Mardi 7 mai 2024

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 14 heures.

Transport ferroviaire - Audition de M. Jean-Pierre Farandou, président-directeur général de la SNCF

M. Jean-François Longeot, président. - Monsieur le président-directeur général, nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui, comme nous le faisons chaque année depuis votre nomination à la tête du groupe SNCF en 2019, pour évoquer les enjeux et défis du transport ferroviaire en France, un secteur au coeur de l'actualité.

Je m'en tiendrai pour ma part à quatre thématiques principales.

Tout d'abord, je souhaite vous entendre sur la préparation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Comme vous le savez, moins de quatre-vingts jours nous séparent de cet événement mondial, qui devrait se traduire par un afflux massif de voyageurs sur nos réseaux de transport, et notamment sur les réseaux RATP et SNCF. Je précise que nous entendrons la semaine prochaine, dans le cadre d'une table ronde, Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports, et Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France et présidente d'Île-de-France Mobilités, sur cette question. Pourriez-vous dresser un bilan des dispositifs déployés par le groupe SNCF pour répondre à cette demande supplémentaire ? Estimez-vous que la SNCF sera prête d'ici à fin juillet ? Disposez-vous d'effectifs suffisants pour garantir l'ensemble de l'offre ? Comment appréhendez-vous les éventuelles grèves qui pourraient survenir pendant cette période ? Reste-t-il des difficultés à aplanir ? Enfin, de quelle manière anticipez-vous le nécessaire renforcement de la sécurité dans nos enceintes de transport ?

J'en viens à présent à l'accord collectif relatif aux dispositifs d'accompagnement de fin de carrière que la direction du groupe a signé, avec les quatre organisations syndicales le 22 avril dernier. Articulé autour de quatre axes principaux, et applicable à partir de janvier 2025, cet accord vise, entre autres, à améliorer et à simplifier les dispositifs d'aménagement de fin de carrière, notamment à travers la mise en place d'un dispositif de cessation anticipée d'activité et d'un dispositif de temps partiel de fin de carrière. Pour certains, cet accord va à rebours de la logique dans laquelle s'inscrivait la dernière réforme des retraites adoptée il y a tout juste un an, en avril 2023, en ce qu'il permettrait à certains salariés de bénéficier d'un dispositif de cessation anticipée d'activité. Pourriez-vous revenir plus précisément sur le contenu de cet accord, ainsi que sur les modalités de la négociation qui a conduit à sa conclusion ?

Ma question suivante, plus prospective, porte sur les perspectives de développement du transport ferroviaire. Comme vous le savez, nous avons inscrit dans la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience », des objectifs ambitieux de développement du transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises. Certains textes, tels que la loi du 27 décembre 2023 relative aux services express régionaux métropolitains, ont confirmé cette ambition. En février 2023, l'annonce d'Élisabeth Borne, alors Première ministre, du déploiement d'un plan pour une nouvelle donne ferroviaire, doté de 100 milliards d'euros, avait suscité certains espoirs. Or nous attendons toujours le détail et la ventilation des dépenses envisagées, ainsi que les modalités de financement. Formons le voeu que la prochaine actualisation du contrat de performance entre SNCF Réseau et l'État réponde à nos attentes. Comment envisagez-vous, en tant que PDG de la SNCF, la déclinaison concrète de cette nouvelle donne ? À quelle hauteur les différentes sociétés de la SNCF seront-elles amenées à y participer ?

Enfin, j'avais prévu de vous demander d'établir un bilan de vos presque cinq années à la tête de la SNCF - je rappelle que vous avez d'abord été nommé aux fonctions de président du directoire de la SNCF fin 2019, avant d'être désigné président-directeur général de l'entreprise à la fin de l'année 2020 -, mais nous venons d'apprendre par un communiqué de presse du Gouvernement que votre mandat s'achèverait après les jeux Olympiques et Paralympiques. Que retirez-vous de cette mission ? Quels sont, d'après vous, les grands défis à venir pour le groupe que vous présidez ?

