a un an avec notre collègue députée Émilie Chandler est une démonstration de cet engagement. Les cinquante-neuf recommandations de la mission englobent les différents angles d’action qui sont indispensables pour informer, former, sensibiliser, pour appréhender et prévenir les violences intrafamiliales et pour accompagner les victimes.

En effet, il convient d’envisager ces violences sous tous les angles et d’impliquer tous les acteurs concernés. Sans réponse claire de l’ensemble de la société, la perpétuation des comportements violents ne pourra être endiguée.

Mes chers collègues, j’invite vivement celles et ceux d’entre vous qui ne l’ont pas encore fait à lire le rapport Plan rouge VIF, qui est riche en enseignements. La proposition de loi dont nous débattons en est issue ; elle a été adoptée à l’unanimité par nos collègues députés. Elle comporte plusieurs avancées importantes tenant compte des évolutions sociétales de la famille. Ainsi, le statut marital de la victime ou l’absence d’enfants au sein du couple ne seront plus un frein à la protection des victimes de violences intrafamiliales.

En outre, ce texte étend la protection accordée en urgence à la victime à un an – c’est heureux. Il est également heureux d’instituer une ordonnance provisoire de protection immédiate, suivant les préconisations du rapport.

Nous savons bien que dans les cas où le danger est le plus grave l’on ne saurait attendre six jours ; Dominique Vérien a rappelé le nombre effrayant de femmes qui sont tombées sous les coups de leur conjoint.

Différents points de cette proposition de loi ont été et sont encore l’objet de débats nourris.

Notre commission des lois a adopté un amendement visant à ce que la demande d’une ordonnance provisoire de protection immédiate puisse être faite par la victime elle-même, la décision restant soumise à l’avis conforme du procureur de la République.

Il me paraît en effet inimaginable qu’une personne – généralement une femme – ne puisse pas être actrice de sa propre protection en cas de danger grave et immédiat : il est nécessaire de conférer un rôle actif aux victimes.

On nous répondra qu’il y a un risque d’instrumentalisation, que recueillir l’avis du procureur sur la requête d’une partie ajoute une étape et rallonge les délais, ou encore que conditionner l’accès au juge civil à l’appréciation du parquet comporte un risque constitutionnel. Tout cela ne devrait pas conduire à évincer les victimes du processus.

Leur consentement ab initio, tel que proposé par le Gouvernement, ne me semble pas suffisant. Un équilibre doit être trouvé entre le respect de l’office du juge aux affaires familiales et la possibilité pour les victimes de violences graves de demander une protection en urgence. Voilà qui relève du bon sens, et nous aurons ce débat.

En ce qui concerne l’appréciation de la notion de danger, nous avons débattu des conditions – cumulatives – qu’impose le droit en vigueur. La personne bénéficiaire d’une ordonnance de protection doit avoir été victime de violences vraisemblables et encourir un danger grave et actuel.

Cette condition cumulative est essentielle pour permettre au juge civil de prendre une mesure non pas pénale – elle ne constitue pas une sanction –, mais civile, de prévention d’un risque futur. Il n’en demeure pas moins que la charge de la preuve de violences passées vraisemblables et d’un danger actuel incombe à la personne qui bénéficierait de l’ordonnance de protection.

Le faible taux d’acceptation des demandes, particulièrement notable dans certains départements, impose une réflexion. Trop de magistrats considèrent encore que le danger cesse avec la communauté de vie, ce qui est illusoire et contraire à la loi. L’article 515-9 du code civil prévoit en effet que l’absence de cohabitation ne signifie pas l’absence de danger. Quitter le domicile ne devrait donc pas faire obstacle à la délivrance par le juge d’une ordonnance de protection.

Je partage ainsi pleinement le diagnostic de Dominique Vérien sur la nécessité de faciliter le recours à l’ordonnance de protection et d’en raffermir le dispositif ; à cet égard, je salue les apports à ce débat d’Elsa Schalck, dont je partage les positions, ainsi que l’engagement de Laurence Harribey. Dans une démarche transpartisane, nous vous proposerons un amendement en ce sens.

Mes chers collègues, permettez-moi de profiter de la discussion de ce texte pour aborder la question des victimes de violences intrafamiliales à l’étranger. Si l’on n’en connaît pas le nombre exact, on peut estimer à plus de 1 million le nombre de femmes françaises à l’étranger – peut-être 1,5 million, peut-être 2 millions… À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères s’est félicité d’avoir secouru 120 de ces femmes en 2023. Vous avez bien entendu : 120…

À la lecture du rapport Plan rouge VIF, j’ai pu constater qu’un nombre important de dispositifs existent en matière de détection et de signalement des violences. L’isolement des victimes est un fléau et toute initiative pour les en sortir doit être encouragée. Des numéros d’appel et des plateformes ont été mis à disposition en France et la possibilité prochaine de porter plainte en ligne me semble salvatrice.

Toutefois, rien de tout cela n’est accessible pour les victimes de violences à l’étranger : c’est comme si elles n’existaient pas. Les numéros courts tels que le 3919 ne sont pas joignables depuis l’étranger ; il suffirait pourtant de proposer un numéro accessible hors de France.

De même, avant toute démarche pour signaler ou demander de l’aide, la plateforme nationale Arrêtons les violences exige d’indiquer un code postal français ou une ville en France ; il suffirait d’ajouter une option « hors de France ».

Les vidéos de sensibilisation que j’ai pu consulter sur les sites du Gouvernement – elles sont plus d’une vingtaine – visent à toucher tous les milieux, par exemple les femmes en outre-mer, mais on n’y trouve rien pour les Françaises à l’étranger. Pourtant, la délégation aux droits des femmes du Sénat s’inquiétait de leur sort dès 2020, dans son rapport sur les effets du confinement.

Chacun sait que les violences intrafamiliales ne connaissent pas de frontières, bien au contraire. Violences économiques, violences administratives, barrière de la langue ou de la culture… : à l’étranger, l’isolement s’accroît avec la distance.

Oui, il est plus ardu d’identifier les victimes ; oui, il est plus compliqué de les aider en raison des conflits de lois ; oui, lorsqu’une femme rentre en France pour se mettre à l’abri, le déplacement de ses enfants peut être illicite. Il faut néanmoins les aider – et, disant cela, je m’adresse à M. le garde des sceaux.

Les initiatives d’associations telles que France Victimes, qui propose un numéro de téléphone accessible depuis l’étranger, The Sorority Foundation, qui a lancé la plateforme Save You, ou Mots et Maux de femmes méritent d’être relayées par les systèmes nationaux existants, de même que des initiatives de partenariat institutionnel comme celle de l’avocate Chloé Vialard à Singapour.

Il convient de considérer toutes les victimes, qu’elles soient en France ou à l’étranger. À cette fin, l’information doit être nettement améliorée, ce qui passe par l’intégration des initiatives que j’ai citées dans les programmes développés en France.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste votera pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Elsa Schalck et M. Michel Masset applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en 2017, le mouvement #MeToo mettait la question des violences fondées sur le genre au cœur du débat public. Depuis, on nous a dit que ce sujet était érigé en grande cause du quinquennat, que la parole des femmes s’était enfin libérée, alors que celles-ci avaient toujours parlé, que dorénavant nos revendications étaient écoutées et que l’État nous protégeait.

En réalité, nous sommes toujours très loin d’une telle écoute et d’une telle protection. Tous les jours, en France, des femmes, des filles et des enfants subissent des violences fondées sur le genre, dont seule une partie minime entre dans les statistiques. Le ministère de l’intérieur lui-même estime que 6 % seulement des victimes de violences sexuelles physiques, comme le viol, portent plainte.

En réalité, la lutte contre les violences sexuelles est très loin d’être gagnée. La protection des victimes de violences de genre doit donc être largement accrue et le renforcement des ordonnances de protection que prévoit cette proposition de loi apporte une brique très attendue à l’édifice.

Grâce au travail d’Émilie Chandler, qui en est l’auteure, et de Dominique Vérien, qui en est la rapporteure au Sénat, cette proposition de loi prévoit de doubler la durée de l’ordonnance de protection et, surtout, de créer une ordonnance provisoire de protection immédiate ayant vocation à protéger les victimes pendant l’examen de la demande d’ordonnance proprement dite.

Je tiens à rappeler l’importance de cette protection immédiate.

Si les Espagnols ont mis en place un système similaire, permettant d’éloigner immédiatement le conjoint violent, c’est qu’ils savent que, statistiquement, c’est dans les quarante-huit heures après la dénonciation que le féminicide survient. Aussi l’éloignement immédiat sauve-t-il des vies.

Le combat de Dominique Vérien contre les violences sexuelles est exemplaire depuis très longtemps ; nous devons à son engagement constant d’avoir pu compléter ce texte, et je tenais à l’en remercier. Je salue notamment l’adoption en commission de l’amendement qui tend à permettre aux victimes de saisir elles-mêmes la justice pour obtenir une ordonnance provisoire de protection immédiate.

Par ailleurs, ce texte permettra de suspendre le droit de visite et d’hébergement du parent violent, alors qu’en France 400 000 enfants vivent dans un foyer où sont commises des violences conjugales.

À l’évidence, ce texte constitue une grande avancée. Demeure toutefois un angle mort, aucune mesure n’étant prévue pour faciliter l’octroi des ordonnances de protection elles-mêmes.

En effet, les ordonnances de protection ne sont octroyées qu’à la double condition que la personne ait vraisemblablement été victime de violences et qu’elle soit exposée à un danger. Cette double condition a pour effet d’allonger le temps d’examen des demandes, alors que, nous le savons, chaque heure qui passe expose les victimes à un danger. Quand on a vraisemblablement été victime de violences, on est par définition en danger. C’est pourquoi le seul fait d’avoir été victime de violences devrait suffire pour pouvoir demander une ordonnance de protection.

Une révision des critères de recevabilité est donc urgente, même si, pour de nombreuses victimes, elle arriverait trop tard.

Elle arriverait trop tard pour Hadjira, de Franconville, qui avait demandé une ordonnance de protection contre son conjoint violent. Le 2 mai 2023, le juge avait refusé sa demande de protection, considérant qu’aucun élément ne prouvait l’existence d’un danger réel. Le 21 juillet, son conjoint la poignardait à mort dans son appartement en présence de ses deux enfants âgés respectivement de 2 ans et 4 ans.

Elle arriverait également trop tard pour Sandra, de Bordeaux, qui avait demandé une ordonnance de protection contre son ex-conjoint violent. Après d’innombrables appels à la police alors que ce dernier campait devant chez elle et devant l’école maternelle de leur fille, elle avait écrit une lettre au Président de la République et au procureur de la République dans laquelle figuraient ces mots : « Il est certain que je ne tiendrai pas longtemps dans ces conditions, et je crains le pire des dénouements sans votre intervention. » Sandra a été tuée par son ex-conjoint le 2 juillet 2021.

Chaque femme qui a vraisemblablement été victime de violences est en danger. C’est pourquoi plusieurs d’entre nous avons déposé des amendements pour réviser les critères de recevabilité des demandes d’ordonnance.

J’espère qu’ils seront adoptés, d’autant que ces conditions de recevabilité restrictives sont l’une des raisons du faible recours aux ordonnances de protection. En 2022, 3 621 ordonnances de protection ont été délivrées en France, soit un dixième des 30 000 ordonnances délivrées la même année en Espagne.

Cela s’explique aisément : alors que l’Espagne s’est dotée de juridictions spécialisées et compétentes en matière de protection comme de sanctions, il faut en France multiplier les démarches au pénal et au civil. En effet, nous attendons toujours que l’État consacre 1 % du PIB à la lutte contre les violences faites aux femmes. De même, il continue de nous manquer, en la matière, une loi globale, cette loi que demandent 147 femmes dans une tribune publiée aujourd’hui dans le journal Le Monde – je m’associe à leur appel.

En attendant cette grande loi, et sans réserve, les écologistes voteront évidemment pour ce texte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le rapport annuel 2023 du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) sur l’état des lieux du sexisme en France démontre que les violences sexistes et sexuelles ne reculent pas.

En effet, 244 000 victimes de violences commises par leur conjoint ou ex-conjoint ont été enregistrées par les services de sécurité en 2022, et 86 % de ces victimes étaient des femmes.

Dans mon département de La Réunion, en 2023, 66,5 % des violences intrafamiliales concernaient des violences conjugales, et 85 % des victimes étaient des femmes. En moyenne, chaque jour, douze femmes y dénoncent des faits de violences conjugales.

La situation est particulièrement préoccupante. On constate une hausse de 17 % des violences intrafamiliales, les forces de l’ordre intervenant en moyenne dix-sept fois par jour pour des faits de violences intrafamiliales.

Pourtant, sur l’ensemble du territoire national, une victime sur quatre seulement porte plainte ; il est donc urgent d’agir.

Le dispositif de l’ordonnance de protection, qui a été mis en place en 2010, puis amélioré par cinq réformes, permet au juge aux affaires familiales de statuer sur une situation de danger et de prendre des mesures à l’encontre du conjoint violent, bien que ce dernier soit présumé innocent, la priorité étant de protéger les victimes de violences.

Ainsi, le juge peut, sous six jours après la saisine, interdire au conjoint violent d’entrer en contact avec la victime, de se rendre dans certains lieux et de porter une arme. Il peut aussi statuer sur la résidence séparée et sur l’autorité parentale.

Si le dispositif est de plus en plus utilisé et permet de lutter activement contre les violences conjugales, il reste perfectible – c’est là toute la raison d’être de cette proposition de loi.

Tout d’abord, nous devons nous prononcer sur l’allongement de six à douze mois de la durée de l’ordonnance de protection. Nous ne pouvons être que favorables à l’extension de ce délai, d’autant que, dans la plupart des cas, l’accusé n’a toujours pas été jugé au bout de ces six mois. Or notre priorité est bien de protéger la victime, dans l’attente d’une décision pénale définitive.

Ensuite, cette proposition de loi a vocation à introduire un mécanisme d’ordonnance provisoire de protection immédiate. Alors qu’au moins 103 féminicides ont été commis par un conjoint ou un ex-conjoint en France en 2023, il est évident que chaque jour compte ; aussi le délai de six jours qui sépare la demande d’ordonnance de protection de la décision du juge peut-il avoir des conséquences dramatiques.

En instaurant un mécanisme d’ordonnance provisoire permettant de prendre des mesures de protection de la victime sous vingt-quatre heures, les auteurs de ce texte se donnent donc l’ambition de sauver des vies.

Toutefois, nous regrettons que cette ordonnance provisoire de protection ne soit pas prise par le procureur de la République lui-même. Nous avons donc déposé un amendement en ce sens, sur le modèle des ordonnances de placement provisoire visant à protéger les enfants en danger. En effet, à l’inverse du parquet, les services du juge aux affaires familiales ne disposent pas d’une permanence, et ce texte n’en prévoit pas la mise en place. Afin que la protection soit la plus efficiente possible, nous souhaitons que la présente proposition de loi soit cohérente avec la réalité des moyens dont dispose la justice.

Par ailleurs, pour lutter plus efficacement encore contre les violences conjugales, nous invitons M. le garde des sceaux à mettre en avant ces dispositifs auprès des magistrats du siège et du parquet : il s’agit d’en développer l’usage et d’unifier les pratiques sur tout le territoire.

En 2022, le ministère public n’était à l’origine que de 2 % des demandes d’ordonnance de protection ; le besoin de formation est donc criant.

Nous voterons naturellement en faveur de ce texte, qui s’inscrit dans l’objectif primordial de protection des victimes de violences conjugales.

Toutefois, s’il est crucial de protéger les femmes subissant des violences conjugales, le rôle de votre majorité, madame la ministre, est bien de lutter à la racine contre le sexisme, car ce phénomène, qui est en augmentation dans la société française, est la cause de telles violences immondes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Laurence Rossignol applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Michel Masset. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, bien que chacun rêve d’un monde où l’ordonnance de protection serait tombée en désuétude, le constat reste, hélas ! dramatique : en 2023, près de 110 féminicides perpétrés par un conjoint ou un ex-conjoint ont été recensés et, plus largement, des centaines de milliers de faits de violences conjugales et intrafamiliales sont commis chaque année. L’ordonnance de protection demeure donc un dispositif absolument nécessaire.

Dans un contexte de libération de la parole et d’amélioration des conditions de l’accueil des victimes par les services de police et de gendarmerie, le nombre de victimes enregistrées augmente constamment et significativement, ce qui met à l’épreuve notre dispositif législatif, lequel doit être régulièrement réformé en fonction des remontées du terrain.

Telle est la raison qui nous conduit à examiner ce nouveau texte modifiant le dispositif de l’ordonnance de protection.

Dans le rapport Plan rouge VIF. Améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales, qu’elles ont rendu en 2023, nos collègues Émilie Chandler, députée, et Dominique Vérien, rapporteure du présent texte au Sénat, notent que le nombre de demandes d’ordonnance de protection ayant été prononcées pour lutter en urgence contre des violences conjugales a été multiplié par 3,6 entre 2011 et 2021.

Si l’on ne peut que regretter qu’il soit nécessaire d’y recourir, tant mieux si ce dispositif fonctionne, car il permet aux juges aux affaires familiales d’assurer dans l’urgence la protection des victimes de violences intrafamiliales. Le rapport que je viens de citer montre néanmoins que l’usage de l’ordonnance de protection demeure quelque peu bridé. Des exemples européens, notamment le modèle espagnol, auquel il a été fait référence, témoignent de ce que le modèle français peut et doit encore être amélioré.

Voilà quel est l’objet de cette proposition de loi, dont il faut saluer tant les auteurs que ceux qui ont participé à son amélioration, à commencer, bien entendu, par notre rapporteure.

L’article 1er du texte contient deux apports majeurs.

D’une part, il double la durée maximale des mesures prises dans le cadre d’une ordonnance de protection, qui passerait de six à douze mois. C’est une bonne chose, car le délai de six mois était vraiment trop court.

D’autre part, il crée une ordonnance provisoire de protection immédiate permettant à une victime présumée de violences conjugales de saisir le juge aux affaires familiales, lequel devra se prononcer dans un délai de vingt-quatre heures, afin de bénéficier de mesures d’urgence dans l’attente de la décision statuant sur l’ordonnance de protection. Il s’agit d’un dispositif cohérent, qui permettra à la justice de mieux répondre à la détresse des victimes.

Par ailleurs, je tiens à souligner les apports de notre commission, en particulier l’article 2 bis, qui ouvre au procureur de la République la possibilité d’octroyer un téléphone grave danger dans le cadre des ordonnances de protection. Cette nouvelle mesure concrète va évidemment dans le bon sens.

Les avancées ainsi proposées représentent une étape supplémentaire dans un parcours qui est malheureusement loin d’être achevé, qu’il s’agisse de la lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes, de la lutte contre les violences intrafamiliales ou de la protection des enfants.

Dans un rapport rendu en septembre 2023, la Cour des comptes souligne plusieurs lacunes de l’action publique en ce domaine, qui ont trait notamment à son pilotage global. Si l’égalité entre les femmes et les hommes a pu être érigée en grande cause nationale, nous manquons encore de visibilité sur les actions de long terme qui sont entreprises pour endiguer les inégalités de genre et leurs dramatiques expressions violentes.

Bien entendu, nous saluons ce qui est fait, à l’image de cette proposition de loi. Mais d’autres mesures peuvent être engagées afin d’inscrire cette politique dans la durée et de faire évoluer les mentalités. Les jeunes générations doivent être sensibilisées le plus tôt possible, au travers d’un volet éducatif qui assurerait en la matière une véritable mutation.

De même, il est nécessaire de poursuivre nos efforts en matière de protection des enfants qui subissent ces violences conjugales, soit en tant que victimes directes soit en tant que témoins traumatisés de tels actes. Pour eux aussi, nous devons engager des politiques d’envergure et y adosser des moyens humains et financiers suffisants.

Nous avons donc encore à faire. Toutefois, cette remarque n’enlève rien à la grande qualité de ce texte, que notre groupe votera unanimement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la rapporteure, je salue la qualité de votre travail et la force de votre engagement sur le sujet qui nous réunit.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, créées par la loi du 9 juillet 2010, les ordonnances de protection permettent au juge aux affaires familiales de prononcer des mesures temporaires, en droit pénal et en droit civil, pour assurer la sécurité d’une personne victime de violences conjugales. Le recours à cet instrument et le taux d’acceptation des demandes n’ont cessé d’augmenter entre 2011 et 2021.

Son intérêt et son efficacité dans la lutte contre les violences intrafamiliales ne faisant guère de doutes, ce dispositif a été perfectionné plusieurs fois, en 2014, en 2019, en 2020 et en 2022.

Malgré tout, le taux de recours à cette mesure reste à ce jour beaucoup plus faible dans notre pays qu’en Espagne, pays précurseur en la matière, si l’on se réfère au nombre de femmes victimes de violences conjugales. En effet, 6 435 demandes d’ordonnance de protection auraient été déposées en France en 2023, alors que 321 000 femmes – ce sont elles qui sont majoritairement concernées – s’étaient la même année déclarées victimes de violences conjugales.

Sont notamment en cause les délais de délivrance : particulièrement longs – six jours en moyenne –, ils se révèlent dissuasifs dans un domaine où l’urgence est impérative.

Ce texte, qui, vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, constituerait la sixième réforme du dispositif en quatorze ans, a pour objet de rendre plus opérante l’ordonnance de protection et ainsi de permettre aux victimes d’y avoir davantage recours.

Tout d’abord, il porte de six à douze mois la durée initiale des mesures prononcées au titre de l’ordonnance de protection, cette durée n’étant actuellement renouvelable qu’en cas de changement de situation familiale tel qu’un divorce ou une demande relative à l’exercice de l’autorité parentale. Cette mesure laissera au bénéficiaire le temps de s’organiser et remédiera aux situations difficiles dans lesquelles un couple ne peut pas bénéficier de la prolongation automatique des effets de l’ordonnance parce qu’il n’est pas marié ou n’a pas d’enfant commun.

Ensuite, il permet au juge aux affaires familiales de délivrer, sur demande du procureur de la République, une ordonnance provisoire de protection immédiate dans un délai de vingt-quatre heures, dans l’attente de la décision au fond concernant une ordonnance de protection. Les apports de la commission tendant à ouvrir la saisine du JAF à la personne en danger, à étendre la liste des mesures pouvant être prononcées dans ce cadre et à alourdir les sanctions encourues nous paraissent aller dans le bon sens.

Je salue la mention expresse de l’applicabilité de ce texte en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. Madame la ministre, si vous disposez de ces informations, il m’intéresserait de savoir combien d’ordonnances de protection sont demandées et accordées chaque année en outre-mer, où l’on sait que, comparées à la moyenne nationale, les violences intrafamiliales sont plus fréquentes et plus graves.

Cette proposition de loi s’inscrit dans un contexte général tendant à faire de la lutte contre les violences intrafamiliales une priorité ; nous ne pouvons qu’y souscrire.

Toutefois, en tant que praticien, il me semble qu’il faudra veiller à ce que l’application de ce texte concilie plusieurs éléments : l’impératif de protection des victimes – je rappelle que la procédure civile fait peser la charge de la preuve sur le demandeur, qui devra recueillir les éléments justifiant le prononcé d’une ordonnance de protection –, le respect des droits fondamentaux, la réalité pratique des juridictions.

Nous savons que, dans la pratique, un avis motivé du ministère public, qui a accès aux antécédents judiciaires, aux mains courantes et aux éventuels classements sans suite, peut s’avérer décisif pour emporter la conviction du juge…

Vous l’aurez compris, le groupe RDPI votera en faveur de cette proposition de loi, de préférence enrichie des deux amendements que nous avons déposés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Harribey. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le nombre de demandes d’ordonnance de protection est passé de 1 600 en 2011 à 6 000 en 2021. Entre 2019 et 2021, 66 % des demandes ont été acceptées. Au 17 avril, 35 féminicides avaient déjà été commis en 2024.

Cette proposition de loi, qui fait suite au rapport Plan rouge VIF remis en mai 2023 par Émilie Chandler et Dominique Vérien, est donc nécessaire. Elle constitue un pas de plus vers la protection des victimes.

Le cœur du texte se trouve à l’article 1er, qui allonge de six à douze mois la durée des mesures prises dans le cadre de l’ordonnance de protection, ou OP, et crée le dispositif de l’ordonnance provisoire de protection immédiate.

Notre groupe a toujours défendu une telle évolution. Ainsi avons-nous depuis des années présenté des amendements visant à allonger la durée de l’OP. Je veux évoquer les amendements déposés par nos collègues Michelle Meunier et Laurence Rossignol lors de l’examen du projet de loi dit Taquet, devenu la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, ainsi que le texte déposé à l’Assemblée nationale en décembre 2022 par notre collègue députée Cécile Untermaier, qui prévoyait précisément ce passage de six à douze mois. J’ai moi-même repris ce dispositif dans un amendement défendu lors de l’examen de la proposition de loi de notre collègue députée Isabelle Santiago visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de VIF. Malheureusement, nos propositions en ce sens ont toutes été rejetées.

L’OPPI est un dispositif d’urgence, qui, vu les chiffres, est indispensable.

Nous saluons d’ailleurs le travail effectué en commission par Mme le rapporteur, qui a notamment assoupli le dispositif en prévoyant l’ouverture de la saisine du JAF à toutes les personnes ayant demandé l’octroi d’une OP avec avis conforme du parquet. De fait, les auditions ont clairement montré que le dispositif initial semblait complexe et trop restreint, ce qui lui faisait perdre en efficacité.

Le travail mené en commission des lois est allé dans le bon sens, et je vous en remercie, madame le rapporteur.

Nous avons voté la suspension provisoire, pour la durée de l’OPPI, du droit de visite et d’hébergement de l’auteur présumé de violences, ainsi qu’un amendement tendant à ce que l’adresse du bénéficiaire de l’OP soit masquée lorsque la demande de communication de la liste électorale provient de l’auteur de violences.

Cependant, nous défendrons quelques amendements pour améliorer encore le texte.

Un amendement, déjà déposé par notre groupe lors de l’examen du projet de loi Taquet, vise à inciter davantage le JAF à confier l’autorité parentale, pendant la durée de l’OP, à la victime de violences. Si le code civil dispose déjà que le juge se prononce sur la suspension de l’autorité parentale, notre dispositif va plus loin, puisqu’il prévoit, en une forme de renversement de la charge de la preuve, que la décision de ne pas suspendre l’autorité parentale de l’auteur de violences doit être spécialement motivée.

Un deuxième amendement, qui avait antérieurement été déposé par notre groupe à plusieurs reprises, a pour objet de dissimuler l’adresse de l’école des enfants au parent auteur de violences, dans la continuité de ce que vous avez proposé, madame le rapporteur. En effet, des cas existent où le parent violent retrouve la victime via le lieu de scolarisation des enfants.

Un troisième amendement tend à revenir sur la notion de danger, ainsi que plusieurs d’entre nous en ont souligné la nécessité.

Actuellement, l’article 515-11 du code civil conditionne la délivrance de l’OP à l’existence de faits de violence allégués et à l’existence d’un danger. Le caractère cumulatif de ces deux éléments est interprété de manière stricte, notamment dans l’arrêt du 13 février 2020 de la Cour de cassation, qui semble faire date ; inutile de souligner que cela alourdit singulièrement la charge de la preuve pour les victimes, faisant perdre de son efficacité au dispositif de l’OP.

Nous vous proposons une solution de compromis, défendue par notre groupe de longue date : sans supprimer complètement la notion de danger – ainsi évitons-nous le prétendu « problème de constitutionnalité » qui nous est sans cesse opposé –, nous proposons de rendre les deux critères alternatifs plutôt que cumulatifs.

Notre rédaction est claire et lisible pour les professionnels du droit. Il s’agit simplement de remplacer « et » par « ou » à l’article 515-11 du code civil.

Quelle que soit l’issue de nos discussions, nous voterons évidemment ce texte nécessaire, qui va vers une meilleure protection des victimes de violences conjugales. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Elsa Schalck. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Olivia Richard applaudit également.)

Mme Elsa Schalck. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans la lignée de notre combat commun contre les violences conjugales et intrafamiliales.

Nous pouvons saluer les nombreuses initiatives parlementaires visant à lutter contre ce qui constitue un véritable fléau au sein de notre société. Il y a peu de temps, nous examinions ici même une proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille ; il s’agissait de mettre fin à de profondes injustices en cas de meurtre d’un conjoint.

Déposé par la députée Émilie Chandler et adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale, le présent texte a pour objet de compléter les outils mobilisables au service de la protection des victimes.

Je tiens à mon tour à saluer cette proposition de loi, car sa finalité est, d’une part, d’améliorer le dispositif de l’ordonnance de protection, principalement en allongeant la durée de ses effets, et, d’autre part, de créer un nouvel outil, inédit en la matière, à savoir l’ordonnance provisoire de protection immédiate.

Je tiens également à remercier Mme la rapporteure, Dominique Vérien, avec laquelle nous avons beaucoup échangé sur le sujet. Nous connaissons l’engagement de notre collègue, présidente de la délégation aux droits des femmes, dont témoignent notamment les travaux menés dans le cadre de l’élaboration du rapport Plan rouge VIF.

L’ordonnance de protection a été créée par le législateur en 2010. Elle répondait à un besoin de protection judiciaire des victimes de violences conjugales et conférait au juge aux affaires familiales la faculté de prononcer des mesures provisoires relevant du droit civil, mais également du droit pénal.

En quatorze années d’existence, le dispositif a été amélioré à plusieurs reprises, grâce à des évolutions législatives. Nous ne pouvons que constater, année après année, l’augmentation du nombre de demandes d’ordonnance de protection, passé de 1 600 en 2011 à 6 000 en 2021.

Ces chiffres démontrent la pertinence d’un tel outil, qui répond à de réels besoins des victimes : celui, par exemple, d’obtenir rapidement des interdictions d’entrer en contact, de détenir ou de porter une arme, de se rendre dans certains lieux, mais aussi, évidemment, celui d’obtenir qu’il soit statué rapidement sur le droit de garde des enfants.

La loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, dont l’initiative revenait à notre famille politique, a permis la réduction à six jours du délai de délivrance de l’ordonnance de protection.

Bien que raccourci, ce délai de délivrance laisse encore un intervalle de risque durant lequel la victime reste exposée au danger. C’est tout le sens de l’ordonnance provisoire de protection immédiate qui verra le jour – je l’espère – grâce à ce texte : elle répond au besoin de protection d’urgence, c’est-à-dire de réactivité immédiate de la part des juridictions.

L’article 1er, qui porte création de cette OPPI, prévoit qu’une telle ordonnance soit délivrée par le juge aux affaires familiales dans un délai de vingt-quatre heures. C’est l’une des innovations majeures de ce texte ; je tiens à la saluer, même si, comme nous le verrons lors du débat d’amendements, quelques points demeurent en suspens, pour ce qui concerne notamment la saisine.

Je me réjouis, toujours à l’article 1er, de l’allongement de la durée de l’ordonnance de protection, qui passe de six à douze mois : cette disposition va elle aussi dans le sens d’une meilleure protection des victimes de violences. Nous savons en effet que, dans certaines situations conflictuelles, le délai de six mois peut s’avérer particulièrement court.

L’article 2 a été modifié par notre rapporteure de manière à harmoniser les sanctions prévues en cas de violation de l’OPPI et en cas de violation de l’OP. Je m’en félicite : nous savons à quel point nous avons besoin de cohérence dans les textes que nous adoptons !

La discussion de cet article permet également de rappeler qu’il est nécessaire de déployer des moyens suffisants pour assurer l’effectivité des sanctions et, ce faisant, la pertinence des mesures de l’OP. Combien de sanctions, madame la ministre, sont prononcées à l’encontre de ceux qui violent l’ordonnance de protection ?

Deux points d’importance seront soumis au débat.

Le premier concerne la saisine du juge aux affaires familiales. Le texte initial prévoyait la saisine par le seul procureur de la République. Si des garanties sont évidemment nécessaires s’agissant d’une procédure sans contradictoire et sans voie de recours, j’émets des réserves quant à cette saisine unique. À cet égard, l’amendement proposé par notre rapporteure et adopté par notre commission pourra donner lieu à discussion.

Comme l’a indiqué M. le garde des sceaux à l’Assemblée nationale, l’OPPI est un dispositif accessoire à l’ordonnance de protection. Il serait donc à mon sens antinomique de permettre à la partie victime de saisir le JAF pour une demande d’ordonnance de protection principale et de le lui interdire pour la demande accessoire que constitue ce nouvel outil.

Le second point de débat a trait à la notion de danger. Si l’ordonnance de protection est octroyée à la double condition qui a été évoquée, nous voyons bien que les chiffres peuvent masquer des réalités totalement différentes en fonction des juridictions. Nous devons aussi entendre les professionnels qui nous alertent sur la non-délivrance d’OP lorsque la victime a quitté le domicile conjugal, le critère de danger n’étant plus considéré comme satisfait : cette situation de fait constitue un frein à la délivrance d’OP.

Les membres du groupe Les Républicains verseront au débat un certain nombre d’amendements visant à résoudre ces difficultés.

Cela étant, mes chers collègues, la lutte contre les violences conjugales est une lutte de chaque instant, raison pour laquelle le groupe LR votera évidemment pour ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Olivia Richard applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Dany Wattebled. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les chiffres sont connus : au cours de l’année 2022, 321 000 femmes se sont déclarées victimes de violences conjugales et 62,5 % seulement des 5 800 ordonnances de protection demandées ont été délivrées par le juge.

Ces chiffres nous indiquent le chemin qu’il nous reste à parcourir afin de mieux garantir la protection de la victime au sein de son foyer, d’une part, et de mieux prévenir la récidive, d’autre part.

Ce chemin, nous le poursuivrons aussi longtemps que des femmes, mais aussi des enfants, seront en danger à l’intérieur même de la cellule familiale. Qu’ils soient assurés que, tout du long, nous demeurerons mobilisés !

À cet égard, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi est la bienvenue. Elle met en œuvre l’une des cinquante-neuf recommandations formulées dans le rapport Plan rouge VIF, issu des travaux de la mission parlementaire sur l’amélioration du traitement judiciaire des violences intrafamiliales.

Si elle est adoptée, elle constituera la sixième réforme, en quatorze ans, du dispositif de protection judiciaire d’urgence des victimes présumées de violences intrafamiliales.

Ce texte vise ainsi fort opportunément à renforcer l’ordonnance de protection, dont la durée passerait de six à douze mois, et à créer un dispositif nouveau, l’ordonnance provisoire de protection immédiate, afin de protéger plus rapidement la personne menacée et ses enfants.

Je me félicite des améliorations issues des travaux de commission.

Parmi celles-ci, je me réjouis notamment de l’apport de l’article 2 bis, qui introduit la possibilité d’octroyer un téléphone grave danger dans le cadre des ordonnances provisoires de protection immédiate.

Je partage également la position de la commission consistant à éviter tout risque d’utilisation détournée de la communication des listes électorales, et ce en permettant de dissimuler l’adresse de la personne bénéficiaire d’une ordonnance de protection dans le cas où la demande de communication de la liste électorale émanerait de l’auteur de violences.

Enfin, je suis tout à fait favorable à la saisine du juge aux affaires familiales par la personne en danger et à la suspension du droit de visite et d’hébergement du parent violent pendant la durée de l’ordonnance provisoire de protection immédiate.

Avant de conclure, je tiens à saluer Mme la rapporteure, notre collègue Dominique Vérien, pour son implication dans la lutte contre les violences faites aux femmes et pour la qualité de ses travaux.

Mes chers collègues, les violences au sein du foyer restent prégnantes. Il s’agit d’un fléau, que nous devons continuer à combattre sans répit.

Vous l’aurez compris, le groupe Les Indépendants apporte tout son soutien à ce texte, qui constitue une nouvelle étape importante dans l’amélioration et le renforcement des outils mis à la disposition du juge civil pour protéger les personnes présumées victimes de violences commises par leur conjoint ou leur ex-conjoint. Il le votera à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Laurent Somon applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce matin, 147 femmes, et quelques hommes avec elles, demandaient, dans une tribune publiée dans le journal Le Monde, une « loi intégrale » contre les violences patriarcales.

Le concept de « loi intégrale » ne fait pas partie de notre vocabulaire : nous parlerions plutôt d’une « loi d’orientation », d’une « loi-cadre », d’une « grande loi ».

Quoi qu’il en soit, ce que demandent ces femmes, c’est une loi qui vise à la fois les violences sexuelles – les viols, les agressions sexuelles –, les violences physiques, les féminicides et les violences psychologiques qui ont en commun d’avoir été commises par des hommes qui considèrent qu’être un homme, c’est exercer son droit de propriété et son droit de cuissage sur les femmes et sur les enfants.

Ce droit de propriété, ce droit de cuissage, ils entendent l’exercer sur leur femme, mais aussi sur leurs ex-compagnes, sur leurs collaboratrices, sur les femmes qu’ils rencontrent dans des soirées, autrement dit sur toutes les femmes qu’ils peuvent agresser sexuellement chaque fois que l’occasion leur en est donnée – dès lors qu’ils le peuvent, ils le font.

Ce ne sont ni des pervers ni des malades psychiatriques : ce sont juste des hommes qui considèrent qu’être un homme autorise de tels agissements.

Je voulais donc tout d’abord apporter mon soutien à cette demande formulée ce matin via la tribune publiée dans Le Monde.

Ensuite, je voulais vous dire, mes chers collègues, que je trouve que nous légiférons mal, et même très mal.

Nous allons aujourd’hui, je l’espère, voter l’allongement de la durée de l’ordonnance de protection. Je vais à cet égard procéder à quelques rappels historiques, sans avoir besoin, d’ailleurs, de remonter très loin dans le temps.

En 2019, j’ai déposé, avec mes collègues, un amendement tendant à allonger la durée de l’ordonnance de protection. Nous avons fait de même en 2020, lors de l’examen de la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales, et en 2021, sur le projet de loi relatif à la protection des enfants. Chaque fois, l’amendement est rejeté à la suite d’un avis défavorable du Gouvernement et d’un vote de la majorité sénatoriale conforme à cette préconisation. Idem en 2022, sur le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, et en 2023, sur la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales.

Autrement dit, c’est à cinq reprises que j’ai proposé, avec les collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicains et des collègues des autres groupes de gauche, que nous allongions la durée de l’ordonnance de protection.

Enfin, nous y venons ! Tout à l’heure, nous allons discuter du remplacement par la conjonction de coordination « ou » de la conjonction de coordination « et » qui lie actuellement les deux critères de violences et de danger. Je ne suis pas sûre que nous l’adoptions, du reste…

Mes chers collègues, je suis lassée de devoir répéter que vous finirez par adopter, dans quelques mois ou dans un an, ce que vous refusez d’adopter aujourd’hui. Pourquoi perdre tant de temps ?

Un jour, alors que je regrettais que, pendant ce temps-là, des femmes meurent, certains de mes collègues s’étaient mis à crier très fort, me reprochant de les accuser. Non, chers collègues, je ne vous accuse de rien ! Je dis simplement que le temps que perd le Parlement, c’est du temps que les prédateurs, les violeurs et les assassins gagnent contre les femmes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Mélanie Vogel applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Do Aeschlimann. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai le privilège de pouvoir intervenir dans la discussion de cette proposition de loi qui vise à améliorer la protection des femmes victimes de violences intrafamiliales, particulièrement en situation d’urgence.

Inspirées du modèle espagnol, les ordonnances de protection, instaurées en 2010, permettent des interventions judiciaires rapides et anticipées pour protéger ces victimes, mais elles restent sous-utilisées : en 2022, 321 000 femmes ont déclaré avoir subi des violences infligées par leur partenaire ou par leur ex-partenaire, mais moins de 6 000 ordonnances de protection ont été demandées, et seules 3 600 ont été accordées.

Il est patent que la mesure gagnerait à être mieux connue !

Cependant, ce dispositif méritait également d’être amélioré, ce que préconisait le rapport Plan rouge VIF publié en 2023.

La présente proposition de loi y concourt judicieusement, au travers de deux améliorations majeures.

D’abord, elle étend la durée de la protection conférée par l’ordonnance de six à douze mois. Ce temps supplémentaire doit permettre à la victime de se structurer et de sécuriser son environnement après une séparation.

Ensuite, la création d’une ordonnance de protection immédiate, quasi instantanée, en cas de danger grave et immédiat, est également pertinente. En effet, c’est au moment où la victime se décide à dénoncer l’agression qu’elle devient plus vulnérable encore.

Le durcissement des sanctions, pour dissuader les agressions, est un bon signal.

Je tiens à saluer le travail de la rapporteure, Dominique Vérien, notre excellente présidente de la délégation sénatoriale aux droits des femmes, aux côtés de laquelle j’ai plaisir à travailler, et je me félicite que ce travail parlementaire soit reconnu à sa juste valeur.

Ce texte est une étape, car il n’épuise pas le sujet de la lutte contre les violences intrafamiliales.

C’est au vu de mon expérience d’élue locale depuis vingt-trois ans, d’avocate et, bien sûr, de femme que je me permets de formuler, devant la représentation nationale, quelques réflexions sur la lutte contre ce fléau.

Il faut avant tout accentuer l’information et l’éducation à la prévention des violences conjugales. Tous les dispositifs seront vains si les limites infranchissables de la dignité de la personne et du respect de l’autre ne sont pas posées et intégrées par chacun. Cet accompagnement doit être simple, accessible et délivré en proximité.

Les associations et collectivités locales y prennent souvent toute leur part. L’action du centre francilien pour l’égalité femmes-hommes Hubertine-Auclert est en la matière une référence. À Asnières-sur-Seine, où j’ai été déléguée aux droits des femmes, nous avons créé des logements d’urgence pour y abriter les femmes victimes au moment critique du dépôt de plainte contre leur agresseur présumé.

En tout point du territoire, il faut plus de moyens et de structures d’appui aux victimes.

Face aux violences intrafamiliales, il faut une tolérance zéro : au fond, il s’agit de ne jamais accepter la moindre violence, quelle qu’elle soit, et surtout pas la première.

La vulnérabilité favorise les comportements violents. D’après l’étude nationale relative aux morts violentes au sein du couple, 38 % des femmes victimes de féminicides en 2019 étaient des retraitées. Ce chiffre fait froid dans le dos…

Les violences intrafamiliales sont d’autant plus dangereuses qu’elles sont protéiformes et sournoises : psychologiques, économiques, indirectes… Quand elles prennent en otage les enfants du couple, elles sont encore plus inacceptables.

La situation des enfants covictimes de violences est dramatique. À leur traumatisme propre et actuel s’ajoutent les dégâts subséquents chez de futurs adultes. La violence alimente la violence, et, souvent, cette spirale ne s’arrête qu’avec la mort.

Le groupe LR votera naturellement en faveur de ce texte, qui va dans le bon sens. Il faut cependant admettre qu’il n’est qu’une étape, car il n’épuise pas le sujet de la lutte contre les violences intrafamiliales.

Beaucoup reste à faire pour mieux détecter les situations de violences intrafamiliales, réprimer plus durement leurs auteurs afin de lutter contre la récidive, mais aussi mieux réparer ces outrages. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Alexandra Borchio Fontimp. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « la vérité blesse, mais le silence tue ». Ces mots de Mark Twain trouvent un écho singulier dans le texte que nous examinons aujourd’hui, car le constat est double.

La vérité est blessante, car, malgré cinq réformes successives de l’ordonnance de protection, ce dispositif pourtant essentiel n’est toujours pas pleinement efficace et efficient.

Elle est surtout blessante parce qu’elle prend le visage des 321 000 femmes qui ont trouvé le courage de dénoncer les violences conjugales dont elles étaient victimes.

Le silence tue, car, en 2023, seules 6 435 d’entre elles ont souhaité demander une ordonnance de protection.

Dans un monde idéal, le caractère protecteur de notre droit devrait convaincre ces femmes victimes de violences intrafamiliales d’oser dénoncer pour mettre fin à ce climat d’insécurité qui règne au sein de leur foyer. Pourtant, nos efforts restent insuffisants, et nous devons continuer de les rassurer pour qu’elles s’extirpent de l’ombre dangereuse de leur conjoint violent.

Les coups tuent, oui, mais les silences aussi ! En tant que législateur, nous devons poursuivre le combat indispensable pour comprendre les causes de ce silence.

Lorsque l’on n’a jamais été confronté à une telle violence, il est facile, voire simpliste, de se demander : pourquoi restent-elles ? pourquoi se taisent-elles ? pourquoi reviennent-elles ? Ces questions peuvent paraître anodines, mais elles sont une violence supplémentaire faite à ces victimes, qui, par honte de leur situation, se murent dans le silence pour éviter d’être exposées. Cette équation à plusieurs inconnues est, pour elles, plus facile à résoudre par le néant…

La peur des représailles est sûrement la plus viscérale, la plus destructrice.

Pour celles qui parviennent à dépasser cette peur légitime, d’autres explications existent.

Il y va notamment non d’un manque de confiance dans la justice, mais de la conscience du manque de moyens de l’institution judiciaire, malgré les récentes avancées.