Avant de vous laisser répondre à ces premières questions, je vais céder la parole à Philippe Tabarot, en sa qualité de rapporteur pour avis de notre commission sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes. - Monsieur le président-directeur général, permettez-moi au préalable de vous remercier d'être venu de votre plein gré, sans contrainte, pour ce point d'étape ferroviaire auquel vous participez ici chaque année. Vous êtes un dirigeant droit et constant vis-à-vis de la représentation nationale ; nous avons toujours apprécié votre sincérité et la force de votre engagement en faveur de l'entreprise publique, dont vous avez étayé les lignes de force depuis votre arrivée. Cette audition, prévue depuis longtemps, débute, hasard du calendrier, deux heures après un communiqué du Gouvernement, pour le moins surprenant, qui annonce votre non-reconduction à la tête de la SNCF après les jeux Olympiques. Cette annonce, faussement martiale, cache une réalité et une volonté. La réalité, c'est que vous étiez touché par la limite d'âge et que la question de votre reconduction à la tête de la SNCF, que j'aurais souhaitée, se posait dans tous les cas de figure ; la volonté, que je regrette, était de faire du PDG le fusible d'une histoire pourtant écrite à quatre mains sur l'accord relatif aux fins de carrière.

Nous aimerions que vous nous expliquiez ce que cet accord comporte, car il nous a surpris. Cette audition sera-t-elle l'occasion de tenter de nous persuader du bien-fondé de celui-ci ? Cela me semble complexe, car, pour de très nombreux Français, cet accord d'avril ressemble à un miracle de Noël avant l'heure : il a été conclu sur le dos des contribuables, quand on sait que l'État a repris 35 milliards d'euros de dettes et verse chaque année une subvention d'équilibre de 3 milliards d'euros pour abonder le régime de retraite des cheminots ; il s'agit aussi d'un accord visant à faire face aux grèves à répétition ; enfin c'est un accord « quoi qu'il en coûte » à la SNCF, comme le titrait un journal national.

Le Gouvernement, par l'intermédiaire du ministre des transports et du ministre de l'économie, se révèle bicéphale dans ses discours et schizophrène dans ses prises de position : joue-t-il une stupeur feinte ou est-il le décideur complice et silencieux de cet accord, alors que le capital de la SNCF est détenu à 100 % par l'État ? Nous voulons connaître le rôle du Gouvernement dans cette négociation qui contribue, à notre sens, à faire éclater le principe d'égalité entre public et privé, les règles en matière de pénibilité au travail, ainsi que les codes en matière de sobriété financière, en pleine gabegie nationale. Les syndicats ont-ils pris leur revanche, à prix d'or, sur le dos de la SNCF, afin de revendiquer une principauté sociale exclusive en dépit de la réforme des retraites ? Est-ce un nouveau régime spécial dans un régime spécial ? Que répondez-vous à ceux qui trouvent que cet accord est généreux et dérogatoire, alors que le statut de cheminot a été supprimé en 2018, au prix, rappelons-le, de très nombreuses perturbations ? Quel est son vrai coût pour la SNCF ? Celui-ci sera-t-il totalement absorbé par le groupe, comme l'affirme le ministre des transports, ou perturbera-t-il les équilibres financiers de l'entreprise, comme le suggère Bruno Le Maire ? N'aurait-il pas mieux valu, pour le Gouvernement, ne pas tourner le dos aux propositions sénatoriales qui ont été votées, lesquelles s'attaquent véritablement au fond du problème : le chantage permanent et le détournement du droit de grève ? Il s'agit là de la clef que nous assumons : on ne pourra pas continuer indéfiniment à fermer les yeux et à baisser la tête face au pouvoir de nuisance colossal exercé par certains. Malgré cet accord sur les fins de carrière, nous avons ainsi appris qu'un préavis de grève avait été déposé pour le 21 mai prochain en vue des jeux Olympiques.