Il faut attendre six jours pour se voir délivrer une ordonnance de protection dite « classique », soit 144 heures pendant lesquelles ces femmes pourraient bien payer le prix fort…

Cette proposition de loi a pour objet d’anticiper via la création d’une ordonnance provisoire de protection : concrètement, la femme victime pourra être protégée instantanément pendant ces six jours fatidiques.

Par ailleurs, le juge pourra désormais soumettre à de nouvelles obligations le prétendu conjoint – disons plutôt « le véritable bourreau » – et l’éloigner plus rapidement de sa victime.

Ce texte semble donc répondre aux espoirs tant des femmes concernées que des différents acteurs œuvrant dans cette lutte ; encore faut-il consacrer à son application les moyens humains nécessaires !

Cette lutte, mes chers collègues, nous ne pouvons qu’y souscrire, et c’est pour cette raison que le Sénat examine ce texte avec intérêt. Celui-ci s’inscrit dans une démarche transpartisane, et le groupe Les Républicains le votera naturellement – je veux rappeler que la création de l’ordonnance de protection est issue, comme la dernière évolution législative du dispositif, en 2019, des travaux de ma famille politique.

Je tiens à saluer la rapporteure et la commission des lois, dont le travail permet de donner davantage de moyens d’action au juge ainsi qu’au procureur de la République.

Les débats à venir viendront enrichir la proposition de loi ; je pense notamment à l’adaptation du code civil, mesure défendue par notre collègue Elsa Schalck, qui permettrait de placer le droit au plus près de la réalité de la situation de danger dans laquelle se trouvent les victimes de violences conjugales.

Plus d’une femme sur trois aura été victime de violences conjugales durant sa vie, selon le dernier rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il aura fallu attendre le sursaut salutaire de 2017 pour que les alertes relatives à ce problème sociétal d’envergure soient entendues.

Espérons que ledit problème soit enfin compris et, pour ce faire, donnons à la justice des moyens qui soient à la hauteur des enjeux.

En ce 14 mai, 38 féminicides ont eu lieu en France depuis le début de l’année. Le dernier s’est déroulé voilà quelques jours, dans ma commune d’Antibes-Juan-les-Pins, dans les Alpes-Maritimes. La victime avait 33 ans. Elle était maman. L’auteur présumé a récidivé.

Réjouissons-nous des avancées que permet ce texte, mais restons humbles et mobilisés pour prévenir et repérer les violences conjugales, car le chantier ne fait que commencer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Billon applaudit également.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi renforçant l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi renforçant l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate
Article 1er (suite)

Article 1er

Le code civil est ainsi modifié :

1° A (nouveau) À la seconde phrase du 6° de l’article 515-11, les mots : « l’huissier » sont remplacés par les mots : « le commissaire de justice » ;

1° À la première phrase de l’article 515-12, le mot : « six » est remplacé par le mot : « douze » ;

2° Le titre XIV du livre Ier est complété par un article 515-13-1 ainsi rédigé :

« Art. 515-13-1. – Lorsque le juge aux affaires familiales est saisi d’une demande d’ordonnance de protection dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 515-10, la personne en danger peut, sur avis conforme du ministère public qui se prononce dans un délai de vingt-quatre heures, demander également une ordonnance provisoire de protection immédiate. L’ordonnance provisoire de protection immédiate peut aussi être demandée, avec l’accord de la personne en danger, par le ministère public.

« L’ordonnance provisoire de protection immédiate est délivrée par le juge aux affaires familiales dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa saisine s’il estime, au vu des seuls éléments joints à la requête par la personne en danger et par le ministère public, qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger grave et immédiat auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés. Le fait de joindre à une requête des pièces rédigées en langue étrangère ne peut motiver le refus de délivrer une ordonnance provisoire de protection immédiate.

« Le juge aux affaires familiales est compétent pour prononcer, à titre provisoire, les mesures mentionnées aux 1° à 2° bis, 6° et 6° bis de l’article 515-11, ainsi que la suspension du droit de visite et d’hébergement mentionné au 5° du même article 515-11.

« Ces mesures prennent fin à compter de la décision statuant sur la demande d’ordonnance de protection ou qui accueille une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l’instance. »

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° 2 rectifié est présenté par Mme O. Richard.

L’amendement n° 3 rectifié quater est présenté par Mme Schalck, MM. Anglars et Bazin, Mmes Bellurot et Belrhiti, MM. Brisson et Bruyen, Mme Borchio Fontimp, M. Belin, Mme Dumont, M. Darnaud, Mme Evren, MM. Frassa et Genet, Mmes Gosselin, Goy-Chavent, Gruny, Garnier et Estrosi Sassone, MM. C. Vial et Khalifé, Mme Josende, MM. Sol et Reynaud, Mme Valente Le Hir, MM. H. Leroy et Savin, Mme Micouleau, M. Somon, Mme Ventalon, M. Reichardt, Mme Imbert, MM. Lefèvre et Laménie, Mmes M. Mercier et Jacques, MM. Sautarel, Rapin, Sido, Naturel et Gremillet et Mme Aeschlimann.

L’amendement n° 11 rectifié bis est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° À la première phrase du premier alinéa de l’article 515-11 du code civil, les mots : « comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés » sont remplacés par les mots : « que la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés à la situation de danger mentionnée à l’article 515-9, au regard de la vraisemblance de la commission des faits de violence allégués ».

La parole est à Mme Olivia Richard, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié.

Mme Olivia Richard. Cet amendement, que nous avons évoqué lors de la discussion générale, vise à clarifier la rédaction de l’article 515-11 du code civil, en permettant aux juges d’apprécier la notion de danger en fonction des violences alléguées vraisemblables.

L’on sait que la jurisprudence de la Cour de cassation considère qu’une ordonnance de protection peut être accordée si les deux conditions de vraisemblance des violences et de danger actuel sont réunies. Voilà qui conduit, dans certaines situations, à ne pas octroyer d’ordonnance de protection, car, bien souvent, les juges considèrent que le simple fait de quitter le domicile conjugal met fin aux violences, donc au danger.

Nous entendons revenir sur cette interprétation, sachant que l’article 515-9 du code civil précise que l’ordonnance de protection peut être accordée lorsque les violences exercées au sein du couple « mettent en danger la personne qui en est victime ». Les violences sont donc bel et bien constitutives du danger !

L’évolution que nous proposons faciliterait la preuve de l’immédiateté du danger et permettrait d’augmenter le nombre d’ordonnances de protection délivrées, dont on sait qu’il est trop faible.

J’en profite pour dire à Laurence Rossignol que je comprends sa colère. Nous la partageons tous, me semble-t-il.

Oui, en la matière, une évolution est nécessaire. Le fait que la jurisprudence de la Cour de cassation sécurise l’intégralité du dispositif ne doit pas nous interdire d’évoluer sur les modalités de saisine et d’appréciation du juge.

Mme la présidente. La parole est à Mme Elsa Schalck, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié quater.

Mme Elsa Schalck. L’amendement a été très bien défendu par ma collègue Olivia Richard ; il vise à lever les freins existants.

Son dispositif est issu de la pratique et des retours d’expérience des professionnels : il s’agit tout simplement de considérer qu’une femme victime de violences peut évidemment se retrouver en situation de danger alors même qu’elle a quitté le domicile conjugal.

Voici ce que les retours dont nous disposons nous enseignent : si, dans un certain nombre de juridictions, les ordonnances de protection ne sont pas demandées, c’est justement en raison de l’interprétation de la notion de danger qui prévaut actuellement.

Nous entendons bien qu’il faut des garanties ; c’est pourquoi nous avons conservé la notion de danger. Simplement, nous la couplons avec l’article 515-9 du code civil afin de prendre en compte le cas de l’absence de cohabitation.

Il me semble qu’avec cette rédaction nous avons trouvé l’équilibre nécessaire entre garantie du dispositif et – c’était indispensable – levée des freins qui entravent la délivrance des ordonnances de protection.

Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 11 rectifié bis.

Mme Mélanie Vogel. C’est précisément la question de la double conditionnalité – avoir été vraisemblablement victime de violences et être exposé à un danger – que nous devons étudier aujourd’hui.

Nous le savons et toutes les statistiques le disent : dès lors que l’on a été victime de violences, par définition, on est potentiellement en danger – y compris, en l’espèce, en danger de mort.

L’Espagne a fait un choix politique, difficile, il est vrai, du point de vue de la présomption d’innocence et de la proportionnalité des mesures, en adoptant la position suivante : si un conjoint vraisemblablement violent n’est pas immédiatement éloigné, il existe un risque de féminicide.

On peut discuter de l’équilibre juridique de telles dispositions. Ce qui est indiscutable, en revanche, c’est qu’en Espagne, en dix ans, la part des femmes tuées par leur conjoint qui avaient auparavant porté plainte contre leur agresseur est passée de 75 % à 20 %. Il n’est pas davantage contestable qu’il y a deux fois moins de féminicides, proportionnellement à la population, en Espagne qu’en France.

Il y a donc un choix à faire entre des considérations juridiques, qui sont respectables, et la protection de la vie des femmes concernées. Pour ma part, je suis convaincue que, dès lors que la commission de faits de violence a été établie comme vraisemblable, les femmes sont en danger et doivent être protégées tout de suite.

Mme la présidente. L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Rapin, Bruyen et Brisson, Mme Joseph, MM. Cadec, Milon, Panunzi, Pellevat et Anglars, Mmes Gosselin et Belrhiti, M. J.P. Vogel, Mme Jacques, MM. Karoutchi, Khalifé, Laugier, Klinger et Savin, Mmes Borchio Fontimp, Ciuntu et Evren et M. Genet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° À la première phrase du premier alinéa de l’article 515-11, les mots : « et le danger » sont remplacés par les mots : « caractérisant le danger » ;

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Je tenais à prendre la parole dans cette discussion, bien que nous allions toutes dans le même sens. La multiplicité d’amendements portant sur la notion de danger et visant à modifier l’article 515-11 du code civil montre que celui-ci présente une difficulté, qui tient soit à sa rédaction soit à son interprétation.

En tout état de cause, il est complexe, pour le juge, de caractériser la notion de danger actuel et d’apprécier la vraisemblance de la commission de faits de violence allégués ; il est vrai que ces notions sont assez subtiles.

La France a certes pris du retard par rapport à l’Espagne quant aux conditions d’octroi de cette mesure. En effet, l’ordonnance de protection est douze fois plus souvent demandée en Espagne qu’en France et dix-sept fois plus souvent accordée, alors que ce pays compte 20 millions d’habitants de moins que le nôtre.

Le ministère de la justice a d’ailleurs pris position dans ce débat, puisqu’il indique dans son guide pratique de l’ordonnance de protection que la vraisemblance de faits de violence allégués caractérise le danger.

Il y a donc manifestement un problème. Je me réjouirais de l’adoption de quelque amendement que ce soit qui nous permette de clarifier la notion de danger et d’assouplir les conditions d’octroi de l’ordonnance de protection, car ainsi nous protégerions davantage de femmes.

Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par Mmes Rossignol, Harribey et de La Gontrie, MM. Durain et Roiron, Mmes Narassiguin et Linkenheld, MM. Kerrouche, Chaillou, Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° À la première phrase du premier alinéa de l’article 515-11, la deuxième occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « ou » ;

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Il s’agit de substituer la conjonction de coordination « ou » à la conjonction de coordination « et » : la délivrance d’une ordonnance de protection serait désormais conditionnée à l’existence de raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission de faits de violence allégués ou le danger auquel la victime est exposée.

Cet amendement est issu d’une lecture attentive de la jurisprudence, en particulier de ce dont nous instruisent les parties civiles et les avocates. En effet, une interprétation très stricte de l’article 515-11 du code civil conduit certains juges et la Cour de cassation à considérer qu’il faut que le danger soit avéré et que les violences aient déjà eu lieu pour accorder l’ordonnance de protection.

Il arrive ainsi que des juges refusent de l’octroyer au motif que des violences ont certes été commises par le passé, mais qu’elles ne sont plus d’actualité. De même, une victime peut bien recevoir quantité de SMS par lesquels son ancien compagnon menace de lui faire la peau ; pour autant, si celui-ci ne l’a jamais frappée, il n’y a pas danger et violences.

Nous proposons donc que l’ordonnance puisse être délivrée lorsqu’il y a violences ou danger.

Par ailleurs, l’amendement n° 6 devrait être examiné avant les amendements identiques nos 2 rectifié, 3 rectifié quater et 11 rectifié bis, ceux-ci pouvant être considérés comme des amendements de repli. Or leur adoption ferait tomber le mien, qui va pourtant plus loin : l’ordre de discussion n’est pas le bon.

Vous me direz que c’est de la légistique, mais la légistique a bon dos. Il faut commencer par examiner l’amendement n° 6 ! De toute façon, s’il est refusé, nous y reviendrons certainement dans six mois, à l’occasion d’une nouvelle proposition de loi – nous aurions pu gagner du temps, mais c’est tant pis.

En réalité, les amendements nos 2 rectifié, 3 rectifié quater et 11 rectifié bis sont une arnaque : ils ne changent rien. Ils ne font que préciser que le juge ne peut pas exiger la cohabitation pour déclarer qu’il y a danger – il peut y avoir danger quand il n’y a plus cohabitation. Voilà tout l’objet de ces amendements.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Ce n’est pas vrai.

Mme Laurence Rossignol. Ils sont donc très en retrait du dispositif que nous proposons, lequel consiste à cesser d’exiger des victimes qu’elles cumulent danger avéré et menace.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Vous me permettrez d’être longue, mes chers collègues, car nous touchons là au nœud du débat.

Avec ces cinq amendements en discussion commune, nous ouvrons une discussion d’importance, qui a trait aux conditions d’attribution de l’ordonnance de protection.

L’ordonnance de protection est un dispositif auquel nous sommes toutes et tous, dans cet hémicycle, profondément attachés. Cependant, il est perfectible, au regard du nombre peu élevé d’ordonnances de protection demandées et attribuées. Il doit donc être corrigé.

L’un des freins qui ont été identifiés, en particulier par les associations de défense des femmes victimes de violences conjugales, mais aussi par le Conseil national des barreaux (CNB), résulte de la rédaction actuelle de l’article 515-11 du code civil, qui précise les conditions d’octroi des ordonnances de protection. La satisfaction de deux critères cumulatifs est en effet requise : l’existence de raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables, d’une part, la commission des faits de violence allégués et, d’autre part, le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés. De l’existence de ces deux critères, certains juges concluent que l’ordonnance de protection ne peut être octroyée dès lors qu’il n’y a pas ou plus de cohabitation, estimant qu’il n’y a pas de danger.

Cette rédaction et cette interprétation ne me semblent pourtant pas totalement alignées avec la rédaction de l’article 515-9, qui définit les ordonnances de protection et dispose qu’elles peuvent être délivrées « lorsque les violences exercées au sein du couple, y compris lorsqu’il n’y a pas de cohabitation […], mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants ».

C’est pourquoi je suis sensible aux amendements déposés, qui ont pour objet de répondre à une véritable difficulté de terrain. Je le dis en toute transparence : ces dernières semaines, nous avons travaillé à plusieurs, issues de divers groupes de cet hémicycle, pour trouver une solution.

Je veux également revenir sur les préventions du Gouvernement.

L’ordonnance de protection est délivrée par un juge civil, et non par un juge pénal. Le juge civil est beaucoup plus limité dans sa capacité à prononcer des peines, celles-ci relevant en principe du juge pénal. Or la constitutionnalité du dispositif de l’ordonnance de protection n’a pas réellement été interrogée. En effet, dans sa jurisprudence, la Cour de cassation établit que l’ordonnance de protection, qui réduit les droits de l’auteur présumé, est délivrée non parce qu’il est coupable – puisqu’il n’est pas encore passé devant le juge pénal, il n’est pas encore considéré comme coupable, je le rappelle –, mais parce qu’il est dangereux. Nous avons donc bien compris la nécessité de conserver la notion de danger.

Cela étant, nous avons conscience de la difficulté à laquelle sont confrontés les juges, sur le terrain, pour articuler les notions de danger et de violence. Parfois, probablement par manque de formation, ils ignorent que les faits de violence ont tendance à perdurer, et que le contrôle coercitif exercé par l’auteur est en lui-même constitutif d’un danger. C’est la raison pour laquelle ces deux notions doivent être liées.

Ainsi, les amendements identiques nos 2 rectifié, 3 rectifié quater et 11 rectifié bis ne visent pas seulement à répondre au problème que posent les situations de non-cohabitation : il s’agit bel et bien de préciser que la victime est en danger à cause des violences, donc de lier les deux notions. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles le Gouvernement ne nous suit pas sur ce terrain.

La commission des lois a donc émis un avis favorable sur ces trois amendements. En effet, la notion de danger y est conservée, tout en étant liée à celle de violence. Nous pensons qu’une telle rédaction ne changerait pas radicalement la vision défendue par la Cour de cassation, dont la jurisprudence consiste, telle que je la comprends, à réduire les droits de l’auteur présumé au motif qu’il est dangereux ; tel est bien le mot le plus important : il était donc essentiel de conserver la notion de danger.

La substitution du mot « ou » au mot « et » signifierait qu’une ordonnance de protection pourrait être délivrée en l’absence de danger. Nous sortirions alors du cadre défini par la Cour de cassation en supprimant la notion de dangerosité de la personne. Or une personne qui n’est pas coupable, si elle n’est pas non plus dangereuse, ne saurait être privée de ses droits.

Avis défavorable, donc, sur les amendements nos 15 rectifié bis et 6.

Mme Laurence Rossignol. Ce n’est pas sérieux…

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. J’apporterai également, si vous me le permettez, madame la présidente, une réponse complète sur l’ensemble de ces amendements.

Dès lors qu’il y a des violences, il y a danger, évidemment – nous sommes tous d’accord.

Or les auteurs des amendements en discussion souhaitent assouplir les conditions de délivrance de l’ordonnance de protection, soit en supprimant la condition de danger, soit en présumant que les violences vraisemblables impliquent nécessairement un danger, soit en revenant sur le caractère cumulatif de ces deux conditions, violences et danger. Autrement dit, il s’agit de supprimer la condition autonome de danger.

Le Gouvernement y est défavorable, parce que cela fragiliserait la constitutionnalité même de l’ordonnance de protection.

Mme Laurence Rossignol. Ce n’est pas vrai ! C’est ce que l’on nous répond à chaque fois !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. L’existence, en plus de faits de violence vraisemblables, d’un danger vraisemblable et actuel, justifie que le juge aux affaires familiales puisse prendre en urgence des mesures de protection de nature pénale.

C’est sur l’existence d’un tel danger que repose l’équilibre du dispositif, donc sa constitutionnalité ; telle est en tout cas la lecture qui en est faite. Il est donc indispensable, à nos yeux, de maintenir expressément cette condition autonome de danger vraisemblable.

Bien que des efforts restent nécessaires, les juges et les procureurs savent de plus en plus manier la notion de danger, qui recouvre d’ailleurs des comportements autres que les seules violences, ce qui la rend plus protectrice pour les victimes.

Je vous livre un exemple très simple, mesdames, messieurs les sénateurs : le nombre d’ordonnances de protection demandées est passé de 1 000 en 2011 à plus de 4 000 en 2019. Cette progression est le fruit tant du Grenelle des violences conjugales que d’une véritable prise de conscience, parfaitement transpartisane, et d’un investissement massif de l’ensemble des acteurs concernés dans la lutte contre les violences intrafamiliales, qui doit beaucoup notamment aux travaux de la Haute Assemblée.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces cinq amendements.

Demande de priorité

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. J’entends les arguments avancés par les uns et par les autres, quoique ceux qui concernent la constitutionnalité me paraissent un peu tirés par les cheveux, si vous me permettez l’expression. Ce dont je suis certaine, c’est que le Sénat doit pouvoir librement débattre de chacun des cinq amendements en discussion commune, car toutes ces propositions sont fondées et sérieuses.

L’une, qui consiste à changer un mot – une conjonction de coordination – dans un article de code, est plus simple que les autres, tout en produisant un effet maximal. Je demande donc, pour la bonne tenue de notre discussion, que soit examiné en priorité l’amendement n° 6, de façon que, s’il était rejeté – ce que je n’imagine évidemment pas ! (M. Stéphane Piednoir sourit.) –, nous puissions voter les autres comme des amendements de repli. À défaut, mes chers collègues, vous nous contraindriez à voter contre les amendements nos 2 rectifié, 3 rectifié quater et 11 rectifié bis pour permettre l’examen de l’amendement n° 6.

Mme la présidente. En application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, je suis donc saisie par Mme Laurence Rossignol d’une demande de priorité sur l’amendement n° 6, afin qu’il soit examiné avant les amendements identiques nos 2 rectifié, 3 rectifié quater, 11 rectifié bis et l’amendement n° 15 rectifié bis.

Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Favorable.

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.

Je mets aux voix la demande de priorité.

(La demande de priorité est adoptée.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi renforçant l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate
Après l’article 1er

Article 1er (suite)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote.

Mme Laurence Harribey. Dans son arrêt, la Cour de cassation considère que les critères de violence et de danger sont cumulatifs. Si cela nous gêne, alors il faut changer le texte du code civil ; d’où notre proposition de remplacer cette double condition par une alternative.

Je veux aussi rappeler à Mme le rapporteur que, lorsque l’Assemblée nationale a examiné le texte de Cécile Untermaier, en 2023, soit bien après l’arrêt de la Cour de cassation du 13 février 2020, le risque d’inconstitutionnalité n’a pas été soulevé. Il a été souligné à cette occasion que le JAF joue de fait un rôle hybride, à la fois civil et pénal, dans la procédure de l’ordonnance de protection. Mais personne, alors, n’a considéré que la notion de danger puisse porter atteinte aux principes fondamentaux du droit à un procès équitable.

Le guide du ministère de la justice, adressé à tous les acteurs mobilisés dans une demande d’OP, précise du reste que toute « violence “vraisemblable” constitue un danger ».

Il y a donc bien un lien entre ces deux notions ; substituer « ou » à « et » à l’article 515-11 du code civil apporterait donc aux juges une clarification bienvenue.

Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.

Mme Mélanie Vogel. Il est évident qu’il faut voter en faveur de cet amendement. J’ai d’ailleurs été moi-même très surprise ce matin, en commission des lois, en prenant connaissance de l’ordre d’examen de ces amendements. Celui-ci semble avoir été défini en fonction du nombre de mots contenu dans le dispositif et non de la substance et de l’importance du changement visé ! Je trouve cela un petit peu étrange : sans doute devrions-nous revoir cette règle…

J’en viens au fond : lorsque des violences ont été commises, il y a un danger. Et, à l’inverse, en cas de menace ou de danger, il n’est pas nécessaire de déterminer qu’il y a eu des violences pour savoir qu’il faut protéger la personne concernée.

Il faut donc voter pour cet amendement. C’est ce que fera le groupe écologiste, et j’espère que le Sénat l’adoptera.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Je me réjouis que l’amendement de Laurence Rossignol soit examiné en priorité, puisque l’objectif de la proposition de loi est bien de protéger au maximum les victimes. Or, tous les orateurs l’ont dit en discussion générale, le nombre de victimes reste très élevé. Si nous pouvons accroître la protection, faisons-le !

Le motif d’inconstitutionnalité a été invoqué, mais ce fut le cas, déjà, lors de l’examen de nombreux autres textes, et cet argument s’est bien souvent révélé sans fondement.

Je voterai bien entendu pour cet amendement – avec bonheur.

Mme la présidente. La parole est à Mme Olivia Richard, pour explication de vote.

Mme Olivia Richard. Bien sûr, il faut davantage de protection : c’est la raison pour laquelle nous sommes réunis aujourd’hui. Cependant, cela doit-il se faire au péril de l’ensemble du dispositif de l’ordonnance de protection ?

Comme beaucoup d’entre nous, j’ai lu la décision par laquelle la Cour de cassation a rejeté, en 2021, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée au motif que l’OP constituerait une atteinte aux droits individuels – nous ne disposons pas, en revanche, d’une décision du Conseil constitutionnel sur ce point.

Les amendements identiques que nous avons présentés ont pour but de supprimer le caractère cumulatif des conditions d’octroi de l’ordonnance de protection. En effet, aux termes mêmes du code civil, la vraisemblance de la commission de faits de violence allégués est déjà constitutive d’un danger – et les violences ne sont pas nécessairement physiques : il existe une foultitude de types de violences perpétrées contre les femmes.

J’entends que l’amendement de notre collègue Rossignol serait plus simple et plus clair, mais j’entends également – cela nous a été expliqué en long, en large et en travers – que son adoption mettrait en péril l’ensemble du dispositif. Nous avons donc trouvé une solution qui me paraît équilibrée, prenant en charge y compris les cas qui exigent, nous en sommes tous d’accord, une meilleure protection.

Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Au nom du groupe CRCE-K, je soutiens l’amendement de Mme Rossignol. En effet, le texte qui nous réunit aujourd’hui vise à améliorer le dispositif de l’ordonnance de protection. Nous souhaitons améliorer la protection des femmes et des enfants victimes de violences intrafamiliales, et notre ambition est que le nombre d’ordonnances délivrées par les juridictions augmente. En adoptant cet amendement, nous nous donnerions les moyens de protéger davantage les femmes.

En France, beaucoup de féminicides sont commis après un refus d’octroi d’une ordonnance de protection. Nous avons l’occasion cet après-midi de lever un frein ; j’espère donc que nous voterons unanimement en faveur de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Elsa Schalck, pour explication de vote.

Mme Elsa Schalck. Une fois n’est pas coutume, je rejoins ma collègue Olivia Richard, dont je partage les arguments. Je comprends évidemment l’esprit de l’amendement n° 6 : passer du cumulatif à l’alternatif. Veillons néanmoins à ne pas fragiliser le dispositif de l’ordonnance de protection. Nous appelons tous de nos vœux une meilleure protection des victimes, mais, pour ce faire, nous devons trouver un équilibre. Nous ne pouvons faire fi, notamment, de l’arrêt précité de la Cour de cassation. Rappelons que l’ordonnance de protection est une procédure particulière, une mesure d’urgence, par laquelle un juge civil prononce des mesures pénales.

Nous devons certes lever des freins, mais notre responsabilité est également de garantir l’équilibre du dispositif. Nous avons entendu les arguments du Gouvernement ; nous ne pouvons que regretter sa position, puisqu’il n’est pas même favorable aux amendements identiques que nous avons présentés. J’invite en tout cas mes collègues à soutenir ces trois amendements et à suivre l’avis de notre rapporteure sur l’amendement de notre collègue Rossignol.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Permettez-moi de rappeler quelques règles d’organisation.

Premièrement, Elsa Schalck vient de dire qu’on ne pouvait pas faire fi des arguments de la Cour de cassation. Je rappelle que celle-ci juge en droit ; or la Cour de cassation a jugé conformément à la rédaction actuelle du code civil.

En tant que législateur, si nous pensons que la Cour de cassation fait du code une interprétation un peu restrictive, nous nous devons d’intervenir pour modifier la loi, en sorte que la Cour juge désormais en vertu de la nouvelle loi. Voilà ce que nous proposons ; à supposer qu’une nouvelle rédaction soit adoptée, on ne risque pas de voir la jurisprudence antérieure revenir sous les mêmes termes.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Si !

Mme Laurence Rossignol. Oublions donc cette affaire-là.

Deuxièmement, mes chers collègues, vous alléguez l’inconstitutionnalité de mon amendement. Combien de fois nous a-t-on fait ce coup dans cet hémicycle ?

En l’espèce, où est le problème d’inconstitutionnalité ? Je le vois bien : on nous explique que le juge constitutionnel, saisi d’une question préjudicielle de constitutionnalité, serait amené à statuer que, le danger étant un concept et non pas un fait, l’ordonnance de protection porterait atteinte aux droits de la personne visée. Que dire, alors, de la violence, qui n’est pas même avérée ? C’est encore pire : elle est « vraisemblable » ! Autrement dit, si le juge constitutionnel pouvait décider que le critère de danger suffit à l’inconstitutionnalité de la disposition sur laquelle nous allons voter, alors la notion de violence vraisemblable ne manquerait pas de subir le même sort ! (Mme Elsa Schalck fait un signe de dénégation.)

Ne le niez pas : ce que je dis est techniquement imparable. Voyez la question de la durée de l’ordonnance de protection : cinq fois nous y sommes revenus ! Cinq fois j’ai proposé que nous l’allongions, et la sixième tentative est la bonne. Je vous assure qu’il en ira de même pour cette affaire de « ou » et de « et », dans un an ou dans dix-huit mois.

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Laurence Rossignol. Dans les tribunaux, partout, les avocats vous diront que la rédaction actuelle ne convient pas, et nous en rediscuterons. Gagnons du temps : faisons-le maintenant !

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Je suis d’accord avec vous : le sujet n’est pas tant celui de la rédaction actuelle du code, puisque la Cour de cassation s’appuiera sur le nouveau texte de la loi qui sera promulguée.

Le risque est que cette nouvelle interprétation pousse la Cour de cassation à s’interroger sur la constitutionnalité du dispositif. Or la Cour s’est prononcée sur une QPC, qu’elle a décidé de ne pas transférer au Conseil constitutionnel. Celui-ci ne s’est donc jamais prononcé sur la constitutionnalité de l’ordonnance de protection.

Pourquoi craignons-nous que le Conseil constitutionnel se penche sur ce dispositif et y trouve un problème de constitutionnalité ? Pour la simple raison qu’il est demandé à un juge civil d’ordonner des peines qui relèvent du juge pénal : là est la particularité de l’ordonnance de protection, dispositif hybride.

Nous en reparlerons peut-être en effet dans un avenir proche. La magistrate Gwenola Joly-Coz recommande ainsi qu’un juge « VIF » puisse préconiser des mesures, à l’image du juge des enfants, qui relèvent du pénal.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cela aussi nous l’avons proposé !

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Nous réglerions alors totalement ce problème de constitutionnalité ; mais, pour l’instant, tel n’est pas le cas.

C’est pourquoi nous avons essayé de trouver une rédaction qui permette de conserver la notion de dangerosité : la dangerosité et la violence se substituent à la culpabilité, celle-ci n’étant pas prouvée à l’heure où l’ordonnance de protection est délivrée.

Les amendements que vous qualifiez de repli permettent selon nous d’avancer. Ma conviction est néanmoins qu’à défaut d’un juge « VIF » ce problème de constitutionnalité continuera de se poser.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Mme la sénatrice Harribey a évoqué le débat qui a eu lieu à l’Assemblée nationale en 2023 ; or le Gouvernement est constant dans ses positions. À l’époque, déjà, le garde des sceaux disait, je cite ses propos exacts : « Nous devons nous montrer prudents. » En effet, le Conseil constitutionnel opère un contrôle rigoureux et la Cour de cassation a eu l’occasion de souligner que l’existence d’un danger constaté par le juge était l’une des conditions de la constitutionnalité du dispositif.

L’alerte que je souhaite donner s’inscrit dans le cadre posé par Mme la rapporteure : il faut faire attention à la proportionnalité du texte, sans quoi le risque est de perdre l’ensemble du dispositif.

Mme Laurence Rossignol. J’attends la décision du Conseil…

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Notre volonté est de lutter contre ces violences. Nous vous alertons donc, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le but d’éclairer vos travaux. C’est la raison pour laquelle l’avis du Gouvernement est défavorable sur ces amendements. (Mme Laurence Rossignol proteste.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié, 3 rectifié quater et 11 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 15 rectifié bis n’a plus d’objet.

L’amendement n° 10 rectifié ter, présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, M. Karoutchi, Mmes Bellurot et Aeschlimann, MM. Pellevat, Laménie, Mandelli, Daubresse et Chatillon, Mmes M. Mercier, Muller-Bronn et Valente Le Hir, M. Sol, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Khalifé, Savin, Cambon et Lefèvre, Mme Belrhiti, M. Sido, Mmes Gruny et Lassarade, M. Belin, Mme Dumont, M. Saury, Mme Dumas et MM. J.B. Blanc et Genet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après le 3° de l’article 515-11, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Statuer sur le sort des animaux de compagnie détenus au sein du foyer ; »

La parole est à M. Arnaud Bazin.

M. Arnaud Bazin. Cet amendement vise à améliorer la protection des femmes et des enfants qui vivent au sein d’un foyer violent. Il a pour objet de permettre au juge de statuer, au moment où il délivre l’ordonnance de protection, sur la garde de l’animal de compagnie, et ce indépendamment de la notion de propriété, laquelle est souvent confuse et difficile à démêler.

Entendons-nous bien, mes chers collègues : il s’agit de protéger non pas l’animal de compagnie, mais bien la femme victime de violences, afin qu’elle puisse sereinement demander la protection de la justice et quitter le foyer.

Pourquoi peut-on attester de telles situations ? Comme cela a été démontré dans des études étrangères, notamment anglo-saxonnes, dans près de la moitié des cas où elles ont dû quitter leur foyer pour cause de violences de la part de leur conjoint, les femmes ont retardé leur départ, parce que l’auteur de ces violences avait utilisé l’animal de compagnie du foyer comme un moyen de pression.

Pour le conjoint violent, l’animal de compagnie est en effet un moyen de manipulation et de chantage très facile à utiliser à l’encontre de sa compagne ou, à l’occasion, de ses enfants.

Un foyer sur deux dans notre pays étant propriétaire d’un ou de plusieurs animaux de compagnie, le sujet est d’importance. Statistiquement parlant, une fois sur deux, une femme peut être victime de ce potentiel chantage portant sur le devenir de l’animal de compagnie. En retardant de ce fait son départ du foyer, la victime de ce type de pression se met davantage en danger et expose aussi éventuellement ses enfants.

Aussi, nous vous proposons de résoudre ce problème en permettant au juge de statuer sur la garde, j’y insiste, de l’animal de compagnie, et cela uniquement pour faciliter la protection de la femme et de ses enfants.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Le sujet des animaux de compagnie a déjà été évoqué : il s’agit en effet d’un moyen de faire pression sur la femme et les enfants. On m’a ainsi fait part du cas de pères ayant obligé leur enfant à abandonner leur animal, ce qui est tout de même d’une grande violence. Par ailleurs, des menaces peuvent être exercées sur ces animaux de compagnie.

Lors d’un divorce, l’animal sera considéré comme un bien meuble, lequel est attribué dans le cadre de la répartition des biens au même titre qu’une commode ou qu’une chaise. Mais en l’occurrence, dans le cadre d’une ordonnance de protection, ce type de partage ne peut s’appliquer. Cependant, on sait bien qu’il y a un risque ; nous avons donc considéré qu’il fallait aborder ce sujet.

J’ai demandé à un magistrat de juridiction civile de ma connaissance si le juge ne pouvait pas déjà prendre une décision à cet égard, lorsqu’il délivre l’ordonnance de protection, précisément à cause du risque de pression qui existe : il m’a clairement répondu que, si le problème lié à l’animal de compagnie n’était pas précisé dans la requête, le juge ne pouvait prendre une telle décision.

C’est pourquoi la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Monsieur le sénateur Bazin, les dispositions de votre amendement mettent en évidence le lien affectif qui existe avec l’animal de compagnie.

Or, on le sait, dans une situation de violences, la tentative d’emprise peut prendre toutes les formes possibles et imaginables. Votre raisonnement se fonde donc sur une réalité, celle de l’emprise, qui est regrettable, mais qui existe et qui peut conduire au pire.

Ces animaux domestiques que l’on aime et avec lesquels on vit sont évidemment doués de sensibilité, même aux termes du code civil. Cependant, si le juge aux affaires familiales est conduit à statuer sur le sort d’un animal domestique, il doit avant tout décider quelle personne en est le propriétaire. Notre lecture juridique de ce problème tient donc moins à la personne qui est à l’origine des violences exercées qu’à celle qui est propriétaire de l’animal.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement, car la disposition proposée ne permettrait pas de mettre fin à l’emprise.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.

M. Arnaud Bazin. Madame la ministre, j’ai évoqué la possibilité d’attribuer non pas la propriété, mais la garde de l’animal. C’est différent !

La garde est décidée à titre provisoire, en attendant que le juge puisse statuer de façon valable sur la propriété. Je l’ai dit, il s’agit souvent d’une question très difficile à démêler, qui ne va pas de soi.

Cet amendement, qui vise uniquement la garde de l’animal domestique, me paraît raisonnable et proportionné. Aussi, je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 10 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par Mmes Harribey, Rossignol et de La Gontrie, MM. Durain et Roiron, Mmes Narassiguin et Linkenheld, MM. Kerrouche, Chaillou, Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

…° Le 5° de l’article 515-11 est ainsi rédigé :

« 5° Examiner la suspension de l’autorité parentale de l’auteur des violences jusqu’à ce que le juge ait statué sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. Le cas échéant, la décision de ne pas suspendre l’autorité parentale de l’auteur des violences doit être spécialement motivée, et le juge doit se prononcer sur les modalités du droit de visite et d’hébergement au sens de l’article 373-2-9 » ;

…° Après le 5° de l’article 515-11, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Se prononcer, le cas échéant et y compris si la suspension de l’autorité parentale prévue à l’alinéa précédent est prononcée, sur la contribution aux charges du mariage pour les couples mariés, sur l’aide matérielle au sens de l’article 515-4 pour les partenaires d’un pacte civil de solidarité et sur la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants » ;

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. Le présent amendement, qui est très simple, vise à inciter le juge aux affaires familiales à confier à la seule victime de violences conjugales l’exercice de l’autorité parentale pendant la durée d’une ordonnance de protection.

On le sait, l’autorité parentale est souvent détournée pour être utilisée comme un moyen de renforcer l’emprise. Il nous semble donc logique de lier la délivrance de l’ordonnance de protection et la suspension de l’autorité parentale de l’auteur des violences.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. La décision de retrait de l’autorité parentale est lourde de conséquences.

Ainsi, la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales, présentée par la députée Isabelle Santiago, prévoit qu’une telle décision est prise lorsque des faits graves sont commis.

En l’occurrence, nous sommes dans le cadre d’une procédure civile, et non pénale, même si elle est teintée de pénal.

Afin de ne pas introduire davantage cet aspect pénal dans la procédure de délivrance de l’ordonnance de protection, la commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Si l’ordonnance de protection est bien délivrée par la juridiction civile, le juge ne peut s’autosaisir et prononcer la suspension de l’autorité parentale si l’une des parties concernées ne lui en fait pas la demande.

Si le juge aux affaires familiales est bien compétent pour statuer sur le retrait de l’exercice de l’autorité parentale, il ne l’est pas pour ordonner le retrait ou la suspension de ladite autorité : cette compétence relève du tribunal judiciaire, statuant de façon collégiale, qui prend en considération les faits les plus graves.

Madame la sénatrice, nous sommes philosophiquement très sensibles à la question de la protection des enfants, qui est essentielle. Cela nous a conduits à faire évoluer notre point de vue sur la proposition de loi de Mme Santiago, qui prévoit de suspendre, voire, à la suite d’une condamnation, de retirer totalement l’autorité parentale.

Le parent auquel on retire l’autorité parentale devient un étranger vis-à-vis de son enfant et ne peut décider d’aucune mesure concernant ce dernier. Une décision aussi grave ne saurait être prise dans le cadre d’une procédure d’urgence, telle que la délivrance de l’ordonnance de protection.

Cette procédure, bien qu’elle soit dérogatoire et nécessaire, ne constitue pas le bon format pour prendre une telle décision.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote.

Mme Laurence Harribey. La présente discussion, ainsi que celle que nous avons eue précédemment, montre que notre système bat de l’aile, car il oscille constamment entre le pénal et le civil. Cela donne raison aux Espagnols : eux ont introduit dans leur droit la notion de tribunal spécialisé, ce qui leur épargne de telles questions !

L’objectif que nous devons viser est tout de même la protection des victimes et des enfants… Or nous achoppons sur des éléments qui sont de purs points de droit ; c’est grave. Nous finirons par y arriver, mais que de temps perdu !

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Ma chère collègue, pour m’être rendue en Espagne, je puis vous indiquer que le droit de ce pays connaît bien lui aussi la séparation entre le civil et le pénal et que les affaires pénales sont traitées trois ans après les affaires civiles. Il n’y a donc pas de différence avec notre système.

La différence réside, en revanche, dans le rôle du juge espagnol aux affaires familiales, qui a un véritable rôle de juge d’instruction et dont les compétences sont plus importantes que celles de notre JAF.

Je vous rejoins sur un point, néanmoins : on a tellement voulu, au moment de la création de l’ordonnance de protection, se calquer sur le droit civil que l’on a fait supporter au JAF des compétences qu’il n’a pas, contrairement au juge espagnol aux affaires familiales.

Il nous faut travailler plus avant, afin d’aboutir à un système qui soit plus mixte.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 18 rectifié bis, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Rapin, Bruyen et Brisson, Mme Joseph, MM. Cadec, Milon, Panunzi, Pellevat et Anglars, Mmes Gosselin et Belrhiti, M. J.P. Vogel, Mme Jacques, MM. Karoutchi, Khalifé, Laugier, Klinger et Savin, Mmes Borchio Fontimp, Ciuntu et Evren et M. Genet, est ainsi libellé :

I. - Après l’alinéa 2

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…° Après le 7° de l’article 515-11, il est inséré un 8° ainsi rédigé :

« 8° Ordonner une évaluation de la situation socio-professionnelle de la partie demanderesse et l’orienter, le cas échéant, vers une association agréée ou un service public de l’insertion et de l’emploi. » ;

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé

…. - Les conditions d’application du 8° de l’article 515-11 sont fixées par décret au plus tard six mois à compter de la publication de la loi.

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Cet amendement vise à compléter les mesures que le juge aux affaires familiales est susceptible de prendre dans le cadre de l’ordonnance de protection prévue à l’article 515-11 du code civil.

Cet article, qui permet au JAF de prononcer toute une série de mesures – éloignement du conjoint ou du partenaire violent, information sur l’autorité parentale, attribution du logement familial, etc. –, comporte un impensé. Nous réfléchissons en effet aux moyens de permettre aux femmes victimes de violences de sortir, durablement ou définitivement, d’une emprise qui peut avoir des fondements économiques.

Les chiffres dont nous disposons indiquent que, souvent, les victimes de violences intrafamiliales sont dépendantes économiquement et ne travaillent pas. L’étude nationale sur les morts violentes au sein du couple pour l’année 2019 montre ainsi que, sur 146 femmes victimes de féminicides, 65 n’exerçaient pas ou plus d’activité professionnelle.

Comment peut-on aider les femmes à s’en sortir durablement et à s’éloigner d’un conjoint dont elles dépendent économiquement si on ne leur permet pas de bénéficier d’un accompagnement effectif en vue de leur réinsertion professionnelle ?

Je propose pour ma part que, dans le cadre de l’analyse de la situation de la victime, le juge puisse s’autoriser à préconiser l’orientation vers une structure du service public de l’emploi ou de l’insertion, ou vers l’une des nombreuses associations agréées, afin que celle-ci prenne en charge et oriente la femme victime de violences.

En tant qu’ancienne vice-présidente de région chargée de l’emploi et de la formation, je sais que certaines femmes qui se trouvent dans cette situation ne se saisissent pas, faute d’informations, de ce sujet. Rester en retrait à cet égard reviendrait à laisser se pérenniser ou se réitérer des situations d’emprise économique qui sont, finalement, préjudiciables pour les femmes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Je partage la préoccupation de notre collègue Marie-Do Aeschlimann. Pour autant, il ne faut pas trop alourdir la tâche du juge aux affaires familiales.

Dans le cadre de la procédure de délivrance de l’ordonnance de protection, la femme est d’ores et déjà orientée vers des associations d’aide aux victimes. Par ailleurs, au sein des services de gendarmerie ou de police, des intervenants sociaux ont précisément ce rôle d’orientation.

Le JAF a déjà beaucoup à faire, et on lui demande d’agir vite : l’ordonnance de protection doit être délivrée dans un délai de six jours et l’ordonnance provisoire de protection immédiate dans un délai de vingt-quatre heures. Mieux vaut donc laisser faire les associations, que le juge indique d’ores et déjà aux victimes ; elles sauront orienter celles-ci vers les bons services.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Sur le fond, vous avez raison, madame la sénatrice, et je comprends votre raisonnement : l’enjeu de l’accompagnement est énorme.

C’est la raison pour laquelle il est intéressant que le parquet intervienne, en orientant vers les associations d’aide aux victimes ; c’est la garantie pour les victimes de ne pas se retrouver seules et de bénéficier de la bonne information et du bon accompagnement.

Pour autant, il ne convient pas que le juge aux affaires familiales supporte cette charge. Comme l’a rappelé Mme la rapporteure, cela irait à contre-courant de l’urgence dans laquelle il doit statuer ; or nous tenons à maintenir ce rythme de décision.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. Si je partage l’intention de notre collègue Marie-Do Aeschlimann, je rejoins la position de Mme la rapporteure : nous ne devons pas alourdir ce texte, qui concerne l’ordonnance de protection.

Je rappelle que, sur l’initiative de notre ancienne collègue Valérie Létard, nous avions adopté une aide d’urgence qui avait été approuvée par le Gouvernement, et ce précisément pour aider toutes ces femmes qui ne bénéficient pas de l’autonomie économique.

Par ailleurs, dans le prolongement des dix ans de la loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle, dite loi Copé-Zimmerman, et des dix ans de la loi relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dite loi Sauvadet, nous avons travaillé sur plusieurs textes prévoyant des dispositifs qui renforcent l’égalité salariale.

Puisque nous nous posons toutes ces questions relatives à l’autonomie économique des femmes, nous devrions nous battre ensemble, sur toutes les travées de cette assemblée, en faveur de l’égalité salariale et d’une retraite convenable pour les femmes, afin que celles-ci puissent choisir librement de quitter, ou non, le domicile conjugal.

Nous avons inscrit dans la loi, à cette fin, des dispositifs qui concernent la fonction publique, mais aussi le secteur privé, et avons prévu notamment un index de l’égalité professionnelle femmes-hommes. Toutes ces mesures permettent de sanctionner ceux qui ne respectent pas le principe de l’égalité salariale, également appelé « à travail égal, salaire égal ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour explication de vote.

Mme Marie-Do Aeschlimann. J’ai la satisfaction de constater que nous sommes tous d’accord sur ce sujet, ce qui est un premier pas. Mais cela ne résout pas le problème. Je suis en effet fondamentalement convaincue qu’il y a en la matière un impensé.

Je pense que vous surestimez la tâche du juge aux affaires familiales : lors de la rédaction de l’ordonnance de protection, cela consiste à ajouter une ligne, ni plus ni moins…

La requête en vue de la délivrance d’une ordonnance de protection qui peut être déposée par la victime, assistée ou non, comporte un certain nombre d’informations, notamment la situation professionnelle de la requérante.

J’estime qu’un juge constatant, à la lecture de ce document, que la requérante n’a pas d’activité professionnelle, a des revenus très faibles, prend en charge l’éducation de ses enfants, est vulnérable et risque de s’enliser dans une spirale de précarité économique, pourrait ajouter une petite ligne indiquant qu’il préconise l’orientation vers une structure adéquate. Cela ne reviendrait pas à surcharger l’office du juge !

On peut toujours trouver des raisons pour rejeter un amendement… Mais, en l’occurrence, c’est bien dommage !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Mercier, pour explication de vote.

Mme Marie Mercier. Il convient de faire la différence entre la dépendance et l’emprise.

Comme l’a expliqué la présidente Billon, la dépendance économique peut être liée à des problèmes liés au domicile, au fait de ne pas travailler, à l’inégalité salariale, autant d’éléments qui nécessitent, certes, un accompagnement. Mais l’emprise, c’est tout autre chose ! Il s’agit de la prise de possession du psychisme par autrui, ce qui nécessite, davantage qu’un accompagnement, une thérapeutique et de véritables soins.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Sophie Romagny, pour explication de vote.

Mme Anne-Sophie Romagny. L’ordonnance de protection a pour objectif, non pas de résoudre la dépendance économique – il y a d’autres outils pour cela –, mais bien de sauver des vies.

Même si je partage la volonté d’assurer l’égalité salariale, je considère que tel n’est pas l’objet de ce texte. La question qui se pose en l’occurrence est la suivante : comment sauver les femmes d’un danger grave et imminent ?

Je tenais à insister sur ces caractères de gravité et d’imminence du danger encouru.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 18 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 23, présenté par Mme Vérien, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

…° L’article 515-13 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;

b) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« II. – Une ordonnance provisoire de protection immédiate peut également être délivrée en urgence par le juge à la personne majeure menacée de mariage forcé, dans les conditions fixées à l’article 515-13-1.

« Le juge est compétent pour prendre les mesures mentionnées au troisième alinéa du même article 515-13-1. Il peut également ordonner, à sa demande, l’interdiction temporaire de sortie du territoire de la personne menacée. Cette interdiction de sortie du territoire est inscrite au fichier des personnes recherchées par le procureur de la République. » ;

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Les personnes menacées de mariage forcé peuvent déjà, en l’état du droit, demander au juge l’octroi d’une ordonnance de protection. Mes chers collègues, je vous propose, par cet amendement, de leur permettre également de solliciter une ordonnance provisoire de protection immédiate.

Cette mesure permettra au juge d’ordonner en particulier, à la demande de la victime présumée, une interdiction temporaire de sortie du territoire. Il s’agit de prévenir tout risque que l’intéressée soit conduite de force, ou sous influence, en dehors de France, pour y être mariée.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Nous partageons l’objectif que vise Mme la rapporteure au travers de cet amendement, dont la rédaction pourra être améliorée au cours de la navette.

Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement, dont les dispositions vont dans le bon sens, car les mariages forcés sont des pratiques tout à fait indignes.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 23.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 1, présenté par Mmes Corbière Naminzo et Cukierman, M. Brossat et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéas 5 à 8

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. 515-13-1. – En cas d’urgence, lorsqu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violences allégués et le danger grave et immédiat auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés, le procureur de la République délivre une ordonnance provisoire de protection immédiate aux victimes.

« Le ministère public invite et assiste, avec son accord, la personne en danger à la saisine dans les plus brefs délais du juge aux affaires familiales pour qu’il statue sur la délivrance d’une ordonnance de protection telle que prévue aux articles 515-9 à 515-13.

« Le procureur de la République est compétent pour prononcer, à titre provisoire, les mesures mentionnées aux 1°, 1° bis, 2° et 2° bis de l’article 515-11. Ces mesures prennent fin à compter de la décision statuant sur une demande d’ordonnance de protection et au plus tard dans un délai de six jours. »

La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Cet amendement vise à modifier l’autorité compétente pour la délivrance de l’ordonnance provisoire de protection immédiate, sur le modèle de l’ordonnance de placement provisoire prévue à l’article 375-5 du code civil.

Nous proposons que l’OPPI soit délivrée non par le juge aux affaires familiales, mais par le procureur de la République, qui est l’autorité la plus à même de prendre ces mesures.

Je m’explique : en pratique, seul le parquet est capable, en l’état de la législation, de prendre en vingt-quatre heures une OPPI, dans la mesure où les services du juge aux affaires familiales ne disposent pas, contrairement au parquet, d’une permanence.

De plus, et toujours en pratique, l’ordonnance provisoire de protection immédiate n’a d’intérêt que si elle est correctement notifiée au conjoint violent. Or c’est bien le procureur de la République, et non le JAF, qui pourra le plus efficacement et le plus rapidement, parce qu’il est en contact permanent avec la police, faire notifier par un officier de police judiciaire (OPJ) l’ordonnance au conjoint violent.

Aussi, pour des raisons pratiques, il est plus cohérent que le procureur de la République soit l’autorité compétente pour délivrer l’OPPI, dont la rédaction actuelle de la proposition de loi prévoit qu’elle est prise en l’absence de procédure contradictoire.

En tout état de cause, le JAF se prononce au bout de six jours sur l’ordonnance de protection classique. Ce mécanisme s’inspire de celui des ordonnances de placement provisoires visant à protéger les enfants en danger et s’inscrit dans le cadre de l’ordre public de protection. Il a déjà fait ses preuves : il s’agit simplement de l’adapter aujourd’hui.

Mme la présidente. L’amendement n° 8 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 515-13-1. – Lorsque le juge aux affaires familiales est saisi d’une demande d’ordonnance de protection dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 515-10, le ministère public peut, avec l’accord de la personne en danger, demander également une ordonnance provisoire de protection immédiate. »

II. – Alinéa 6, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement a un double objet.

Il vise, tout d’abord, à simplifier la procédure de délivrance des ordonnances provisoires de protection immédiate, en supprimant la nécessité pour la personne en danger de saisir directement le juge aux affaires familiales, tout en permettant au ministère public d’intervenir rapidement.

Il tend, ensuite, à supprimer l’interdiction pour le juge de refuser une OPPI lorsque les pièces sont en langue étrangère, en soulignant que la traduction n’est pas obligatoire, mais qu’elle peut être exigée si son absence empêche une discussion contradictoire de la valeur probante de la pièce.

Mme la présidente. L’amendement n° 19 rectifié bis, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Rapin, Bruyen et Brisson, Mme Joseph, MM. Cadec, Milon, Panunzi, Pellevat et Anglars, Mmes Gosselin et Belrhiti, M. J.P. Vogel, Mme Jacques, MM. Karoutchi, Khalifé, Laugier, Klinger et Savin, Mmes Ciuntu et Evren et M. Genet, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5, première phrase

Supprimer les mots :

, sur avis conforme du ministère public qui se prononce dans un délai de vingt-quatre heures,

II. – Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L’ordonnance provisoire de protection immédiate est automatiquement délivrée par le juge aux affaires familiales.

III. – Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Vingt-quatre heures après la délivrance de l’ordonnance provisoire de protection immédiate, le juge aux affaires familiales peut, s’il l’estime nécessaire, lever les mesures prévues par l’ordonnance provisoire de protection immédiate.

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Cet amendement d’appel vise en quelque sorte à inverser la charge de la preuve. Il s’agit de prévoir qu’une ordonnance de protection soit automatiquement assortie d’une ordonnance provisoire de protection immédiate, afin que la victime soit mieux protégée.

J’ai bien compris que le dispositif de l’OPPI prévu dans cette proposition de loi était plus sécurisant et prenait mieux en compte les droits de la défense. Mais, au travers de cet amendement, je tenais à vous soumettre un point d’attention sur lequel plusieurs avocats m’ont interpellée : selon eux, dans le cadre de ce délai très court, les femmes victimes seraient mieux protégées si le texte prévoyait une inversion de la charge de la preuve et l’automaticité de l’attribution de l’OPPI.

Mme la présidente. L’amendement n° 17 rectifié bis, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Rapin, Bruyen et Brisson, Mme Joseph, MM. Cadec, Milon, Panunzi, Pellevat et Anglars, Mmes Gosselin et Belrhiti, M. J.P. Vogel, Mme Jacques, MM. Karoutchi, Khalifé, Laugier, Klinger et Savin, Mmes Ciuntu et Evren et M. Genet, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Remplacer les mots :

et le danger

par les mots :

caractérisant le danger

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Cet amendement est le pendant de l’amendement n° 18 rectifié bis, visant à modifier l’article 515-11 du code civil, que j’ai présenté précédemment.

Le débat a déjà eu lieu, et cet amendement se justifie par son texte même.

Mme la présidente. L’amendement n° 7, présenté par Mmes Rossignol, Harribey et de La Gontrie, MM. Durain et Roiron, Mmes Narassiguin et Linkenheld, MM. Kerrouche, Chaillou, Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Remplacer la deuxième occurrence du mot :

et

par le mot :

ou

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Il s’agissait également d’un amendement de coordination, que je retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 7 est retiré.

L’amendement n° 14, présenté par Mme Billon, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Remplacer les mots :

grave et immédiat

par le mot :

caractérisé

La parole est à Mme Annick Billon.

Mme Annick Billon. L’article 1er vise à permettre au JAF de délivrer une OPPI lorsqu’il estime qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violences alléguées, ainsi qu’un danger grave et immédiat auxquels la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés.

La notion de danger n’étant définie par aucun texte, son appréciation est déjà fluctuante. Or l’ajout des adjectifs « grave » et « immédiat » viendrait creuser davantage les différences entre les pratiques hétérogènes des juridictions, au détriment des victimes. C’est pourquoi je propose de les remplacer par l’adjectif « caractérisé ».

Mme la présidente. L’amendement n° 20 rectifié bis, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Rapin, Bruyen et Brisson, Mme Joseph, MM. Cadec, Milon, Pellevat et Anglars, Mmes Gosselin et Belrhiti, M. J.P. Vogel, Mme Jacques, MM. Karoutchi, Khalifé, Laugier, Klinger et Savin, Mmes Ciuntu, Borchio Fontimp et Evren et M. Genet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L’ordonnance provisoire de protection immédiate est transmise à la force publique sans délai.

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Mme Marie-Do Aeschlimann. On l’a bien compris, l’OPPI a pour objet de renforcer la protection de la requérante dans une période où celle-ci est particulièrement vulnérable. En effet, la requête en délivrance d’une ordonnance provisoire de protection immédiate devant être notifiée à la partie défenderesse, donc au conjoint ou au partenaire présumé violent, il est possible que la transmission de ce document suscite un regain d’agressivité de celui-ci à l’encontre de la victime présumée.

Il s’agit, au travers de cet amendement, de renforcer la protection de la victime présumée en anticipant un tel regain d’agressivité et en informant la force publique – gendarmerie ou police, selon les cas.

Ainsi, au moindre appel, la victime, enregistrée auprès de la police ou de la gendarmerie, serait immédiatement identifiée. Elle n’aurait donc plus besoin de passer dix ou trente minutes au téléphone pour expliquer ce qui se passe – par exemple, lorsque l’agresseur présumé se présente à sa porte – ni pourquoi elle se sent en danger et démunie.

L’objectif est de mettre en place une meilleure coordination et une meilleure circulation de l’information entre le JAF, la police, la gendarmerie et la victime, afin que cette dernière se sente véritablement considérée, accompagnée et mise en sécurité.

Je sais bien que cela n’empêchera pas un agresseur présumé de tambouriner à la porte, mais peut-être sa victime se sentira-t-elle davantage en sécurité et soutenue.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. L’amendement n° 1 m’est assez familier, puisque nous avions proposé une disposition similaire dans le cadre du plan Rouge vif. Finalement, ce n’est pas le choix qui a été retenu ; il a en effet été décidé que l’ordonnance provisoire de protection immédiate soit accessoire à l’ordonnance de protection, ce que la commission a accepté.

Par ailleurs, la commission a apporté des précisions relatives à la fin des effets de l’OPPI, ou à la possibilité pour le procureur de la République de joindre des éléments à la requête de la victime présumée, ou encore à l’extension des mesures que pourra prononcer le juge aux affaires familiales.

Cette disposition ne correspondant plus à la philosophie du présent texte et risquant de faire oublier un certain nombre d’apports, l’avis de la commission est défavorable.

L’amendement n° 8 présenté par M. Mohamed Soilihi vise à rétablir la rédaction du Gouvernement, sur laquelle la commission était revenue.

La commission a en effet souhaité permettre à la victime présumée de saisir le juge aux affaires familiales, tout en établissant un filtre, au travers d’un avis conforme du procureur de la République. Cette solution nous avait été suggérée par la Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR) elle-même.

Bien que je ne sois pas convaincue par les arguments soulevés dans l’exposé des motifs de l’amendement quant à la complexification pratique que le dispositif adopté par la commission entraînerait, les limites procédurales peuvent en revanche être entendues : l’avis conforme du procureur de la République nuirait à la saisine directe du JAF prévue dans la procédure civile.

La commission avait donc émis un avis de sagesse sur cette proposition de modification rédactionnelle. En effet, nous voulions entendre le Gouvernement nous proposer la solution permettant de répondre aux attentes des procureurs, c’est-à-dire sérier ce qui relève de l’urgence, donc des OPPI, de ce qui n’en relève pas. Voilà ce que nous espérions.

Je ne sais pas si le Gouvernement peut prendre de véritables engagements et si nous pouvons avoir un débat sur ce point. Pour l’instant, la commission émet donc un avis de sagesse ; je vous donnerai mon avis personnel après avoir entendu celui du Gouvernement.

J’ai bien noté que l’amendement n° 19 rectifié bis de Marie-Do Aeschlimann était un amendement d’appel. Il vise une délivrance automatique de l’OPPI et une saisine directe du juge d’affaires familiales, sans aucun filtre. Toutefois, il n’est pas possible de lier ainsi le juge.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Les amendements nos 17 rectifié bis et 14 portent sur l’ordonnance de protection, sur laquelle nous avons déjà eu des échanges. Nous n’allons pas refaire le débat.

Le dispositif proposé par Mme Billon via l’amendement n° 14 est quelque peu différent, mais je ne vois pas en quoi il est plus sécurisant. Par ailleurs, je relève qu’il s’agit d’une procédure civile, sans contradictoire ni recours, qui ne peut donc s’appliquer qu’à des cas très exceptionnels.

C’est la raison pour laquelle la notion de danger grave et immédiat a été précisée et nous avons essayé d’alléger l’ordonnance de protection, afin de bien la différencier de l’OPPI, pour laquelle il n’y a ni recours ni contradictoire.

L’avis de la commission est donc défavorable sur ces deux amendements.

Enfin, l’amendement n° 20 rectifié bis de Marie-Do Aeschlimann est satisfait par le 17° de l’article 230-19 du code de procédure pénale, qui prévoit l’inscription sur le fichier des personnes recherchées de toutes les personnes soumises aux mesures principales d’une ordonnance de protection ou d’une OPPI.

Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Madame la rapporteure, les équipes du garde des sceaux ont réalisé un important travail pour rassurer ceux qui doutent de la capacité des procureurs à exercer leur office. Ces derniers maîtrisent les procédures d’urgence ; nous apporterons des précisions sur ce point.

Vous connaissez la forte implication d’Éric Dupond-Moretti sur la question et sa volonté de lutter contre les violences intrafamiliales, en particulier les violences sexistes et sexuelles. Nous passerons par la voie d’une circulaire pour clarifier le circuit opérationnel, ce qui permettra d’identifier les requêtes nécessitant la mise en œuvre d’une OPPI.

J’espère que ces éléments et l’éclairage supplémentaire qu’ils apportent vous permettront, madame la rapporteure, de changer d’avis. En tout cas, nos équipes sont mobilisées pour vous permettre de lever les doutes que vous auriez sur ces travaux.

Un certain nombre d’amendements ont pour objet de modifier les conditions de délivrance des OPPI et de transférer cette compétence au parquet. Ils posent, à nos yeux, de sérieuses difficultés constitutionnelles.

L’OPPI présente en effet les attributs d’une sanction pénale. Nous avons eu cette discussion précédemment, il n’est donc pas nécessaire que j’y revienne en détail.

Confier au ministère public le pouvoir de délivrer une telle ordonnance ferait courir un risque sérieux d’atteinte au principe constitutionnel de sauvegarde des libertés individuelles, qui implique le respect de la séparation des autorités de poursuite et de jugement.

Les actes les plus attentatoires au caractère inviolable du domicile et, plus généralement, aux libertés doivent rester de la compétence du magistrat du siège, et non du ministère public. C’est pour cela qu’il est indispensable, selon nous, de maintenir la nature accessoire de l’OPPI, car elle participe à la constitutionnalité de l’ensemble du dispositif.

Nous sommes donc défavorables à l’amendement n° 1.

Nous sommes également opposés aux amendements nos 19 rectifié bis, 17 rectifié bis et 14, relatifs à la procédure que je viens de préciser : ils visent à porter atteinte à la liberté d’aller et venir, ainsi qu’au droit à la vie privée et familiale et au droit au logement. Aucune voie de recours n’est possible ; il est nécessaire d’éviter tout risque d’instrumentalisation.

En revanche, nous sommes favorables à l’amendement n° 8 rectifié, ce qui n’étonnera pas Mme la rapporteure.

Nous partageons l’idée selon laquelle il est nécessaire que les forces de sécurité intérieure soient avisées de la décision rendue. Néanmoins, en pratique, les personnes soumises aux interdictions contenues dans l’ordonnance sont inscrites au fichier des personnes recherchées.

Cette mesure opérationnelle permet aux forces de sécurité intérieure d’avoir connaissance de l’ensemble des interdictions faites au défendeur, comme c’est le cas aujourd’hui pour les ordonnances de protection. Différentes possibilités de faire notifier la décision sont prévues.

Pour ces raisons, nous sommes défavorables à l’amendement n° 20 rectifié bis.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Madame la ministre, je veux revenir sur l’amendement n° 8 rectifié. Vous avez indiqué que les mesures seront prises par circulaire, mais sans apporter de réelles précisions. Nous entendons que l’avis conforme du procureur que nous avons prévu dans notre rédaction peut être une source de blocage.

Nous pourrions envisager de prévoir un avis simple, ce qui permettait d’ouvrir plus largement le dispositif. Il serait également possible de laisser le dispositif à la main du procureur, mais comment lui signaler que la partie demanderesse souhaite que la mesure soit prise en urgence ?

Je suis persuadée de votre volonté et de votre bonne foi. Nous avons encore une semaine avant la commission mixte paritaire pour obtenir des éléments plus probants, qui répondraient à nos interrogations.

L’objectif est d’ouvrir plus largement le dispositif de l’ordonnance de protection et d’éviter qu’il n’y ait qu’une dizaine de cas par an dans lesquels une OPPI est rendue. Des exemples ont été cités, notamment par notre collègue Mélanie Vogel : il est effrayant qu’une telle ordonnance ne soit pas prise quand la personne est réellement en danger.

À titre personnel, puisque la commission ne peut se réunir, je vous propose, mes chers collègues, de ne pas voter l’amendement n° 8 rectifié, afin de nous laisser le temps de la discussion jusqu’à la semaine prochaine.

Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote sur l’amendement n° 1.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Nous débattons de la possibilité de confier au procureur de la République la décision de prendre une OPPI.

Les discussions que nous avons eues jusqu’à présent ont tourné autour des limites des compétences du JAF, lesquelles sont visiblement mal dimensionnées au regard des ambitions que doivent traduire les ordonnances de protection et de notre volonté de déployer un véritable dispositif pour aider les femmes et leurs enfants à rester en vie.

Le procureur de la République est tout de même celui qui prononce les ordonnances de placement provisoire pour des enfants en danger ! C’est donc celui qui a une compétence dans l’évaluation du danger, notion dont nous n’avons cessé de débattre : comment estime-t-on le danger ? Qu’entendons-nous par cette notion ?

C’est aussi le procureur de la République qui assure la coordination avec les forces de l’ordre en matière de protection et qui a la prérogative pour agir lorsqu’un téléphone grave danger (TGD) ou un bracelet antirapprochement (BAR) a été attribué. Nous saluons l’efficacité de ces dispositifs qui ont permis des avancées. Nous avons un acteur : le procureur de la République.

Il faut se remettre au travail et revoir notre copie depuis la base, car – on le constate – le JAF n’est pas équipé pour traiter les OPPI.

Mme Laurence Rossignol. Elle a raison !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Olivia Richard, pour explication de vote sur l’amendement n° 8 rectifié.

Mme Olivia Richard. J’apporterai mon soutien à Mme la rapporteure. Je ne vois pas en quoi la demande d’OPPI formulée par une victime, quand celle-ci peut demander une ordonnance de protection à titre principal, risquerait d’entacher d’inconstitutionnalité le dispositif.

J’entends la difficulté que pose l’absence de contradictoire, mais le délai est très restreint ; et c’est bien cette dérogation au dispositif qui permet de mettre en place l’ordonnance. J’y insiste, il me paraît absolument indispensable que les victimes puissent demander une OPPI.

Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote sur l’amendement n° 8 rectifié.

M. Thani Mohamed Soilihi. Je comptais répondre à Mme la rapporteure, mais je me sens contraint de réfuter l’argument avancé à l’instant par ma collègue : il n’a jamais été question de problème d’inconstitutionnalité !

Mon amendement tend à enrichir le dispositif prévu par Mme la rapporteure. Je comprends qu’elle ait besoin d’être davantage rassurée, mais nous sommes dans une démarche de coconstruction, et la logique voudrait que l’on adopte mon amendement.

En effet, nous sommes passés d’un avis de sagesse de la commission à un avis défavorable, à titre personnel, de notre rapporteure. Si nous souhaitons améliorer la rédaction de l’amendement, il faudrait l’adopter aujourd’hui, afin de le retravailler dans le cadre de la navette.

Mon intention était de simplifier encore plus le dispositif, pour qu’il y soit davantage fait recours. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé cet amendement, qui tend, d’une part, à réduire les délais par rapport à la rédaction de la commission, et, d’autre part, à simplifier la procédure. Nous épargnons à la demanderesse des mesures procédurales supplémentaires.

Je vous demande donc, mes chers collègues, de bien vouloir voter mon amendement, qui pourra éventuellement être amélioré, je le redis, dans le cadre de la navette.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Je vous rassure, mon cher collègue : le débat aura forcément lieu, puisque vous proposez de revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. Lors de la commission mixte paritaire, la discussion portera sur le texte de l’Assemblée nationale et sur le nôtre. Ce point sera donc bien examiné !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme Marie-Do Aeschlimann. Je retire mes amendements, madame la présidente !

Mme la présidente. Les amendements nos 19 rectifié bis, 17 rectifié bis et 20 rectifié bis sont retirés.

Mme Annick Billon. Je retire quant à moi l’amendement n° 14 !

Mme la présidente. L’amendement n° 14 est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er (suite)
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Article 1er bis (nouveau)

Après l’article 1er

Mme la présidente. L’amendement n° 16 rectifié bis, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Rapin, Bruyen et Brisson, Mme Joseph, MM. Cadec, Milon, Panunzi, Pellevat et Anglars, Mmes Gosselin et Belrhiti, M. J.P. Vogel, Mme Jacques, MM. Karoutchi, Khalifé, Laugier, Klinger et Savin, Mmes Borchio Fontimp, Ciuntu et Evren et M. Genet, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l’article 515-9 du code civil, le mot : « victime, » est remplacé par les mots : « victime ou ».

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, qui vise à mettre en cohérence l’article 515-9 du code civil avec la terminologie employée par la loi du 4 août 2014, en ajoutant le mot « ou ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Cet amendement est tout à fait pertinent.

L’avis de la commission est donc favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 16 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.

L’amendement n° 5, présenté par Mmes Rossignol, Harribey et de La Gontrie, MM. Durain et Roiron, Mmes Narassiguin et Linkenheld, MM. Kerrouche, Chaillou, Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 6° bis de l’article 515-11 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Autoriser la partie demanderesse à dissimuler l’adresse de l’école de son ou ses enfants ; ».

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Cet amendement tend à permettre au juge d’inclure dans le périmètre de l’ordonnance de protection l’anonymisation de l’adresse de l’école dans laquelle les enfants sont scolarisés.

Nous le savons, il s’agit de l’un des moyens qu’utilisent les pères harceleurs pour poursuivre les mères de leur obsession vengeresse : ils passent par l’école, où ils utilisent leurs droits en tant que pères pour savoir où vivent les mères.

Cet amendement vise donc à renforcer le champ de l’ordonnance de protection.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. L’avis est favorable, car l’adoption de cet amendement permettrait de compléter utilement les mesures que peut prononcer le juge dans le cadre d’une ordonnance de protection.

La dissimulation de l’adresse de l’école des enfants va de pair avec celle de l’adresse de la partie demanderesse que le juge peut déjà autoriser.

Il est souhaitable d’éviter que certains auteurs retrouvent trop facilement leur victime ; c’est d’ailleurs également l’objet de l’un des amendements suivants.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Nous ne faisons pas la même lecture de cette disposition : l’interdiction de contact est plus forte que la dissimulation de l’adresse de l’école, que le parent connaît déjà.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Pas forcément s’il y a eu un déménagement !

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

Mme Laurence Rossignol. Sagesse, madame la ministre ?… (Sourires.)

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Non, l’avis reste défavorable !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.

Après l’article 1er
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Article 2

Article 1er bis (nouveau)

I. – L’article L. 37 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’électeur mentionné au premier alinéa fait l’objet d’une mesure prononcée au 6° ou au 6° bis de l’article 515-11 du code civil, l’adresse de la personne bénéficiaire de l’ordonnance de protection est masquée, dans les conditions fixées au dernier alinéa du même article 515-11. »

II. – L’article 515-11 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’application du dernier alinéa de l’article L. 37 du code électoral, lorsque les mesures mentionnées aux 6° et 6° bis du présent article sont prononcées, la commune et la préfecture concernées sont, sous réserve de l’accord de la personne bénéficiaire de l’ordonnance de protection, informées par le procureur de la République de ces mesures afin que son adresse ne puisse être communiquée à la personne contre laquelle l’ordonnance de protection a été octroyée. »

Mme la présidente. L’amendement n° 24, présenté par Mme Vérien, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Remplacer les mots :

Lorsque l’électeur mentionné au premier alinéa fait l’objet d’une mesure prononcée au 6° ou au 6° bis de l’article 515-11 du code civil

par les mots :

Lorsqu’une mesure mentionnée au 6° ou au 6° bis de l’article 515-11 du code civil a été prononcée

II. – Alinéa 4

1° Après le mot :

puisse

insérer les mots :

, à titre dérogatoire,

2° Supprimer les mots :

à la personne contre laquelle l’ordonnance de protection a été octroyée

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Je salue notre collègue de la Marne, Anne-Sophie Romagny, qui m’a signalé le cas d’un homme ayant demandé à la préfecture communication de la liste électorale, sur laquelle figurent toutes les adresses, y compris celles dont la dissimulation a pourtant été demandée.

N’importe qui peut consulter les listes électorales : il suffit d’avoir entendu dire que la personne que vous poursuivez habite dans telle ville ; il est alors très facile de retrouver son adresse.

Lorsque ce cas s’est produit dans la Marne, l’agent de la préfecture n’a pas pu ne pas communiquer la liste, alors même qu’il était au courant de la situation des personnes concernées. Il s’en est beaucoup voulu d’avoir mis en danger une personne.

Nous avons donc adopté en commission un amendement sans nous rendre compte qu’il était trop restrictif : nous interdisions seulement à l’auteur des violences présumées d’avoir accès aux listes électorales. Or celui-ci peut envoyer un ami faire la demande à sa place : on le sait bien, dans le contrôle coercitif, les poursuites et le suivi sont souvent réalisés par des connaissances du défendeur.

Nous proposons donc d’étendre la dissimulation de l’adresse à toute personne qui effectuerait ce type de demande. L’amendement n° 9 rectifié de Thani Mohamed Soilihi a pour objet de préciser le dispositif. L’idée est de ne pas offrir en pâture une personne qui a demandé la dissimulation de son adresse en laissant cette dernière figurer sur les listes électorales.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Le Gouvernement est favorable à cet amendement de bon sens.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 24.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

et précisées par décret en Conseil d’État

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Je comprends les préoccupations des personnes bénéficiant d’une ordonnance de protection quant à la divulgation de leurs informations personnelles via les listes électorales. Cependant, il est tout aussi important de ne pas compromettre la transparence démocratique.

Aussi, mon amendement vise à encadrer strictement la possibilité de masquer l’identité et l’adresse d’un électeur, en précisant que ses modalités d’application seront définies par décret en Conseil d’État.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. La procédure que nous proposons met en jeu le ministère de l’intérieur, le ministère de la justice et l’Insee : nous ne pouvons la mettre en place dans des délais si courts sans en étudier tous les aspects.

Nous espérons que le Gouvernement s’engagera à prendre ce décret rapidement. Sachez, madame la ministre, que nous sommes plusieurs à être mobilisés sur cette question : si jamais rien ne se passe, nous ne cesserons de poser des questions écrites et orales jusqu’à ce que le décret paraisse !

L’avis de la commission est donc favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Je rassure la Haute Assemblée : le décret sera bien sûr adopté, car cette mesure va dans le bon sens. L’aménagement des modalités renforcera l’effectivité de la procédure.

Tel est bien l’esprit de l’amendement, sur lequel j’émets un avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er bis, modifié.

(Larticle 1er bis est adopté.)

Article 1er bis (nouveau)
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Article 2 bis (nouveau)

Article 2

Le code pénal est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article 227-4-2 est ainsi modifié :

a) Après la première occurrence du mot : « ou », il est inséré le mot : « de » ;

a bis) (nouveau) Après le mot : « civil », sont insérés les mots : « ou dans une ordonnance provisoire de protection immédiate rendue en application de l’article 515-13-1 du même code » ;

b) Les mots : « se conformer à cette ou ces obligations ou interdictions » sont remplacés par les mots : « s’y conformer » ;

c) (nouveau) Le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » et le montant : « 15 000 € » est remplacé par le montant : « 45 000 € » ;

2° (Supprimé)

Mme la présidente. L’amendement n° 21 rectifié bis, présenté par Mme Aeschlimann, MM. Rapin, Bruyen et Brisson, Mme Joseph, MM. Cadec, Milon, Panunzi, Pellevat et Anglars, Mmes Gosselin et Belrhiti, M. J.P. Vogel, Mme Jacques, MM. Karoutchi, Khalifé, Laugier, Klinger et Savin, Mmes Ciuntu et Evren et M. Genet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Après le premier alinéa de l’article 227-4-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de violation des mesures prononcées dans le cadre d’une ordonnance provisoire de protection immédiate ou d’une ordonnance de protection, il n’est pas sursis à l’exécution de l’ordonnance pendant les délais d’appel et durant l’instance d’appel. »

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Cet amendement a pour objet de tirer les conséquences de la double nature du dispositif de l’OPP, qui comprend des mesures mixtes, c’est-à-dire à la fois pénales et civiles.

Pour renforcer l’effet dissuasif de l’ordonnance de protection provisoire, l’idée est de faire prévaloir le régime de l’exécution provisoire de droit, qui est attaché aux décisions du JAF, sur celui de l’exécution provisoire, qui n’est pas de droit, puisque l’appel est suspensif en matière pénale. Cela permettra d’améliorer la protection des victimes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. L’amendement est satisfait. En effet, l’article 1136-7 du code de procédure civile prévoit que l’ordonnance qui statue sur la demande de mesure de protection des victimes de violences est exécutoire à titre provisoire, à moins que le juge n’en dispose autrement.

Cela signifie que, sauf exception décidée par le juge, les mesures prononcées dans le cadre d’une ordonnance de protection pourront être exécutées, même si la partie adverse fait appel. Je ne vois pas un juge accorder une ordonnance de protection, sauf s’il y avait appel…

En outre, le dispositif prévu par l’amendement serait moins-disant que le droit en vigueur, dans la mesure où la levée du caractère suspensif de l’appel serait conditionnée à la violation des mesures prononcées dans le cadre des ordonnances de protection.

Pour ces deux raisons, je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Même avis.

Mme la présidente. Madame Aeschlimann, l’amendement n° 21 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Marie-Do Aeschlimann. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 21 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Article 3 (début)

Article 2 bis (nouveau)

L’article 41-3-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au 1°, après le mot : « protection », sont insérés les mots : « ou d’une ordonnance provisoire de protection immédiate » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le dispositif de téléprotection est attribué dans le cadre d’une ordonnance provisoire de protection immédiate et que celle-ci n’est pas suivie de l’octroi d’une ordonnance de protection, la durée de six mois mentionnée au premier alinéa peut être réduite par le procureur de la République. – (Adopté.)

Article 2 bis (nouveau)
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Article 3 (fin)

Article 3

(Non modifié)

I. – L’article 711-1 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 711-1. – Sous réserve des adaptations prévues au présent titre, les livres Ier à V du présent code sont applicables, dans leur rédaction résultant de la loi n° …. du …. allongeant la durée de l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »

II. – L’article 1er de la présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna et en Polynésie française.

Mme la présidente. L’amendement n° 25, présenté par Mme Vérien, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 2

Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – Le premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° du … allongeant la durée de l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : » .

…. – Le premier alinéa du I de l’article L. 388 du code électoral est ainsi rédigé :

« I.- Les dispositions du titre Ier du livre Ier du présent code, dans leur rédaction résultant de la loi n° du … allongeant la durée de l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate, à l’exception des articles L. 15, L. 15-1, L. 46-1 et L. 66, sont applicables à l’élection : » .

II. – Alinéa 3

1° Après les mots :

L’article 1er

insérer les mots :

et le II de l’article 1er bis

2° Remplacer les mots :

est applicable

par les mots :

sont applicables

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Cet amendement de coordination vise à prendre en compte l’ajout en commission des articles 1er bis et 2 bis et à les rendre applicables dans les territoires d’outre-mer, qui sont régis par le principe de spécialité législative.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 25.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Mme Annick Billon. J’ai été interviewée tout à l’heure à propos du #MeToo du cinéma et de la tribune signée par 100 personnalités qui appellent à une grande loi pour lutter contre les violences sexuelles et sexistes.

Madame la ministre, depuis 2017, la lutte contre les violences sexuelles et sexistes est la grande cause du quinquennat, et nous avons voté un certain nombre de textes, sur l’initiative du Gouvernement, mais aussi de sénateurs et de députés, notamment la loi de 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille.

Toutefois, nous n’étions pas allés suffisamment loin, et un certain nombre de propositions de loi ont suivi. J’ai précédemment fait référence à celle de notre ancienne collègue Valérie Létard ; je pense aussi aux travaux menés par Mme la rapporteure sur le plan Rouge vif.

Certes, ce sont des avancées, mais elles sont insuffisantes. Vous avez cité les tristes chiffres des féminicides : derrière les statistiques, il ne faut pas oublier que ce sont des femmes qui décèdent, des familles qui sont touchées, des enfants qui se retrouvent sans leur mère et des parents sans leur fille, avec un coût pour la société extrêmement élevé.

Ce texte est bienvenu ; il représente un progrès, mais, si nous avançons à petits pas, c’est parce que nous nous heurtons systématiquement au manque de moyens, pour la justice comme pour la médecine légale. Or, pour que la justice avance, il faut une médecine légale dans tous les départements, afin d’apporter les preuves des faits que les victimes avancent.

Néanmoins, nous nous réjouissons que cette proposition de loi puisse être adoptée, et je remercie Mme la rapporteure d’y avoir apporté des améliorations.

Bien sûr, je voterai ce texte, en attendant les avancées que les négociations menées lors de la CMP apporteront peut-être.

Mme la présidente. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour explication de vote.

Mme Muriel Jourda. Je voterai évidemment ce texte, comme, je le pense, l’ensemble de nos collègues. Nous sommes plus ou moins satisfaits de sa rédaction, mais il constitue une avancée pour lutter contre ces violences intrafamiliales.

Je voudrais faire une observation sur un terme qui a été utilisé tout au long des débats, celui de « féminicide », qui me paraît totalement inapproprié. En effet, il signifierait que ces femmes sont tuées parce qu’elles sont des femmes, ce qui n’est pas le cas. Les meurtriers de femmes existent : chacun aura entendu parler d’Henri Vidal, que l’on appelait le « tueur de femmes », un tueur en série qui s’attaquait à celles-ci parce qu’elles étaient des femmes.

Or les femmes dont nous parlons meurent parce qu’elles sont des conjointes ou des ex-conjointes. La question n’est pas que sémantique. Lorsque l’on fait la loi, la sémantique est bien sûr importante, et il faut utiliser des termes appropriés. Surtout, au-delà de la prise en charge des victimes, qui doit être réelle et qui peut certainement être améliorée, il faut prendre en charge les auteurs de violences.

Or nous ne le ferons pas correctement si nous nous contentons de les traiter comme s’ils faisaient preuve d’un sexisme pathologique, alors que, en réalité, leur pathologie ou, pour ne pas utiliser un terme dont je ne maîtrise pas complètement le sens, leur problème, ainsi que la violence qui en découle, est lié à la relation de couple, et non à l’existence d’une femme.

J’y insiste, appelons les choses par leur nom : le « féminicide » n’a aucune existence juridique, et si nous continuons à utiliser ce terme, nous ne donnerons pas la bonne qualification au problème de société que nous souhaitons traiter.

M. Michel Savin. Très bien !

Mme Catherine Di Folco. C’est vrai !

Mme la présidente. La parole est à Mme Olivia Richard, pour explication de vote.

Mme Olivia Richard. Le groupe centriste votera bien sûr ce texte, et nous poursuivrons le travail lors de la commission mixte paritaire.

Nous n’allons pas lancer un débat sur la sémantique. Un féminicide est non pas une qualification juridique, mais un état de fait : il permet de rendre visible un certain type de violence et de débattre d’un phénomène de société contre lequel nous souhaitons tous, je le pense, lutter.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi dont la commission a ainsi rédigé l’intitulé : proposition de loi renforçant l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate.

(La proposition de loi est adoptée.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à dix-neuf heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 3 (début)
Dossier législatif : proposition de loi renforçant l'ordonnance de protection et créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate
 

6

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France
Article 1er

Financement des entreprises et attractivité de la France

Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France (proposition n° 536, texte de la commission n° 585, rapport n° 584, avis n° 574).

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de lindustrie et de lénergie. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de discuter aujourd’hui de la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France.

Ce texte marque une étape supplémentaire dans le travail que nous menons, depuis 2017, pour redonner à la France une base productive à la hauteur de son potentiel, de ses talents et du défi de la transition écologique, après trente années de désindustrialisation.

Aujourd’hui, nous créons des usines et de l’emploi. Plus de 130 000 emplois sur les 2 millions créés depuis 2017 l’ont été dans l’industrie. Nous rouvrons également des usines : 176 et 201 ouvertures nettes de sites industriels ont eu lieu respectivement en 2022 et en 2023.

Cette évolution positive est avant tout le fruit du travail des entrepreneurs et de la mobilisation des salariés.

Toutefois, elle est aussi le fruit d’une politique économique et fiscale qui fonctionne et que nous allons poursuivre : un environnement fiscal stable et une baisse des prélèvements obligatoires de 60 milliards d’euros ; des procédures simplifiées, notamment grâce à la loi relative à l’industrie verte adoptée par le Sénat, et qui le seront encore davantage avec le projet de loi de simplification de la vie économique ; un investissement massif dans les compétences ; un investissement tout aussi massif dans l’innovation, avec France 2030, les projets importants d’intérêt européen commun (Piiec) ou encore le crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte (C3IV), entré en vigueur il y a quelques semaines.

À ces bons résultats, il faut ajouter l’attractivité retrouvée de notre pays. Vous le savez, le septième sommet Choose France s’est déroulé hier. Un montant record de 15 milliards d’euros d’investissements a été annoncé dans 56 projets, qui devraient faire naître des milliers d’emplois.

Pourquoi vous raconter tout cela ? Quel est le rapport entre ces rappels et la présente proposition de loi, qui vise essentiellement à traiter du financement des entreprises et du fonctionnement des marchés financiers ?

Parce que, évidemment, le secteur financier n’est pas une fin en soi. Nous sommes très heureux du succès de la place de Paris, mais celui-ci constitue surtout un moyen de financer au mieux l’économie productive, notamment dans nos territoires.

Les besoins seront massifs, en raison de la révolution verte à laquelle nous sommes attachés. Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz les ont estimés à près de 70 milliards d’euros supplémentaires par an pour la France, tandis que, à l’échelon européen, plus de 600 milliards d’euros seront nécessaires.

Nous apportons des financements publics à l’échelon tant national qu’européen, mais, ainsi que vous nous le rappelez régulièrement, les finances publiques ne sont pas inépuisables, et nous avons besoin de mobiliser davantage les financements privés.

Nous avons lancé cette dynamique avec la loi relative à l’industrie verte, en créant le plan d’épargne avenir climat, qui entrera en vigueur dès le mois de juillet prochain, et en renforçant le fléchage vers l’économie productive des fonds des plans d’épargne retraite et des assurances vie.

Nous l’avons également fait avec les entreprises innovantes, l’initiative Tibi ayant permis de lever 6 milliards d’euros. Au total, 30 milliards d’euros d’investissements ont été réalisés depuis 2019. Nous avons relancé ces engagements, pour un montant de plus de 7 milliards d’euros durant les trois prochaines années.

Nous sommes déterminés à aller plus loin vers l’union des marchés de capitaux à l’échelon européen, pour mobiliser les quelque 370 milliards d’euros d’excédent d’épargne qui quittent chaque année notre continent, essentiellement pour financer des entreprises américaines.

Toutefois, pour que la France bénéficie d’un tel mouvement, renforcer sa compétitivité financière est fondamental. Sur ce point, le bilan des dernières années est déjà spectaculaire, même si, il faut le dire, nous avons été bien aidés par le Brexit.

Paris est redevenu un centre financier de premier plan et a récemment dépassé Londres pour devenir le premier marché boursier européen en matière de capitalisation. Concrètement, cela s’est traduit par la création de plus de 7 000 emplois directs depuis 2017, ainsi que par des recettes fiscales importantes.

Près de cinq ans après la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, nous nous apprêtons avec cette proposition de loi à aller un cran plus loin, pour permettre aux entreprises de poursuivre leur développement grâce à la mobilisation des capitaux des investisseurs français, européens et internationaux.

Je tiens à remercier le rapporteur de l’Assemblée nationale, Alexandre Holroyd, également auteur de cette proposition de loi, ainsi que les rapporteurs du texte au Sénat, qui ont travaillé pour parfaire ses dispositions.

Le titre Ier du texte vise à développer le financement des entreprises par l’intermédiaire des marchés financiers et des fonds.

Il est prévu d’autoriser les entreprises à s’introduire en bourse en se dotant d’actions dites à droits de vote multiples. L’objectif est d’encourager les sociétés non cotées à entrer sur le marché, tout en étant protégées des perturbations et en permettant à leurs créateurs de conserver le contrôle sur leur stratégie à l’issue de la cotation.

Il s’agit de permettre à ces sociétés de mobiliser plus facilement et plus rapidement des fonds pour financer leur croissance, leur décarbonation ou leur développement international, tout en prévenant le risque de transfert vers d’autres places de cotation où ce régime existe déjà, par exemple aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne ou aux Pays-Bas.

La France bénéficierait ainsi du régime d’introduction en bourse le plus compétitif d’Europe. Cette mesure est donc bonne pour le maintien en France des centres de décision, des emplois, de l’activité et des recettes de taxe sur les transactions financières.

Parmi d’autres avancées importantes, le titre Ier a pour objet de mieux accompagner les entreprises qui débutent en bourse en favorisant le maintien dans leur capital des fonds dits crossover, où sont détenues des parts de sociétés cotées et non cotées, ainsi que d’assouplir les modalités des augmentations de capital sans droit préférentiel de souscription, ces opérations étant principalement utilisées par les PME cotées.