Permettez-moi également d'évoquer la question des investissements de la SNCF. Vous avez courageusement lancé la mobilisation générale pour le train en annonçant que les besoins en termes d'investissements s'élevaient à 100 milliards d'euros supplémentaires. Vous le savez, au Sénat, nous combattons une modernisation au rabais, qui ne ferait que déclasser le rail, lequel est pourtant une véritable fierté nationale. À la suite du rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), Élisabeth Borne a annoncé le lancement d'un plan doté de 100 milliards d'euros. Si nous avons salué la prise de conscience qu'il révélait, ce plan ne devait pas rester un effet d'annonce sans suite ; or le temps passe et nous craignons que nos réticences se confirment. Un sursaut est-il encore possible ? Avez-vous reçu des garanties de la part du Gouvernement à ce sujet ? La copie de l'exécutif sera-t-elle revue à la hausse ? Le financement du plan reposera-t-il sur les épaules de la seule SNCF ? Surtout, l'entreprise est-elle en mesure d'augmenter sa contribution pour suppléer un État qui se tiendrait en retrait ? Nous l'avons dit, il est impératif que l'État se réengage financièrement et tienne ses promesses, mais que, dans le même temps, la SNCF reste la garante d'un certain équilibre économique, qui cherche la performance et la qualité, en évitant tout arrangement catégoriel obtenu via des pratiques inavouables.

Monsieur le président-directeur général, il est injuste, compte tenu de votre action plus que positive durant près de cinq ans, que vous serviez de fusible à des personnes qui, par manque de courage ou par incompétence, n'assument pas leurs directives. Vous allez quitter l'entreprise, alors que les responsables vont rester : étrange, non ?

M. Jean-François Longeot, président. - À l'évidence, l'annonce du Gouvernement nous interpelle tous. Je vous cède la parole, monsieur le président-directeur général.

M. Jean-Pierre Farandou, président-directeur général de la SNCF. - Depuis mon arrivée à la présidence du groupe SNCF, je viens régulièrement devant vous pour parler de l'actualité et de l'évolution de la société et répondre à vos questions, notamment celles qui concernent vos territoires respectifs. Cette audition intervient par ailleurs dans le contexte de la récente signature d'un accord d'entreprise sur la gestion de la fin de carrière des agents de la SNCF. J'ai entendu à cet égard un certain nombre d'interrogations : elles sont légitimes. J'ai également entendu un certain nombre de critiques : je les ai parfois trouvées sévères ou injustes. Je vais tenter d'y répondre au mieux, car je suis convaincu qu'il s'agit d'un bon accord pour l'entreprise d'un point de vue tant économique que social.

Que de chemin parcouru depuis ma nomination !

Sur le plan économique, les chiffres sont éloquents. La trajectoire financière de la SNCF s'est assainie, conformément à l'engagement que j'avais pris en 2019 devant le Gouvernement, la représentation nationale et les Français. Le chiffre d'affaires du groupe s'élevait à 35 milliards d'euros en 2019 ; il a atteint 42 milliards d'euros en 2023, en augmentation de 20 %. En termes de résultat net, l'entreprise, qui présentait un déficit de 300 millions d'euros en 2019, a dégagé un excédent de 1,3 milliard d'euros en 2023. Le cash-flow libre, autrement dit l'argent dans les caisses, est quant à lui passé de - 2,3 milliards d'euros à + 2,5 milliards d'euros entre 2019 et 2023. Ces bons résultats permettent à la SNCF d'augmenter sensiblement sa participation au fonds de concours qui finance la régénération du réseau ferré national : en 2024, le groupe y versera au total 1,7 milliard d'euros. Entre 2024 et 2027, il l'abondera de 2,3 milliards d'euros supplémentaires par rapport aux engagements pris lors de la réforme de 2018.

Les travaux de régénération et de modernisation, dont témoignent les 1 600 chantiers ouverts partout en France par SNCF Réseau en 2024, constituent la seule réponse appropriée à la nécessaire amélioration de la qualité de service qu'attendent nos concitoyens dans les territoires. Au-delà du réseau ferré national, nous achetons 115 nouveaux trains à grande vitesse de nouvelle génération, dits TGV M, à Alstom ; par ailleurs, nous modernisons et nous construisons des technicentres de maintenance pour accompagner cet accroissement de la flotte.

Ainsi, tout en finançant sur ses fonds propres ces efforts d'investissement sans précédent sur le réseau et le matériel roulant, tout en assurant la croissance externe de Geodis, cette grande entreprise de logistique qui est l'autre poumon économique du groupe, par deux belles acquisitions aux États-Unis et en Allemagne pour un montant de 1 milliard d'euros chacune, le groupe est parvenu à stabiliser sa dette à hauteur de 24 milliards d'euros. J'ajoute que le ratio de solvabilité de cette dette nette sur le bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (Ebitda) contribue à réinscrire l'endettement du groupe SNCF dans la normalité. La SNCF a donc tourné le dos au déficit et à la spirale infernale de la dette. La réforme de 2018 fonctionne : c'est une bonne nouvelle pour les Français. Le groupe, si l'on tient compte de ses activités ferroviaires et de ses grandes filiales Geodis et Keolis, gagne de l'argent, qui est investi dans le ferroviaire français.

Ces résultats ont été obtenus alors que la SNCF a traversé plusieurs crises inédites majeures qui sont venues bouleverser la bonne marche des affaires : une première réforme des retraites au cours de l'hiver 2019-2020, qui a provoqué un conflit social dur d'une durée de deux mois ; la crise sanitaire et économique liée à la covid-19 - rappelons que les TGV étaient à l'arrêt en mars et avril 2020 - ; la crise économique et sociale due à l'inflation et aux problèmes de pouvoir d'achat, eux-mêmes liés à la hausse des prix de l'énergie à la suite de l'invasion de l'Ukraine par la Russie ; enfin, la deuxième réforme des retraites durant les premiers mois de l'année 2023, qui a entraîné de longues grèves ayant perturbé l'entreprise. Cette période se caractérise également par l'arrivée effective de concurrents dans le secteur du transport ferroviaire de voyageurs. Trenitalia et Renfe exploitent des TGV entre Lyon et Paris ou entre Lyon et Barcelone et Marseille et Madrid. Transdev a par ailleurs gagné deux appels d'offres TER, l'un dans la région Sud-Provence-Alpes-Côte d'Azur, l'autre dans la région Grand Est.

Premier enseignement, SNCF Réseau et SNCF Gares & Connexions ont su accueillir les nouveaux entrants en toute équité, sous le regard attentif de l'Autorité de régulation des transports (ART). Deuxième enseignement, cette transformation profonde de la SNCF bouscule les certitudes des cheminots, c'est pourquoi nous devons les accompagner. Troisième enseignement, SNCF Voyageurs résiste plutôt bien, puisque, à ce jour, la société a gagné quatre appels d'offres TER ou Transilien sur six et n'a pas perdu de voyageurs sur la ligne Paris-Lyon.

Je souhaite désormais évoquer les aspects sociaux de l'entreprise.