Le titre II vise à faciliter la croissance internationale des entreprises françaises à l’aide de la dématérialisation des titres transférables.

Ce point est quelque peu technique, mais aujourd’hui la procédure de trade finance peut se révéler lourde : comme elle est matérialisée, les entreprises sont obligées à recourir à des titres transférables en papier. La dématérialisation de ces derniers simplifiera leurs échanges. La France sera le premier pays de l’Union européenne à autoriser cette mesure, et nous espérons être suivis.

Enfin, le titre III vise à simplifier notre droit pour renforcer notre attractivité.

Les confinements liés à la covid-19 ont révélé le manque d’agilité de notre droit en matière de gouvernance d’entreprise et la sous-utilisation des possibilités offertes par le numérique.

La principale mesure du titre III consiste à renforcer la possibilité de tenir des assemblées générales en format hybride, certains actionnaires étant présents physiquement et d’autres y participant à distance. Afin de sécuriser et d’encourager l’organisation de ces assemblées, il est proposé d’encadrer les risques de nullité en cas de défaillance des systèmes électroniques.

Les conseils d’administration seront également rendus plus agiles, car ils pourront eux aussi être intégralement dématérialisés.

Vous l’aurez compris, ce texte porte une ambition de simplification et de modernisation attendue par nos entreprises, en particulier nos petites et moyennes entreprises (PME) et nos entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Il vise aussi à créer les conditions pour choisir la France, y demeurer et s’y développer. Il contribuera à renforcer notre position de porte d’entrée de l’Europe pour les investisseurs internationaux.

Je suis impatient des débats à venir, qui, je l’espère, conduiront à adopter cette loi et à permettre sa mise en œuvre rapide. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – M. Michel Masset applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, revenons un instant sur le titre de cette proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France. « Vaste programme » ou « rien que cela », auraient dit certains !

Si son titre est extrêmement ambitieux, ce texte, largement technique, l’est un peu moins, en dépit des efforts de la commission des finances et de la commission des lois pour l’améliorer, notamment en ce qui concerne le financement des PME. Je salue à cet égard le travail du rapporteur pour avis de la commission des lois Louis Vogel.

Nous nous retrouvons dans une situation qui est devenue malheureusement fréquente depuis quelques mois. Le Gouvernement, peut-être faute de temps, préfère soutenir une proposition de loi qu’il a très largement inspirée, plutôt que déposer un projet de loi.

Il s’agit sans doute d’un bon moyen de gagner du temps dans le calendrier parlementaire, mais c’est surtout une manière d’éviter de rendre une étude d’impact et de devoir nous transmettre un avis du Conseil d’État.

Je rappelle néanmoins que Bruno Le Maire avait annoncé lors de ses vœux, au mois de janvier dernier, qu’un projet de loi sur l’attractivité financière de la France serait bientôt déposé. Bizarrement, quelques mois plus tard, nous examinons une proposition de loi dont l’ambition pourrait sans doute être plus large.

Il est dommage que nous ne disposions ni d’une étude d’impact ni de l’avis du Conseil d’État à propos de certaines dispositions du texte. Comme d’habitude, nous serons contraints de nous contenter d’échos dans la presse !

Déposée par notre collègue député Alexandre Holroyd, la proposition de loi s’inscrit dans un contexte bien particulier.

La France et l’Europe pâtissent d’un déficit d’investissement, évalué à 1 000 milliards d’euros dans le récent rapport de Christian Noyer sur la relance de l’union des marchés de capitaux. Dans le même temps, les Européens se caractérisent par leur faible appétence pour les marchés financiers. Pour atteindre le niveau de la capitalisation boursière américaine, la capitalisation boursière européenne devrait bondir de plus de 60 %.

Pour en rajouter sur ce tableau réaliste, la présidente de l’Autorité des marchés financiers (AMF) nous rappelait lors d’une audition que le nombre de cotations avait atteint un niveau historiquement bas en 2023, avec seulement sept introductions en bourse, dont une seule sur le marché réglementé.

Comme si cela ne suffisait pas, le président-directeur général de TotalEnergies a confirmé que son groupe réfléchissait à déménager sa cotation principale de Paris à New York, ce qui a fait un peu de bruit dans la presse. Sans doute envisage-t-il ce déménagement parce que la valorisation de son entreprise serait plus élevée sur le marché américain, qui est plus important.

M. André Reichardt. C’est lamentable !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Je passe bien évidemment sur le sujet de nos finances publiques, qui contraint les marges de manœuvre du Gouvernement.

Autant le dire – M. le ministre ne pourra qu’en convenir –, ce ne sont pas de simples ajustements techniques et strictement nationaux qui permettront de sortir de cette apathie.

La France se trouve engagée dans une compétition entre places financières, qui se joue sur le plan fiscal autant que juridique. La principale concurrente de la place de Paris, ce n’est plus Londres, c’est Amsterdam, voire New York.

La question que nous devons poser et à laquelle la proposition de loi vise à apporter un début de réponse est la suivante : comment maintenir l’avantage obtenu par Paris, qui est désormais la première place européenne en matière de capitalisation, comme l’a rappelé M. le ministre ? Et comment accroître son attractivité, notamment afin d’assurer le financement en capital de nos entreprises ?

Louis Vogel présentera tout à l’heure les dispositions de l’article 1er, qui vise à autoriser les sociétés à s’introduire en bourse en se dotant d’actions à droits de vote multiples.

Je ne sais si l’on doit s’en réjouir ou le déplorer, mais je note que le Gouvernement apporte son soutien à une évolution recommandée par la commission des finances du Sénat depuis 2017. Durant cette période, le secteur de la finance a connu de profonds bouleversements, les places financières se livrant à une concurrence de plus en plus acharnée ; sept ans, c’est beaucoup !

Nous aurons l’occasion d’aborder en détail les dispositions de la proposition de loi lors de l’examen des amendements. Permettez-moi de me concentrer sur quelques points.

Les travaux de la commission des finances, tout d’abord, ont été guidés par une triple exigence.

Premièrement, nous avons voulu nous assurer du caractère opérationnel des dispositifs proposés. C’était bien le minimum.

Deuxièmement, nous avons tenu à préserver l’équilibre entre l’attractivité financière de la place de Paris et la nécessaire protection des épargnants. J’ai largement contribué à ce sujet lorsque j’étais rapporteur général de la commission des finances, en défendant notamment des dispositifs d’interdiction des produits les plus risqués et des mesures de protection supplémentaire des épargnants. Il ne faut pas sacrifier la protection des épargnants sur l’autel de la volonté de compétitivité.

Enfin, la troisième orientation qui a guidé nos travaux consiste à flécher davantage le contenu de la proposition de loi vers le financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire.

Il faut le reconnaître, les dispositions en la matière étaient rares dans un texte de nature technique, dirigé davantage vers les sociétés d’épargne ou les très grandes entreprises que vers les PME. La commission des finances a ainsi cherché à rééquilibrer la proposition de loi en ce sens.

Sur l’initiative de la commission des finances, les règles d’éligibilité des titres des PME et des ETI à divers produits financiers ont été assouplies. Le but est simple : flécher davantage les financements vers ces entreprises. Je continuerai dans cette direction, en proposant un amendement visant à assouplir encore davantage ces règles pour les sociétés de capital-risque, qui interviennent principalement en soutien des entreprises non cotées ou à faible capitalisation.

En ce qui concerne la protection des investisseurs, nous nous félicitons que l’Assemblée nationale ait repris une disposition adoptée par le Sénat en janvier 2023, lors de l’examen de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants déposée par Jean-François Husson et moi-même.

Il s’agit d’allonger la durée de blocage des parts dans les fonds communs de placement à risques (FCPR), destinés à soutenir les jeunes entreprises et les entreprises en croissance. Ne nous arrêtons pas au milieu du chemin : le Sénat avait équilibré ce dispositif par de nouvelles obligations pour les FCPR, afin de préserver la rentabilité de ces investissements.

Ainsi que je l’indiquais précédemment, il ne faut pas, au prétexte du mot magique d’attractivité, perdre de vue la nécessaire protection des épargnants.

Le Sénat ne s’oppose pas par principe aux demandes d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances. Nous reviendrons sur sa demande d’habilitation pour réviser le cadre juridique applicable aux organismes de placement collectif (OPC), demande qui a été introduite par voie d’amendement à l’Assemblée nationale.

Nous le savons, le régime juridique des OPC doit être modernisé et sécurisé. Cependant, pouvons-nous habiliter le Gouvernement à « moderniser », « harmoniser et simplifier » le cadre juridique applicable à ces organismes ? Autant lui donner un blanc-seing ! Ces formulations semblent trop larges, et le délai laissé au Gouvernement est particulièrement long. Nous avons donc déposé un amendement, afin de mieux encadrer cette habilitation, sur un sujet très technique.

Monsieur le ministre, n’estimez-vous pas que le Parlement a été suffisamment contourné ces derniers mois dans le cadre de cette proposition de loi ? J’espère que nous pourrons avancer ensemble sur ce sujet.

En ce qui concerne la demande d’habilitation relative au régime de fractionnement des instruments financiers, qui permet d’acheter non une action entière, mais par exemple un dixième de cette action, la mesure nous semble utile, en ce qu’elle pourra avoir un effet sur le financement des entreprises. De nombreux épargnants se trouvent de fait exclus de l’accès aux marchés, en définitive au détriment du financement des entreprises.

L’article 12 illustre à mon sens un certain manque d’anticipation. Il prévoit de limiter les indemnités de licenciement des preneurs des risques en excluant la prise en compte d’une partie de leur rémunération variable.

L’effet de cette mesure est très restreint, puisqu’il ne concerne qu’une partie de la rémunération d’un nombre très limité de salariés, qui occupent de hautes responsabilités ou qui bénéficient des rémunérations les plus élevées. Il s’agit, par exemple, de 0,3 % des membres du personnel des établissements financiers.

Permettez-moi d’y revenir, monsieur le ministre : là encore, dès 2017, la commission des finances avait souligné que le coût du travail représentait un « handicap concurrentiel » pour la place de Paris, notamment en raison du poids des prélèvements sociaux, mais aussi du coût des licenciements.

Sept ans plus tard, les choses n’ont pas beaucoup changé. J’en veux pour preuve la table ronde sur l’attractivité financière de la France organisée sur l’initiative du président Raynal le 3 avril dernier, lors de laquelle les constats étaient les mêmes qu’en 2017.

Monsieur le ministre, pourquoi ne pas avoir pendant tout ce temps travaillé sur la question du plafonnement des indemnités de licenciement ? Là encore, il semblerait que le Gouvernement ait consulté le Conseil d’État, sans que l’avis de ce dernier nous soit adressé.

Je ne puis terminer mon intervention sans citer le ministre qui a inspiré cette proposition de loi : en 2017, quelques mois après les travaux que j’avais menés au nom de la commission des finances sur la compétitivité de la place financière de Paris, M. Bruno Le Maire avait salué les recommandations de notre rapport, en soulignant que le Premier ministre s’en était « directement inspiré » pour renforcer l’attractivité de la place de Paris.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le rapporteur.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Monsieur le ministre, j’espère que le Gouvernement aura la même inspiration qu’il y a sept ans et qu’il reprendra les travaux du Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois, au nom de laquelle j’ai l’honneur d’intervenir, s’est saisie de douze des articles de la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui.

Ces articles, qui portent essentiellement sur le droit monétaire et financier, ainsi que sur le droit des sociétés, constituent un élément de réponse au double défi du financement des entreprises et de l’attractivité de la France que vise à relever cette proposition de loi.

Il ne s’agit, certes, que d’un élément parmi d’autres, tant l’attractivité d’une économie résulte de facteurs pluriels, qui ne peuvent être traités par un texte essentiellement consacré au droit des sociétés. De nombreux autres facteurs entrent en ligne de compte : la fiscalité, le coût et le droit du travail ou encore la simplification des normes.

Toutefois, cet élément est important, parce que, aujourd’hui, la concurrence des différentes places financières concerne notamment les droits des sociétés qui s’y appliquent.

Il fallait que le législateur se mobilise pour défendre l’attractivité de la France non seulement en attirant des entreprises nouvelles, mais surtout en évitant les départs d’entreprises vers d’autres places. (M. André Reichardt sexclame.)

De façon générale, une plus grande attractivité implique nécessairement un assouplissement des règles. Mais cet assouplissement ne doit pas se faire au détriment des actionnaires, notamment minoritaires.

Il s’agit donc de trouver un équilibre entre l’assouplissement nécessaire et la volonté de maintenir une protection des actionnaires.

L’article 1er de la proposition de loi prévoit une mesure attractive et innovante : l’autorisation pour les entreprises d’émettre des actions dotées de droits de vote multiples lors de leur introduction en bourse.

La création d’actions à droits de vote multiples est assortie de plusieurs garanties : une durée limitée de ces droits, un ratio entre le droit de vote qui est lié à ces actions et celui qui est associé aux actions ordinaires, une neutralisation des droits de vote multiples dans certaines circonstances, par exemple en cas de modification des statuts, et l’impossibilité de les céder à une autre personne.

La commission des lois, soucieuse de ne pas remettre en cause l’attractivité du dispositif, a toutefois nuancé certaines de ces garanties, en allant dans le sens d’une meilleure protection des actionnaires.

À l’article 3 sont prévues diverses mesures d’assouplissement des modalités d’augmentation de capital sans droit préférentiel de souscription (DPS) au sein des sociétés cotées, c’est-à-dire sans donner la possibilité aux actionnaires déjà en place de bénéficier d’un avantage par rapport aux nouveaux entrants.

Cet article, adapté aux PME en phase de croissance, s’inscrit en pleine complémentarité avec l’article 1er. Ce que nous construisons avec ce texte, c’est le parcours résidentiel d’une entreprise qui croît sur le marché.

Enfin, l’article 10 vise à assouplir et à faciliter le recours à la dématérialisation des modalités de décision du conseil d’administration, du conseil de surveillance et de l’assemblée générale des actionnaires.

Pour ne pas risquer de priver d’effectivité les procédures de consultation des conseils d’administration introduites par l’article 10, la commission des lois a souhaité assouplir leur encadrement. Alors que le texte prévoyait que tout administrateur pût s’opposer à cette procédure, la commission a entendu faire confiance aux entreprises et les laisser déterminer, dans leurs statuts, quelles personnes peuvent s’opposer à la tenue du conseil d’administration, et en quel nombre.

La commission a également souhaité contenir l’insécurité juridique planant sur les actes et délibérations issues des procédures dématérialisées, en allégeant les obligations qui pèsent sur les sociétés et en supprimant un nouveau cas de nullité pouvant résulter de problèmes techniques.

Enfin, en contrepartie de certaines mesures d’assouplissement apportées par le texte, la commission des lois s’est montrée soucieuse d’offrir un équilibre pour garantir une véritable protection des actionnaires minoritaires.

Nous avons ainsi adopté un article 10 bis A, qui vise à renforcer l’efficacité des procédures contentieuses en cas de refus injustifié du conseil d’administration d’inscrire les résolutions que les actionnaires minoritaires portent à l’ordre du jour de l’assemblée générale. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains. – M. Michel Masset applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans la logique obsessionnelle du Gouvernement en matière économique : développer l’attractivité de la France et instrumentaliser cette notion pour accroître la financiarisation de notre économie.

Aucune conditionnalité verte dans ce texte : monsieur le ministre, vous avez été quelque peu hors sujet en convoquant le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz. Nous vous le demandons gentiment : cessez d’utiliser la transition écologique comme alibi pour tout et n’importe quoi ! Tout à l’heure, le ministre Le Maire tentait déjà de présenter la simplification comme bonne pour le climat…

Il faut mieux doser vos propos : nos rapporteurs ont été plus sincères sur la fonction de ce texte, qui vise seulement à augmenter le poids de la sphère financière dans notre économie.

Lorsque l’on écoute les arguments du Gouvernement, l’explication de l’attractivité française paraît évidente. Elle serait due à la politique de l’offre, c’est-à-dire à la pressurisation des travailleurs par la diminution de leurs droits, combinée à une fiscalité avantageuse, c’est-à-dire à des cadeaux sans contreparties pour les entreprises.

Néanmoins, penchons-nous maintenant sur la réalité des faits. Cela tombe bien, car le baromètre d’Ernst & Young sur l’attractivité de la France vient de paraître. Et si celui-ci est scruté et parfois promu avec gourmandise par le Gouvernement pour justifier sa politique, le moins que l’on puisse dire est que nous n’avons pas tout à fait la même lecture de ce document.

M. Roland Lescure, ministre délégué. C’est sûr !

M. Thomas Dossus. Quels sont les quatre principaux critères qui poussent les entreprises étrangères à s’installer en France ?

En premier lieu, il s’agit de la qualité de la main-d’œuvre ; puis, vient l’environnement juridique et réglementaire stable, renvoyant au passage dans les ronces les critiques sur la prétendue complexité de notre code du travail. Suivent la fiabilité des infrastructures, notamment de transport, et la force du marché intérieur, c’est-à-dire le niveau de revenu des consommateurs.

La liquidité des marchés et la disponibilité des capitaux ne figurent qu’en queue de ce classement, à la douzième place des critères. C’est donc tout naturellement que le Gouvernement a choisi d’œuvrer en priorité sur ce sujet par le biais de cette proposition de loi !

En effet, ne nous y trompons pas, cette proposition de loi est bel et bien d’origine gouvernementale : elle avait été annoncée il y a quelques mois par le ministre Le Maire dans un discours de vœux, puis – ô surprise ! –, ces mesures ont été transférées dans cette proposition de loi par l’intermédiaire du groupe macroniste à l’Assemblée nationale.

Le but de cette manœuvre est d’une simplicité quelque peu cynique : il s’agit de s’affranchir de l’obligation de fournir une étude d’impact pour mesurer les effets de la loi.

Peut-être d’ailleurs que les raisons de cette manœuvre sont celles que j’ai évoquées plus tôt, à savoir que les dispositions du texte ne sont pas des leviers si importants pour l’attractivité de notre pays. Il s’agit en réalité d’augmenter la financiarisation de notre économie et de participer à la concurrence entre places financières européennes, toujours imaginatives en la matière.

Quelles sont les mesures de cette proposition de loi très dispensable ?

La disposition phare du texte est de sortir du principe « une action, une voix », en autorisant les actions à droits de vote multiples. En raison de l’absence d’étude d’impact, on peine à mesurer quelles seront les conséquences réelles de cette mesure. Tout juste savons-nous que notre principal concurrent, en l’occurrence la place financière des Pays-Bas, autorise ces actions.

Désormais, détenir une poignée d’actions sera suffisant pour s’assurer le contrôle d’une entreprise. Si nous n’arrivons pas à faire supprimer cette disposition, nous proposerons, dans un souci de maintien de notre appareil productif, de limiter le ratio multiplicateur entre capital et droit de vote et de réserver ces actions aux salariés et aux mandataires sociaux de l’entreprise.

Dans la même ligne, le texte tend à favoriser les augmentations de capital et les fonds communs de placement. Nous demanderons la suppression de ces articles, dont l’impact fiscal n’a même pas été mesuré.

Viennent ensuite plusieurs mesures relatives à la dématérialisation des titres et à la visioconférence lors des assemblées d’actionnaires. Nous formulerons plusieurs propositions de modification, mais ces dispositions restent somme toute assez anecdotiques au regard du reste de la loi.

En revanche, ce qui n’est pas anecdotique, c’est ce qui n’est pas abordé dans ce texte, alors que vous en parlez beaucoup, monsieur le ministre : la transition écologique.

La finance détermine de nombreuses trajectoires dont dépend notre avenir commun, notamment en ce qui concerne l’énergie. Nous ne croyons pas à la chimère d’une finance naturellement verte. Nous formulerons un certain nombre de propositions pour introduire quelques obligations de transparence en matière de transition énergétique.

S’il doit y avoir une action sur le monde de la finance, c’est dans ce sens qu’elle doit aller. Nous sommes partisans d’un ciblage du soutien vers les entreprises qui s’engagent dans une transition écologique et solidaire, en favorisant les investissements dans les énergies renouvelables, l’économie circulaire et l’inclusion sociale.

Plutôt que de faciliter toujours la financiarisation de l’économie, il faut au contraire promouvoir un système financier qui entre dans les limites planétaires, en renforçant la régulation des marchés financiers, en luttant contre la spéculation et en favorisant le financement des projets à long terme. Tout cela ne peut se faire sans des mécanismes de transparence et de redevabilité plus stricts pour les entreprises.

La proposition de loi actuelle ne prend, hélas, pas ce chemin, à l’image de la politique menée par le Gouvernement. C’est pourquoi le GEST votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Pierre Ouzoulias.)

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, MM. Paul Lagneau-Ymonet et Angelo Riva publiaient en 2012 une Histoire de la Bourse, aux éditions La Découverte. Ils y écrivaient ces mots : « La promotion des marchés financiers dans un espace déréglementé et sans frontières – pour le capital –, notamment en Europe, scelle le passage du régime économique d’après-guerre à l’économie financiarisée contemporaine. »

La liquidité ! L’impératif de liquidité ! Voilà qui légitime l’accumulation primitive de capital issue de marchés autorégulés avec une possibilité infinie d’échanges, à tout moment et désormais à l’échelle de la nanoseconde. Telle est la recette de la dérive dont l’histoire boursière nous avait prémunis jusque dans les années 1980.

Les bourses sont désormais elles-mêmes cotées en bourse, abandonnant leur forme coopérative et régulée. La frénésie financière s’est emparée de l’économie, faisant perdre de vue l’objectif même de la finance de marché : le financement de l’économie productive et, consubstantiellement, des États, par la mise en relation entre un épargnant et une entité publique ou privée.

De cette promesse procède la voracité des intermédiaires, jadis fonctionnaires – c’étaient les agents de change –, puis démantelés jusque dans leur statut d’officier ministériel ; on les appelle désormais des traders – veuillez me pardonner cet anglicisme –, et, s’ils passent toujours les ordres, c’est surtout la recherche du profit qui les habite. Et pour cause : les enjeux financiers ne sont plus les mêmes, puisque les échanges sont passés de 500 milliards de francs au moment du pic de 1930 à plus de 7 000 milliards d’euros aujourd’hui…

Ces professionnels roulent maintenant pour des multinationales de la spéculation, dont le sens des affaires n’a que peu d’égards pour la production ou l’économie réelle et encore moins pour les travailleurs – des obstacles, tout au plus…

Désormais, depuis une directive européenne de 2007, les marchés réglementés, c’est-à-dire les bourses traditionnelles, sont en concurrence les uns avec les autres, et des systèmes multilatéraux de négociation intronisent, par exemple, les quotas d’émissions de CO2 ; le carbone, un actif comme les autres – mais quelle idée ! –, que l’on échange et sur lequel on spécule.

Les marchés alternatifs sont régis par des règles de transparence et d’équité moins exigeantes, si bien que les plus gros opérateurs de marchés peuvent s’échanger un titre en une nanoseconde, bénéficiant ainsi des écarts de cotation entre les marchés réglementés et les marchés alternatifs.

Dans chacune des failles se glisse un appétit, une prédation. Loin d’être des effets de bords d’une politique publique de régulation, ces failles correspondent précisément à l’intention des libéraux européens et nationaux : plus d’échanges de capitaux, à n’importe quelles conditions, pourvu que le système tienne jusqu’à la prochaine folie, jusqu’à la prochaine crise…

La définition de la confiance, dopamine des marchés, ne mérite aucun commentaire : « se dit de l’assurance qu’on prend sur la probité, sur la discrétion de quelqu’un ou de quelque chose. »

La recherche d’attractivité, à laquelle d’ailleurs aucune des dispositions du présent texte n’apporte de solution, n’est que la conséquence de la mise en concurrence des places boursières, de Londres à Francfort en passant par Amsterdam.

Euronext, qui doit son existence à la fusion des bourses belge, néerlandaise et française, rejointes depuis lors par quatre places boursières supplémentaires, est un opérateur de bourse paneuropéen lui-même coté sur le marché français.

Euronext, c’est 513 millions d’euros de bénéfice en 2023 – un record –, 1 900 émetteurs et 6 600 milliards d’euros de capitalisation boursière. Faire la pluie et le beau temps, c’est désormais la mission dévolue à cet opérateur boursier.

Cette union avant l’heure du marché des capitaux a-t-elle finalement permis d’éviter les dérives, les transactions sans but ? A-t-elle au moins renforcé la souveraineté de nos entreprises cotées et de leurs sous-traitants ?

L’attractivité de la place financière française est secouée par l’annonce récente d’un éventuel transfert de la cotation principale de TotalEnergies vers les États-Unis. Les liquidités y seraient abondantes pour les entreprises pétrolières, quand nous préférions, de ce côté-ci de l’Atlantique, les énergies renouvelables.

Je serais d’ailleurs assez tenté de souhaiter bon vent à M. Pouyanné et à son groupe, pourvu qu’il ne s’agisse que de cotation et non d’un transfert de son siège social. Soit dit en passant, le siège social français de cette entreprise ne l’empêche pas de contourner l’impôt dans notre pays, par exemple au travers de sociétés de trading de pétrole qui facturent leurs prestations à la maison mère, mais ce n’est pas le sujet de ce soir.

La recherche d’attractivité est décidément un moyen de satisfaire les intérêts des grandes entreprises en feignant de ne pas y toucher. Paris est déjà le premier marché boursier européen du point de vue de la capitalisation boursière, devant Londres. Les marchés se portent bien, les entreprises cotées tout autant. Nul besoin, donc, de légiférer en ce sens. D’ailleurs certaines dispositions du texte sont même contre-productives ; nous proposerons de les supprimer.

La seule question qui doit être posée, j’y reviens, c’est : à quoi servent les marchés financiers ? À financer les entreprises, leur développement et leur capacité d’investissement. Or ils ont contribué à déréguler l’économie, à faire émerger des bulles adossées à des valorisations fictives.

Nous plaidons pour la définanciarisation de l’économie, en substituant à l’intervention des marchés financiers des crédits bancaires rassemblés au sein d’un pôle public financier, sur le modèle de celui qui existe autour de la Caisse des dépôts et consignations.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Éric Bocquet. Les actionnaires et, le cas échéant, les fonds de pension ou les capital-risqueurs n’ont que faire des projets industriels. Voilà notre position.

Nous sommes donc résolument opposés à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me permets de commencer mon propos par un regret portant sur la méthode utilisée : le 8 janvier 2024, le Gouvernement annonçait l’arrivée au printemps suivant d’un texte sur l’attractivité financière de la France. Finalement, le choix a été fait de passer par une initiative parlementaire, qui permet d’éviter la production d’une étude d’impact et l’avis du Conseil d’État.

Si l’obligation de passer par un projet de loi n’est que formelle, sa méconnaissance emporte des conséquences importantes pour l’information du Parlement dans sa mission d’élaboration de la loi. Ces éléments de procédure ne doivent pas être négligés si nous voulons atteindre notre objectif commun, celui d’une bonne législation, notamment pour un texte dont l’élaboration sera rapide.

Une fois ce regret exprimé, je constate que cette proposition de loi s’inscrit dans une triple démarche.

Tout d’abord, elle vise à satisfaire les besoins d’investissements liés à des enjeux bien réels et contemporains ; je pense évidemment à la transition écologique, qui exige des investissements massifs, mais également à la défense, à l’heure où le monde se réarme, ou encore à la transition numérique de nos entreprises.

Ce texte part d’un constat clair : les financements bancaires peinent à satisfaire, en France et en Europe, les besoins des entreprises et les projets de financement public tendent à devenir particulièrement restreints. Pour remédier à cette situation, l’auteur de la proposition de loi et le Gouvernement font valoir leur volonté de faire appel au financement de marché.

En matière de financiarisation du tissu économique de la France, les enjeux sont réels, car cela touche des centaines de milliers d’emplois, dans nos petites et moyennes entreprises (PME) et nos entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Nous pouvons considérer que les besoins sont importants et que le marché constitue en effet une solution. En outre, si l’on est attaché à la liberté d’entreprendre, la suppression des freins à la cotation des entreprises peut aller dans la bonne direction. À ce titre, lever les difficultés qui peuvent se dresser sur le chemin des entrepreneurs souhaitant augmenter leur capital pour pouvoir sans perdre le contrôle de leur entreprise peut être une bonne chose.

Je souhaite toutefois vous faire part de certaines appréhensions, mes chers collègues, et j’invite le Sénat à faire ici application d’une forme de principe de précaution, afin de nous prémunir du tout-marché.

M. Éric Bocquet. Absolument !

M. Michel Masset. En effet, certaines contraintes intrinsèques à la logique de marché peuvent se retourner contre de petites entreprises attirées par la perspective d’investissements fulgurants.

M. Michel Masset. La pression pour l’obtention de résultats financiers ou la perte de contrôle sur les choix stratégiques peuvent entrer en contradiction avec d’autres objectifs auxquelles sont attachées nos entreprises.

Ainsi, il faut trouver un mix de financements permettant de préserver ce qui constitue l’identité et les intérêts des entreprises françaises et européennes.

La France enregistre actuellement un recours au financement par le marché de 17 %, contre 60 % aux États-Unis. La marche est haute ; ne nous engouffrons pas dans cette solution à corps perdu !

Ensuite, la deuxième démarche dans laquelle s’inscrit ce texte est plus éloignée des réalités du tissu économique français : il s’agit du combat, de la compétition entre les places boursières mondiales.

Cet effort de compétitivité s’effectue à l’échelle du continent ; l’Union européenne a ainsi révisé récemment sa législation en matière financière. La France souhaite maintenir le dynamisme de la Bourse de Paris, qui a conduit celle-ci à la première place européenne. Nous pouvons nous féliciter de cette attractivité, tout en regrettant que l’impact en matière de création d’emplois soit encore limité.

Enfin, la présente proposition de loi vise à moderniser notre droit des affaires, afin de faciliter la dématérialisation des procédures et d’accroître l’attractivité de la France pour les entreprises. Nombre de ces mesures vont indéniablement dans un sens apparemment pertinent, mais, là encore, il convient de veiller à ne pas priver les actionnaires minoritaires de leur droit à participer à la vie de l’entreprise.

Cela étant, après avoir signalé les points auxquels nous devons, me semble-t-il, prêter une attention particulière, je tiens à souligner que certaines mesures sont nécessaires à notre croissance. Je pense notamment à celles qui visent à promouvoir une meilleure utilisation de l’épargne des Français, afin que cette dernière profite à nos entreprises.

Nombreuses sont en outre les mesures qui répondent à des demandes des acteurs et du régulateur des marchés financiers.

Ainsi, à ce stade, une partie du groupe du RDSE, fidèle à son ADN, envisage de se prononcer en faveur de ce texte, mais notre position sera déterminée par les débats, qui conforteront ou non notre position.

M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vingt-quatre heures avant nos débats d’aujourd’hui, la septième édition du sommet Choose France réunissait plus de 180 chefs d’entreprise étrangère à Versailles,…

M. Jean-François Husson. Royal ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bernard Buis. … avec, à la clé, une excellente nouvelle pour notre économie : plus de 15 milliards d’euros d’investissement dans 56 nouveaux projets.

C’est tout simplement un nouveau record, et, comme tous les records, celui-ci est fait pour être dépassé : nous pouvons aller encore plus loin dans le renforcement du financement des entreprises et de l’attractivité de la France.

Loin d’être une lubie financière, l’attractivité de notre pays est une réalité palpable, dont les effets se font ressentir sur notre économie.

Vous l’avez dit, monsieur le ministre, si les annonces se sont faites dans un château, les parpaings, eux, sont posés partout en France, et si notre pays est aujourd’hui en tête du classement européen des investissements étrangers, ce n’est pas dû au hasard.

Il faut certes reconnaître que l’Allemagne souffre davantage que nous de la guerre en Ukraine et que les Britanniques subissent encore les nombreuses conséquences du Brexit, mais le travail accompli depuis 2017 n’est pas étranger aux résultats positifs que nous enregistrons en matière d’attractivité.

Bien au contraire, ces résultats sont le fruit d’un travail de longue haleine et des réformes menées par la majorité présidentielle.

Les réformes liées à la fiscalité, au foncier, au prix de l’électricité, au marché du travail, ainsi que la création du prélèvement forfaitaire unique et la dynamisation de notre tissu entrepreneurial au travers de la loi Pacte sont à l’origine de ces succès.

N’oublions pas non plus le rôle joué par la place financière de Paris, cinquième place financière mondiale selon le classement de l’Open Financial Ecosystem indeX (OFEX) de 2023.

Alors que le secteur financier britannique a vu son passeport européen révoqué au lendemain du Brexit, les entreprises de la City ont dû s’établir dans l’Union européenne. Force est de constater que la majorité des banques anglo-saxonnes ont choisi d’établir leurs activités de marché à Paris. Depuis 2021, cela représente plus de 5 500 emplois bancaires et financiers.

J’ajoute que de nouvelles banques internationales s’installent actuellement à Paris, comme la banque émiratie First Abu Dhabi Bank et la banque nigériane Zenith Bank, sans oublier le nouveau campus européen de la banque américaine Morgan Stanley, inauguré lundi dernier, qui créera 100 emplois supplémentaires, essentiellement des financiers et des chercheurs.

Toutefois, en prenant du recul, on se rend compte que le secteur financier contribue de manière considérable à la prospérité économique de notre pays. Les données chiffrées sont éloquentes.

Selon les chiffres de Paris Europlace, en Île-de-France, plus de 20 000 nouveaux emplois directs et indirects ont été créés entre 2017 et 2022. À l’échelle du pays, en 2023, quelque 1 815 décisions d’investissement international ont été recensées, permettant la création ou le maintien de quelque 60 000 emplois à horizon de 2026.

Ce sont des investissements qui bénéficient à l’ensemble du territoire, puisque 49 % des projets sont réalisés dans des communes de moins de 20 000 habitants, à l’image de l’installation du futur centre de données de Microsoft dans le village de Petit-Landau, dans le Haut-Rhin.

Le site est censé fonctionner uniquement à partir d’énergies renouvelables et devrait permettre, a priori, de créer 200 emplois. Ce chiffre peut sembler dérisoire, mais au regard de la population de Petit-Landau – environ 800 habitants –, cela n’est pas négligeable et cela suscite beaucoup d’espoir pour la survie du village et même de la région. C’est un exemple parmi tant d’autres dans les engagements pris lors du sommet Choose France.

Je pense également à la création, par l’entreprise KL1, installée en Suisse, d’une usine de raffinage de nickel à Blanquefort, près de Bordeaux, une ville marquée il y a quelques années par la fermeture de Ford. Quelque 200 emplois sont promis, ainsi que 300 millions d’euros d’investissement dans un secteur clé, celui de la fabrication des batteries de véhicules électriques.

Pensons encore à l’usine aéronautique de la société Lilium, destinée à la conception d’avions électriques, dont l’entrée en service est prévue pour 2026, quelque part en Nouvelle-Aquitaine, avec 850 emplois à la clé.

Voilà autant d’exemples d’investissements et de projets dans tous les territoires, avec un objectif très clair : que la France puisse redevenir une puissance industrielle.

Renforcer l’attractivité de la France n’est donc pas qu’un slogan, c’est un cap politique et stratégique. Au-delà des créations d’emplois, ces investissements jouent dès à présent un rôle décisif dans le plein emploi et donc dans le désendettement de la France.

Voilà les raisons pour lesquelles nous devons renforcer le financement des entreprises et l’attractivité de notre pays, grâce aux mesures qui sont présentées dans ce texte. Nous devons permettre à nos entreprises d’être encore plus compétitives et de s’adapter aux évolutions technologiques. Comment faire ?

Cela passe tout d’abord par le renforcement des capacités de financement sur le marché et en fonds propres. Le texte propose notamment de faciliter l’introduction en bourse des entreprises et d’accompagner leur capacité à réaliser des augmentations de capital. Il s’agit en outre de rendre la place de Paris plus attractive pour les prestataires de services d’investissements.

Ensuite, le texte vise à soutenir la compétitivité des entreprises françaises dans leurs échanges internationaux, grâce à la reconnaissance des titres transférables électroniques, à leur définition juridique et à la reconnaissance de leur équivalence. Plus de 20 % des flux du commerce extérieur français sont adossés à ces titres transférables, ce qui n’est pas négligeable.

Enfin, le texte contient des mesures qui adapteront notre droit interne aux nouvelles réalités du secteur, afin, là encore, de renforcer l’attractivité de notre législation. Concrètement, l’article 10 facilitera par exemple la numérisation des réunions pour les organes des sociétés commerciales, quand l’article 11 permettra à la cour d’appel de Paris de se spécialiser dans l’arbitrage international.

Mes chers collègues, toutes les mesures que je viens de citer sont nécessaires pour renforcer notre attractivité. Pour séduire toujours plus d’investisseurs étrangers, il nous faut gagner en agilité et adapter notre arsenal juridique. Si notre savoir-faire et nos formations permettent à notre pays d’être encore un formidable vivier de talents, nous ne devons pas nous empêcher d’attirer ceux qui sont venus d’ailleurs, avec toutes les conséquences positives que cela peut avoir sur notre économie et notre industrie.

Nos concitoyens et les élus locaux le savent pertinemment : derrière une France plus attractive se cache en réalité une mosaïque de territoires qui peuvent en tirer parti. Aussi, pour éviter une France décatie, le groupe RDPI votera pour l’adoption de ce texte !

M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Rémi Féraud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, oui, il existe en France un problème de financement des entreprises et une méfiance réelle et traditionnelle des épargnants à l’égard des marchés financiers et des placements en actions, qui représentent un frein pour notre économie.

Un texte sur le sujet avait en effet été promis voilà quelques mois par le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, mais c’est finalement une proposition de loi qui est inscrite à l’ordre du jour du Sénat, au cours d’une semaine gouvernementale. Cet exercice pose, une nouvelle fois, la question de la méthode.

Certes, l’objectif de ce texte paraît louable – attirer à Paris des fonds de capital-investissement et des gestionnaires d’actifs, simplifier et moderniser, tout cela coule de source –, mais quel fossé entre, d’une part, cet objectif limité et les mesures techniques composant un texte fourre-tout, et, d’autre part, l’intitulé très ambitieux de la proposition de loi, qui vise à « accroître […] l’attractivité de la France »… Rien de moins !

Du reste, tout cela est-il bien nécessaire, puisque la France serait déjà – le ministre de l’économie, imité par tous les membres du Gouvernement, l’a répété à l’occasion du sommet Choose France – le pays « le plus attractif du monde » ? Cela reste à prouver. De grâce, un peu de modestie, revenons à la réalité !

Pour notre part, nous nous demandons si ce texte, même après avoir été mieux encadré par les rapporteurs, dont je salue le travail, sera non seulement efficace, mais également opportun, si l’on excepte les quelques mesures techniques qui peuvent être utiles.

En outre, pourquoi s’être empressé d’inscrire ce texte à l’ordre du jour, ne laissant que peu de temps pour organiser les auditions nécessaires à la compréhension des enjeux des changements envisagés ?

C’est d’autant plus regrettable que l’Autorité des marchés financiers n’a pu être consultée que par notre rapporteur et par le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, qui a d’ailleurs affirmé que cette autorité s’était montrée très réservée au sujet des mesures envisagées. Pourquoi avoir par ailleurs privé la représentation nationale d’une étude d’impact, qui aurait pu nous informer des conséquences des dispositions proposées, lesquelles sont tout de même, reconnaissons-le, très techniques ?

Ce texte serait justifié par ses effets attendus en matière de création d’emplois, de rentrées fiscales et d’amélioration de la balance des paiements, mais rien ne le démontre. Prenons un exemple : si le financement des entreprises de taille moyenne, voire petite, est invoqué en faveur de ce texte, c’est surtout le financement des plus grandes qui est susceptible d’être favorisé.

Il est possible que, censé faciliter la croissance des start-up en favorisant les levées de fonds, ce texte produise en réalité l’effet inverse : des entreprises de plus grande taille pourraient bénéficier du dispositif au détriment des start-up.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain se prononcera donc contre ce texte, dont les conséquences sont beaucoup trop incertaines. Ce texte a certes fait l’objet d’un véritable travail de la part de son auteur, le député Holroyd, mais il porte aussi très largement la marque des services de Bercy et très certainement d’autres acteurs encore, sans étude d’impact, sans avis du Conseil d’État et sans consultation de l’ensemble des acteurs concernés. Est-ce bien raisonnable sur une matière juridique aussi sensible ?

Notre groupe se prononcera contre ce texte, qui illustre également, sans l’ombre d’une remise en cause et de manière caricaturale, la politique menée depuis 2017, consistant à poursuivre la libéralisation de l’économie, en s’alignant encore et toujours sur les standards de la dérégulation internationale comme source de compétitivité face aux autres grandes places financières, notamment Amsterdam. (M. le ministre délégué proteste.) Ma collègue Florence Blatrix Contat y reviendra.

Même en matière de droit du travail et de modalités de licenciement, votre approche est un alignement libéral vers le bas, monsieur le ministre. Vous me direz qu’il s’agit de traders très bien payés, mais pourquoi enfoncer encore un coin dans notre droit du travail ? (M. le ministre délégué manifeste sa lassitude.) Est-ce vraiment le moment ?

Parce qu’il peine à comprendre l’urgence réelle de ce texte, parce qu’il doute de certains de ses effets, voire les redoute, parce que la défense de l’innovation dans notre pays doit être pensée au-delà de la seule financiarisation de l’économie, parce que la fuite en avant libérale ne lui paraît pas correspondre aux nécessités actuelles et ne répond pas à ses convictions, l’ensemble du groupe socialiste votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Éric Bocquet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Lavarde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, intervenir en milieu de discussion générale n’a finalement pas que des désavantages : j’ai pu constater que certains d’entre nous vivent, comme les médias, dans le mirage du Choose France. Soyons réalistes : la mesure exacte de l’attractivité de la France réside dans l’écart entre les investissements étrangers en France et les sorties de capitaux français.

Or cette balance est déficitaire de plus de 10 milliards d’euros. En d’autres termes, nos fleurons préfèrent se développer à l’étranger !

Ce soir, nous vivons également dans le mirage de l’intitulé de cette proposition de loi, car, comme M. le rapporteur l’indiquait, nous sommes loin du projet de loi de grande ampleur annoncé par le ministre Bruno Le Maire, qui disait vouloir attirer les fonds de capital-investissement, les fonds spéculatifs, les gestionnaires d’actifs et même les acteurs du marché des cryptoactifs. Il n’y a rien de tout cela dans ce texte ; c’est d’ailleurs peut-être ce qui explique qu’il ait été adopté si facilement à l’Assemblée nationale.

Pourtant, devant la commission des finances, la présidente de l’Autorité des marchés financiers a indiqué que nos besoins de financement, très importants, nécessitaient des mesures dépassant la capitalisation boursière.

L’article 1er de cette proposition de loi, qui constitue la mesure phare de ce texte, autorise les licornes à se doter d’actions à droits de vote multiples, donc à déroger au principe classique « une action, une voix » inscrit dans le code de commerce.

Ce mécanisme, qui existe sous conditions à Londres et à Amsterdam, mais surtout à Wall Street, permet aux fondateurs de ces sociétés d’accéder à de nouveaux financements sans pour autant perdre le contrôle de leur entreprise. En d’autres termes, il s’agit d’une mesure défensive vis-à-vis de Wall Street, mais offensive vis-à-vis de Londres ; nous vous rejoignons sur ce point, monsieur le ministre.

Je me permets néanmoins un bémol : si cette mesure a été poussée par le Haut Comité juridique de la place financière de Paris dans son rapport de septembre 2022, ce document recommandait également d’« éviter une disproportion trop importante entre le poids en capital et le pouvoir de vote ».

Malheureusement, s’agissant d’un projet de loi déguisé en proposition de loi, nous ne disposons pas d’étude d’impact ni d’avis du Conseil d’État, donc nous ne savons pas s’il s’agit d’une disposition équilibrée.

Le reste du texte, très technique, n’appelle pas de commentaires particuliers.

La création des lettres de change de billets à ordre numérique, tout comme les assemblées générales en visioconférence me semblent suivre le sens de l’histoire. Quant à l’inscription dans la loi de la spécialisation en matière d’arbitrage commercial international de la cour d’appel de Paris, qui traite en réalité déjà plus de 80 % des affaires, elle ne constitue pas une révolution en soi.

Par conséquent, que dire ? On peut exprimer un certain nombre de regrets.

Ce texte est limité aux entreprises qui ont accès aux marchés pour se financer. Il exclut donc les très petites entreprises (TPE), les PME et les ETI. Or, nous l’avons vu lors de la discussion de la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, le véritable problème réside dans le financement de nos petites entreprises.

Les PME constituent un maillon très important de notre économie et leur accès au marché coté constitue une étape clé dans leur développement dans la perspective de conquérir des marchés hors de nos frontières.

Or on a observé une diminution, de l’ordre de 8 milliards d’euros, de la collecte en faveur de ces entreprises au cours des cinq dernières années, alors que, dans le même temps, l’épargne des Français augmentait. Il y a pourtant là un enjeu de souveraineté : il ne faudrait pas que nos entreprises soient demain financées par capitaux étrangers et non français, d’autant que l’épargne existe.