Ma première conviction en tant que dirigeant est que l'on ne peut pas transformer contre ses salariés une entreprise publique de 150 000 cheminots, un groupe qui possède une forte culture interne. Il faut donner du sens et embarquer les salariés dans un projet d'entreprise attractif. Deuxième conviction : nous devons associer les salariés aux bons résultats de l'entreprise. Il faut toujours chercher le bon équilibre entre l'économique et le social : je fais de cette ligne de conduite une constante depuis le début de ma présidence. Avec la fin du recrutement au statut voulue par la réforme de 2018, la SNCF a cherché, dans le cadre d'un marché du travail très compétitif, à attirer et à retenir les nombreux talents dont elle avait besoin pour garantir à ses clients un service de qualité dans les territoires. Troisième conviction : la grève est un droit constitutionnel que personne ne souhaite remettre en cause. Le dialogue social est essentiel pour l'éviter chaque fois que c'est possible, car la grève prive les Français du service attendu et abîme l'image et les comptes d'une entreprise qui est au service de ses clients. Un accord social équilibré, trouvé à froid, est toujours meilleur qu'un conflit larvé ou déclaré, à l'issue incertaine. En termes de conflictualité, si l'on met de côté les deux grèves interprofessionnelles liées aux réformes des retraites, qui dépassaient la seule SNCF, on n'a recensé que deux mouvements sociaux nationaux visibles propres à la SNCF en quatre ans et demi. Le premier a eu lieu le week-end de Noël 2022 au cours duquel deux TGV sur trois ont malgré tout roulé ; le second s'est déroulé en février 2024 : nous sommes parvenus à transporter 85 % de nos clients et, surtout, 100 % des voyageurs qui se rendaient dans les vallées alpines. Je ne minimise pas les conséquences de ces mouvements pour nos clients, et je les regrette. Pour autant, on connaît la réactivité des syndicats de notre entreprise : j'estime que ce résultat est honorable au regard des difficultés économiques causées par l'arrêt des TGV durant la crise de la covid-19, des enjeux sociaux liés aux risques sanitaires suscités par cette même épidémie, de la hausse très importante des prix qui a miné le pouvoir d'achat des salariés, de l'inquiétude légitime causée par l'ouverture à la concurrence et de la discontinuité décidée par la Commission européenne qui affecte Fret SNCF. Le dialogue social est vivant depuis mon arrivée dans l'entreprise et vous m'avez déjà entendu le dire : je suis un infatigable du dialogue social.

J'en viens maintenant à l'accord sur les fins de carrière récemment signé à la SNCF. J'ai entendu les doutes et les critiques. Ma conviction est qu'il s'agit d'un bon accord, qui ne contourne pas la loi sur les retraites et qui est conforme aux pratiques des grandes entreprises publiques ou privées. Son coût est raisonnable et sera bénéfique à l'entreprise : il ne coûtera rien aux contribuables, aux clients ou aux caisses de retraite. L'accord lui-même existe depuis 2008, sa renégociation a été engagée à la demande des pouvoirs publics et conduite avec responsabilité et en toute transparence. D'abord, tout accord social est par définition un compromis. Son résultat tient compte des demandes des salariés, tout en respectant les équilibres économiques. Cet accord se divise en deux volets, tous deux en ligne avec la réforme des retraites votée en 2023.

Le premier volet comporte deux dispositifs destinés à accompagner les salariés qui travailleront plus longtemps du fait de l'entrée en vigueur de la loi : le premier offre de nouvelles perspectives de carrière et de rémunération à ceux qui entendent rester dans l'entreprise au-delà de 60 ans. La grille indiciaire historique était conçue pour des cheminots partant à la retraite à 55 ans ; ceux-ci partent désormais à 60 ans et plus. Le second propose des possibilités de reconversion professionnelle à des agents exerçant des métiers pénibles qui souhaitent poursuivre et terminer une carrière plus longue sur des emplois moins pénibles. Ces deux premiers dispositifs s'inscrivent totalement dans l'esprit de la loi en prévoyant un allongement des carrières et un départ à la retraite plus tardif ; leur coût s'élève à 20 millions d'euros par an, ce qui est très raisonnable, puisqu'une telle somme ne représente que 0,2 % de la masse salariale de la SNCF.