C’est pourquoi nous soutenons les modifications proposées par le rapporteur, qui a simplifié les règles du plan d’épargne en actions (PEA) pour les PME, ou PEA-PME.

Une autre revendication récurrente de nombreux acteurs de la place parisienne, mais qui est absente de ce texte, est la relance du marché de la titrisation. C’est d’autant plus regrettable que le secteur bancaire finance majoritairement les entreprises et que la titrisation libérerait des capacités de financement pour ces dernières.

Notre pays manque en outre cruellement de grands investisseurs. Une solution pourrait consister à introduire dans notre système de retraite une petite part de capitalisation (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE-K.), ce qui permettrait la constitution de fonds de pension à l’anglo-saxonne.

M. Jean-François Husson. C’est bien ce que fait l’État pour la retraite de ses fonctionnaires !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Même moi, je n’ai pas osé !

M. Pascal Savoldelli. Vous vous répartissez les rôles ! (Sourires.)

Mme Christine Lavarde. Monsieur le ministre, notre pays ne manque pas d’argent : au troisième trimestre de 2023, l’encours des principaux placements financiers des Français représentait quelque 6 000 milliards d’euros ; malheureusement, 61 % de cette somme étaient placés sur des produits de taux, n’intéressant donc pas nos entreprises.

Le difficile accès des entreprises aux marchés financiers n’est pas spécifique à la France, puisque, dans son rapport remis au Gouvernement au mois d’avril dernier, Christian Noyer relève que ce problème est généralisé en Europe : notre continent exporte son épargne vers des produits de taux étrangers et importe des capitaux du reste du monde pour financer en fonds propres le développement à long terme de ses entreprises.

Ce rapport plaide pour le développement d’« une nouvelle classe de produits d’épargne européens ». L’union des marchés de capitaux semble une véritable solution pour accélérer le financement des entreprises européennes.

Ainsi, même s’il en regrette beaucoup la forme et un peu le fond, le groupe Les Républicains soutiendra les modestes avancées que prévoit ce texte en faveur du financement de nos entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Frédérique Puissat. J’ai tout compris ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Christopher Szczurek.

M. Christopher Szczurek. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la volonté de renforcer et de faciliter le financement des entreprises, particulièrement des PME et des trop peu nombreuses ETI de notre pays, pourrait rassembler toutes les bonnes volontés sur les travées des deux chambres.

Le présent texte accumule pourtant les faiblesses, à commencer par les faiblesses formelles. Cette proposition de loi n’en est pas réellement une. Nous savons tous que la plume a été tenue par Bercy et que le texte élaboré résulte de consultations et d’arbitrages ayant échappé au regard du Parlement.

Cette proposition de loi souffre également d’un manque de fondement. Aucune étude d’impact ne vient étayer son potentiel intérêt ou ses éventuels effets délétères : dès lors, comment le législateur pourrait-il travailler en connaissance de cause ?

Monsieur le ministre, sur le fond, vous nous demandez d’approuver un texte de financiarisation de notre économie réelle. Si nous ne nions pas les problématiques de l’investissement productif et de son financement, nous défendons, pour notre part, le financement de proximité des entreprises.

Lors du débat sur la nationalisation d’EDF, nous avons, avec d’autres, soutenu le principe d’une participation d’ampleur des salariés au capital de l’entreprise. Or, une fois de plus, vous écartez cette formule permettant d’associer les salariés au développement de l’entreprise et de leur donner, en ces temps d’inflation et de crise du pouvoir de vivre, un complément de revenu. Vous préférez laisser plonger nos entreprises productives pour les livrer à la prédation financière.

De plus, profitant de l’absence d’étude d’impact, l’article 2 ter étend plus que de raison la possibilité pour les PME de recourir à un plan d’épargne en actions : un tel choix pourrait gravement déstabiliser leurs finances si elles subissaient un coup du sort.

Vous nous répondrez que ce texte vise à aligner notre droit sur les législations les plus attractives dans ce domaine et que l’économie française doit suivre inlassablement le chemin de sa modernisation : dont acte ! Vous ajouterez que cette proposition de loi facilitera le financement des start-up innovantes. Toutefois, et M. le rapporteur l’admet lui-même, cette attractivité dépend de multiples facteurs, dont la simplification juridique et administrative. Or, en matière d’inflation normative, ce gouvernement a été le meilleur, c’est-à-dire le pire… En sept ans de pouvoir, vous avez accumulé toujours plus de normes, qui freinent fortement le développement de nos entreprises, particulièrement celui des plus innovantes.

Si cette proposition de loi part d’intentions louables, la copie rendue n’est réellement ni convaincante ni suffisante. Simplification administrative, facilitation du financement public et privé des investissements, participation salariale, création d’un fonds souverain pour financer les investissements d’avenir et de croissance durable : aucun de ces outils ne figure dans le présent texte. Contraints de constater son incomplétude et les risques auxquels il nous expose, nous ne pourrons, en l’état, y apporter notre soutien.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Brault.

M. Jean-Luc Brault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a dit M. de Montgolfier, ce texte nous place face à un vaste chantier.

Depuis cinq ans, la France est le pays d’Europe qui attire le plus d’investissements étrangers : avec 15 milliards d’euros cette année, un nouveau record est battu en la matière. Nous devons être fiers de ces résultats, mais nous devons aussi continuer d’aider ceux qui investissent.

Je salue le volontarisme dont fait preuve le Président de la République pour y arriver. Chaque année, il réunit à Versailles des dirigeants venus du monde entier à l’occasion du sommet Choose France – en bon français, choisir la France. (Sourires sur les travées du groupe INDEP.) Le dernier en date s’est tenu hier. De tels événements concourent à n’en pas douter à cette réussite : les chiffres ont été rappelés et ils sont sans appel.

Je me réjouis que l’on déploie tant d’énergie pour convaincre les dirigeants du monde de choisir notre beau pays plutôt que nos voisins européens. La compétition internationale n’a jamais été si féroce : il faut se battre pour rester en tête et chercher, encore et toujours, à améliorer ses performances. En effet, à chaque investissement réalisé, ce sont des emplois qui sont créés, des technologies qui se développent et des territoires qui retrouvent des couleurs. Ce sont aussi – ne le perdons pas de vue – des recettes fiscales à venir.

À tous les esprits grincheux, je tiens à rappeler l’évidence : on ne finance pas un modèle social en tapant sur le capital. Faites fuir les entreprises et vous devrez baisser le montant des pensions ou, sur le terrain, fermer telle ou telle mission locale.

M. Jean-Luc Brault. C’est pourquoi l’attractivité de la France relève de notre responsabilité commune.

Si le Président de la République peut convaincre des dirigeants étrangers à Versailles, c’est aussi et surtout parce qu’un travail collectif a été mené : réforme du marché du travail, baisse de l’impôt sur les sociétés et des impôts de production, réforme des retraites et de l’assurance chômage. Mais – j’y insiste – la compétition internationale n’a jamais été si rude. Les tensions géopolitiques sont à leur comble. Il faut poursuivre le travail pour préserver la compétitivité de notre pays et donc son attractivité : il y va de l’avenir de notre modèle social, de l’avenir de notre jeunesse tout entière.

En ce sens, nous devons aussi aider nos jeunes entrepreneurs. Devenir chef d’entreprise est à l’heure actuelle une folie, compte tenu des démarches administratives à accomplir et des difficultés de financement. Les grands entrepreneurs d’aujourd’hui ont pu être, hier, de petits patrons : j’en sais quelque chose.

Face aux difficultés qui, à tous les niveaux, s’accumulent, les élus de notre groupe accueillent très favorablement cette proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France. Pour l’essentiel très technique, le présent texte permettra de moderniser certaines dispositions de notre droit devenues désuètes.

Mes chers collègues, préserver la compétitivité de nos entreprises, c’est aussi garantir un cadre législatif en phase avec les pratiques des entreprises et des investisseurs.

Le travail parlementaire a permis d’enrichir le texte initial. Je tiens notamment à saluer les amendements proposés par M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances, et M. Louis Vogel, rapporteur pour avis de la commission des lois. Tous deux confirment une fois de plus leur grande compétence technique, servie par une solide expérience de l’entreprise. Leur travail leur fait honneur.

Avant de conclure, je me dois d’évoquer nos petites entreprises.

Là est le principal risque de Choose France : faire oublier qu’une grande partie des emplois de notre pays est créée par les PME, les petites et moyennes industries (PMI) et les très petites industries (TPI).

M. Jean-Luc Brault. Les investissements et la valeur ajoutée ne sont pas toujours le fait des grands groupes étrangers présents sur notre sol. Comme l’a souligné notre collègue Louis Vogel, il est urgent d’aider les PME.

Derrière chacune de ces entreprises, il y a un dirigeant, qui ne ménage ni sa peine ni ses heures de travail. Ces acteurs, qui constituent la classe moyenne du tissu de nos entreprises, sont des héros du quotidien. Ils font tourner le pays. Ils font vivre nos territoires. Ils ne sont pratiquement jamais sous le feu des projecteurs, ne connaissent guère les ors de la République. Et pourtant, sans eux, la France se décomposerait.

C’est la raison pour laquelle le titre Ier de cette proposition de loi, qui vise à renforcer les capacités de financement des entreprises depuis la France, me paraît on ne peut plus important.

Plusieurs amendements tendent à aller dans ce sens : leurs dispositions nous permettront de débattre des meilleurs leviers pour développer l’innovation de rupture en France et, surtout, soutenir nos PME.

Miser sur l’innovation technologique et sur l’initiative individuelle, c’est enclencher le cercle vertueux de la prospérité : plus de science pour créer des entreprises ; plus d’entreprises pour susciter de l’activité ; plus d’activité pour financer notre modèle social. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Bernard Buis applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Olivier Rietmann applaudit également.)

M. Michel Canévet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les élus du groupe Union Centriste sont particulièrement soucieux du bon financement des entreprises, tout simplement parce qu’il y va de l’attractivité de la France. C’est là l’objet de cette proposition de loi et nous soutiendrons toutes les mesures qui vont dans ce sens.

Monsieur le ministre, à cet égard, un certain nombre d’annonces faites hier nous ont réjouis : dans le cadre de l’opération Choose France, pas moins que cinquante-six projets ont été retenus pour 15 milliards d’euros d’investissements étrangers. De telles opérations sont bel et bien de nature à renforcer l’attractivité économique de notre pays. Je n’oublie pas non plus la création du nouveau campus de Morgan Stanley : c’est également une bonne nouvelle. (M. le ministre délégué le confirme.)

Toutefois, nous tenons aussi à appeler votre attention sur les difficultés qui se présentent à nous, lesquelles sont notamment liées au travail.

Entre 2019 et 2022, la productivité de la France a reculé de 3,2 %. Or, dans le même temps, elle n’a baissé que de 2,2 % en Espagne et de 0,4 % en Allemagne. Il faut redresser la situation.

En France, le rapport au travail est dégradé. Il suffit pour s’en convaincre de regarder le temps que les salariés des différents pays consacrent chaque année au travail. Le salarié français atteint 1 550 heures, quand la moyenne européenne s’établit à 1 792 heures.

C’est dire les efforts qu’il reste à mener. La prochaine réforme de l’assurance chômage devrait apporter un certain nombre de réponses – en tout cas, nous le souhaitons.

S’y ajoutent d’autres facteurs négatifs, parmi lesquels l’état de dégradation dans lequel se trouvent nos comptes publics. Nous devons nous attacher à les restaurer. Quant à notre balance commerciale, elle subit un déficit de plus en plus considérable : nos entreprises accumulent les difficultés à l’exportation. Sur ce front aussi, nous devons agir.

La détention du capital d’entreprises françaises par des investisseurs étrangers pose également problème. L’exemple de TotalEnergies illustre à lui seul la gravité de la situation : une part croissante du capital de l’entreprise est détenue par des étrangers, à tel point que cette dernière envisage sa cotation à la bourse de New York. Bien sûr, nous avons besoin d’attirer des entreprises étrangères, mais nous devons aussi préserver les entreprises nationales, sur notre sol.

Au nom du groupe Union Centriste, je tiens à saluer l’excellent travail accompli par le rapporteur de la commission des finances et par le rapporteur pour avis de la commission des lois. Les précédents orateurs ont déjà rappelé un certain nombre de modifications apportées par leurs soins, parmi lesquelles l’institution du droit de vote multiple, la modernisation et la simplification de la tenue des assemblées générales. Ce sont autant de mesures qui vont dans le bon sens : elles sont à même d’accroître l’attractivité et la compétitivité de la France face à ses concurrents.

Nous aurons également à examiner la place des petits actionnaires dans les assemblées générales : dans ce domaine, il me semble que nous pouvons encore progresser. En effet – on le voit bien aujourd’hui –, les assemblées générales donnent lieu à divers débats de fond quant au rôle et à la place des entreprises. Je pense en particulier à la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Ces prises de conscience méritent notre attention.

Sur l’initiative de M. le rapporteur, l’article 2 étend une niche fiscale en faveur des entreprises solidaires d’utilité sociale (Esus). C’est évidemment une bonne chose, mais nous n’en devrons pas moins procéder à l’évaluation de cette mesure. Avec les fonds d’investissement de proximité (FIP), pour citer un autre outil, on invite les particuliers à investir dans des produits aux rendements souvent négatifs. Nous devons nous pencher sur nos dispositifs fiscaux dans leur ensemble et sur leur pertinence réelle.

Au cours des dernières années, la France a pris soin de renforcer son attractivité, notamment en assurant une certaine stabilité fiscale. En ce sens, il faut se féliciter de l’institution du prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 %, qui nous permet de converger vers les standards européens. Cette stabilité est essentielle ; en parallèle, nous devons continuer à agir pour favoriser l’actionnariat des particuliers, en mobilisant leur épargne vers les entreprises.

Nous, élus du groupe Union Centriste, sommes régulièrement saisis de cas d’entreprises qui peinent à se financer. À ce titre, il nous semble nécessaire de prendre un certain nombre de mesures complémentaires : par exemple, le plan d’épargne en actions prévu pour les PME pourrait être utilement élargi aux ETI ; la capitalisation boursière pourrait, de même, faire l’objet d’un déplafonnement ; on pourrait également assouplir les critères du chiffre d’affaires ou encore du nombre d’employés pour étendre l’éligibilité à de tels fonds.

Ces produits sont importants pour orienter l’épargne des particuliers vers les entreprises et, dès lors, assurer le financement de ces dernières. On ne peut que déplorer le fort écart de mobilisation financière entre les PEA classiques et les PEA destinés aux PME : de toute évidence, il reste un important effort à accomplir pour orienter les fonds vers les PME, sans oublier les ETI.

Mes chers collègues, lors de l’examen des articles, les membres du groupe Union Centriste auront à cœur de défendre ces diverses propositions. Je le répète, le présent texte va dans le bon sens. Il n’est certes pas révolutionnaire, mais, à petits pas, nous pourrons rendre notre pays de plus en plus attractif.

Nous devons faire tout notre possible pour améliorer la situation de l’emploi en France. Le travail est essentiel à l’émancipation de nos concitoyens : sachons susciter l’envie d’entreprendre dans notre pays en défendant les entrepreneurs. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI. – MM. Olivier Rietmann et Jean-François Husson applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.

Mme Florence Blatrix Contat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent texte vise non seulement à conforter le statut de la place financière de Paris, mais aussi à faciliter le financement des entreprises.

Tout d’abord, je tiens à revenir sur la méthode retenue par le Gouvernement : en préférant une proposition de loi à un projet de loi, celui-ci prive les parlementaires que nous sommes d’une étude d’impact et d’un avis du Conseil d’État. Un tel choix nuit à la clarté et à la sincérité des débats, ainsi qu’à la qualité de la rédaction établie – j’y reviendrai.

Sur le fond, notre première réserve porte sur l’article 1er, qui autorise les entreprises à émettre des actions à droits de vote multiples lors de leur introduction en bourse. Le but est à l’évidence d’inciter certains entrepreneurs, notamment les dirigeants de PME innovantes, à se financer sur les marchés financiers tout en préservant le contrôle de leur société.

Cette disposition doit être examinée à la lumière d’un exemple précis : celui des Pays-Bas, qui ont clairement fait le choix de la dérégulation et livrent une intense compétition juridique pour attirer les sociétés sur leur territoire. Ils ont connu à ce titre un certain nombre de succès : Airbus a ainsi délocalisé son siège social dans ce pays.

Toutefois, de nombreux acteurs du secteur restent attachés au principe « une action, une voix ». Au-delà, la formule retenue à l’article 1er semble clairement disproportionnée : elle autorise l’octroi de vingt-cinq droits de vote pour une seule action, permettant ainsi un contrôle avec seulement 4 % du capital. Soutenu par l’Autorité des marchés financiers, le Haut Comité juridique de la place financière de Paris (HCJP) préconise dix droits de vote par action, et la plupart de nos voisins oscillent entre cinq et dix droits de vote. Une telle disposition nous semble bel et bien excessive et lourde de risques.

Comme l’a indiqué Christine Lavarde, l’agence américaine de conseil en vote ISS (Institutional Shareholders Services) a prévenu dès janvier dernier : elle recommanderait de voter contre la réélection de certains administrateurs dans les sociétés adoptant une structure de droits de vote par trop inégalitaire. Le risque de défiance est bien réel.

La durée proposée, à savoir dix ans prolongeables de cinq ans, nous semble elle aussi excessive : elle dépasse de loin la recommandation émise par le HCJP, à savoir sept ans.

Nos réserves auraient pu être plus fortes encore si les travaux accomplis en commission au Sénat n’avaient posé quelques garde-fous – je pense notamment au maintien du principe « une action, une voix » pour les résolutions relatives à la rémunération des dirigeants et aux conventions réglementées.

Notre deuxième réserve porte sur la possibilité, pour les fonds communs de placement à risques, d’accompagner les entreprises cotées jusqu’à une capitalisation boursière de 500 millions d’euros, contre 150 millions d’euros actuellement. Nous craignons qu’un tel choix ne favorise les entreprises de grande taille au détriment des start-up.

J’y ajoute une troisième interrogation : quelles seraient les implications d’une compétence exclusive en matière d’arbitrage international confiée à la cour d’appel de Paris ? Si cette mesure est en soi positive, elle inspire un certain nombre de préoccupations : la chambre internationale sera-t-elle en mesure de traiter efficacement le nombre croissant de recours ? Pour éviter tout engorgement, il faudra impérativement lui donner les ressources nécessaires.

Enfin, nous soutenons fermement la suppression de l’article 10 quater, votée en commission des finances : on ne saurait habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance au sujet des organismes de placement collectif.

En résumé, s’il est indispensable de renforcer l’attractivité de la place de Paris, ce texte se contente de dispositions disparates, pour ne pas dire sans cohérence, élaborées sans étude d’impact et présentant de réels risques d’effets de bord. Ce n’est pas un hasard si de nombreux acteurs de la place se montrent dubitatifs quant à l’efficacité d’une telle proposition de loi.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Rietmann. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’attractivité de la France est au cœur des réflexions et propositions de la délégation sénatoriale aux entreprises, depuis sa création. En 2015, dans l’un de ses tout premiers rapports, notre délégation établissait ainsi une comparaison entre la France et le Royaume-Uni en termes d’attractivité pour les entrepreneurs et les investisseurs.

En 2017, Albéric de Montgolfier, alors rapporteur général de la commission des finances, s’interrogeait quant à lui sur la stratégie française face au Brexit : les recommandations qu’il formulait à l’époque sont toujours d’actualité.

Si le temps des réformes est souvent très long, il faut savoir se réjouir quand ces dernières voient le jour. C’est le cas aujourd’hui, avec la proposition de loi que nous nous apprêtons à examiner et dont nous ne pouvons qu’approuver les dispositions : elles améliorent la compétitivité financière de la France et facilitent le financement des entreprises par le marché.

Je salue le travail accompli par la commission des finances et par la commission des lois, en particulier par leurs rapporteurs respectifs, Albéric de Montgolfier et Louis Vogel.

L’adoption de divers amendements en commission a apporté une souplesse nécessaire, que la délégation aux entreprises appelle de ses vœux depuis dix ans maintenant. Je pense, par exemple, à l’élargissement du champ d’investissement des fonds communs de placement d’entreprise (FCPE) aux marchés de croissance, comme Euronext Growth, dédiés aux PME et aux ETI innovantes ou encore à la simplification des règles d’éligibilité des titres des entreprises au plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises, le PEA-PME.

Toutefois, je me dois aussi de tirer une sonnette d’alarme : l’amélioration de l’attractivité de la place financière de Paris, que ce texte entend assurer, ne résoudra pas à elle seule les difficultés de financement des entreprises, notamment celles des TPE, PME et ETI. La délégation aux entreprises a d’ailleurs confié à trois de nos collègues – Pierre-Antoine Levi, Pauline Martin et Fabien Gay – une mission sur le financement de l’entreprise de demain, lequel rencontre encore de nombreux obstacles.

Seulement 12 % des PME comptent aujourd’hui un fonds d’investissement au capital de leur société. Notre modèle entrepreneurial reste fondé, en grande partie, sur l’actionnariat familial et se caractérise par le rôle prépondérant du secteur bancaire. Quand il s’agit d’ouvrir leur capital ou d’entrer en bourse, bien des chefs d’entreprise restent très réticents. Malgré la force et la qualité de l’écosystème bancaire français, près d’un dirigeant de TPE-PME sur cinq fait part de difficultés d’accès au crédit pour financer son exploitation courante.

Nous devons avoir pour priorité de diversifier les sources de financement par les marchés financiers et le capital investissement tout en encourageant l’orientation de l’épargne vers les investissements dans les entreprises.

Enfin, monsieur le ministre, je tiens à aborder un sujet de la plus haute importance, surtout en période de chasse aux dépenses fiscales : le financement de la transmission d’entreprise et donc le pacte Dutreil.

Ce dispositif fiscal est essentiel au maintien et au développement de nos PME et ETI. Il doit donc être préservé. Qu’il s’agisse d’emploi, d’export ou d’innovation, les ETI jouent un rôle moteur ; plus de la moitié d’entre elles sont des entreprises familiales attachées à un territoire, à des salariés et à un projet de long terme.

Mes chers collègues, le sommet Choose France est une bonne initiative, mais n’oublions pas les autres composantes de notre attractivité. Notre ambition doit aller au-delà de ce texte : c’est une obligation morale envers tous les entrepreneurs, qui maintiennent la vitalité de nos territoires. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Jean-Luc Brault applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. André Reichardt. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. André Reichardt. Monsieur le ministre, nombreux sont ceux qui, dans notre assemblée, attendaient un projet de loi de grande ampleur pour dynamiser l’économie de notre pays, accroître son attractivité et notamment le financement de ses entreprises ; or nous sommes saisis d’une modeste proposition de loi. À vous entendre, elle renforce le financement des entreprises et l’attractivité de la France ; en réalité, elle porte mal son nom.

Mes chers collègues, ce texte plutôt technique vise essentiellement à renforcer l’attractivité de la place financière de Paris.

Je n’entends évidemment pas nier l’intérêt d’une mobilisation des pouvoirs publics pour contrecarrer l’érosion, constatée ces derniers mois, du nombre d’entreprises cotées et d’introductions en bourse sur cette place. À cet égard, le présent texte, qui porte essentiellement sur le droit monétaire et financier, ainsi que sur le droit des sociétés, va certainement dans le bon sens ; je le voterai, d’autant qu’il a été enrichi par nos commissions des finances et des lois – j’en remercie tout particulièrement leurs rapporteurs. Mais, pour moi, cette proposition de loi n’est qu’un élément parmi d’autres pour – je répète son titre – « accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France ».

Ce texte entend faciliter l’accroissement du financement des entreprises. Dans sa version initiale, il se bornait aux entreprises ayant accès aux marchés pour se financer. Dans l’esprit de ses auteurs, il s’agissait de mettre à niveau la place financière de Paris au regard des possibilités offertes par les places concurrentes : soit.

Néanmoins, le tissu économique de notre pays ne s’étend pas seulement de la Défense à la Bourse ! Il irrigue nos territoires de milliers de TPE, de PME et d’ETI ; or ces entreprises, qui éprouvent de plus en plus de difficultés à se financer, ont besoin de bien d’autres mesures pour trouver des fonds.

Monsieur le ministre, on pourrait commencer par envisager un simple allongement de la durée de remboursement des prêts garantis par l’État (PGE) en cours : un certain nombre d’entreprises le demandent.

De même, on pourrait assurer une meilleure mobilisation de l’épargne pour financer les fonds propres. À ce titre – je le relève à mon tour –, ce texte aurait pu comporter différentes mesures rendant plus attractif le PEA-PME.

Monsieur le président de la commission, je vous remercie d’avoir veillé à élargir les critères d’accès à ce PEA : c’était important. Mais, dans le contexte actuel, notamment face à la dégradation historique de notre balance commerciale – son déficit a atteint près de 100 milliards en 2023 –, nos entreprises, toutes nos entreprises, ont besoin de beaucoup plus d’encouragements.

Compenser le déficit commercial de notre pays par le seul investissement financier est bien entendu une vue de l’esprit. De même, il est illusoire de croire que la seule dématérialisation de titres transférables contribuerait réellement à booster la croissance de nos entreprises à l’international – c’est pourtant ce que laisse entendre le titre II de cette proposition de loi.

Nos entreprises ont soif de cotisations allégées, de formalités simplifiées, de formations et de ressources humaines adaptées. Sur tous ces points, notre pays a encore beaucoup de progrès à accomplir. Sait-on qu’aujourd’hui 30 % des Français déclarent être tentés par l’expatriation, compte tenu du climat politique et économique national ? Le taux atteint même 54 % pour les 18-24 ans : c’est dramatique.

La tendance est particulièrement forte dans le secteur du numérique : comment retenir les talents et en faire venir de nouveaux ? Il s’agit là d’un véritable enjeu. À cet égard, les articles visant à moderniser, simplifier et renforcer l’attractivité du droit en faveur de l’économie française sont certes à saluer, mais ils gagneraient largement à être complétés par d’autres.

Même si, lors de la dernière édition de Choose France, le Président de la République s’est félicité d’investissements records qui devraient être réalisés chez nous prochainement, il reste beaucoup à faire pour développer l’attractivité de notre pays : c’est précisément le deuxième objet de cette proposition de loi.

On nous dit que d’autres dispositifs vont suivre : soit. On nous renvoie au projet de loi de simplification de la vie économique,…

M. le président. Il faudrait conclure, cher collègue.

M. André Reichardt. … dont une commission spéciale du Sénat a commencé l’examen : soit.

Mes chers collègues, accompagnons ce projet de loi de simplification : acceptons-en l’augure ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la france

TITRE Ier

RENFORCER LES CAPACITÉS DE FINANCEMENT DES ENTREPRISES DEPUIS LA FRANCE

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France
Après l’article 1er

Article 1er

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° À la première phrase du I de l’article L. 225-122, après la référence : « L. 22-10-46, », est insérée la référence : « L. 22-10-46-1, » ;

1° bis À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 228-36, les mots : « ou de la société à responsabilité limitée » sont remplacés par les mots : « , de société à responsabilité limitée ou de société par actions simplifiée » ;

2° L’article L. 22-10-46 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le premier alinéa n’est pas applicable aux actions de préférence émises dans les conditions prévues à l’article L. 22-10-46-1 pendant la durée prévue au II du même article L. 22-10-46-1. » ;

3° À la première phrase du second alinéa de l’article L. 228-10, après les deux occurrences du mot : « réglementé », sont insérés les mots : « ou sur un système multilatéral de négociation » ;

4° La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 228-11 est complété par les mots : « ou dans les conditions fixées à l’article L. 22-10-46-1 » ;

5° Après l’article L. 22-10-46, il est inséré un article L. 22-10-46-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 22-10-46-1. – I. – Sans préjudice de l’article L. 225-122, dans le cadre de la première admission aux négociations des actions de la société sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation, il peut être créé des actions de préférence dont le droit de vote est aménagé.

« Ces actions de préférence ne peuvent être créées qu’au bénéfice d’une ou de plusieurs personnes nommément désignées. Elles ne peuvent se voir conférer de droits de vote double en application des articles L. 225-123 et L. 22-10-46.

« Le ratio entre les droits de vote attachés à une action de préférence et ceux attachés à une action ordinaire ne peut excéder vingt-cinq pour un et doit être un nombre entier.

« II. – Les actions de préférence sont créées pour une durée déterminée ou déterminable qui ne peut excéder dix ans. Cette durée peut être renouvelée par l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires statuant au vu d’un rapport spécial des commissaires aux comptes de la société, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. À peine de nullité de la délibération, les titulaires des actions de préférence ne peuvent prendre part directement ou indirectement au vote sur le renouvellement de cette durée et les actions de préférence qu’ils détiennent ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum ni de la majorité, à moins que l’ensemble des actionnaires soient titulaires d’actions de préférence. Un tel renouvellement ne peut intervenir qu’une fois et pour une durée ne pouvant excéder cinq ans.

« III. – Chaque action de préférence mentionnée au I du présent article est convertie en action ordinaire :

« 1° Au terme de la durée mentionnée au II ou en cas d’ouverture de l’une des procédures judiciaires régies par les titres III et IV du livre VI du présent code ;

« 2° En cas de transfert en propriété, de transfert par voie de succession, de liquidation de communauté de biens entre époux ou de donation entre vifs ainsi que de changement de contrôle ou de dissolution de l’actionnaire personne morale.

« Les actions ordinaires ainsi substituées aux actions de préférence confèrent un droit de vote double identique à celui conféré aux autres actions dès lors qu’elles respectent les conditions prévues aux articles L. 225-123 et L. 22-10-46. Pour l’application de ces mêmes articles, il est tenu compte de la durée de l’inscription au nom du titulaire des actions de préférence converties en actions ordinaires.

« IV. – Une action de préférence ne donne droit qu’à une voix lorsque l’assemblée générale des actionnaires statue sur :

« a) Les résolutions relatives à la désignation des commissaires aux comptes ;

« b) Les résolutions relatives à l’approbation des comptes annuels ;

« c) Les résolutions relatives à la modification des statuts de la société, hors cas d’augmentation de capital.

« d) (nouveau) Les résolutions soumises en application des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 225-40 ;

« e) (nouveau) Les résolutions relatives à la politique de rémunération des mandataires sociaux mentionnées au II de l’article L. 22-10-8 ainsi que les résolutions mentionnées aux I et II de l’article L. 22-10-34.

« Par dérogation, les statuts de la société peuvent prévoir qu’en cas d’offre publique, une action de préférence ne donne droit qu’à une voix :

« 1° Lors de l’assemblée générale des actionnaires qui arrête toute mesure prévue par les statuts de la société dont la mise en œuvre est susceptible de faire échouer l’offre publique ;

« 2° Lors de la première assemblée générale des actionnaires suivant la clôture de l’offre publique lorsque, à l’issue de celle-ci, son auteur détient au moins les trois quarts du capital social assorti de droits de vote.

« V. – Par dérogation au deuxième alinéa du I du présent article, pour les situations prévues au IV, les actions de préférence confèrent un droit de vote double à celui conféré aux autres actions dès lors qu’elles respectent les conditions prévues aux articles L. 225-123 et L. 22-10-46.

« VI (nouveau). – Les informations relatives au nombre, à la durée, à l’identité des bénéficiaires et aux droits de vote attachés, en fonction des résolutions d’assemblées générales, aux actions de préférence émises dans les conditions prévues au présent article sont publiées selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État pris après consultation de l’Autorité des marchés financiers. »

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er, dont nous avons longuement débattu au cours de la discussion générale.

Selon nous, les dispositions de cet article ne présentent pas le moindre intérêt. Elles reviennent sur le principe d’égalité entre les actionnaires – je rappelle que, dans une société cotée, la démocratie actionnariale se traduit par le principe « une action, une voix ». Certaines exceptions semblent légitimes : nous en proposerons d’ailleurs dans la suite du débat. Mais ces dérogations doivent être limitées et suivre des objectifs précis, ce qui, en l’occurrence, n’est pas le cas.

Ainsi, l’article renferme en lui un risque de concentration du pouvoir entre les mains de quelques actionnaires qui, à l’aide de ce nouveau dispositif, pourront plus facilement s’assurer le contrôle de l’entreprise, avec le risque non négligeable que les détenteurs d’actions de préférence aient des motivations différentes de celles des actionnaires ordinaires. Cela pourrait conduire à des conflits de stratégie, ce qui n’est pas une garantie d’attractivité.

Enfin, l’introduction des actions de préférence dans les sociétés par actions non cotées par la loi Pacte est une mesure récente dont les effets n’ont pas encore été évalués. Il serait donc opportun de mener une étude approfondie de cette mesure avant de l’étendre aux sociétés cotées en bourse – voilà encore une analyse dont l’absence d’étude d’impact nous prive.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de supprimer l’article 1er, dont les conséquences éventuelles sont manifestement mal évaluées et ne semblent répondre qu’à la fuite en avant de la concurrence entre les différentes places financières.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er, soit le principe même de la création d’actions à droits de vote multiples. Il est donc totalement orthogonal avec cette proposition de loi et contraire à la position de la commission. De plus, son adoption pénaliserait l’attractivité de la place de Paris, dont la promotion est l’objectif même de nos travaux.

Sachez que nous ne sommes pas en train de faire n’importe quoi : de nombreuses places financières ont introduit ce dispositif ; si nous voulons être compétitifs, il faut que nous en fassions autant.

De surcroît, cette mesure a été assortie d’un certain nombre de garanties pour les actionnaires, que la commission a encore renforcées : ces droits sont limités dans le temps, un ratio maximal est prévu et ils sont neutralisés pour certaines résolutions. Nous avons tout fait pour trouver une position équilibrée : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. L’article 1er est l’essence même de la proposition de loi : il vise à maintenir en France des entrepreneurs de qualité et innovants, qui font bien trop souvent coter leur entreprise à l’extérieur de nos frontières, parfois outre-Atlantique. C’est malheureux : après tout, on est bien chez nous !

Ces dispositions permettent d’attribuer des actions à droits de vote multiples, notamment aux fondateurs de l’entreprise. Certains amendements, dont ceux de M. Bocquet, tendent même à leur réserver ce droit ; or il est difficile de définir ce qu’est un fondateur, d’autant que des repreneurs peuvent aussi développer l’entreprise.

Il me semble important de conserver le principe posé par l’article 1er : avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. L’article 1er permet non seulement d’accorder des actions de préférence, mais également de négocier des promesses d’actions sur les marchés de croissance des petites et moyennes entreprises. Cette mesure, loin de favoriser le développement de nos PME, risque d’avoir des conséquences néfastes sur leur pérennité.

En effet, la financiarisation de ces dernières, c’est-à-dire la transformation d’entreprises ancrées dans l’économie réelle en véhicules financiers destinés à engendrer des profits pour les actionnaires, est une tendance dangereuse. En permettant la négociation de promesses d’actions sur les marchés, nous ne faisons qu’encourager cette dynamique.

Par ailleurs, en assurant le coût du capital, notamment le paiement de dividendes aux actionnaires, les PME risquent de se retrouver sous une pression financière intenable.

L’économie financiarisée et sa vision à court terme ont des conséquences sur l’emploi et le tissu économique local, puisque les PME ne sont plus considérées que comme des actifs échangeables. Aussi, nous proposons de sortir de cette logique en supprimant l’alinéa 6.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à supprimer la possibilité de négocier des promesses d’actions sur les marchés de croissance, qui sont précisément ceux des PME. Ces échanges, qui étaient jusqu’à présent réservés aux marchés réglementés, sont une excellente chose pour le développement des PME françaises. Pendant quarante-huit heures, les échanges sont impossibles : cela contrarie complètement le principe de liquidité, qui doit prévaloir sur les marchés de croissance.

Enfin, nous profitons de ce texte pour harmoniser les règles entre les marchés réglementés et les marchés de croissance, ce qui est aussi une bonne chose.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Votre amendement vise à supprimer une disposition qui permet de favoriser la cotation des PME. La plupart des intervenants s’y sont pourtant montrés sensibles lors de la discussion générale : avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 26, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 10, première phrase

Remplacer les mots :

d’une ou de plusieurs personnes nommément désignées

par les mots :

d’un ou plusieurs fondateurs ou salariés de l’entité émettrice ou de la holding de la société cotée nommément désignés

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Il s’agit d’un amendement de repli.

Il semble que les dérives potentielles sur la structure actionnariale des groupes cotés vous importent peu. Aussi, nous vous proposons de réserver ces actions d’« hyper-préférence » aux fondateurs et surtout aux salariés de l’entreprise. Utilisons ce dispositif pour le flécher vers une extension des pouvoirs des salariés dans les entreprises concernées.

Le Gouvernement ne cesse de plaider pour faire des salariés les actionnaires de leur propre entreprise. Selon vous, cela stimulerait leur capacité de travail et leur productivité : les salariés seraient justement rétribués et plus fidèles à leur entreprise. Ces arguments, particulièrement libéraux, méconnaissent l’engagement des salariés pour leur outil de travail et leur entreprise.

Si vous voulez développer l’actionnariat salarié, pourquoi ne pas accepter de partager un peu le pouvoir au sein de l’entreprise ?

M. le président. L’amendement n° 3, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 10, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et étant salariées ou mandataire social de la société

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Je vous prends au mot, monsieur le ministre, vous qui prétendez protéger nos PME : en réservant des actions à droits de vote multiples aux salariés et aux dirigeants, nous pourrions non seulement mieux protéger le contrôle de l’entreprise, mais aussi accorder une voix plus forte à ceux qui la font réellement vivre au quotidien en les impliquant davantage dans les décisions stratégiques qui les affectent directement. Les intérêts des salariés seraient alors mieux représentés au sein des conseils d’administration.

En réservant cet outil financier à des acteurs présents dans la structure de l’entreprise, nous limiterions également le risque de prise de contrôle hostile par des investisseurs extérieurs, dont les intérêts pourraient diverger de ceux des employés ou des objectifs de long terme de l’entreprise.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis. Ces amendements tendent à restreindre le bénéfice des actions de préférence aux dirigeants, aux salariés ou aux fondateurs de l’entreprise. Je comprends l’idée, mais il est très difficile de paramétrer a priori les personnes auxquelles on destine ces droits.

Pourquoi ne pas aussi réserver ces actions à des personnes morales ? Pourquoi ne pas laisser faire les entreprises ? Ces dernières devraient être libres de désigner elles-mêmes ceux auxquels elles souhaitent réserver ces droits.

Il ne s’agit pas d’un blanc-seing : les personnes bénéficiaires des actions à droits de vote multiples doivent être nommément désignées.

La commission est défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je comprends la logique qui sous-tend ces amendements. En réalité – on le voit dans d’autres pays –, les détenteurs d’actions à droits de vote multiples sont souvent des fondateurs ou des salariés présents depuis le début de l’aventure entrepreneuriale.

Il peut aussi s’agir de mandataires sociaux, qui ne sont ni salariés ni fondateurs – ce cas ne correspond pas à l’amendement de M. Bocquet –, ou bien de présidents du conseil d’administration, qui sont aussi fondateurs – ce qui ne correspond pas davantage à l’amendement de M. Dossus.

Veillons à conserver une rédaction large. La pratique sera évidemment en ligne avec celle qui existe ailleurs. J’y insiste, les détenteurs d’actions à droits multiples sont souvent des actionnaires importants qui ont rejoint l’entreprise à ses débuts ou des salariés essentiels à son développement.

Laissons les entreprises décider : avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. Nous ne voterons pas ces amendements.

Au fond, les actions de préférence sont des outils de souveraineté économique, de souveraineté nationale : nombre de places financières, dont celle de Paris, l’ont bien compris.

À partir du moment où l’on restreint le périmètre des actions à droits de vote multiples, on affaiblit le principe de souveraineté économique : en cela, ces amendements ne servent pas l’intérêt national.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 26.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 56, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 11, au début

Insérer les mots :

Pour les sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un système multilatéral de négociation,

La parole est à M. Roland Lescure, ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le Gouvernement propose de revenir à la rédaction initiale de la proposition de loi, qui ne prévoyait aucun plafonnement du ratio entre les droits de vote attachés aux actions de préférence et aux actions ordinaires.

En pratique, un tel plafond, dans tous les pays où il existe, est bien en dessous de vingt-cinq pour un. Nous pourrions certes maintenir ce plafond, qu’une directive européenne en cours d’adoption a déjà retenu. Toutefois, ce dernier texte ne concerne que les PME et le dispositif proposé par la commission s’apparente donc à une surtransposition ; or vous savez combien le Gouvernement est vigilant sur ce dernier point.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis. Cet amendement est contraire à la position de la commission.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je le reconnais volontiers.

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis. Il vise à supprimer le plafonnement du ratio entre les droits de vote attachés aux actions de préférence et aux actions ordinaires sur les marchés réglementés. Cela revient donc à réglementer davantage les marchés de croissance que les marchés réglementés, ce qui paraît complètement incohérent.

En outre, je ne pense pas qu’il soit question d’une quelconque surtransposition dans la mesure où la directive évoquée ne vise que les marchés de croissance. Encore une fois, il faut profiter de ce texte pour harmoniser la situation des deux marchés.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 56.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 25, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 11

Remplacer le mot :

vingt-cinq

par le mot :

dix

II. – Alinéa 12, première phrase

Remplacer le mot :

dix

par le mot :

cinq

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Nous avions soutenu le droit de vote majoré par action lorsqu’il a été introduit en droit français : par souci de cohérence, nous réitérons notre position.

Toutefois, à l’époque, la majoration était fixée à deux voix par action ; en l’espèce, vous vous apprêtez à voter une disposition qui porte ce ratio à vingt-cinq pour un.

Par ailleurs, nous souhaitons ramener de dix à cinq ans la durée maximale avant échéance du bénéfice des actions de préférence.

Cet article anéantirait tous les bienfaits du protectionnisme financier, qui protège les fondateurs ou les dirigeants de l’entreprise. Aussi, nous proposons de réduire le ratio à dix voix par action, conformément aux préconisations du Haut Comité juridique de la place financière de Paris.

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Remplacer le mot :

vingt-cinq

par le mot :

dix

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Nous considérons que le ratio permettant à un actionnaire de préférence de détenir vingt-cinq fois plus de droits de vote qu’un actionnaire ordinaire est disproportionné.

Nous nous sommes également alignés sur l’avis du HCJP, qui recommande une limitation de ce multiple à dix : fréquemment évoquée dans les réflexions sur le sujet, elle permet de maintenir un certain équilibre des pouvoirs au sein des sociétés cotées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis. Ces amendements visent à renforcer les garanties vis-à-vis des actions à droits de vote multiples en abaissant leur durée de dix à cinq ans et en réduisant le ratio de droits de vote de vingt-cinq à dix pour un.

Leur adoption ferait de Paris l’une des places financières les plus strictes d’Europe. Même dans les pays où il n’existe aucune limitation, le ratio est plafonné au niveau que nous avons retenu. L’idée est de ne pas contrecarrer la pratique : si nous sommes trop stricts, les investisseurs iront voir ailleurs.

Pour ces raisons, la commission est défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 25.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 50, présenté par M. L. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 25

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’il est fait application des 1° et 2° du présent IV, les statuts de la société prévoient une indemnisation équitable des pertes enregistrées par les titulaires d’actions de préférence, dans des conditions et selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’État pris après consultation de l’Autorité des marchés financiers. »

La parole est à M. Louis Vogel.

M. Louis Vogel. En cas de neutralisation des actions à droits de vote multiples, la directive sur les offres publiques d’acquisition (OPA) impose une indemnisation, qui fait défaut dans le texte initial de la proposition de loi. Cet amendement vise donc à répondre à cet oubli.

J’ajoute, en tant que rapporteur, que la commission a émis un avis favorable sur cet amendement. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Devant une telle unanimité, le Gouvernement ne peut qu’émettre un avis favorable sur cet amendement, qui vise à apporter une précision bienvenue ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 50.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France
Article 2

Après l’article 1er

M. le président. L’amendement n° 15, présenté par Mme Blatrix Contat, MM. Féraud, Cozic, Kanner et Raynal, Mme Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l’article 19 nonies de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération est ainsi rédigé :

« L’article 15 et les troisième et quatrième alinéas de l’article 16 ne sont pas applicables. »

La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.

Mme Florence Blatrix Contat. Cet amendement vise à stabiliser l’attractivité des sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) en leur permettant de constituer une réserve de revalorisation des parts sociales, sur le même modèle que le dispositif en vigueur pour les sociétés coopératives de production (Scop) et les autres coopératives.

Actuellement, toutes les coopératives peuvent créer une réserve de revalorisation des parts sociales, à l’exception des SCIC. Cette exclusion les prive d’un outil essentiel pour attirer les investisseurs, ce qui constitue un obstacle majeur à leur développement.

Retenons que le dispositif proposé sera applicable aux SCIC qui prennent l’initiative de créer une réserve à cet effet. Le cadre légal aurait vocation à s’appliquer : en effet, les intérêts aux parts sociales sont limités par l’article 14 de la loi du 10 septembre 1947.

Par ailleurs, 50,7 % du résultat des SCIC doivent être affecté aux réserves impartageables. L’investissement dans les sociétés coopératives d’intérêt collectif n’en deviendrait pas pour autant spéculatif.

Ce dispositif ne mettrait pas ces dernières en difficulté d’un point de vue financier. La revalorisation, dont le montant serait limité, n’interviendrait qu’une seule fois, au départ de l’associé possédant plus de cinq ans d’ancienneté. Les SCIC pourraient ainsi renforcer leurs fonds propres et, ce faisant, attirer des investisseurs lors de levées de fonds.

Ce dispositif permettrait en outre de neutraliser les effets de l’inflation, qui pèsent en réalité sur les sommes investies – c’est un véritable repoussoir pour les investisseurs. Cette mesure est préconisée par un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’inspection générale des finances (IGF) de mai 2021, ce qui en souligne la pertinence.

J’y insiste, l’adoption de cet amendement nous permettrait de renforcer les fonds propres des SCIC et d’attirer davantage d’investisseurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. La commission est assez partagée sur cet amendement.

Je comprends l’intérêt d’aligner le régime des SCIC sur celui des Scop, afin de renforcer leur attractivité. Mais constituer des réserves qui, par définition, seront destinées aux associés qui quittent l’entreprise, revient à obérer celle-ci d’une partie de ses fonds propres, ce qui nuit à son développement.

Pour ces raisons, la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. J’entends les arguments du rapporteur, dont je privilégie les aspects positifs : le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, qui vise à mettre en cohérence les outils de financement des SCIC avec ceux des autres types de coopératives.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.

L’amendement n° 36, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le paragraphe 1er de la sous-section 4 de la section 3 du chapitre II du livre III de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 2312-37 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Offres aux publics ; » ;

2° Après le sous-paragraphe 6, il est inséré un sous-paragraphe ainsi rédigé :

« Sous-paragraphe …

« Offres aux publics

« Art. L. 2312… – Le comité social et économique est consulté et dispose d’un avis conforme une année précédent tout projet d’introduction en bourse.

« Art. L. 2312… – Le comité social et économique est consulté et peut s’opposer à toutes offres au public recensées à l’article L. 411-2 du code monétaire et financier. »

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Dix-neuf introductions en bourse ont eu lieu l’année dernière, soit le plus faible nombre enregistré depuis la crise financière de 2009. Ce sont autant d’introductions en bourse pour lesquelles les salariés organisés n’ont bénéficié d’aucune information ni consultation, car la loi ne le prescrit pas. C’est ce que nous proposons de changer.

Il est temps de mettre un terme à la financiarisation de l’outil de travail des salariés sans les consulter à aucun moment, sous prétexte que les dirigeants seraient plus avisés. Nous suggérons donc une règle simple : si le comité social et économique (CSE) s’oppose à l’introduction en bourse, celle-ci ne peut avoir lieu.

Vous connaissez le nombre de capital-risqueurs qui rachètent des entreprises en difficulté avec l’épargne populaire et institutionnelle et emploient des chasseurs de coûts pour réduire toutes les dépenses, quitte à tuer l’activité productive, avant une revente. De façon alternative ou cumulée, les entreprises de capital-risque peuvent même décider d’une introduction dans une seule perspective : la spéculation, le tout contre l’avis des salariés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis. L’article additionnel que vise à créer cet amendement va très loin : il oblige les entreprises à prévenir le CSE de l’introduction en bourse un an à l’avance et permet même à celui-ci de s’y opposer. Cette proposition est totalement orthogonale avec les objectifs de la proposition de loi : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 36.

(Lamendement nest pas adopté.)

Après l’article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France
Après l’article 2

Article 2

L’article L. 214-28 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° À la fin de la première phrase du 1° du III, le montant : « 150 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 500 millions d’euros » ;

2° À la première phrase du VII, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « quinze » ;

3° (nouveau) Après le VII, il est inséré un VII bis ainsi rédigé :

« VII bis. – Le règlement d’un fonds commun de placement à risques prévoit que ce dernier entre en période de préliquidation dans des conditions fixées par décret. La société de gestion du fonds commun de placement à risques prend les mesures nécessaires pour préparer la cession à venir des actifs du fonds en prenant en compte la nature des titres détenus tout en respectant leur maturité. »

M. le président. L’amendement n° 5, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Voilà un nouvel amendement « orthogonal », monsieur le rapporteur, puisqu’il s’agit de supprimer l’article 2, lequel prévoit d’élargir la possibilité pour les fonds communs de placement à risques d’accompagner les entreprises cotées jusqu’à une capitalisation boursière de 500 millions d’euros, contre 150 millions actuellement.

Les FCPR bénéficient d’un traitement fiscal spécifique en cas de détention de titres pendant cinq ans. Ils permettent une exonération d’impôts sur les revenus et les plus-values liés aux parts du fonds, si elles sont conservées pendant au moins cinq ans et si tous les revenus dans le fonds sont réinvestis pendant cette période.

L’élargissement de l’éligibilité des FCPR soulève plusieurs inquiétudes.

Premièrement, cela pourrait favoriser la croissance des FCPR existants au détriment de l’émergence de nouveaux acteurs, simplement par prédation, afin de leur permettre de bénéficier du régime fiscal spécifique.

Deuxièmement, en l’absence d’étude d’impact, rien ne garantit que cette mesure n’entraîne pas de coûts supplémentaires pour les finances publiques sans contrepartie fiscale claire. À cet égard, l’article 2 aurait mérité d’être évalué au titre de l’article 40 de la Constitution – on a vu des amendements déclarés irrecevables pour moins que ça…

Nous proposons donc de supprimer l’article 2, afin de privilégier une approche plus prudente et réfléchie de la question des FCPR, en l’absence d’éléments permettant de valider la logique de cette disposition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. La commission des finances est favorable à l’article 2, qui a d’ailleurs été amendé au cours de nos travaux, car il va dans le sens de l’investissement dans les PME, notamment via les FCPR.

Sur le fond, j’émets donc un avis défavorable.

Par ailleurs, je m’élève contre votre argument du coût fiscal : il n’y en a pas, puisque la part des grandes entreprises, que votre dispositif ne vient pas modifier, reste limitée à 20 %. Les titres ne doivent pas augmenter de plus de 20 % l’actif des FCPR. Et si l’amendement était adopté, ce serait toujours le cas : en l’absence de toute incidence fiscale, il n’y a même pas lieu d’évoquer l’article 40.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. J’ai entendu nombre de sénateurs plaider pour des mesures visant à améliorer le financement des PME : cet article y répond clairement. Mme Lavarde nous reprochait de ne pas en faire assez pour les entreprises non cotées : …

M. Jean-François Husson. Elle a raison !

M. Roland Lescure, ministre délégué. … l’article 2 répond, là encore, à ses préoccupations. Je vous suggère instamment de le maintenir : avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 27, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Cet amendement tend à supprimer l’alinéa 2.

Comme mon collègue et ami Éric Bocquet n’a pas manqué de le rappeler lors de la discussion générale, cet article est manifestement contre-productif par rapport à l’objectif de financement des PME et de facilitation de leur financiarisation.

En effet, porter de 150 millions à 500 millions d’euros la valorisation boursière des entreprises cotées risque véritablement d’accroître la part desdites entreprises dans les fonds de capital-risque. S’il est fréquent que le plafond de 20 % ne soit pas atteint, l’incitation risque d’être désormais trop forte.

Ces investissements dans les entreprises cotées affaibliraient le financement des entreprises non cotées, à savoir nos PME et même nos start-up. On dénombre seulement 88 entreprises françaises supplémentaires, contre 667 entreprises européennes. Ces dernières profiteront, à n’en pas douter, d’un effet d’aubaine, au détriment des entreprises françaises.

Voilà un signal contradictoire avec l’ambition de faire de la France une terre d’innovation : tout le monde en conviendra, pour innover, il faut des financements.

Nous ne saurions trop insister sur le fait que cette proposition de loi n’est assortie d’aucune étude d’impact. L’avis d’un cabinet d’audit financier et de conseil nous apprend que les start-up ont levé 8,32 milliards d’euros en 2023, pour un ticket moyen de 11,64 millions d’euros, bien loin des valorisations des entreprises cotées.

Ce montant est en diminution de 38 % par rapport à 2022 et ne représente que les investissements sur le premier semestre de cette même année.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Encore une fois, nous souhaitons renforcer les PME.

M. Savoldelli vient de rappeler que seules 88 entreprises sont concernées : il n’y a donc pas de bouleversement complet.

Les 500 millions d’euros de capitalisation sont utiles pour renforcer le financement non seulement des PME, mais aussi des ETI. Une chose est sûre, ce n’est pas des grandes entreprises qu’il est question : nous sommes très loin de TotalEnergies, dont nous parlions voilà quelques instants.

Cette mesure, qui porte le plafond à 500 millions d’euros, va dans le bon sens. Sur toutes les travées de cet hémicycle, nous avons appelé au renforcement du financement des petites entreprises : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 27.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Raynal, Féraud, Cozic et Kanner, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Compléter cet article par quatre paragraphes ainsi rédigés :

III – L’article L. 131-1-2 du code des assurances est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le taux : « 10 % » est remplacé par le taux : « 15 % » ;

2° Au 1°, les mots : « agréées en application de » sont remplacés par les mots : « mentionnées à » ;

3° À la fin du 2°, les mots : « , sous réserve que leur actif soit composé d’au moins 40 % de titres émis par des entreprises solidaires d’utilité sociale mentionnées à l’article L. 3332-17-1 du code du travail » sont remplacés par les mots : « qui sont assimilées aux entreprises solidaires d’utilité sociale au sens de l’article L. 3332-17-1 du code du travail » ;

4° Le 3° est ainsi modifié :

a) Après le mot : « financier », sont insérés les mots : « ou par des fonds professionnels spécialisés mentionnés à l’article L. 214-154 du code monétaire et financier » ;

b) Les mots : « sous réserve que l’actif de ces fonds soit composé d’au moins 40 % de titres émis par des entreprises solidaires d’utilité sociale mentionnées à » sont remplacés par les mots : « qui sont assimilés aux entreprises solidaires d’utilité sociale au sens de ».

IV – Le V de l’article L. 214-164 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa est complété par les mots : « pour une part comprise entre 5 % et 15 %, de titres émis » ;

2° Le a est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Pour une part comprise entre 5 % et 15 %, de titres émis :

« 1° Soit par des entreprises solidaires d’utilité sociale mentionnées à l’article L. 3332-17-1 du code du travail ;

« 2° Soit par des sociétés de capital-risque mentionnées au I de l’article 1er de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier qui sont assimilées aux entreprises solidaires d’utilité sociale au sens de l’article L. 3332-17-1 du code du travail ;

« 3° Soit par des fonds communs de placements à risque mentionnés à l’article L. 214-28 du code monétaire et financier ou par des fonds professionnels spécialisés mentionnés à l’article L. 214-154 du code monétaire et financier, qui sont assimilés aux entreprises solidaires d’utilité sociale au sens de l’article L. 3332-17-1 du code du travail. » ;

3° Le b est abrogé ;

4° Au dernier alinéa, les mots : « mentionné au b ci-dessus » sont supprimés ;

V. – L’article L. 3332-17-1 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le III est ainsi rédigé :

« III. – Sont assimilés aux entreprises solidaires d’utilité sociale agréées en application du présent article les placements collectifs dont l’actif est composé pour au moins 50 % de titres émis par des entreprises solidaires d’utilité sociale définies au présent article ou par des entreprises équivalentes sur le fondement du droit européen. » ;

2° Au IV, après les mots : « d’utilité sociale sont », sont insérés les mots : « déclarées assimilées ou ».

VI – Les III à V entrent en vigueur le 1er janvier 2025.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du V, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du V du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Claude Raynal.

M. Claude Raynal. Le présent amendement vise à accroître le financement des entreprises solidaires, dont la plupart sont de toutes petites et moyennes entreprises non cotées, au mode de financement différent de celui des PME classiques et des entreprises cotées.

Grâce à son cadre législatif incitatif, la France est en tête de course en matière de finance solidaire. Cet amendement vise donc à conserver cette avance à la suite des évolutions du marché européen international, en poursuivant l’adaptation du cadre législatif issu de la loi Pacte.

Le principal véhicule d’investissement solidaire est le fonds dit 90-10, constitué d’une poche solidaire de 5 % à 10 % et distribué, entre autres, dans le cadre de l’épargne salariale et de l’assurance vie.

Cet amendement tend notamment à porter le plafond de la poche solidaire à 15 %, sans modifier le plancher de 5 %. Cela permettra aux investisseurs de disposer de davantage de flexibilité dans la gestion de leurs actifs solidaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Une entreprise peut être labellisée « entreprise solidaire » avec une poche de 5 %. Aussi, porter cette dernière à 15 % pour les unités de compte ou pour l’épargne salariale me semble aller dans le bon sens.

Je vous rappelle qu’offrir au moins un produit labellisé « épargne solidaire » aux investisseurs est une obligation et qu’il peut s’agir d’un produit d’assurance vie en unité de compte.

Reconnaissons qu’une poche solidaire à 10 % ne constitue pas une exigence très importante : la porter à 15 % me semble donc raisonnable.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Il s’agit d’une demande récurrente des acteurs de l’économie sociale et solidaire : formulée lors des travaux du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire (CSESS), elle s’inscrit parfaitement dans la feuille de route établie par ma collègue Olivia Grégoire.

En conséquence, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Monsieur le ministre, acceptez-vous de lever le gage ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le gage est levé, monsieur le président.

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 14 rectifié bis.

Je le mets aux voix.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 62, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le 2° du I du présent article s’applique aux fonds communs de placement à risques agréés à compter de la promulgation de la loi … n° … du visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Il s’agit d’aménager une disposition de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants, dont j’étais coauteur.

À la suite de l’adoption de ce texte par le Sénat le 31 janvier 2023, l’Assemblée nationale a repris cette disposition et l’a insérée à l’article 2 de la présente proposition de loi.

Afin de ne pas pénaliser les porteurs de parts de FCPR, cet amendement tend à prévoir que l’allongement de la durée maximale de blocage des parts des investisseurs dans un tel fonds ne s’applique qu’aux nouveaux porteurs, soit après la promulgation du présent texte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 62.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Article 2 bis (nouveau)

Après l’article 2

M. le président. L’amendement n° 40 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus et Malhuret, Mme Bourcier, MM. Brault et Chasseing, Mme L. Darcos, M. Grand, Mme Lermytte et MM. V. Louault, A. Marc, Rochette et Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° L’article 199 terdecies-0 A est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – En cas de souscription à une augmentation de capital, le montant de la souscription retenu pour le calcul de la réduction d’impôt prévue au I est égal au nombre de titres souscrits multiplié par leur prix d’émission, c’est-à-dire leur valeur nominale augmentée, le cas échéant, de la prime d’émission unitaire. Cette disposition est également valable lorsque les titres acquis l’ont été suite à l’exercice d’un bon de souscription. » ;

2° L’article 199 terdecies-0 A bis est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – En cas de souscription à une augmentation de capital, le montant de la souscription retenu pour le calcul de la réduction d’impôt prévue à l’article 199 terdecies-0 A est égal au nombre de titres souscrits multiplié par leur prix d’émission, c’est-à-dire leur valeur nominale augmentée, le cas échéant, de la prime d’émission unitaire. Cette disposition est également valable lorsque les titres acquis l’ont été suite à l’exercice d’un bon de souscription. » ;

3° L’article 199 terdecies-0 A ter est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« …. - En cas de souscription à une augmentation de capital, le montant de la souscription retenu pour le calcul de la réduction d’impôt prévue à l’article 199 terdecies-0 A est égal au nombre de titres souscrits multiplié par leur prix d’émission, c’est-à-dire leur valeur nominale augmentée, le cas échéant, de la prime d’émission unitaire. Cette disposition est également valable lorsque les titres acquis l’ont été suite à l’exercice d’un bon de souscription. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Jean-Luc Brault.

M. Jean-Luc Brault. Cet amendement vise à mieux valoriser les bons de souscription d’actions à accords d’investissement rapides (BSA-AIR) dans le calcul de la réduction de l’impôt sur le revenu pour la souscription au capital des PME (IR-PME).

Il s’agit non pas de révolutionner le système, mais simplement d’inscrire dans la loi une règle prévue par la doctrine fiscale en vigueur, appliquée avec trop d’opacité. Il semble donc plus sûr de préciser le mécanisme de valorisation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Ce sujet me semble relever plutôt du projet de loi de finances (PLF).

La question étant posée, le Gouvernement a peut-être un avis à donner à ce sujet, même si cette mesure concerne davantage la fiscalité que le droit des sociétés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je suggère que nous ayons ces discussions dans le cadre du projet de loi de finances.

Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.

M. le président. Monsieur Brault, l’amendement n° 40 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Luc Brault. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 40 rectifié est retiré.

L’amendement n° 43 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus et Malhuret, Mme Bourcier, MM. Brault et Chasseing, Mme L. Darcos, M. Grand, Mme Lermytte et MM. V. Louault, A. Marc, Rochette et Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 790 A bis du code général des impôts est ainsi rétabli :

« Art. 790 A bis. I. – Les dons de sommes d’argent consentis en pleine propriété au profit d’un enfant, d’un petit-enfant, d’un arrière-petit-enfant ou, à défaut d’une telle descendance, d’un neveu ou d’une nièce ou par représentation, d’un petit-neveu ou d’une petite-nièce sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit dans la limite de 31 865 euros tous les quinze ans s’ils sont affectés par le donataire, au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant le transfert, à l’acquisition de parts ou d’actions d’organismes de placements collectifs, mentionnés au 3 de l’article L. 221-32-2 du code monétaire et financier, dans le plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire, prévu aux articles L. 221-32-1 et suivants du même code, dont il est titulaire.

« Cette exonération est subordonnée au respect des conditions suivantes :

« 1° Le donateur est âgé de moins de quatre-vingts ans au jour de la transmission ;

« 2° Le donataire est âgé de dix-huit ans révolus ou a fait l’objet d’une mesure d’émancipation au jour de la transmission.

« Le plafond de 31 865 euros est applicable aux donations consenties par un même donateur à un même donataire.

« II. – Cette exonération se cumule avec les abattements prévus aux I, II et V de l’article 779 et aux articles 790 B, 790 D et 790 G du présent code.

« III. – Il n’est pas tenu compte des dons de sommes d’argent mentionnés au I pour l’application de l’article 784 du même code.

« IV. – Sous réserve de l’application du 1° du 1 de l’article 635 dudit code, les dons de sommes d’argent mentionnés au I doivent être déclarés ou enregistrés par le donataire dans le délai d’un mois qui suit la date du don. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Jean-Luc Brault.

M. Jean-Luc Brault. Cet amendement vise à exonérer des droits de mutation à titre gratuit entre vifs les sommes issues de donations qui seront investies par le donataire titulaire d’un PEA-PME.

Il s’agit de créer une incitation forte en fléchant une partie des successions vers le financement de nos entreprises.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Une fois encore, il s’agit d’une mesure purement fiscale, à savoir la création d’une nouvelle exonération. Cette question relève davantage de la loi de finances que du texte que nous examinons ce soir : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Monsieur Brault, l’amendement n° 43 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Luc Brault. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 43 rectifié est retiré.

L’amendement n° 44 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus et Malhuret, Mme Bourcier, MM. Brault et Chasseing, Mme L. Darcos, M. Grand, Mme Lermytte et MM. V. Louault, A. Marc, Rochette et Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° L’article 793 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les sommes ou valeurs détenues au jour du décès dans le plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire, prévu aux articles L. 221-32-1 et suivants du code monétaire et financier, dont le défunt était titulaire. » ;

2° Après la section 1 quater du chapitre III du titre IV de la première partie du livre premier, est insérée une section… ainsi rédigée :

« Section…

« Prélèvement sur le plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire en cas de décès

« Art. 990…. I. – Les sommes ou valeurs détenues dans un plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire, prévu aux articles L. 221-32-1 et suivants du code monétaire et financier, sont assujetties au décès du titulaire à un prélèvement, à concurrence de la part revenant à chaque ayant droit du défunt titulaire du plan, après application d’un abattement fixe de 152 500 euros. Le prélèvement s’élève à 20 % pour la fraction de la part taxable de chaque ayant droit inférieure ou égale à 700 000 euros, et à 31,25 % pour la fraction de la part taxable de chaque ayant droit excédant cette limite.

« II. – Le prélèvement prévu au I est dû par chaque ayant droit et versé au comptable public compétent dans les quinze jours qui suivent la fin du mois au cours duquel les sommes ou valeurs ont été versées aux ayants droit. »

III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Jean-Luc Brault.

M. Jean-Luc Brault. Cet amendement vise à alléger le régime fiscal des PEA-PME au moment des successions.

Comme avec l’amendement précédent, il s’agit de créer une incitation forte au financement des PME et des ETI en fléchant une partie des successions vers le financement de nos entreprises.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Brault, l’amendement n° 44 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Luc Brault. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 44 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Après l’article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France
Article 2 ter (nouveau)

Article 2 bis (nouveau)

Le 1° du I de l’article 221-31 du code monétaire et financier est complété par un c) ainsi rédigé :

« c) Droits ou bons de souscription ou d’attribution attachés aux actions mentionnées aux a et b du présent 1° ».

M. le président. L’amendement n° 59, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Cet amendement vise à supprimer des dispositions adoptées en commission, qui rendent éligibles les droits préférentiels de souscription (DPS) au plan d’épargne en actions.

L’argument fiscal, déjà évoqué lors de l’examen des trois derniers amendements, vaut encore ici : cette disposition relève davantage du projet de loi de finances que de ce texte.

En outre, cet article modifie encore le champ des emplois éligibles au PEA et au PEA-PME pour y inclure des titres ou des droits qui ne répondent pas à l’objectif assigné à ces dispositifs, mais procurent des avantages fiscaux très significatifs à des investissements sans prise de risque dans l’économie réelle.

Pour ces raisons, nous proposons de supprimer cet article 2 bis.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. L’article 2 bis vise à modifier la composition des titres éligibles au PEA, ce qui ne nous paraît pas emporter d’incidences fiscales.

Nous sommes défavorables à sa suppression.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 59.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis.

(Larticle 2 bis est adopté.)

Article 2 bis (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France
Après l’article 2 ter

Article 2 ter (nouveau)

Après les mots : « de négociation », la fin du b du 2 de l’article L. 221-32-2 du code monétaire et financier est ainsi rédigée : « et dont la capitalisation boursière est inférieure à deux milliards d’euros ou l’a été à la clôture d’un au moins des quatre exercices calendaires précédant l’exercice pris en compte pour apprécier l’éligibilité des titres de la société émettrice. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 28 est présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

L’amendement n° 61 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 28.

M. Éric Bocquet. Apparu en 1992, le PEA doit sa création à la volonté des pouvoirs publics de développer l’actionnariat populaire dans notre pays.

Depuis le 1er janvier 2014, son plafond de versement a été majoré à 150 000 euros et un PEA-PME a été créé.

Au moment de la création de ce dernier dispositif, des amendements d’un député non inscrit dans le cadre du PLF pour 2014 ont visé pareillement à rehausser le plafond des entreprises qui y seraient éligibles.

Fort opportunément, le président de la commission des finances de l’époque, un certain Gilles Carrez, député Les Républicains, avait répondu : « L’élargissement des critères risque de nous faire subir la critique de l’éviction telle que la subit aujourd’hui le PEA de droit commun. Pour ma part, j’aurais plutôt déposé des amendements allant dans le sens de la restriction des critères ! »

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l’amendement n° 61.

M. Roland Lescure, ministre délégué. J’avancerai les mêmes arguments que ceux que je viens de faire valoir au soutien de la suppression de l’article 2 bis.

Cet article modifie de manière importante les critères d’éligibilité actuels au PEA-PME. Ces modifications vont bien trop loin à mon sens et octroient un avantage fiscal important.

Nous sommes, bien entendu, sensibles aux besoins de financement importants des entreprises et nous entendons améliorer le fléchage de l’épargne à leur profit. Nous avons d’ailleurs l’intention, à l’occasion de la prochaine loi de finances, de relever le seuil de capitalisation.

Néanmoins, cet article, qui ne prend pas place dans un projet de loi de finances et dont la formulation nous semble inappropriée, apparaît inopportun à ce stade.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Le PEA-PME ne fonctionne pas de manière optimale. Certaines entreprises éligibles n’y ont pas accès pour une raison simple : le régime actuel d’autodéclaration, qui revient à affirmer « je suis éligible au PEA-PME », s’avère quelque peu complexe.

Nous proposons donc de lui substituer un critère simple : la capitalisation à 2 milliards d’euros. Nous restons ainsi dans des montants certes significatifs, mais qui n’entrent pas dans le champ des très grands groupes, que nous évoquerons par ailleurs.

Cette mesure permettra d’apporter de l’argent frais aux PEA-PME, en modifiant les titres éligibles, sans pour autant augmenter l’ampleur de l’avantage fiscal.

Par conséquent, la commission est défavorable à ces deux amendements de suppression.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 28 et 61.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2 ter.

(Larticle 2 ter est adopté.)

Article 2 ter (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France
Article 2 quater (nouveau)

Après l’article 2 ter

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 39 rectifié est présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus, Malhuret et Brault, Mme Bourcier, M. Chasseing, Mme L. Darcos, M. Grand, Mme Lermytte et MM. V. Louault, A. Marc, Rochette et Wattebled.

L’amendement n° 63 est présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – À la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 132-5-4 du code des assurances, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, après les mots : « code monétaire et financier », sont insérés les mots : « ou de titres de sociétés commerciales qui satisfont aux conditions prévues à l’article 1-1 de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier ».

II. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Le d du 3 de l’article L. 221-32-2 est complété par les mots : « ou de titres de sociétés commerciales qui satisfont aux conditions prévues à l’article 1-1 de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier » ;

2° À la dernière phrase du quatrième alinéa de l’article L. 224-3, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, après les mots : « du présent code », sont insérés les mots : « ou de titres de sociétés commerciales qui satisfont aux conditions prévues à l’article 1-1 de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier ».

La parole est à M. Jean-Luc Brault, pour présenter l’amendement n° 39 rectifié.

M. Jean-Luc Brault. Cet amendement vise à rendre les sociétés de capital-risque éligibles au PEA-PME, d’une part, et à la part minimale d’investissement prévue dans les profils de gestion introduits par la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte pour l’assurance vie et le plan d’épargne retraite (PER), d’autre part.

À l’instar des fonds communs de placement à risques, les sociétés de capital-risque constituent un véhicule d’investissement permettant d’attirer les capitaux vers les entreprises françaises, principalement non cotées. Il convient donc de les encourager afin de flécher l’épargne des Français vers le financement de nos PME et de nos ETI.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 63.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 39 rectifié et 63.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2 ter.

Après l’article 2 ter
Dossier législatif : proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France
Article 2 quinquies (nouveau)

Article 2 quater (nouveau)

L’article L. 3332-17 du code du travail est ainsi modifié :

1° À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « réglementé » sont insérés les mots : « ou sur un marché de croissance des petites et moyennes entreprises » ;

2° Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis Lorsque les titres de l’entreprise sont admis aux négociations sur un marché de croissance des petites et moyennes entreprises, dans des conditions déterminées par décret ; ».

M. le président. L’amendement n° 29, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Cet article 2 quater, que nous proposons de supprimer, met en lumière la véritable nature de cette proposition de loi, bien éloignée du financement des entreprises et de l’attractivité de la France.

La question est simple et clivante entre la gauche et la droite : nous nous opposons à une conception de l’épargne salariale comme substitut à la rémunération du travail. C’est là le cœur du débat.

Vous irez même jusqu’à proposer que les salariés les plus modestes bénéficient de demi-actions ou de quarts d’actions, ce qui est révélateur du projet totalement idéologique qui nous est soumis. Celui-ci a été présenté tout à l’heure dans un propos politique qui avait le mérite de la clarté, mais que je ne partage pas : il s’agit bien de la retraite par capitalisation, un débat que nous avons eu précédemment. Vous proposez aux travailleurs une évolution de la valeur ajoutée, qui s’éloigne notamment du travail.

Pour autant, je ne suis pas certain que tous les chefs d’entreprise, en particulier les patrons de très petites entreprises et de PME non cotées, partagent cette vision.

Voilà la réalité : vous voulez faire de l’épargne salariale un substitut à la rémunération du travail. C’est une idéologie qui, je n’en doute pas, vous a été soufflée par les grandes organisations patronales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. J’ai bien écouté l’intervention de M. Savoldelli et il me semble que son interprétation va très au-delà de ce que contient réellement l’article qu’il entend supprimer.

Celui-ci prévoit simplement de rendre éligibles de nouveaux titres à l’épargne salariale, rien de plus. Je n’ai pas évoqué la question de la retraite, c’est un fait.

Aujourd’hui, l’épargne salariale existe et elle pourrait s’investir dans de nouveaux titres sur des marchés de croissance. C’est la seule chose que cet article permet.

Le supprimer, comme tend à le faire cet amendement, reviendrait à ôter cette possibilité et donc à priver l’épargne salariale de la capacité d’investir dans ces entreprises, qui en ont besoin : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 29.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 64, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Après le mot :

travail

insérer les mots :

, dans sa version résultant de la loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023 portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise,

II. – Alinéa 2

Remplacer le mot :

deuxième

par le mot :

quatrième

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 64.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2 quater, modifié.

(Larticle 2 quater est adopté.)

Article 2 quater (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France
Article 3

Article 2 quinquies (nouveau)

I. – L’article 2 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° Elles ont pour objectif de concourir à la préservation et à la mise en valeur des monuments et des sites, parcs et jardins protégés. »

II. – Le 1° de l’article 199 terdecies-0 AA du code général des impôts est ainsi rédigé :

« 1° Les exclusions prévues au 3° du C du I de l’article 199 terdecies-0 A relatives à l’exercice d’une activité financière, de construction d’immeubles ou immobilière ne sont pas applicables aux entreprises solidaires. Toutefois, les exclusions relatives à l’exercice d’une activité immobilière ou de construction d’immeubles sont applicables aux entreprises solidaires, à l’exception :

« a) des entreprises solidaires qui n’exercent pas une activité de gestion immobilière à vocation sociale ;

« b) des entreprises solidaires agréées par le ministère chargé de la culture et ayant pour mission de contribuer à la préservation et à la mise en valeur des monuments historiques et des sites, parcs et jardins protégés ; ».

III. – La perte de recettes résultant, pour l’État, de l’élargissement de la réduction d’impôt sur le revenu au titre des souscriptions en numéraire au capital des entreprises solidaires chargées de concourir à la préservation et à la mise en valeur des monuments historiques et des sites, parcs et jardins protégés, est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. le président. L’amendement n° 60, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Il s’agit d’un amendement de suppression de cet article, adopté en commission pour des motifs qui vont au-delà des raisons fiscales déjà évoquées pour les articles 2 bis, 2 ter et 2 quater.

Cet article est un marronnier, qui revient régulièrement dans les discussions au sein de cette assemblée. Il étend le périmètre de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale », aujourd’hui uniquement attribué à des entreprises recherchant une utilité sociale.

Son adoption risquerait de générer un effet d’éviction des financements actuellement fléchés vers des projets sociaux, parfois peu ou pas rentables, au profit de foncières agissant sur un périmètre moins risqué et plus rentable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Avis défavorable : cette disposition a déjà été votée au Sénat, et nous entendons réitérer.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 60.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2 quinquies.

(Larticle 2 quinquies est adopté.)

Article 2 quinquies (nouveau)
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Après l’article 3

Article 3

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Au 2° de l’article L. 225-136, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 30 % » ;

2° L’article L. 22-10-52 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « public », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « peut, sur délégation de l’assemblée générale extraordinaire, être librement fixé par le conseil d’administration ou le directoire. » ;

b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

– la première phrase est supprimée ;

– à la seconde phrase, le mot : « autorisation » est remplacé par le mot : « délégation » ;

3° Après l’article L. 22-10-52, il est inséré un article L. 22-10-52-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 22-10-52-1. – Dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation soumis au II de l’article L. 433-3 du code monétaire et financier, lorsque l’augmentation de capital est réservée à une ou à plusieurs personnes nommément désignées, l’assemblée générale extraordinaire peut déléguer au conseil d’administration ou au directoire le pouvoir de les désigner, dans la limite de 30 % du capital social par an.

« Si elle est administrateur ou membre du directoire, la personne nommément désignée ne peut prendre part ni aux délibérations ni aux votes du conseil d’administration ou du directoire sur l’opération. La procédure prévue aux articles L. 225-147 et L. 22-10-53 du présent code n’est pas applicable.

« Le prix d’émission des actions est fixé par le conseil d’administration ou le directoire, selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État pris après avis de l’Autorité des marchés financiers.

« Lorsqu’il fait usage de la délégation prévue au premier alinéa du présent article, le conseil d’administration ou le directoire établit un rapport complémentaire à l’assemblée générale ordinaire suivante, qui décrit les conditions définitives de l’opération. Ce rapport est certifié par le commissaire aux comptes, s’il en existe. » ;

4° À la première phrase de l’article L. 22-10- 53, le taux : « 10 % » est remplacé par le taux : « 20 % ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 6 est présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel.

L’amendement n° 30 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 6.

M. Thomas Dossus. L’article 3 vise à assouplir les modalités d’augmentation de capital sans droit préférentiel de souscription, qu’elles soient réalisées par placements privés, opérations réservées ou apports en nature. Si cet assouplissement peut sembler à première vue attractif pour l’investissement, il est important de considérer ses implications potentielles.

Une augmentation du capital sans droit préférentiel de souscription permet ainsi à l’entreprise d’ouvrir directement son capital à des tiers, sans que les actionnaires existants puissent souscrire à de nouvelles actions en priorité. Cela peut avoir un effet significatif sur la structure du capital de l’entreprise, sur sa gouvernance comme sur ses relations avec ses actionnaires.

De plus, cette mesure pourrait susciter des réactions négatives sur les marchés financiers si elle était perçue comme une dilution des droits des actionnaires existants ou une source de volatilité pour le cours de l’action.

Par ailleurs, les modifications dans la structure du capital pourraient emporter des implications fiscales pour l’entreprise et ses actionnaires, que nous ne maîtrisons pas vraiment en l’absence d’étude d’impact.

C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 30.

M. Éric Bocquet. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis. Ces amendements visent à supprimer l’article 3, qui a précisément pour objectif d’assouplir les droits préférentiels de souscription.

Une telle suppression irait à l’encontre de la position de la commission des lois, et ce pour une bonne raison : elle rendrait plus difficile l’accès aux liquidités, alors que l’un des objectifs de ce texte est précisément de le faciliter.

Par conséquent, l’avis est défavorable sur ces deux amendements de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 et 30.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 46, présenté par MM. Canévet et Delcros, Mme Havet, M. Bonnecarrère, Mmes Jacquemet et N. Goulet, MM. Kern, Bleunven, Hingray, J.M. Arnaud, P. Martin et Courtial et Mmes O. Richard et Billon, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…° L’article L. 225-138-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 225-138-1. – Lors d’une augmentation de capital suivant les modalités de l’article L. 225-138 ou de l’article L. 22-10-52-1, un nombre d’actions, au moins égal à 10 % des actions attribuées aux bénéficiaires d’un service d’investissement de gestion de portefeuille pour compte de tiers, doit être proposé aux adhérents du ou des plans d’épargne d’entreprise, salariés ou anciens salariés de la société ou des sociétés qui lui sont liées au sens de l’article L. 225-180, suivant les modalités prévues aux articles L. 3332-18 à L. 3332-24 du code du travail.

« Cette offre aux adhérents du ou des plans d’épargne doit être réalisée dans le délai prévu au III de l’article L. 225-138 du présent code. » ;

La parole est à M. Michel Canévet.

M. Michel Canévet. Nous avons largement évoqué l’implication des parties prenantes dans le financement des entreprises.

Cet amendement vise à favoriser l’actionnariat salarié lors des augmentations segmentées du capital. Il paraît en effet logique de continuer de favoriser l’actionnariat salarié, en visant un taux de 10 % au sein des entreprises.

Cette implication accrue des salariés permettra aux entreprises de mieux fonctionner.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à flécher 10 % d’augmentation de capital sans droit préférentiel de souscription au profit des adhérents à un plan d’épargne salariale. Bien que l’objectif soit compréhensible, cette mesure introduirait de la rigidité dans ces augmentations de capital, ce qui n’est pas le but recherché.

De plus, cet objectif est déjà satisfait par le code de commerce, qui prévoit un régime ad hoc pour les plans d’épargne d’entreprise en son article L. 225-138-1.

Cet amendement étant satisfait, la commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Je partage l’avis du rapporteur.

Il convient d’être prudent avec une disposition qui pourrait paradoxalement conduire certaines entreprises à exercer une forme de chantage auprès de leurs salariés. En effet, elles pourraient leur faire valoir qu’elles ont besoin d’un financement que, compte tenu de ces dispositions, ils sont les seuls à pouvoir lui apporter. Elles procéderaient alors à une augmentation de capital en faisant pression sur leurs salariés pour qu’ils y souscrivent.

Bien que les augmentations réservées aux salariés soient couvertes par ces dispositions, il est préférable de conserver une formulation plus large.

Par conséquent, je demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur Canévet, l’amendement n° 46 est-il maintenu ?

M. Michel Canévet. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 46 est retiré.

L’amendement n° 7, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéas 3 à 7

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. L’article 3 de la proposition de loi supprime le contrôle par l’État du prix d’émission d’actions lors d’une augmentation de capital par une société cotée, actuellement imposé par le code de commerce.

Ce contrôle a pour objectif de garantir que le prix d’émission soit fixé de manière équitable et transparente, en tenant compte des intérêts de tous les actionnaires.

La suppression de cette supervision pourrait emporter des conséquences néfastes : elle permettrait aux sociétés de procéder à des émissions d’actions à destination d’actionnaires spécifiques, généralement les actionnaires majoritaires, à un prix avantageux, au détriment des actionnaires minoritaires.

Cette pratique nouvelle risque de fragiliser la confiance des investisseurs en créant un sentiment d’iniquité et de manipulation. Le contrôle de l’État, qui est primordial, doit donc être maintenu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis. Le texte supprime le renvoi à un décret en Conseil d’État pour fixer le prix des actions émises dans le cadre d’une augmentation de capital sans droit préférentiel de souscription, et ce dans un souci d’assouplissement.

Cet amendement vise à revenir au droit existant, ce qui est contraire à la position de la commission. Il nous semble en effet préférable de donner délégation au conseil d’administration plutôt que de recourir à une réglementation administrative pour fixer le prix des actions.

Rappelons qu’il n’est pas dans l’intérêt de l’entreprise de nuire à ses actionnaires. Le système actuel présente une cohérence interne et ne nécessite pas d’intervention administrative supplémentaire : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
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Article 4

Après l’article 3

M. le président. L’amendement n° 35, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 225-132 du code de commerce est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « dans la limite de la moitié du montant de l’ouverture proposée » ;

2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les salariés ont un droit de préférence pour au moins la moitié des actions émises pour réaliser une augmentation de capital dans le cadre de la procédure des articles L. 332-18 et suivants. » ;

3° Au quatrième alinéa, après le mot : « actionnaires » sont insérés les mots : « ou les salariés ».

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Cet amendement vise à accorder un droit de préférence aux salariés pour, au moins, la moitié de l’augmentation du capital.

Vous entendez faire de l’actionnariat salarié l’alpha et l’oméga d’une politique dite de productivité et de rémunération du travail.

Notre proposition est motivée par la crainte que l’adoption de ces articles ne transforme l’actionnariat salarié en un « minotariat salarié ».

En effet, dans ce scénario, les travailleurs, qui créent en grande partie la valeur ajoutée de l’entreprise, se retrouveraient dans un rôle extrêmement minoritaire en son sein, sans rien pouvoir récupérer. Ce « minotariat » serait exposé à des augmentations de capital pouvant atteindre 30 % du capital initial, réduisant encore davantage son poids et sa capacité à se défendre.

Je respecte cette conception des choses : elle reflète un libéralisme complètement décomplexé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis. Cet amendement, qui porte sur le droit commun des augmentations de capital, vise à réserver la moitié des droits préférentiels de souscription aux salariés. Une telle mesure aurait un effet fortement désincitatif.

Il serait préférable, comme l’a suggéré notre collègue, de promouvoir l’actionnariat salarié pour lui-même et non dans le cadre de ce texte.

En réalité, les auteurs de cet amendement apportent une mauvaise réponse, dans un texte inadapté, à une bonne question. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Pour ces raisons, j’émettrai un avis défavorable.

M. Pascal Savoldelli. On prend leur argent aux salariés, mais ils n’ont pas le droit de décider. C’est intéressant !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Les salariés et les entreprises sont parfaitement habilités à faire ce que vous proposez.

Vous souhaitez les y contraindre, au travers de cet amendement, en faisant courir le risque que l’entreprise elle-même soit obérée dans son développement ou, comme je l’indiquais à M. Canévet, que les salariés se retrouvent victimes d’un chantage à la souscription de la part de leur chef d’entreprise pour financer le développement.

Nous avons des divergences de fond sur les vertus de l’actionnariat salarié, auquel je crois fermement. Il s’agit tant d’un alignement d’intérêts que d’un moyen de compléter – et non de contourner ! – les rémunérations.

Je recommande vivement de retirer cet amendement, qui me paraît contre-productif, voire dangereux pour les salariés eux-mêmes.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 35.

(Lamendement nest pas adopté.)

Après l’article 3
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Article 5

Article 4

(Non modifié)

Le II de l’article L. 632-17 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Le mot : « entreprises » est remplacé par les mots : « prestataires de services » ;

2° La deuxième occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « ou ».

M. le président. L’amendement n° 47 rectifié bis, présenté par M. Reichardt, Mme Muller-Bronn, MM. Burgoa et Rapin, Mmes Lassarade et Dumont, MM. Daubresse, Belin, Paccaud, Lefèvre, Houpert et Kern, Mme Micouleau, MM. Panunzi et Laménie, Mme Aeschlimann, MM. Naturel et Khalifé, Mme M. Mercier, M. Mizzon, Mme Schalck, M. Genet, Mme Imbert, M. Klinger et Mme Drexler, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, cet amendement ayant déjà été discuté en commission, je prends naturellement en compte l’avis défavorable du rapporteur qu’il est voué à recevoir de nouveau ce soir ; mais il aurait été vain de déposer cet amendement d’appel pour ne pas le défendre ce soir. (Sourires.)

La multiplication des informations communiquées aux autorités de régulation étrangères va mécaniquement entraîner une sollicitation supplémentaire de nos propres autorités, qu’il s’agisse de l’Autorité des marchés financiers, de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ou du service de l’information stratégique et de la sécurité économique (Sisse).

Il me paraît donc nécessaire d’insister sur l’importance de la mission de filtrage confiée à ces autorités ; or les moyens dont celles-ci doivent disposer à cette fin n’apparaissent pas dans le texte.

Il s’agit d’un point de vigilance, messieurs les rapporteurs, monsieur le ministre, que l’absence d’avis du Conseil d’État et d’étude d’impact ne permet pas de résoudre et qu’il est pourtant nécessaire de préciser.

C’est la raison pour laquelle j’attire l’attention du ministre sur ce point et, plus encore, sur la nécessité d’un engagement du Gouvernement à apporter ces moyens supplémentaires indispensables, par voie réglementaire ou à l’occasion de la prochaine loi de finances.

Il serait intéressant que vous vous prononciez sur ce point, monsieur le ministre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Il a déjà été annoncé par notre collègue : avis défavorable. (Sourires.) Néanmoins, une explication s’impose s’agissant d’un amendement d’appel.

Certes, nous nous éloignons un peu du sujet de la compétitivité des entreprises françaises. Soyons très clairs, nous allons en effet transmettre des informations aux autorités de contrôle des marchés étrangers.

L’article 4 a pour objet de permettre à des sociétés de gestion françaises d’accéder au plus grand marché de gestion d’actifs au monde : le marché américain. Elles ne peuvent le faire que s’il existe un accord avec l’autorité de régulation américaine, la Securities and Exchange Commission (SEC).

Sans cet échange d’informations, ces sociétés se trouveraient exclues du marché américain, raison pour laquelle cet article a été adopté en commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Monsieur le sénateur, des sociétés de gestion françaises sont aujourd’hui obligées de transmettre des informations à des autorités de supervision financière étrangères, alors que les autorités de supervision françaises leur interdisent de les transmettre. De fait, elles se retrouvent interdites de faire des affaires dans des pays dont certains représentent des marchés extrêmement importants pour elles.

Cette dérogation ne concerne évidemment que des informations liées aux impératifs de supervision financière et en aucun cas des informations de type industriel ou autres, qui mettraient en danger le secret des affaires.

Je suggère donc de conserver cet article et de discuter du budget de l’Autorité des marchés financiers à l’occasion du projet de loi de finances, comme nous le faisons chaque année.

M. le président. Monsieur Reichardt, l’amendement n° 47 rectifié bis est-il maintenu ?

M. André Reichardt. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 47 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’article 4.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France
Après l’article 5

Article 5

(Non modifié)

L’article L. 423-1 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :

« Art. L. 423-1. – Une communication promotionnelle ne peut être adressée, sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, par un opérateur de marché d’un État qui n’est pas partie à l’accord sur l’Espace économique européen à des investisseurs non professionnels établis ou résidant en France afin de les inciter à devenir membres ou clients de son marché, à agir directement sur celui-ci ou à conclure des transactions portant sur des instruments financiers, sauf lorsque ledit marché a été reconnu dans des conditions définies par décret. »

M. le président. L’amendement n° 31, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Ce texte vise à renforcer la possibilité pour les gestionnaires d’actifs étrangers de faire la promotion de leurs produits auprès de M. et Mme Tout-le-Monde dans notre pays.