Le deuxième volet de la négociation a été l'occasion d'adapter l'accord en vigueur depuis seize ans, lequel prévoyait des mécanismes complexes de cessation progressive de l'activité, alors que la retraite était encore fixée à 55 ans pour les cheminots statutaires. Les pouvoirs publics, peu après le vote de la réforme des retraites de l'an dernier, ont demandé aux branches et aux entreprises de travailler sur le volet pénibilité dans un contexte où la loi prévoit un allongement des carrières. Au cours du printemps 2023, à la demande des pouvoirs publics, nous avons donc proposé aux organisations syndicales de revoir ce vieil accord qui ne tenait compte ni de la réforme Fillon de 2010, ni de la réforme Touraine de 2014, ni de la réforme de 2023. Les négociations sont entrées dans une phase active à l'automne 2023. Elles ont abouti à la fois à une simplification et à une amélioration de six mois des dispositifs existants, tenant compte de la pénibilité des métiers exercés à la SNCF. Ce sujet, qui est un enjeu propre à la SNCF, me tient particulièrement à coeur. Nous sommes une entreprise industrielle, ouvrière, de production, qui travaille 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, du 1er janvier au 31 décembre. 91 000 cheminots, soit deux cheminots sur trois, exercent un métier pénible au sens de la réglementation, et ce pendant de longues années, tout au long de leur carrière. Parlons du vécu des salariés de la SNCF et partons des réalités : dans les ateliers, dans les postes d'aiguillage et de gestion de l'énergie électrique, dans les dépôts, dans les gares, dans les trains, sur les voies, ils travaillent de nuit, en horaires décalés, font les trois-huit. Tout cela est usant ! Je pense aussi aux personnels roulants, qui travaillent en horaires atypiques et découchent parfois plusieurs fois par semaine. Enfin, il ne faut pas oublier les agents travaillant en extérieur, quelles que soient les intempéries et la température : la maintenance des voies, par exemple, est quasiment exclusivement assurée la nuit. J'ajoute que la maintenance des matériels se fait de moins en moins de jour. Quant aux agents de la surveillance générale, ces personnels armés et formés pour nous protéger, ils travaillent à toute heure, de jour comme de nuit. Le coût net de ce deuxième volet consacré à la pénibilité est de 15 millions d'euros par an, soit 0,15 % de la masse salariale. Il s'agit du solde entre le coût brut du dispositif, correspondant à la prise en charge par l'entreprise d'une partie de la rémunération pendant la période non travaillée, et les économies réalisées sur la masse salariale. Ces économies résultent de l'effet générationnel ou effet de noria, d'une part, et du non-remplacement systématique des salariés partant à la retraite, d'autre part. En effet, grâce au nouvel accord, l'entreprise n'est plus obligée de recruter un nouveau salarié en cas de départ. En somme, il sera désormais plus simple de gérer les effectifs : pour ce qui est des fonctions support par exemple, il est probable que l'essor de la numérisation et de l'intelligence artificielle réduise les besoins de recrutement de nouveaux agents.

Le volet « cessation anticipée de l'activité » de l'accord emportera également des effets bénéfiques sur l'absentéisme et sur la gestion de l'inaptitude très pénalisante dans les métiers de sécurité, car pénibilité et absentéisme sont des sujets connexes. À la SNCF, la courbe est très nette : entre 60 et 65 ans, l'absentéisme est multiplié par deux ; au-delà de 65 ans, il l'est par trois. Il est donc indispensable de mieux accompagner les agents en fin de carrière. L'accord permettra enfin une meilleure gestion prévisionnelle des emplois, puisque nous saurons plus tôt à quelle date les salariés partent à la retraite. Aujourd'hui, lorsqu'un conducteur quitte l'entreprise, le délai de préavis est de six mois. Or il faut plus d'un an pour former un nouveau conducteur : ce décalage nous est préjudiciable et crée un certain nombre de difficultés.

Je m'engage à compenser le coût de cet accord sans le répercuter sur le prix des billets et en préservant les marges du groupe. La SNCF a de l'argent et peut très bien financer le coût de ces mesures grâce à ses 1,3 milliard d'euros de résultat net. Les plans prévisionnels dont nous disposons me rendent par ailleurs confiant dans notre capacité à financer cet accord dans la durée. S'agissant de l'argument consistant à redouter la répercussion du coût de l'accord sur le prix des billets, on frise le ridicule : 35 millions d'euros rapportés à 122 millions de billets, cela ne représenterait que 29 centimes d'euro ! Croyez-vous vraiment que la SNCF augmentera le prix de ses billets ? Dernier point, l'accord ne rognera pas les marges financières de l'entreprise. Je m'y suis engagé devant le Gouvernement.

Évoquons les seniors, les 42 000 salariés âgés de plus de 50 ans, soit un agent sur quatre. Notre philosophie consiste à leur donner des perspectives. Grâce à cet accord, les cheminots seront considérés et aidés par l'entreprise pour réussir leurs dix à quinze dernières années de carrière et nous entendons nous appuyer sur leur expérience et leur savoir-faire. L'accord est également positif pour nos clients, parce qu'il permet de maintenir la motivation de nos personnels, ce qui contribue à la production d'un service de qualité, et parce qu'il permet de disposer des effectifs adéquats pour assurer les services attendus.

Abordons maintenant la question de la méthode. Je le redis, la négociation sur les fins de carrière liée à la pénibilité s'est engagée l'an dernier à la demande des pouvoirs publics. Je l'ai conduite en toute transparence : il serait étonnant que le Gouvernement n'en ait pas été informé, d'autant que Laurent Berger s'était plaint à l'époque de l'absence de prise en compte de la pénibilité. Depuis mon arrivée à la tête du groupe SNCF, une tutelle à deux branches s'exerce sur la stratégie sociale de l'entreprise : une tutelle technique, celle du ministère des transports, une tutelle sociale et politique, celle du ministère des transports et de Matignon, et une tutelle économique exercée par Bercy. Par ailleurs, je rends compte régulièrement des grands dossiers sociaux à mon conseil d'administration - qui compte d'ailleurs des représentants de l'État, et notamment de Bercy - , ex ante pour ce qui est de la stratégie et des objectifs, ex post pour ce qui concerne les résultats des négociations. S'il fallait une preuve supplémentaire de la totale transparence dont j'ai fait preuve au cours des négociations qui ont abouti à la conclusion de cet accord, je citerais la longue interview que j'ai donnée dans le journal Le Monde le 23 février dernier, qui m'a permis d'exposer ma conception du dialogue social. J'y mentionne explicitement l'ouverture de négociations sur les fins de carrière et la pénibilité : je ne comprends donc pas les critiques émises sur l'opacité supposée de cet accord... J'espère qu'à travers ces précisions j'aurai apporté des réponses à vos préoccupations légitimes. Je suis prêt à répondre à toutes vos questions à ce sujet.

Enfin, je ne peux pas achever mon propos sans vous rappeler l'importance de l'enjeu des transitions écologique et énergétique et du rôle clef que peut et doit jouer le secteur ferroviaire. Vous connaissez mon engagement pour le « fois deux » : deux fois plus de voyageurs et deux fois plus de marchandises dans les dix à quinze ans à venir. Je suis profondément attaché au report modal des modes de transport polluants vers le ferroviaire français : c'est un mode non polluant, parce qu'il fonctionne à l'électricité et que l'électricité est décarbonée dans notre pays - merci EDF ! Le groupe SNCF est une entreprise innovante, qui s'est lancée l'an passé dans la production massive d'électricité solaire à travers sa nouvelle filiale SNCF Renouvelables, pour consolider la souveraineté énergétique du pays. Nous allons déployer des panneaux solaires sur tous nos terrains et bâtiments : la production d'énergie solaire de la SNCF lui permettra de couvrir