Permettez-moi de vous lire le début d’un article des Échos – mon journal de chevet, comme vous le savez (Sourires.) –, paru aujourd’hui. Il commence très fort : « Cocorico ! La France est le premier marché de la gestion d’actifs – c’est écrit en anglais dans l’article, mais nous sommes ici au Parlement français, nous parlons donc la langue de Molière – pour l’Europe continentale. Avec 4 589 milliards d’euros d’actifs sous gestion, l’Hexagone est loin devant la Suisse, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Italie, d’après les derniers chiffres de l’association européenne de l’industrie de la gestion d’actifs, l’Efama. De quoi attiser les appétits de bien des maisons de gestion étrangères. » Je crois que tout est dit.

Pourquoi une telle mesure ? Pourquoi un tel intérêt des acteurs étrangers pour le marché français de l’épargne, considéré comme le premier marché d’Europe ? Il faut un associé du désormais célèbre cabinet de conseil McKinsey, cité dans le même article, pour rappeler que les équipes commerciales se tournent d’abord vers les acteurs institutionnels, mais que « les frais facturés sur les mandats, en particulier, sont très peu rémunérateurs. D’où l’appétence pour la clientèle individuelle qui, elle, ne représente que 30 % des volumes, mais 40 % des revenus. »

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. J’entends bien votre préoccupation, monsieur le sénateur, même si je ne lis pas tous les jours le même journal que vous… (Nouveaux sourires.) J’ai moi aussi une obsession : la protection de l’épargnant.

Aujourd’hui, une société étrangère de gestion peut vendre ses produits en France sans être agréée par l’Autorité des marchés financiers et sans respecter les règles françaises. Il lui suffit de s’enregistrer à Chypre, par exemple, comme le font de nombreuses sociétés. Elle relève alors de l’autorité chypriote de régulation des marchés financiers et peut vendre librement ses produits en France.

Si nous supprimions l’article 4, nous nous priverions d’une possibilité de contrôle. Je préfère, pour ma part, que les sociétés étrangères qui vendent des produits en France soient agréées et régulées par l’AMF plutôt que par une autorité étrangère.

C’est la raison pour laquelle je suis favorable à l’article 4 et défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 31.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 51, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Le I de l’article L. 421-10 est ainsi modifié :

a) Le troisième alinéa est supprimé ;

b) Au quatrième alinéa, les mots : «, qui les approuve après avoir effectué les vérifications prévues à l’alinéa précédent » sont supprimés ;

2° Le deuxième alinéa de l’article L. 424-2 est supprimé ;

3° Le troisième alinéa de l’article L. 425-2 est supprimé ;

4° Le livre VII est ainsi modifié :

a) La septième ligne du tableau du I des articles L. 762-4, L. 763-4 et L. 764-4 est ainsi rédigée :

« 

L. 421-10

la loi n° 2024-… du … 2024

 » ;

b) La troisième ligne du tableau des articles L. 762-5, L. 763-5 et L. 764-5 est ainsi rédigée :

«

L. 424-2

la loi n° 2024-… du … 2024

 » ;

c) La troisième ligne du tableau du I des articles L. 762-6, L. 763-6 et L. 764-6 est ainsi rédigée :

«

L. 425-2

la loi n° 2024-… du … 2024

 ».

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous souhaitons supprimer la pré-approbation des modifications de règles de fonctionnement des marchés, qui constitue une surtransposition : elle s’ajoute aux obligations européennes et complexifie de manière excessive la réglementation.

L’AMF serait bien évidemment toujours notifiée des modifications du marché réglementé et conserverait l’intégralité de son pouvoir de contrôle et de sanction.

Cette suppression allégerait sa charge et lui permettrait de redéployer des moyens vers l’agrément et la supervision de nouveaux acteurs financiers, répondant ainsi à l’une des préoccupations évoquées par M. le sénateur voilà quelques instants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. La commission est défavorable à ce passager clandestin. Ces dispositions n’ont rien à voir avec l’article 5 et tentent de s’y glisser discrètement. Cependant, elles n’ont pas trompé la vigilance de la commission : avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 51.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 5.

(Larticle 5 est adopté.)

Article 5
Dossier législatif : proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France
Article 5 bis

Après l’article 5

M. le président. L’amendement n° 41 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus et Malhuret, Mme Bourcier, MM. Brault et Chasseing, Mme L. Darcos, M. Grand, Mme Lermytte et MM. V. Louault, A. Marc, Rochette et Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du d du 1° de l’article L. 432-2 du code des assurances, après les mots : « pays étrangers » sont insérés les mots : « , y compris les jeunes entreprises innovantes mentionnées à l’article 44 sexies-0 A du code général des impôts, ».

La parole est à M. Jean-Luc Brault.

M. Jean-Luc Brault. Cet amendement vise à rendre les jeunes entreprises innovantes éligibles à la garantie pour les projets stratégiques de Bpifrance, qui s’avère déterminante pour soutenir leur ouverture internationale.

Nombre d’entre elles nous ont indiqué qu’elles n’y avaient pas accès ; il apparaît donc pertinent de les en faire bénéficier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Cette proposition nous semble satisfaite par le droit existant : une jeune entreprise innovante a déjà accès à la garantie de Bpifrance. Peut-être le Gouvernement pourra-t-il nous le confirmer.

Je ne comprends pas bien quel est l’objet de cet amendement, dont je demande le retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le rapporteur a raison : l’ensemble des entreprises françaises dont les projets remplissent les critères d’octroi sont éligibles à la garantie des projets stratégiques, dont les jeunes entreprises innovantes.

L’amendement proposé étant sans effet, je vous demanderai, monsieur Brault, de bien vouloir le retirer.

M. le président. Monsieur Brault, l’amendement n° 41 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Luc Brault. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 41 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 38 rectifié est présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus et Malhuret, Mme Bourcier, MM. Brault et Chasseing, Mme L. Darcos, M. Grand, Mme Lermytte et MM. V. Louault, A. Marc, Rochette et Wattebled.

L’amendement n° 45 est présenté par MM. Canévet et Delcros, Mme Havet, M. Bonnecarrère, Mmes Jacquemet et N. Goulet, MM. Kern, Hingray et Bleunven, Mmes Billon et O. Richard et MM. Courtial, P. Martin et J.M. Arnaud.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Après le 2° de l’article L. 227-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Au 1° de l’article L. 411-2-1 du même code, si l’offre de titres financiers est proposée par une infrastructure de marché DLT au sens du règlement (UE) 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, et modifiant les règlements (UE) n° 600/2014 et (UE) n° 909/2014 et la directive 2014/65/UE. » ;

2° Le troisième alinéa de l’article L. 227-2-1 est complété par les mots : « ou au 1° de l’article L. 411-2-1 du même code dans les conditions prévues à l’article L. 227-2 et portant sur ses titres de capital ».

La parole est à M. Jean-Luc Brault, pour présenter l’amendement n° 38 rectifié.

M. Jean-Luc Brault. Cet amendement vise à permettre aux sociétés par actions simplifiées (SAS) de procéder à une offre au public de titres financiers, lorsque cette offre repose sur une infrastructure de marché reposant sur la technologie des registres distribués (DLT), au sens du règlement européen sur le régime pilote en la matière.

La France a déjà adapté sa réglementation pour permettre aux SAS de participer au financement participatif, reconnaissant ainsi leur rôle essentiel dans l’économie.

L’exclusion actuelle des SAS du régime pilote DLT va à l’encontre de cette tendance. Elle compromet les objectifs de l’Union européenne en matière d’innovation financière et de soutien aux PME.

Je précise qu’il s’agit là d’une expérimentation. Il est question non pas de renverser la table, mais simplement de permettre à des entreprises innovantes d’accéder à de nouveaux modes de financement.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l’amendement n° 45.

M. Michel Canévet. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Le changement serait majeur et porterait sur le droit des sociétés, même s’il est prévu que cela se fasse dans le cadre d’une expérimentation. Il est trop radical de permettre aux entreprises de changer ainsi de statut ; si elles veulent être cotées en bourse, elles doivent choisir la forme d’une société anonyme, par exemple.

La commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 38 rectifié et 45.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Après l’article 5
Dossier législatif : proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France
Après l’article 5 bis

Article 5 bis

À la première phrase du 2° de l’article L. 341-3 du code monétaire et financier, après le mot : « travail », sont insérés les mots : « ou des dispositifs relevant de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre IV du titre II du livre II du présent code ».

M. le président. L’amendement n° 32, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Cet article prévoit d’étendre l’autorisation de démarchage bancaire et financier aux entreprises qui proposent des plans d’épargne retraite d’entreprise ou collectifs.

Nous sommes là au cœur du sujet : si nous ne supprimons pas cet article, nous autoriserons la promotion par la publicité et par des sollicitations nombreuses de plans d’épargne retraite financiarisés auprès des salariés.

Nous sommes fermement opposés à un tel projet, qui rouvre le débat que nous avions eu lors de la réforme des retraites. La protection sociale doit suffire pour prévenir le risque vieillesse : c’est là une conviction politique.

Les dispositifs existants comme le plan d’épargne pour la retraite collectif (Perco) et son nouvel acolyte, destiné à le remplacer, le plan d’épargne retraite d’entreprise collectif (Pereco), peinent à convaincre, et pour cause : seulement la moitié de la population française assujettie à l’impôt sur le revenu cotise à un plan d’épargne retraite, du fait de l’avantage fiscal lié aux versements. Il faut savoir reconnaître les échecs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Il n’y a déjà pas grand-chose dans le texte ; qu’en restera-t-il si vous supprimez tous les articles ? (Sourires.)

M. Roland Lescure, ministre délégué. Ce n’est pas très gentil !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Je me permets de porter cette attaque directe contre le ministre, car il vient de me dire que l’oubli venait de lui…

La publicité est déjà autorisée pour les Perco, mais il semble que les Pereco aient été oubliés. Le sujet est technique, mais il suffirait à mon sens de le traiter dans un amendement de coordination : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Dans le passé, j’ai eu l’honneur d’être l’un des rapporteurs de la loi Pacte, dans le cadre de laquelle les PER ont été créés en remplacement des Perco. Ceux-ci pouvaient donner lieu à des démarchages, comme pour les PER. Nous avons oublié de mentionner les Pereco dans la loi Pacte : dont acte et mea culpa.

L’adoption d’un amendement de coordination permettrait de corriger cet oubli. Le démarchage est bien évidemment soumis à toutes les règles de déontologie habituelles, dont les tests d’adéquation au devoir de conseil.

Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 32.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 5 bis.

(Larticle 5 bis est adopté.)

Article 5 bis
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Article 6

Après l’article 5 bis

M. le président. L’amendement n° 54, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 5 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le II de l’article 163 bis G du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : «, incessibles et émis dans les conditions prévues aux articles L. 228-91 et L. 228-92 du code de commerce, » sont supprimés ;

2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« L’émission de ces bons, incessibles, est autorisée par l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires conformément aux articles L. 225-129 à L. 225-129-6 du code de commerce. Celle-ci se prononce sur le rapport du conseil d’administration ou du directoire et sur le rapport spécial du commissaire aux comptes.

« Lorsque ces bons sont attribués aux membres du conseil d’administration, du conseil de surveillance ou, en ce qui concerne les sociétés par actions simplifiées, de tout organe statutaire équivalent, les membres bénéficiaires ne peuvent participer à la décision de l’organe statuant sur l’opération. »

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Cet amendement vise à clarifier le régime d’émission des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise, les BSPCE.

Alors qu’ils sont attribués intuitu personae et qu’ils sont incessibles, car il ne s’agit pas de valeurs mobilières, le renvoi actuel au code de commerce est interprété par certains praticiens comme soumettant globalement les BSPCE au même régime que celui, contraignant, des valeurs mobilières. La charge administrative qui s’ensuit est d’autant plus lourde pour les émetteurs que les attributeurs de BSPCE sont larges, ce qui contrevient à l’objectif de favoriser l’actionnariat salarié.

Le présent article vise donc à remplacer ce renvoi inopportun par une procédure d’émission classique, autorisée par l’assemblée générale extraordinaire, plus claire et source de sécurité juridique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Sur la forme, il y a deux poids, deux mesures : le ministre s’est opposé à un amendement de la commission visant les PEA-PME au motif que la mesure touchait au code général des impôts ; or tel est bien le cas de celui-ci…

Toutefois, sur le fond, la commission y est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 54.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 16 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Masset, Bilhac et Laouedj et Mme Pantel, est ainsi libellé :

Après l’article 5 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 1er de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La présente loi ne s’applique pas lorsque l’opération visée aux 1°, 2°, 4° et 5° du présent article est d’une valeur supérieure à cinq millions d’euros et est réalisée par un prestataire de service d’investissement français ou étranger visé aux articles L. 532-18 ou L. 532-18-1 du code monétaire et financier. »

La parole est à M. Michel Masset.

M. Michel Masset. Cet amendement vise à supprimer le doublon de contraintes administratives pesant sur les prestataires de services d’investissement (PSI) qui fournissent des activités de conseil en fusions-acquisitions sur des sous-jacents immobiliers, du fait de la loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dite loi Hoguet.

Ces contraintes ne sont en effet pas adaptées aux PSI, qui sont déjà soumis à des obligations très importantes en matière de protection de la clientèle. Il s’agit donc de délimiter la responsabilité de ces derniers, dans un souci de simplification et sans remise en cause des règles de protection de la clientèle qui s’imposent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur ce sujet particulièrement technique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous comprenons l’objectif que visent les auteurs de cet amendement en prévoyant de suspendre les règles applicables aux agents immobiliers pour les PSI. Cependant, cet amendement ayant été déposé tardivement, le Gouvernement n’a pas encore eu le temps d’en examiner le dispositif en détail.

Le conseil en investissement sur les produits financiers et le conseil dans le domaine des opérations immobilières constituent deux activités très différentes, qui doivent continuer de faire l’objet d’un encadrement spécifique. Oui à la simplification, mais cette mesure nécessite d’être examinée dans le cadre d’une réforme transversale afin de cibler les dispositions allant dans le sens de la débureaucratisation en les distinguant de celles qui pourraient fragiliser la protection des investisseurs.

Je demande le retrait de cet amendement, sachant que le Gouvernement s’engage à travailler sur ce sujet important dans un cadre plus large.

M. le président. Monsieur Masset, l’amendement n° 16 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Michel Masset. Non, je le retire, monsieur le président. J’ai entendu l’engagement du ministre à travailler sur le sujet prochainement.

M. le président. L’amendement n° 16 rectifié bis est retiré.

L’amendement n° 52, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 5 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnances, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de créer un régime de fractionnement des instruments financiers, notamment en :

1° Définissant les modalités de fractionnement d’un instrument financier ;

2° Définissant un régime de propriété pour l’acquisition et la détention des instruments financiers fractionnés ;

3° Étendant les droits associés aux différentes catégories d’instruments financiers dans les cas de fractionnement ;

4° Adaptant les règles de commercialisation et la négociation des instruments financiers aux fins de préciser leur application en cas de fractionnement d’un instrument financier ;

5° Déclinant le régime de protection des investisseurs pour prendre en compte le fractionnement d’instruments financiers ;

6° Étendant à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions prises sur le fondement du 1°, 2° et 3° du présent article, pour celles qui relèvent de la compétence de l’État, et prévoir, le cas échéant, les adaptations nécessaires en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le sénateur Bocquet a déjà fait référence à cet amendement, lorsqu’il a accusé le Gouvernement de vendre des « bouts d’action », ou des morceaux d’action, aux épargnants.

Bien évidemment, tel n’est pas l’objet de notre amendement, qui vise surtout à permettre aux épargnants et aux actionnaires individuels d’acheter des parts d’action dont la valeur nominale est importante.

Une action Thalès vaut au moins 150 euros, une action LVMH près de 800 euros et une action Hermès plus de 2 000 euros. Pourquoi les petits épargnants n’auraient-ils pas accès à ce type d’actions ? Vous reconnaîtrez que cela est bien dommage. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Thomas Dossus sesclaffe.)

M. Jean-François Husson. Il y a un problème éthique.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le fractionnement des actions, qui existe sur d’autres places boursières, permet à des actionnaires individuels d’acheter ce type d’actions en étalant leur achat dans le temps, parfois sur une année, de manière à mieux diversifier le risque temporel, ou bien, à l’inverse, d’acheter des paniers de fractions d’actions, grâce auxquels ils pourront diversifier leur risque dans l’espace.

Nous proposons que cette mesure, certes un peu technique, fasse l’objet d’une demande d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour développer un régime de fractionnement d’actions et d’instruments financiers en France. Elle sera utile pour favoriser l’actionnariat individuel populaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Le fractionnement d’actions existe déjà dans les faits, mais pas en droit. Certains sites vendent ainsi un dixième de l’action x ou y sans que l’acheteur sache clairement ce qu’il acquiert : par exemple, celui qui achète 10 % d’une action Hermès ou d’une action Air Liquide aura-t-il 10 % du droit de vote ou bien n’acquiert-il qu’un dérivé d’action ? Ces ventes s’exercent dans une sorte de zone grise, n’étant ni interdites ni réglementées.

Je suis donc favorable à ce que cette pratique, qui existe dans notre pays et qui répond à une demande de certains épargnants, notamment les plus jeunes, soit réglementée et encadrée, afin de clarifier la valeur du produit acheté.

Ce sujet hautement technique doit prochainement faire l’objet de recommandations formulées par un groupe de travail du Haut Comité juridique de la place financière de Paris. Ce sera sans doute l’occasion d’accorder au Gouvernement la possibilité de légiférer par ordonnance.

Les textes financiers que nous examinons dans cette assemblée ne sont pas si nombreux. Mieux vaut introduire dans le droit ce qui existe déjà dans les faits plutôt que de se voiler la face en laissant se développer une zone grise.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Si je peux vous donner un conseil, monsieur le ministre, n’allez pas proposer à des salariés pauvres de « fractionner le risque temporel » de leur apport à l’action dans l’entreprise ! Avec de tels éléments de langage, vous risquez de provoquer un désordre social total dans le pays. (Sourires.)

En réalité, vous ne faites que proposer d’acheter des actions à la découpe. Voilà la mesure que le Gouvernement tente d’introduire en catimini, au détour d’un amendement, qui s’inscrit d’ailleurs en cohérence avec de nombreuses autres mesures du texte. L’objectif est clair : il s’agit de dire aux Français qu’ils peuvent investir en bourse dès le premier euro qu’ils gagnent. C’est magnifique ! Je vois que Christine Lavarde a le sourire jusqu’aux oreilles rien qu’à l’idée de cette éducation populaire à la haute finance. (Sourires.) En effet, il s’agit vraiment là d’un projet de droite.

Les salariés pauvres, qui seront obligés d’acheter des fractions d’actions LVMH ou autres, se verront-ils proposer la rémunération du capital en possédant une fraction d’action de 50 euros ? Êtes-vous bien sérieux, monsieur le ministre ?

Avec tout le respect que je vous dois, une telle proposition est insolente ! (M. le ministre délégué proteste.) Il est insolent de dire à des salariés pauvres qu’ils pourront désormais acquérir des actions pour quelques dizaines d’euros. Certes, ils les auront, mais sans aucun pouvoir de décision, vous en conviendrez. Vous savez très bien qu’imaginer peser sur les décisions d’investissement avec ce type d’actions sur les marchés financiers frôle le ridicule.

En commission, le rapporteur, qui connaît le sujet bien mieux que moi, avait fait valoir l’argument selon lequel il existait déjà un moyen de fractionner des produits financiers, qu’il s’agisse de l’investissement ou de la rentabilité : les cryptomonnaies le permettent.

Franchement, vous ne pouvez pas considérer les salariés les plus pauvres et les plus précaires comme des quarts d’actionnaires.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Sans vouloir prolonger le débat, au travers de cet amendement, nous n’obligeons personne à faire quoi que ce soit, non plus que nous n’humilions qui que ce soit.

Nous permettons seulement de faire en France ce qui existe déjà à l’étranger. Qu’il soit riche ou pauvre, jeune ou vieux, chacun peut déjà acheter un quart d’action LVMH sur la place de Francfort ou ailleurs. Je souhaite que cela soit désormais possible aussi sur la place de Paris, dans un cadre régulé et suivi par l’Autorité des marchés financiers.

Cela contribuera en effet à développer l’éducation à la haute finance. Certains jeunes investissent déjà de petites sommes sur les marchés et en profitent pour s’éduquer à l’épargne et pour se constituer un pécule, qui leur servira ensuite à s’installer. Il n’y a là rien d’insultant.

Au contraire, l’épargne populaire est une grande idée, portée depuis longtemps, qu’il faut continuer de développer en France.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 52.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 5 bis.

L’amendement n° 8, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 5 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le titre Ier de la présente loi ne s’applique pas aux entreprises qui ne prévoient pas la possibilité au sein de leur accord de branche et/ou de leurs accords d’entreprise d’indexer leur salaire minimal en vigueur au sein de l’entreprise sur la valeur du salaire minimum de croissance au dernier trimestre de l’année.

II. – Le titre Ier de la présente loi ne s’applique pas aux entreprises, fiscalement domiciliées en France et soumises à l’obligation de déclaration de performance extra-financière prévue à l’article L. 225-102-1 du code de commerce, qui délocalisent et transfèrent volontairement à l’étranger une partie ou de la totalité de leurs activités s’accompagnant d’une diminution du nombre d’emplois en France, que ce soit au travers de filiales appartenant à la même entreprise ou par l’intermédiaire de sous-traitants auprès d’entreprises non affiliées.

III. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Il s’agit d’un autre amendement « populaire ».

Cette proposition de loi vise à mettre en œuvre tout un panel de nouveaux outils pour soutenir le financement des entreprises, ou bien plutôt, en réalité – comme nous venons de le voir ! –, pour accentuer la financiarisation. Comme toutes les mesures proposées par le Gouvernement depuis plusieurs années, ces outils ne font l’objet d’aucune contrepartie, notamment en matière sociale ; or les enjeux sont nombreux, en particulier sur les salaires.

En effet, malgré la récente revalorisation du salaire minimum, trop de branches affichent encore des minima professionnels en deçà des seuils. Cela signifie que des milliers de travailleurs, même après des années d’expérience et de progression dans leur carrière, se retrouvent plafonnés au salaire minimum. Cette situation est inacceptable au regard non seulement du pouvoir d’achat, mais aussi de la reconnaissance au travail.

C’est pourquoi nous proposons d’exclure du bénéfice des mesures du titre Ier de cette proposition de loi les entreprises qui ne prévoient pas l’indexation de leur salaire minimal conventionnel sur le Smic et qui délocalisent leurs activités à l’étranger.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Je ne vois pas ce qu’apporterait l’exclusion du bénéfice des mesures du titre Ier, sous prétexte de conditionnalité. Nous en avons déjà parlé : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 5 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le titre Ier de la présente loi ne s’applique pas aux entreprises, fiscalement domiciliées en France et soumises à l’obligation de déclaration de performance extra-financière prévue à l’article L. 225-102-1 du code de commerce, qui ne se sont pas subordonnées à la souscription d’engagements annuels en matière de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre et qui n’ont pas publié, au plus tard le 1er juillet de chaque année, et à partir du 1er juillet 2025, une trajectoire de dé-plastification au sein de son plan de vigilance défini à l’article 1er de la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre.

II. – Les engagements mentionnés au I doivent être cohérents avec une trajectoire minimale de réduction des émissions de gaz à effet de serre définie pour la période 2020-2030 qui doit être compatible avec le plafond national des émissions de gaz à effet de serre défini par secteurs en application de l’article L. 222-1 A du code de l’environnement ainsi qu’avec l’accord de Paris.

III. – À compter du 1er janvier 2024, les entreprises ayant souscrit les engagements mentionnés au I publient, au plus tard le 1er avril de chaque année, un rapport annuel sur le respect de leurs obligations climatiques. Il présente le bilan de leurs émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre au cours de l’exercice clos ainsi que leur stratégie de réduction de ces émissions, assortie d’un plan d’investissement, pour les cinq exercices suivants. Le bilan précité est établi conformément à une méthodologie reconnue par l’Agence de la transition écologique.

IV. – Le non-respect, par les entreprises mentionnées au I, de l’obligation de publication du rapport annuel sur le respect de leurs obligations climatiques prévue au II est passible d’une sanction d’un montant égal à 375 000 €.

V. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Cet amendement est lui aussi de conditionnalité, mais cette fois-ci de conditionnalité verte.

Monsieur le ministre, vous vous êtes laissé aller à nous présenter cette proposition de loi comme un levier pour l’économie verte, sans qu’aucune condition de nature écologique figure dans le texte.

Nous vous proposons donc de conditionner les avantages accordés aux entreprises à des engagements climatiques contraignants et à l’adoption de plans de « déplastification ».

Nous souhaitons que toutes les entreprises bénéficiant des avantages prévus dans ce texte soient soumises à l’obligation de publier un bilan carbone complet, d’élaborer une stratégie climatique alignée sur une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de présenter un plan d’investissement pour mettre en œuvre cette stratégie.

En cas de non-respect de ces engagements, et pour garantir une certaine efficacité de la mesure, nous prévoyons des pénalités financières.

L’objectif principal que nous défendons au travers de cet amendement est de promouvoir une transition écologique effective des entreprises que vos effets d’annonce dans la discussion générale ne suffiront pas à mettre en œuvre. Nous soulignons également l’urgence de réduire l’utilisation du plastique compte tenu de son impact croissant sur les écosystèmes et la santé humaine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. La directive CSRD sur le reporting de durabilité des entreprises (Corporate Sustainability Reporting Directive), qui entre en vigueur à partir de l’exercice 2024, retient déjà les conditions que vous prévoyez. Votre amendement est donc satisfait.

De plus, son adoption ajouterait une complexité administrative pour les entreprises concernées.

Le Gouvernement y est donc doublement défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(Lamendement nest pas adopté.)

TITRE II

FACILITER LA CROISSANCE À L’INTERNATIONAL DES ENTREPRISES FRANÇAISES PAR LA DÉMATÉRIALISATION DES TITRES TRANSFÉRABLES

Après l’article 5 bis
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Article 7

Article 6

I. – Constitue un titre transférable l’écrit qui représente un bien ou un droit et qui donne à son porteur le droit de demander l’exécution de l’obligation qui y est spécifiée ainsi que celui de transférer ce droit.

Les titres transférables comprennent :

1° Les lettres de change et les billets à ordre régis par le titre Ier du livre V du code de commerce ;

2° Les récépissés et les warrants régis par la section 4 du chapitre II du titre II du même livre V ;

3° Les connaissements maritimes à ordre ou au porteur régis par la section 2 du chapitre II du titre II du livre IV de la cinquième partie du code des transports ;

4° Les connaissements fluviaux négociables régis par l’article 13 de la convention de Budapest relative au contrat de transport de marchandises en navigation intérieure (CMNI), faite le 22 juin 2001 ;

5° Les polices d’assurance de dommages et de personnes à ordre ou au porteur régies par le chapitre II du titre Ier du livre Ier du code des assurances ;

6° Les polices d’assurance maritime, aérienne et aéronautique, fluviale et lacustre, sur marchandises transportées par tous modes et de responsabilité civile spatiale régies par le chapitre II du titre VII du même livre Ier, lorsqu’elles ont été convenues à ordre ou au porteur ;

7° Les bordereaux de cession ou de nantissement de créances professionnelles régis par la sous-section 1 de la section 3 du chapitre III du titre Ier du livre III du code monétaire et financier, lorsque ces bordereaux sont stipulés à ordre ;

8° Tout autre écrit, à ordre ou au porteur, répondant à la définition prévue au premier alinéa du présent I, à l’exception de ceux mentionnés au II.

II. – Le présent titre ne s’applique pas :

1° Aux instruments financiers régis par le titre Ier du livre II du code monétaire et financier ;

2° Aux chèques bancaires et postaux régis par le chapitre Ier du titre III du livre Ier du même code ;

2° bis (nouveau) Aux bons de caisse régis par le chapitre III du titre II du livre II dudit code ;

3° Aux titres spéciaux de paiement dématérialisés régis par l’article L. 525-4 du même code ;

4° Aux titres à ordre régis par l’article L. 143-18 du code de commerce ;

5° Aux reçus d’entreposage mentionnés à l’article L. 522-37-1 du même code ;

6° Aux copies exécutoires représentant des créances hypothécaires à ordre régies par la loi n° 76-519 du 15 juin 1976 relative à certaines formes de transmission des créances – (Adopté.)

Article 6
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Article 8

Article 7

I. – Le titre transférable mentionné au I de l’article 6 peut être établi, signé et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1366 et 1367 du code civil. Le titre transférable électronique est transféré, remis, présenté et modifié selon une méthode fiable remplissant les objectifs prévus au I de l’article 8 de la présente loi.

II. – (Non modifié) Le porteur du titre transférable électronique est celui qui dispose, pour lui-même ou pour un tiers, de son contrôle exclusif. Ce contrôle lui permet d’exercer les droits conférés par ce titre, de le modifier ou de le faire modifier et de le transférer, dans les conditions prévues au présent titre.

III. – (Non modifié) Les mentions, tel l’endos, l’acceptation, l’aval ou toute autre modification, susceptibles d’être apposées sur le titre peuvent figurer à tout emplacement approprié du titre transférable électronique si leur nature et leur objet ressortent sans ambiguïté de leurs termes.

IV. – (Non modifié) La présentation ou la remise d’un titre transférable électronique est effectuée par tout moyen de communication électronique à l’adresse électronique indiquée par le destinataire. Cette présentation ou cette remise peut également être réalisée en communiquant l’information permettant l’accès au titre transférable électronique.

Cette présentation ou cette remise est effective si le destinataire en accuse réception par tout moyen ou, en l’absence d’avis de réception, s’il peut se déduire de son comportement une telle présentation ou remise.

V. – Le transfert ou le nantissement des droits conférés par le titre transférable électronique par l’endossement ou par la simple remise de ce titre s’opère par le transfert du contrôle exclusif exercé sur ce titre.

L’endos en blanc du titre transférable électronique suppose que son porteur soit identifié comme la personne qui en a le contrôle exclusif.

VI. – (Non modifié) Toute apposition de tampon, de cachet, de griffe ou d’un autre signe distinctif effectuée en sus d’une signature sur un titre transférable sur support papier peut être effectuée sur un titre transférable électronique par l’apposition horodatée d’une image reproduisant fidèlement ledit tampon, cachet ou signe distinctif ou ladite griffe – (Adopté.)

Article 7
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Article 9

Article 8

I. – Le titre transférable électronique a les mêmes effets que le titre transférable établi sur support papier lorsqu’il contient les informations requises pour un titre transférable établi sur support papier et qu’une méthode fiable est employée pour :

1° Identifier le titre électronique comme le titre transférable ;

2° Identifier le porteur comme la personne qui en a le contrôle exclusif ;

3° Établir le contrôle exclusif du porteur sur ce titre transférable électronique ;

4° Identifier ses signataires et ses porteurs successifs, depuis sa création jusqu’au moment où il cesse de produire ses effets ou d’être valable ;

5° Préserver son intégrité et attester des éventuelles modifications qui lui sont apportées, telles des adjonctions, biffures ou radiations permises par la loi, les coutumes, les usages ou la convention des parties, depuis sa création jusqu’au moment où il cesse de produire ses effets ou d’être valable. L’intégrité s’apprécie, au regard de l’article 1366 du code civil, en déterminant si les informations contenues dans le titre, y compris ces éventuelles modifications, sont restées complètes et inchangées.

II. – (Non modifié) Le titre transférable sur support papier peut être converti sur un support électronique et inversement dans les conditions prévues par les obligés et les titulaires de droits en vertu du titre. Un titre transférable peut toutefois être créé avec la mention qu’il ne peut être convertible sur un autre support.

Le changement de support n’opère pas novation et n’altère ni les obligations ou les droits respectifs des signataires, des porteurs ou des personnes ayant le contrôle exclusif du titre, ni ses effets envers les tiers.

Le titre converti conserve, en tant que de raison, les propriétés du titre initial et porte mention de cette conversion sur le nouveau support. L’ancien support cesse d’être valable à compter de l’émission du nouveau support.

III. – (Non modifié) Les conditions d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État.

M. le président. L’amendement n° 55, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Assurer l’unicité du titre transférable électronique ;

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Cet amendement d’ordre assez technique vise à garantir le caractère original du titre transférable électronique. Nous prévoyons donc que les méthodes fiables, qui permettent de transférer, remettre et modifier le titre, garantiront que celui-ci ne pourra pas être dupliqué, à l’inverse par exemple d’un document au format pdf.

Il convient que les méthodes fiables, dont les caractéristiques sont exposées dans cet article, garantissent l’unicité du titre transférable électronique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 55.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 37 n’est pas soutenu.

Je mets aux voix l’article 8, modifié.

(Larticle 8 est adopté.)

Article 8
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Article 10

Article 9

I. – Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 511-1, il est inséré un article L. 511-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 511-1-1. – La lettre de change peut être établie, signée, transférée, présentée, remise, modifiée et conservée sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 7 et 8 de la loi n° … du … visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France.

« La section 12 du présent chapitre ne s’applique pas à la lettre de change électronique.

« L’acte qui doit être accompli au domicile d’une personne l’est dans les conditions prévues au IV de l’article 7 de la loi n° … du … précitée. » ;

2° Après l’article L. 512-1, il est inséré un article L. 512-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 512-1-1. – Le billet à ordre peut être établi, signé, transféré, présenté, remis, modifié et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 7 et 8 de la loi n° … du … visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France.

« L’article L. 511-1-1 relatif à la lettre de change électronique s’applique au billet à ordre électronique en tant qu’il n’est pas incompatible avec la nature de ce titre. » ;

3° Après l’article L. 522-27, il est inséré un article L. 522-27-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 522-27-1. – Le récépissé et le warrant peuvent être établis, signés, transférés, modifiés et conservés sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 7 et 8 de la loi n° … du … visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France.

« Le registre à souche mentionné aux articles L. 522-25 et L. 522-27 est tenu sous forme électronique selon une méthode fiable, dont un décret en Conseil d’État définit les caractéristiques.

« Il ne peut être délivré de récépissé électronique si le warrant est établi sur support papier, ni de warrant électronique si le récépissé est établi sur support papier. »

II. – (Non modifié) L’article L. 313-23 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le bordereau, lorsqu’il est stipulé à ordre, peut être établi, signé, transféré et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 7 et 8 de la loi n° … du … visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France. »

III. – (Non modifié) L’article L. 5422-3 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le connaissement peut être établi, signé, transféré, modifié, conservé et remis sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 7 et 8 de la loi n° … du … visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France. »

IV. – (Non modifié) L’article L. 112-5 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La police, lorsqu’elle est à ordre ou au porteur, peut être établie, signée, transférée, modifiée et conservée sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 7 et 8 de la loi n° … du … visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France. – (Adopté.)

TITRE III

MODERNISER, SIMPLIFIER ET RENFORCER L’ATTRACTIVITÉ DU DROIT EN FAVEUR DE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE

Article 9
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Article 10 bis A (nouveau)

Article 10

I. – (Non modifié) La seconde phrase de l’article 1853 du code civil est complétée par les mots : « , y compris par voie électronique, selon les délais et modalités qu’ils définissent ».

II. – Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Au second alinéa de l’article L. 221-6, après le mot : « écrite », sont insérés les mots : « , y compris par voie électronique, selon les délais et modalités qu’ils définissent, » ;

2° L’article L. 223-27 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

– à la seconde phrase, les mots : « qu’à l’exception de celles prévues au premier alinéa de l’article L. 223-26 » sont remplacés par le mot : « que » ;

– sont ajoutés les mots et une phrase ainsi rédigée : « , y compris, dans ces cas, par voie électronique, selon les délais et modalités qu’ils définissent. Les statuts peuvent admettre le vote par correspondance au moyen d’un formulaire dont les mentions sont fixées par un décret en Conseil d’État » ;

b) (nouveau) À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « visioconférence ou par des moyens » sont remplacés par les mots : « un moyen » ;

3° Le troisième alinéa de l’article L. 225-37 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « lorsque le conseil est réuni pour procéder aux opérations visées aux articles L. 232-1 et L. 233-16 et sauf disposition contraire des statuts, le règlement intérieur peut prévoir que » sont remplacés par les mots : « disposition contraire des statuts ou du règlement intérieur, » et les mots : « des moyens de visioconférence ou » sont remplacés par les mots : « un moyen » ;

b) La dernière phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Sous réserve de prévoir qu’un nombre déterminé d’administrateurs peuvent s’opposer à ce qu’il soit recouru à cette modalité, les statuts peuvent également prévoir que les décisions du conseil d’administration ou certaines d’entre elles peuvent être prises par consultation écrite des administrateurs, y compris par voie électronique, selon les délais et modalités qu’ils définissent. Les statuts peuvent admettre le vote par correspondance au moyen d’un formulaire dont les mentions sont fixées par un décret en Conseil d’État. » ;

4° Le troisième alinéa de l’article L. 225-82 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « lorsque le conseil est réuni pour procéder aux opérations visées au cinquième alinéa de l’article L. 225-68 et sauf disposition contraire des statuts, le règlement intérieur peut prévoir que » sont remplacés par les mots : « disposition contraire des statuts ou du règlement intérieur, » et les mots : « des moyens de visioconférence ou » sont remplacés par les mots : « un moyen » ;

b) La dernière phrase est remplacée par trois phrases ainsi rédigées : « Sous réserve de prévoir qu’un nombre déterminé d’administrateurs peuvent s’opposer à ce qu’il soit recouru à cette modalité, les statuts peuvent également prévoir que les décisions du conseil de surveillance ou certaines d’entre elles peuvent être prises par consultation écrite de ses membres. Dans ce cas, le président du conseil de surveillance peut décider que les membres du conseil peuvent communiquer leur réponse par message électronique à l’adresse électronique indiquée. Les statuts peuvent admettre le vote par correspondance au moyen du formulaire mentionné au I de l’article L. 225-107. » ;

5° Les deux premiers alinéas de l’article L. 225-103-1 sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :

« L’assemblée générale extraordinaire mentionnée à l’article L. 225-96, l’assemblée générale ordinaire mentionnée à l’article L. 225-98 et l’assemblée spéciale mentionnée à l’article L. 225-99 peuvent se tenir par un moyen de télécommunication permettant l’identification des actionnaires.

« Le recours à un moyen de télécommunication pour la tenue de l’assemblée générale ou de l’assemblée spéciale est indiqué dans l’avis de convocation. Sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les actionnaires qui participent à l’assemblée par des moyens de télécommunication permettant leur identification.

« Sans préjudice de l’article L. 225-107, les statuts peuvent prévoir que l’assemblée générale extraordinaire mentionnée à l’article L. 225-96, l’assemblée générale ordinaire mentionnée à l’article L. 225-98 et l’assemblée spéciale mentionnée à l’article L. 225-99 sont tenues exclusivement par un moyen de télécommunication permettant l’identification des actionnaires.

« Toutefois, pour l’assemblée générale extraordinaire mentionnée à l’article L. 225-96, un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 25 % du capital social peuvent s’opposer à ce qu’il soit recouru exclusivement aux modalités de participation à l’assemblée prévues aux trois premiers alinéas du présent article. » ;

6° L’article L. 225-107 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) Le II est abrogé ;

6° bis L’article L. 226-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sous réserve de prévoir qu’un nombre déterminé d’administrateurs peuvent s’opposer à ce qu’il soit recouru à cette modalité, les statuts peuvent également prévoir que les décisions du conseil de surveillance ou certaines d’entre elles peuvent être prises par consultation écrite de ses membres, y compris par voie électronique, selon les délais et modalités qu’ils définissent. Les statuts peuvent admettre le vote par correspondance au moyen d’un formulaire dont les mentions sont fixées par un décret en Conseil d’État. Sauf disposition contraire des statuts, la voix du président du conseil est prépondérante en cas de partage. » ;

6° ter (nouveau) À la première phrase du cinquième alinéa de l’article L. 228-61, les mots : « visioconférence ou par des moyens » sont remplacés par les mots : « un moyen » ;

7° Après l’article L. 22-10-21, il est inséré un article L. 22-10-21-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 22-10-21-1. – Nonobstant toute disposition contraire des statuts, sont réputés présents, pour le calcul du quorum et de la majorité, les membres du conseil de surveillance qui participent à la réunion par un moyen de télécommunication permettant leur identification, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État. Les statuts ou le règlement intérieur peuvent limiter la nature des décisions pouvant être prises lors d’une réunion tenue dans ces conditions. » ;

8° Après l’article L. 22-10-3, il est inséré un article L. 22-10-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 22-10-3-1. – Nonobstant toute disposition contraire des statuts, sont réputés présents, pour le calcul du quorum et de la majorité, les administrateurs qui participent à la réunion par un moyen de télécommunication permettant leur identification, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État. Les statuts ou le règlement intérieur peuvent limiter la nature des décisions pouvant être prises lors d’une réunion tenue dans ces conditions. » ;

8° bis À l’article L. 22-10-38, les mots : « visioconférence ou par des moyens » sont remplacés par les mots : « un moyen » ;

9° Après le même article L. 22-10-38, il est inséré un article L. 22-10-38-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 22-10-38-1. – Les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé assurent la retransmission en direct de l’assemblée, à moins que des raisons techniques rendent impossible ou perturbent gravement cette retransmission. Elles s’assurent également que l’enregistrement de l’assemblée puisse être consulté et indiquent, le cas échéant, si cet enregistrement porte sur l’intégralité de celle-ci.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités de retransmission, d’enregistrement et de consultation. » ;

10° (Supprimé)

M. le président. L’amendement n° 33, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Nous craignons que cet article n’entraîne des effets pervers, en particulier en ce qui concerne la retransmission en direct, puis en consultation sur internet, de l’intégralité de l’assemblée générale des actionnaires.

Une chercheuse en sciences de gestion expliquait voilà déjà une dizaine d’années que le vote par internet comportait « un inconvénient majeur en termes d’inégalité des actionnaires, car il n’existait pas de solution technique unique automatisant l’identification et facilitant la démarche de vote pour tous les actionnaires ». Elle faisait ainsi référence aux différences entre les actionnaires au porteur et les actionnaires non-résidents, qui ne se trouvent pas dans les mêmes conditions, tout comme les actionnaires salariés, qui ne peuvent s’exprimer directement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 33.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 10, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 19

1° Après la référence :

L. 225-96,

insérer les mots :

l’assemblée générale ordinaire mentionnée à l’article L. 225-98 et l’assemblée spéciale mentionnée à l’article L. 225-99,

2° Remplacer le taux :

25 %

par le taux :

5 %

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. L’article mentionne qu’un groupe d’actionnaires représentant au moins 25 % du capital social peut s’opposer à la tenue d’une assemblée générale en visioconférence. Nous proposons, par cet amendement, d’abaisser ce seuil à 5 %, l’objectif étant d’assurer l’effectivité de la démocratie d’entreprise.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis. En proposant l’abaissement de ce seuil, les auteurs de cet amendement vont à l’encontre de l’objectif d’assouplissement que vise le texte. Une telle mesure rendrait plus difficile la tenue d’assemblées dématérialisées : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 23 rectifié ter, présenté par M. Canévet, Mme N. Goulet, MM. Henno, Folliot, Cadic, Mizzon, Longeot, Kern, P. Martin, Chauvet et Duffourg, Mme O. Richard, MM. Delahaye et Parigi, Mme Billon et MM. Fargeot et Delcros, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Après la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 225-105, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Néanmoins, dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, les demandes d’inscription de points ou de projets de résolution à l’ordre du jour doivent parvenir à la société au plus tard le vingtième jour qui précède la date de l’assemblée. Enfin, le décret visé au présent paragraphe peut réduire le pourcentage exigé par le présent alinéa, lorsque le capital social excède un montant fixé par ledit décret. » ;

La parole est à M. Michel Canévet.

M. Michel Canévet. Cet amendement vise à allonger les délais permettant de demander l’inscription à l’ordre du jour de projets de résolution ou de points à examiner, de manière à favoriser la démocratie dans les entreprises cotées en bourse.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis. Cet amendement, ainsi que ceux qui seront examinés dans le cadre de la discussion commune à suivre, visent un objectif similaire : faciliter l’inscription à l’ordre du jour de résolutions par les actionnaires minoritaires.

Plusieurs solutions sont proposées, que je récapitulerai rapidement par souci de clarté.

Certains entendent abaisser le seuil de capital social nécessaire permettant à un actionnaire de disposer de cette faculté, soit en fixant un nouveau seuil, soit en renvoyant à un décret qui fixerait le seuil.

D’autres proposent de donner cette faculté à un groupe de 150 actionnaires au moins.

Dans certains cas, toutes les sociétés sont visées, dans d’autres uniquement les sociétés cotées, dans d’autres encore celles dont le capital social est supérieur à 1 milliard d’euros.

Je ne peux que souscrire à la finalité de ces amendements, à savoir le renforcement de la démocratie actionnariale. Néanmoins, ils ne vont pas sans poser problème.

Tout d’abord, force est de constater que le sujet n’entre pas véritablement dans les objectifs du texte que nous examinons ce soir, c’est-à-dire accroître l’attractivité de la France et, singulièrement, du droit français des sociétés.

Ensuite, l’objet de l’amendement est assez éloigné de l’article 10, qui se limite à modifier le fonctionnement dématérialisé des organes sociaux.

Enfin, d’autres questions plus fondamentales se posent, de sorte que le sujet mériterait que l’on y consacre un travail spécifique en amont, mené en concertation avec les représentants des entreprises et des investisseurs.

Il faut que nous soyons très prudents et que nous nous gardions de fixer des règles dont l’effet pratique pourrait être de complexifier inutilement le fonctionnement des sociétés. Nous savons par exemple que certains hedge funds aux pratiques agressives utilisent l’arme des résolutions à la seule fin de déstabiliser le management, et nous serions mal avisés de faciliter cette tendance.

Lors d’un débat similaire à l’Assemblée nationale, le Gouvernement s’est engagé, en séance publique, à travailler sur la question du seuil et même à user, le cas échéant, des marges de manœuvre que lui donne son pouvoir réglementaire. Le ministre nous le confirmera peut-être.

Je vous propose de procéder par étapes. Dans l’attente de ces travaux, dont je pense qu’ils sont essentiels pour que nous ne manquions pas notre cible, j’ai proposé à la commission des lois de faire un premier pas en adoptant un amendement tendant à rendre plus efficaces les voies de recours juridictionnel des actionnaires minoritaires en cas de refus injustifié d’inscription à l’ordre du jour de résolutions qu’ils auraient proposées.

Tel est l’objet de l’article 10 bis A, que nous examinerons après celui-ci et qui tend à appliquer aux contentieux une procédure accélérée. En effet, la difficulté essentielle tient à des délais bien trop longs.

À ce stade, il me paraît préférable de nous en tenir aux équilibres trouvés en commission. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, tout en comprenant les raisons qui ont inspiré ses auteurs.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Le Gouvernement partage l’avis de la commission sur l’amendement n° 23 rectifié ter ainsi que sur les amendements que nous examinerons en discussion commune.

Il faut revoir ces règles dans le cadre d’une consultation très large. La ministre Olivia Grégoire s’est engagée, à l’Assemblée nationale, à lancer ce travail ; je réitère cet engagement, en mon nom, face à vous.

Toutes les parties prenantes seront les bienvenues. Les règles seront revues par décret, comme nous nous y sommes également engagés. Nous devons non seulement tenir compte de la volonté de préserver le droit des actionnaires minoritaires et de la nécessité d’assurer l’efficacité des assemblées générales, mais nous devons aussi, comme vous l’avez souligné à juste titre, monsieur le rapporteur, nous méfier de certaines mesures dilatoires et délétères mises en œuvre par des fonds d’investissement étrangers pour déstabiliser les équipes de direction.

Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de l’amendement n° 23 rectifié ter, ainsi que des amendements suivants en discussion commune ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable. Je vous confirme notre volonté de travailler sur ce sujet.

M. Michel Canévet. Je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 23 rectifié ter est retiré.

Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 13, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 19

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…° Après le deuxième alinéa de l’article L. 225-105, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation à ce qui précède, lorsque le capital d’une société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé est supérieur à 1 000 000 000 euros, un ou plusieurs actionnaires représentant seul ou ensemble 0,25 % du capital peuvent requérir l’inscription à l’ordre du jour de points ou de projets de résolution.

« Lorsque le pourcentage visé dans le présent paragraphe n’est pas atteint, des actionnaires dont le nombre est au moins égal à celui prévu par l’article D. 411-4 du code monétaire et financier peuvent demander l’inscription à l’ordre du jour de points ou de projets de résolution. » ;

II. – Après l’alinéa 33

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Le II de l’article L. 22-10-44 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° 0,25 % au-delà 1 000 000 000 €. » ;

M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Cet amendement vise à favoriser la démocratie actionnariale en abaissant le seuil de détention de capital nécessaire au dépôt d’une résolution en assemblée générale, dans les grandes entreprises cotées en bourse, et en permettant à 150 actionnaires d’inscrire à l’ordre du jour des points ou des projets de résolution, indépendamment de leur part de capital.

Cet amendement a été travaillé en collaboration avec Aéma groupe et avec le Forum pour l’investissement responsable.

M. le président. L’amendement n° 49 rectifié, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au deuxième alinéa de l’article L. 225-105 du code de commerce, le pourcentage : « 5 % » est remplacé par le pourcentage : « 0,25 % » ;

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Le rapporteur pour avis s’est déjà prononcé sur l’ensemble des amendements de cette discussion commune.

Nous avons eu un mini-débat sur la possibilité d’autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur le fractionnement des actions pour que les salariés les plus précaires puissent acheter des moitiés, des quarts ou des dixièmes d’actions. En revanche, quand il s’agit de discuter du seuil pour proposer une résolution en assemblée générale, c’est le blackout.

Pourtant, il y a un manque. C’est la raison pour laquelle nous proposons d’abaisser de 5 % à 0,25 % le seuil des parts à détenir pour pouvoir inscrire l’examen d’un projet de résolution à l’ordre du jour de l’assemblée générale. Si les actionnaires majoritaires considèrent que ce projet n’est ni responsable ni valable, ils pourront toujours voter contre.

On ne peut inciter les plus modestes à jouer, à spéculer et passer au silence radio en refusant de leur donner voix au chapitre dès qu’il s’agit de la stratégie de l’entreprise.

J’ai bien compris que ces amendements recevront tous un avis défavorable de la commission des lois, quel que soit le dispositif proposé. Il est bien dommage de ne prévoir aucune avancée, pas même sur la démocratie sociale, dans la stratégie de l’entreprise.

M. le président. L’amendement n° 20 rectifié ter, présenté par M. Canévet, Mme N. Goulet, MM. Henno, Folliot, Cadic, Mizzon, Longeot, Kern, P. Martin, Chauvet et Duffourg, Mme O. Richard, MM. Delahaye et Parigi, Mme Billon et MM. Fargeot et Delcros, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 19

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…° Après le deuxième alinéa de l’article L. 225-105 du code de commerce, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation à ce qui précède, lorsque le capital d’une société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé est supérieur à 1 000 000 000 euros, un ou plusieurs actionnaires représentant seul ou ensemble 0,25 % du capital peuvent requérir l’inscription à l’ordre du jour de points ou de projets de résolution.

« Lorsque le pourcentage visé au précédent alinéa n’est pas atteint, des actionnaires dont le nombre est au moins égal à celui prévu par l’article D. 411-4 du code monétaire et financier peuvent demander l’inscription à l’ordre du jour de points ou de projets de résolution. » ;

La parole est à M. Michel Canévet.

M. Michel Canévet. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai en même temps les trois amendements suivants.

M. le président. L’amendement n° 18 rectifié ter, présenté par M. Canévet, Mme N. Goulet, MM. Henno, Cambier, Folliot, Cadic, Mizzon, Longeot, Kern, P. Martin, Chauvet et Duffourg, Mme O. Richard, MM. Delahaye et Parigi, Mme Billon et MM. Fargeot et Delcros, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 19

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après le deuxième alinéa de l’article L. 225-105, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation à ce qui précède, lorsque le capital d’une société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé est supérieur à 1 000 000 000 euros, un ou plusieurs actionnaires représentant seul ou ensemble 0,25 % du capital peuvent requérir l’inscription à l’ordre du jour de points ou de projets de résolution. » ;

L’amendement n° 22 rectifié ter, présenté par M. Canévet, Mme N. Goulet, MM. Henno, Cambier et Folliot, Mme Guidez, MM. Cadic, Mizzon, Longeot, Kern, P. Martin, Chauvet et Duffourg, Mme O. Richard, MM. Delahaye et Parigi, Mme Billon et MM. Fargeot et Delcros, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 19

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après le deuxième alinéa de l’article L. 225-105, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation à ce qui précède, lorsque le capital d’une société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé est supérieur à 1 000 000 000 euros, des actionnaires dont le nombre est au moins égal à celui prévu par l’article D. 411-4 du code monétaire et financier peuvent demander l’inscription à l’ordre du jour de points ou de projets de résolution. » ;

L’amendement n° 19 rectifié ter, présenté par M. Canévet, Mme N. Goulet, MM. Henno, Cambier, Folliot, Cadic, Mizzon, Longeot, Kern, P. Martin, Chauvet et Duffourg, Mme O. Richard, MM. Delahaye et Parigi, Mme Billon et MM. Fargeot et Delcros, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le II de l’article L. 22-10-44 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° 0,25 % au-delà 1 000 000 000 €. » ;

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Michel Canévet. L’amendement n° 20 rectifié ter vise à ce que les actionnaires minoritaires détenant 0,25 % du capital dans les sociétés cotées puissent présenter des résolutions ou inscrire des points à l’ordre du jour de l’assemblée générale. Il permet également à 150 actionnaires d’engager un tel dialogue, quelle que soit la part de capital détenue.

L’amendement n° 18 rectifié ter tend seulement à abaisser le seuil de détention de capital des actionnaires à 0,25 %.

L’amendement n° 22 rectifié ter ne vise que la possibilité pour 150 actionnaires d’engager un débat en assemblée générale, quelle que soit leur part de capital détenue.

Enfin, l’amendement n° 19 rectifié ter est de cohérence avec le code de commerce.

Monsieur le président, si vous le permettez, je souhaite également présenter l’amendement n° 24 rectifié ter.

M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 24 rectifié ter présenté par M. Canévet, Mme N. Goulet, MM. Henno, Cambier et Folliot, Mme Guidez, MM. Cadic, Mizzon, Longeot, Kern, P. Martin, Chauvet et Duffourg, Mme O. Richard, MM. Delahaye et Parigi, Mmes Billon et Saint-Pé et MM. Fargeot et Delcros, et ainsi libellé :

Après l’alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le troisième alinéa de l’article L. 225-105 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le ou les actionnaires ayant demandé l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée de points ou de projets de résolution, bénéficient du droit de présenter leur demande lors de l’assemblée. » ;

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Michel Canévet. Cet amendement vise à ce que ceux qui déposent des demandes d’inscription à l’ordre du jour de points ou de projets de résolution puissent le faire devant l’assemblée générale des actionnaires.

Comme vient de le dire Pascal Savoldelli, il serait logique que tous les actionnaires puissent s’exprimer au sein des entreprises. Rien ne justifie que les plus petits d’entre eux n’aient pas le droit de s’exprimer quand ceux qui sont détenteurs d’une part importante du capital le peuvent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois sur les six amendements en discussion commune ?

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis. Avis défavorable, pour les raisons que j’ai déjà précisées.

Il ne s’agit pas d’un blackout, monsieur Savoldelli : j’ai pris le temps de justifier longuement cet avis…

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Monsieur le sénateur, il ne s’agit pas de démocratie sociale, mais de démocratie actionnariale.

En outre, vous serez certainement sensible au fait que certains actionnaires activistes, et parfois hyperactivistes, pourraient déstabiliser la direction d’une entreprise française en raison de seuils trop bas.

Veillons à ne pas jouer trop légèrement avec des règles qui sont extrêmement sensibles. Nous lancerons une consultation pour trouver la meilleure manière de les faire évoluer. Procéder ainsi, au détour d’un amendement, pourrait se révéler contre-productif, y compris pour la qualité et la stabilité du capitalisme français, dont nous sommes tout de même assez fiers.

Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

M. Pascal Savoldelli. Michel Canévet activiste, c’est la révélation de la soirée ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 49 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 22 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, il est minuit ; je vous propose de prolonger notre séance, afin d’achever l’examen de ce texte.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

L’amendement n° 24 rectifié ter a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission des lois ?

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 24 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 11, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 25

Insérer dix-neuf alinéas ainsi rédigés :

…° Après l’article L. 22-10-10, il est inséré un article L. 22-10-10-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 22-10-10-1.– I. – Cet article s’applique aux sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé et qui entrent dans le champ d’application de la directive (UE) 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 modifiant le règlement (UE) n° 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises.

« Ces sociétés publient chaque année une mise à jour de leur stratégie en matière de durabilité en conformité avec les obligations d’information prévues par l’article 19 bis de la même directive afin de s’assurer que le modèle et la stratégie de l’entreprise sont compatibles avec les objectifs de transition vers une économie durable et de limitation du réchauffement planétaire à 1,5° C, conformément à l’accord de Paris et à l’objectif d’atteinte de la neutralité climatique tel qu’établi dans le règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999.

« Cette stratégie doit notamment inclure les indicateurs suivants :

« 1° Les émissions de gaz à effet de serre directes et indirectes de l’entreprise en valeur absolue et relative, et leur évolution sur les trois dernières années ;

« 2° Les objectifs de réduction des gaz à effet de serre de l’entreprise, formulés en valeur absolue et relative pour ses émissions directes et indirectes à court terme, moyen terme et long terme ;

« 3° Les dépenses d’investissements prévues à court et moyen terme de l’entreprise, et les contributions au financement de l’investissement en valeur absolue et relative pour les entreprises financières, et leur répartition par activité et nature ;

« 4° Les dépenses opérationnelles de l’entreprise en valeur absolue et relative et leur répartition par activité ;

« 5° Le ou les scenarios de références utilisés pour déterminer les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et la stratégie de l’entreprise ;

« 6° La contribution éventuelle des émissions de gaz à effet de serre capturées par l’entreprise à l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre en valeur absolue et relative ;

« 7° Une explication de l’intégration des enjeux climatiques sur la gouvernance et la gestion des risques ;

« 8° Une évaluation de l’alignement du 1° à 7° avec l’objectif de limitation du réchauffement planétaire à 1,5 degré Celsius reposant sur un scénario avec peu ou pas de dépassement et un recours limité aux technologies à émissions négatives ;

« 9° Une explication de la contribution éventuelle de la compensation carbone à la stratégie de l’entreprise.

« II. – Chaque année, deux projets de résolutions sont soumis à l’approbation de l’assemblée générale des actionnaires dans les conditions prévues aux article L. 225-98 et L. 22-10-32 :

« 1° Un projet de résolution sur la stratégie mentionnée en I ;

« 2° Un projet de résolution sur la mise en œuvre de cette stratégie.

« Le projet de résolution mentionné en 1° du présent II indique également de quelle manière ont été pris en compte le vote des actionnaires et, le cas échéant, les avis exprimés lors de l’assemblée générale des actionnaires précédente.

« III. – Lorsque l’assemblée générale des actionnaires n’approuve pas à une majorité qualifiée des deux tiers des votes exprimés au moins un des deux projets de résolution mentionnés au II, les composantes variable et exceptionnelle de la rémunération du président du conseil d’administration, du directeur général et de chaque directeur général délégué est diminuée d’au moins 50 % par rapport à ce que prévoir la politique de rémunération prévue par l’article L. 22-10-18, selon des modalités définies par décret en Conseil d’État. » ;

…° Au deuxième alinéa du I de l’article L. 225-100, après le mot : « article », est insérée la référence : « L. 22-10-10-1, » ;

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Cet amendement vise à renforcer la redevabilité des entreprises en matière de transition écologique.

Pour ce faire, nous proposons de rendre obligatoire, pour les sociétés cotées soumises à la directive 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, la fameuse directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), la publication d’une stratégie de transition écologique complète, comportant des indicateurs clés et contraignants, qui permettront aux actionnaires d’évaluer la crédibilité des mesures prises par l’entreprise pour respecter ses engagements climatiques.

L’amendement tend à compenser les avantages que ce texte confère aux entreprises et aux investisseurs en prévoyant des mesures permettant de répondre aux préoccupations climatiques et garantissant que les avantages octroyés s’accompagneront d’engagements concrets.

Je précise à cet égard que la liste des indicateurs que nous avons retenus s’inspire des propositions de la commission climat et finance durable de l’Autorité des marchés financiers.

Nous proposons en outre que cette stratégie soit soumise chaque année à un vote des actionnaires : deux résolutions distinctes, l’une sur la stratégie en matière de transition environnementale, l’autre sur sa mise en œuvre, devront alors être mises aux voix. En cas de rejet d’au moins l’une de ces deux résolutions, la rémunération variable et exceptionnelle des dirigeants de ces entreprises sera réduite de moitié.

En donnant aux actionnaires plus de moyens pour évaluer la qualité des plans de transition des entreprises, c’est une nouvelle dynamique vertueuse orientée vers une finance plus durable que nous mettrons en place.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à créer, pour certaines entreprises, une obligation de publicité en matière de durabilité.

À mon sens, il est déjà satisfait par la directive CSRD précitée et, surtout, par tous les textes sur le devoir de vigilance qui sont en cours d’élaboration à l’échelon européen.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 10.

(Larticle 10 est adopté.)

Article 10
Dossier législatif : proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France
Article 10 bis

Article 10 bis A (nouveau)

Le deuxième alinéa de l’article L. 225-105 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée : « En cas de contestation du refus d’inscription de ces points ou projets de résolution, le tribunal de commerce compétent statue selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible. »

M. le président. L’amendement n° 58, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer les mots :

et sans recours possible

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Cet amendement vise à mettre en conformité la nouvelle procédure accélérée prévue à l’article 10 bis A en cas de contestation du refus d’inscription d’un point ou d’un projet de résolution à l’ordre du jour des assemblées générales d’actionnaires avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) sur le droit effectif au recours.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 58.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 10 bis A, modifié.

(Larticle 10 bis A est adopté.)

Article 10 bis A (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France
Article 10 ter

Article 10 bis

(Non modifié)

À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 225-35 et à la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 225-64 du code de commerce, les mots : « , environnementaux, culturels et sportifs » sont remplacés par les mots : « et environnementaux » – (Adopté.)

Article 10 bis
Dossier législatif : proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France
Article 10 quater

Article 10 ter

(Non modifié)

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Le début du second alinéa de l’article L. 225-36 est ainsi rédigé : « Le conseil d’administration peut apporter les modifications… (le reste sans changement). » ;

2° Au deuxième alinéa de l’article L. 225-58, les mots : « 150 000 euros » sont remplacés par les mots : « un seuil fixé par décret » ;

3° Le début du second alinéa de l’article L. 225-65 est ainsi rédigé : « Le conseil de surveillance peut apporter les modifications… (le reste sans changement). » ;

4° L’article L. 225-81 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « vice-président », sont insérés les mots : « ou plusieurs vice-présidents » ;

b) À la première phrase du second alinéa, les mots : « le vice-président » sont remplacés par les mots : « les vice-présidents » ;

5° À la fin de la seconde phrase du quatrième alinéa de l’article L. 228-61, les mots : « sont considérés comme des votes négatifs » sont remplacés par les mots : « ne sont pas considérés comme des votes exprimés » ;

6° Le II de l’article L. 228-65 est ainsi modifié :

a) À la seconde phrase, les mots : « dont disposent » sont remplacés par les mots : « exprimées par » ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les voix exprimées ne comprennent pas celles attachées aux obligations pour lesquelles l’obligataire n’a pas pris part au vote, s’est abstenu ou a voté blanc ou nul. » ;

7° À l’article L. 22-10-25, les mots : « de son vice-président » sont remplacés par les mots : « , le cas échéant, de ses vice-présidents » ;

8° Au III de l’article L. 22-10-59, la référence : « L. 22-10-30 » est remplacée par la référence : « L. 22-10-26 » – (Adopté.)

Article 10 ter
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Article 10 quinquies (nouveau)

Article 10 quater

(Supprimé)

M. le président. L’amendement n° 53, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnances, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi pour :

1° Harmoniser et simplifier les dispositions relatives à la constitution et à la radiation, à l’organisation des assemblées générales, aux modalités de distribution du capital, au régime de franchissement des seuils et à la fin de vie des organismes de placement collectif ;

2° Moderniser la composition et le fonctionnement des organes de gouvernance des organismes de placement collectif ainsi que la répartition des pouvoirs entre les organes sociaux des organismes de placement collectif et leurs sociétés de gestion ;

3° Réformer le cadre des opérations touchant à la vie des organismes de placement collectif, au fonctionnement des compartiments, au calcul du ratio d’endettement et au fractionnement des parts ou des actions des organismes de placement collectif ;

4° Rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, avec les adaptations nécessaires, les articles du code de commerce et du code monétaire et financier et, le cas échéant, d’autres codes et lois, dans leur rédaction résultant des dispositions prévues aux 1° à 3°, pour ceux qui relèvent de la compétence de l’État dans ces collectivités, et procéder aux adaptations nécessaires de ces articles en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l’ordonnance.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué. Cet amendement vise à rétablir l’article habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures permettant de mieux articuler le droit commun des sociétés issu du code de commerce, d’une part, et le droit des organismes de placement collectif issu du code monétaire et financier, d’autre part.

J’ai bien conscience que le champ de cette habilitation peut paraître assez large ; au demeurant, elle concerne des mesures extrêmement techniques et permet de s’assurer que ces deux pans de notre droit, qui ont parfois évolué de façon parallèle et sans réelle coordination, s’agenceront de la meilleure des manières.

L’objectif est de parvenir à structurer des fonds compétitifs en France, ce qui permettra d’attirer des financements pour investir notamment dans les entreprises et la transition écologique.

Le recours à des ordonnances se justifie par la technicité même des mesures concernées et par la nécessité d’échanges supplémentaires sur certaines dispositions et leur interaction entre elles, qui imposent de les considérer dans un ensemble cohérent.

M. le président. Le sous-amendement n° 65, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Amendement n° 53

I. – Alinéa 2

Remplacer le mot :

douze

par le mot :

neuf

II. – Dernier alinéa

Remplacer le mot :

quatre

par le mot :

trois

La parole est à M. le rapporteur.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. L’amendement du Gouvernement porte sur un sujet très technique, qui pourrait justifier qu’on l’habilite à légiférer par ordonnances.

Néanmoins, telle que cette habilitation est conçue, elle s’apparente davantage à un blanc-seing qu’à autre chose. Il en va ainsi du calendrier retenu, puisque les délais d’habilitation – d’un an – et de ratification – quatre mois – sont trop longs.

M. le président. Le sous-amendement n° 66, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Amendement n° 53

I. – Alinéa 3

Remplacer cet alinéa par sept alinéas ainsi rédigés :

1° Harmoniser et simplifier les dispositions relatives à la vie sociale des organismes de placement collectif :

a) en modifiant les modalités relatives à l’organisation des assemblées générales des organismes de placement collectif ;

b) en harmonisant les calendriers relatifs à la publication des comptes et à la distribution des dividendes des organismes de placement collectif ;

c) en harmonisant les définitions de capital et de sommes distribuables au sein des organismes de placement collectif ;

d) en modifiant les modalités relatives à l’affectation du résultat et à la distribution d’une fraction des actifs des organismes de placement collectif immobilier ;

e) en harmonisant les règles relatives au franchissement des seuils dans les organismes de placement collectif dont les actions sont négociées sur un marché réglementé ;

f) en modifiant les régimes de liquidation des organismes de placement collectif ;

II. – Alinéa 4

Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :

2° Moderniser la gouvernance des organismes de placement collectif :

a) en modifiant la composition des organes de surveillance des sociétés et des sociétés civiles de placement immobilier ;

b) en modifiant les modalités relatives à la tenue des réunions des organes de surveillance des organismes de placement collectif ;

c) en modifiant la répartition des pouvoirs entre les organes sociaux des sociétés d’investissement à capital variable et des sociétés à prépondérance immobilière à capital variable d’une part, et leurs sociétés de gestion d’autre part ;

d) en modifiant les modalités d’intégration des investisseurs dans la gouvernance des organismes de placement collectif ;

III. – Alinéa 5

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

3° Réformer le cadre des opérations des organismes de placement collectif :

a) en modifiant le fonctionnement des compartiments des organismes de placement collectif, s’agissant de leur autonomie juridique, de la compétence des assemblées d’actionnaires des compartiments et des droits des créanciers ;

b) en modifiant les modalités de fractionnement de parts ou d’actions d’organismes de placement collectif ;

c) en modifiant les modalités de valorisation de tout apport en nature dans les organismes de placement collectif immobilier ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Par le présent sous-amendement, nous proposons de compléter le contenu trop imprécis de cette demande d’habilitation, qui ne prévoit rien de moins que d’harmoniser et de simplifier les dispositions relatives à la vie sociale des organismes de placement collectif, de moderniser leur gouvernance et de réformer leurs règles de gestion financière.

Avouez qu’avec un tel champ d’habilitation le Gouvernement pourrait, non pas faire n’importe quoi, mais faire tout ce qu’il veut.

Le contenu de cette demande d’habilitation est trop vaste : c’est la raison pour laquelle, alors même que le Sénat n’est, par construction, pas très favorable au principe des habilitations à légiférer par ordonnances, nous souhaitons l’encadrer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 53 ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. La commission est favorable à l’amendement du Gouvernement, sous réserve de l’adoption des deux sous-amendements de la commission des finances.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les sous-amendements nos 65 et 66 ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Pour ce qui est du délai d’habilitation, je reconnais bien volontiers qu’il est un peu long : j’émets donc un avis favorable sur le sous-amendement n° 65, qui tend à réduire cette durée à neuf mois.

En ce qui concerne le contenu même de l’habilitation, monsieur le rapporteur, je peux comprendre votre crainte de nous accorder ainsi un blanc-seing et de nous laisser une trop grande liberté d’action pour ce qui est de modifier le droit existant.

Je rappelle cependant que les mesures qui seront prises par le Gouvernement dans le cadre de cette habilitation le seront sur le fondement d’un rapport, en cours d’élaboration, du Haut Comité juridique de la place financière de Paris, dont vous pourrez tout à fait auditionner les membres.

La liste exhaustive des mesures sur lesquelles le Gouvernement serait habilité à légiférer par voie d’ordonnances nous semble par trop contraignante. Aussi sommes-nous défavorables au sous-amendement n° 66.

Au bénéfice de ces observations, nous invitons le Sénat, dans sa grande sagesse, à adopter l’amendement n° 53.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 65.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 66.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 53, modifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 10 quater est rétabli dans cette rédaction.

Article 10 quater
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Après l’article 10 quinquies

Article 10 quinquies (nouveau)

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Après les mots : « l’émission de réserves », la fin des 3° de l’article L. 214-14, 3° de l’article L. 214-24-47, c) du 6° de l’article L. 214-133 et 3 de l’article L. 621-23 est ainsi rédigée : « , le refus de la certification des comptes ou l’impossibilité de les certifier. » ;

2° À l’article L. 214-78, les mots : « de l’article L. 214-24-40 » sont remplacés par les mots : « des articles L. 214-24-40 et L. 214-24-47 » – (Adopté.)

Article 10 quinquies (nouveau)
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Article 11

Après l’article 10 quinquies

M. le président. L’amendement n° 67, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l’article 10 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l’article L. 621-30 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « trois » ;

2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la décision contestée fait l’objet d’une demande de sursis à exécution, la juridiction saisie se prononce dans un délai d’un mois à compter du dépôt de cette demande. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Le présent amendement a pour objet de réduire de cinq à trois mois le délai dans lequel la juridiction doit se prononcer en cas de recours contre une décision individuelle de l’Autorité des marchés financiers relative à une offre publique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Les décisions judiciaires auxquelles cet amendement fait référence ont une portée réduite, puisqu’elles ont consisté à déposer un recours circonscrit contre certaines décisions de l’AMF.

À l’inverse, le dispositif de cet amendement a une portée beaucoup plus générale. Il pose par ailleurs des difficultés en termes de mise en œuvre, dès lors que la juridiction doit organiser des échanges d’écritures entre les parties, une audience, un délibéré, et rédiger la décision.

S’il est envisageable de travailler à une réduction ciblée de certains délais, la réflexion de la commission ne me semble pas suffisamment mûre à ce stade. Je demande donc le retrait de l’amendement et en appelle à une étude plus approfondie sur le sujet, qui pourrait être menée dans la suite de l’examen de cette proposition de loi ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 67.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 10 quinquies.

Après l’article 10 quinquies
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Article 11 bis

Article 11

(Non modifié)

La section 5 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l’organisation judiciaire est complétée par un article L. 311-16-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 311-16-1. – La cour d’appel de Paris, qui comprend une chambre commerciale internationale, connaît :

« 1° Des recours en annulation des sentences rendues en matière d’arbitrage international, dans les cas et les conditions prévus par le code de procédure civile ;

« 2° Des recours contre une décision qui statue sur une demande de reconnaissance ou d’exequatur d’une sentence rendue en matière d’arbitrage international, dans les cas et les conditions prévus par le même code. – (Adopté.)

Article 11
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Article 12

Article 11 bis

(Non modifié)

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi permettant :

1° De simplifier et de clarifier le régime des nullités en matière de droit des sociétés, afin de renforcer la sécurité juridique de la constitution des sociétés, de leurs actes et délibérations ainsi que des règles qui y sont exposées ;

2° D’étendre à Wallis-et-Futuna, le cas échéant en prévoyant les adaptations nécessaires, les dispositions de l’ordonnance prise sur le fondement du présent I.

II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance mentionnée au I.

M. le président. L’amendement n° 12, présenté par MM. Dossus et G. Blanc, Mme Senée, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Le présent texte souffre d’une faiblesse certaine : aucune étude d’impact ne lui est associée.

L’article 11 bis prévoit de réduire davantage encore le rôle du Parlement en habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour réduire les risques de nullité en droit des sociétés.

Or nous considérons que le champ de cette habilitation est trop large. Par ailleurs, le régime des nullités est loin d’être parfait et sa réforme est un vieux serpent de mer, évoqué depuis le siècle dernier : par conséquent, les enjeux liés à l’évolution de ce régime, tout bonnement la validité ou non de l’existence et des décisions d’une entreprise, sont trop importants et sérieux pour être confiés aux seules bonnes grâces du Gouvernement.

C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des lois ?

M. Louis Vogel, rapporteur pour avis. Il est grand temps de réformer le régime des nullités, et il faut une vision d’ensemble pour y parvenir. Il me semble que l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances se justifie, ne serait-ce que parce que le sujet est extrêmement technique.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 11 bis.

(Larticle 11 bis est adopté.)

Article 11 bis
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Article 13

Article 12

(Non modifié)

À l’article L. 511-84-1 du code monétaire et financier, les mots : « 3 et 4 du règlement délégué (UE) n° 604/2014 de la Commission du 4 mars 2014 complétant la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation en ce qui concerne les critères qualitatifs et quantitatifs appropriés permettant de recenser les catégories de personnel dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque d’un établissement » sont remplacés par les mots : « 5 et 6 du règlement délégué (UE) 2021/923 de la Commission du 25 mars 2021 complétant la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation fixant les critères permettant de définir les responsabilités dirigeantes, les fonctions de contrôle, l’unité opérationnelle importante et l’incidence significative sur le profil de risque de cette unité, et fixant les critères permettant de recenser les membres du personnel ou les catégories de personnel dont les activités professionnelles ont une incidence sur le profil de risque de l’établissement qui est comparativement aussi significative que celle des membres du personnel ou catégories de personnel visés à l’article 92, paragraphe 3, de ladite directive ».

M. le président. L’amendement n° 34, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Si l’on peut comprendre que nos collègues soient opposés par principe à la limitation des indemnités de licenciement, notamment devant les juridictions, je tiens à préciser que les personnes concernées par le dispositif de l’article 12 soit perçoivent une rémunération totale égale ou supérieure à 500 000 euros, soit font partie des 0,3 % des membres du personnel de leur établissement auxquels la rémunération totale la plus élevée a été accordée au cours de l’exercice précédent.

Compte tenu du faible nombre des personnels visés – les preneurs de risques, qui exercent un métier par nature cyclique –, l’article 12 a une portée très limitée. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 34.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 68, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 511-84-1 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :

« Art. L. 511-84-1. – Pour l’application des articles L. 1226-15, L. 1234-9, L. 1235-3, L. 1235-3-1, L. 1235-11 et L. 1235-16 du code du travail, la détermination de l’indemnité à la charge de l’employeur ne prend pas en compte, pour les preneurs de risques au sens des articles 5 et 6 du règlement délégué (UE) 2021/923 de la Commission du 25 mars 2021 complétant la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation fixant les critères permettant de définir les responsabilités dirigeantes, les fonctions de contrôle, l’unité opérationnelle importante et l’incidence significative sur le profil de risque de cette unité, et fixant les critères permettant de recenser les membres du personnel ou les catégories de personnel dont les activités professionnelles ont une incidence sur le profil de risque de l’établissement qui est comparativement aussi significative que celle des membres du personnel ou catégories de personnel visés à l’article 92, paragraphe 3, de ladite directive, la partie de la part variable de la rémunération dont le versement peut être réduit ou donner lieu à restitution en application de l’article L. 511-84 du présent code.

« Pour l’application de l’article L. 1234-9 ainsi que par dérogation aux dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-11 et L. 1235-16 du code du travail, l’indemnité à la charge de l’employeur ne peut au maximum excéder dix fois le montant annuel du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. Les modalités de calcul de cette indemnité ainsi que ses montants minimaux et maximaux selon l’ancienneté du salarié sont définies par décret. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. La commission des finances a déjà abordé la question des indemnités de licenciement des preneurs de risques dans un rapport consacré, en 2017, aux places financières et à la stratégie française à adopter face au Brexit.

Au cours des très nombreuses auditions que j’avais menées à l’époque, il était apparu que la France, contrairement à d’autres pays, ne plafonnait pas les indemnités de licenciement de ces personnels, dont les niveaux de rémunération sont très élevés et l’activité très cyclique. Cela peut constituer un frein à leur recrutement et à la compétitivité de la place de Paris face à la place d’Amsterdam, qui est aujourd’hui la plus concurrentielle en Europe, ou à celle de New York.

Voilà pourquoi l’article 12 prévoit un plafonnement des indemnités de licenciement des preneurs de risques, à hauteur de dix fois le plafond annuel de la sécurité sociale, lequel s’élève à 463 000 euros. Le dispositif ne concernerait que des personnels exerçant de hautes responsabilités ou percevant une rémunération totale égale ou supérieure à 750 000 euros ou faisant partie des 0,3 % des membres du personnel de l’établissement auxquels la rémunération totale la plus élevée a été accordée au cours de l’exercice précédent.

Sa portée serait certes – je le répète – très limitée, mais l’enjeu est primordial en termes de compétitivité pour la place de Paris.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Ce sujet a déjà été abordé. Il est ici question d’une population très peu nombreuse qui gagne beaucoup d’argent.

Est-il possible de donner davantage de lisibilité à la place de Paris et de la rendre plus compétitive en plafonnant ces indemnités de licenciement ? La question se pose.

Le dispositif soulève en outre un certain nombre de difficultés juridiques, voire un risque d’inconstitutionnalité.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 68.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 12 est ainsi rédigé.

TITRE IV

DISPOSITIONS FINALES

Article 12
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Article 14

Article 13

I. – (Non modifié) Les articles 6 à 8 sont applicables en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, sous réserve des adaptations suivantes :

1° À l’article 6 :

a) Les 1°, 2° et 4° à 6° du I ne sont pas applicables ;

b) Au 3° du même I, les références au code des transports sont remplacées par les références aux dispositions applicables localement en matière de connaissement maritime ;

2° À l’article 7, les références au code civil sont remplacées par les références aux dispositions applicables localement ayant le même objet ;

3° Les références au code de commerce sont remplacées par les références aux dispositions applicables localement ayant le même objet.

bis (nouveau). – Les articles 1er, 3 et 6 à 10 sont applicables aux îles Wallis et Futuna, sous réserve de l’adaptation suivante : les 2° et 4° à 6° du I de l’article 6 ne sont pas applicables.

II. – Le I de l’article L. 950-1 du code de commerce est ainsi modifié :

1° Le 2° est ainsi modifié :

aa) (nouveau) Au deuxième alinéa, la référence : « L. 223-27, » est supprimée ;

ab) (nouveau) Au troisième alinéa, la référence : « L. 228-61, » est supprimée ;

ac) (nouveau) Au quatrième alinéa, au début, les mots : « Les articles L. 228-65 et » sont remplacés par les mots : « L’article » et les mots : « sont applicables dans leur rédaction » sont remplacés par les mots : « est applicable dans sa rédaction » ;

ad) (nouveau) Au huitième alinéa, les références : « L. 225-35, », « L. 225-64, » et « L. 228-11, » sont supprimées ;

a) Au treizième alinéa, les références : « L. 225-58, », « L. 225-81, », « L. 225-103-1, », « L. 225-122, » et « L. 225-136, » sont supprimées ;

b) Après le même treizième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les articles L. 225-37, L. 225-58, L. 225-81, L. 225-103-1, L. 225-122, L. 225-136 et L. 226-4 sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France. » ;

c) Après le quatorzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 228-10 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … précitée. » ;

d) Le quinzième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les articles L. 22-10-1 à L. 22-10-6, L. 22-10-8, L. 22-10-9 et L. 22-10-11 à L. 22-10-23, L. 22-10-34 et L. 22-10-39 à L. 22-10-45, L. 22-10-47 à L. 22-10-51, L. 22-10-54 à L. 22-10-58 et L. 22-10-60 à L. 22-10-78 sont applicables dans leur rédaction résultant de l’ordonnance n° 2020-1142 du 16 septembre 2020 portant création, au sein du code de commerce, d’un chapitre relatif aux sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation.

« Les articles L. 22-10-46, L. 22-10-46-1, L. 22-10-52, L. 22-10-52-1 et L. 22-10-53 sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … précitée. » ;

e) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les articles L. 221-6, L. 223-27, L. 225-35, L. 225-36, L. 225-64, L. 225-65, L. 225-82, L. 225-107, L. 228-61, L. 228-65, L. 22-10-3-1, L. 22-10-21-1, L. 22-10-25, L. 22-10-38, L. 22-10-38-1 et L. 22-10-59 sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … précitée ; »

2° Le tableau du second alinéa du 5° est ainsi modifié :

a) La deuxième ligne est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :

 

«

Article L. 511-1

l’ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de commerce

Article L. 511-1-1

la loi n° … du … visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France

Articles L. 511-2 à L. 511-25

l’ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de commerce

» ;

b) La septième ligne est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :

 

«

Article L. 512-1

l’ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de commerce

Article L. 512-1-1

la loi n° … du … visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France

Articles L. 512-2 à L. 512-8

l’ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de commerce

»

III. – (Non modifié) Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° La deuxième ligne du tableau du second alinéa du I des articles L. 752-7, L. 753-7 et L. 754-6 est ainsi rédigée :

 

« 

L. 313-23

la loi n° … du … visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France

 » ;

2° La dernière ligne du tableau du second alinéa du I des articles L. 783-14, L. 784-14 et L. 785-13 est ainsi rédigée :

 

« 

L. 632-17

la loi n° … du … visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France

 » ;

3° La dix-huitième ligne du tableau du second alinéa du I des articles L. 742-8 et L. 743-8 et la dix-neuvième ligne du tableau du second alinéa de l’article L. 744-8 sont ainsi rédigées :

 

« 

L. 214-28

la loi n° … du … visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France

 »

III bis (nouveau). – L’article L. 531-1 du code de l’organisation judiciaire est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Est applicable à Wallis-et-Futuna l’article L. 311-16-1 du présent code, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France. »

IV. – (Non modifié) Le livre VII de la cinquième partie du code des transports est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 5784-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 5422-3 est applicable à Wallis-et-Futuna dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France. » ;

2° Après le deuxième alinéa de l’article L. 5794-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 5422-3 est applicable dans les Terres australes et antarctiques françaises dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France. »

M. le président. L’amendement n° 69, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 31

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° La troisième ligne du tableau du second alinéa du I des articles L. 783-11, L. 784-11 et L. 785-10 est ainsi rédigée :

« 

 L. 621-23

 la loi n° … du … visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France

» ;

II. – Alinéas 34 et 35

Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :

3° Le tableau du second alinéa du I des articles L. 742-8 et L. 743-8 est ainsi modifié :

a) La dix-huitième ligne est ainsi rédigée :

« 

 L. 214-28

 la loi n° … du … visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France

» ;

b) La trente-septième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

« 

 L. 214-78

 la loi n° … du … visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France

 L. 214-79 et L. 214-80

 l’ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013

» ;

c) La cinquante-cinquième ligne est ainsi rédigée :

« 

 L. 214-133

 la loi n° … du … visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France

» ;

III. – Après l’alinéa 35

Insérer sept alinéas ainsi rédigés :

…° Le tableau du second alinéa du I de l’article L. 744-8 est ainsi modifié :

…) La dix-neuvième ligne est ainsi rédigée :

« 

 L. 214-28

 la loi n° … du … visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France

» ;

…) La trente-huitième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

« 

 L. 214-78

 la loi n° … du … visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France

 L. 214-79 et L. 214-80

 l’ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013

» ;

…) La cinquante-sixième ligne est ainsi rédigée :

« 

 L. 214-133

 la loi n° … du … visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France

».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination pour l’outre-mer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 69.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 13, modifié.

(Larticle 13 est adopté.)

Article 13
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Après l’article 14 (début)

Article 14

I. – Le 2° de l’article 3 entre en vigueur trois mois après la promulgation de la présente loi. Les modalités de fixation du prix d’émission déterminées par l’assemblée générale des actionnaires avant cette date, par référence aux dispositions légales et réglementaires, demeurent applicables, le cas échéant dans leur rédaction en vigueur au moment de ladite assemblée.

II. – (Non modifié) Le 3° de l’article 3 et l’article 10 entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard trois mois après la promulgation de la présente loi.

III. – (Non modifié) Le titre II entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard neuf mois après la promulgation de la présente loi. Il ne s’applique pas aux titres transférables établis avant cette date.

IV. – (Non modifié) L’article 11 entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard le premier jour du douzième mois suivant la promulgation de la présente loi. Il n’est applicable qu’aux recours formés après son entrée en vigueur – (Adopté.)

Article 14
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Après l’article 14 (fin)

Après l’article 14

M. le président. L’amendement n° 42 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Capus et Malhuret, Mme Bourcier, MM. Brault et Chasseing, Mme L. Darcos, M. Grand, Mme Lermytte et MM. V. Louault, A. Marc, Rochette et Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’article 14

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 3332-16 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Après les mots : « dédié au rachat », sont insérés les mots : « ou à la souscription » ;

b) Les mots : « ou d’actions émises par des sociétés créées dans les conditions prévues à l’article 220 nonies du code général des impôts » sont supprimés ;

c) Les mots : « de rachat réservée aux salariés » sont remplacés par les mots : « proposée aux salariés et aux personnes visées à l’article L. 3332-2 du code du travail à l’exception des anciens salariés ayant quitté l’entreprise à la suite d’un départ à la retraite ou en préretraite » ;

2° À la seconde phrase du deuxième alinéa, après le mot : « débloquées », sont insérés les mots : « ou réaffectées » ;

3° Au dernier alinéa, après la référence : « article L. 233-16 du code de commerce », sont insérés les mots : « , l’identité des autres participants à l’opération » ;

4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’identité des salariés impliqués dans l’opération est annexée audit accord avec le personnel une fois le fonds constitué. »

La parole est à M. Jean-Luc Brault.

M. Jean-Luc Brault. Cet amendement vise à soutenir les fonds communs de placement d’entreprise (FCPE) dans le cadre d’une reprise. Il s’agit notamment de clarifier le fait que les FCPE de reprise peuvent tout autant racheter des titres existants que souscrire à de nouveaux titres.

L’amendement tend à prévoir d’autres ajustements à caractère technique, qui ont tous pour objet d’impliquer davantage les salariés dans les transmissions d’entreprises.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roland Lescure, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous proposez de faire évoluer les règles auxquelles sont soumis les FCPE de reprise, en vue de renforcer leur attractivité. Vous proposez notamment de mettre un terme à l’inamovibilité des participants sur toute la durée de l’opération de reprise, ainsi qu’à l’autorisation de participation des dirigeants à l’opération, et ce à une heure avancée de la nuit ! (Sourires.)

Si je comprends votre volonté de faire évoluer ces règles, je suis réservé sur la méthode que vous suggérez d’employer. Il y a un an, un accord national interprofessionnel a été signé par les partenaires sociaux, puis transposé par le Gouvernement dans la loi : la question des FCPE de reprise a été abordée, mais pas les modifications que vous proposez.

Au regard du consensus auquel sont parvenues les organisations syndicales et patronales, lequel a permis d’aboutir à cet accord, il me semble délicat de revenir sur ce sujet sans consulter préalablement les partenaires sociaux.

Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, j’y serai défavorable. Nous pourrons éventuellement discuter de cette question avec les partenaires sociaux et y revenir ultérieurement.

M. le président. Quel est désormais l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Même avis que le Gouvernement.

M. le président. Monsieur Brault, l’amendement n° 42 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Luc Brault. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 42 rectifié est retiré.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France.

(La proposition de loi est adoptée.)

Après l’article 14 (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France
 

7

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 15 mai 2024 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures trente et le soir :

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession (texte de la commission n° 576, 2023-2024) ;

Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels (texte de la commission n° 561, 2023-2024) ;

Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, ratifiant l’ordonnance n° 2023-285 du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé (texte de la commission n° 581, 2023-2024) ;

Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne (texte de la commission n° 563, 2023-2024).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 15 mai 2024, à zéro heure vingt.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER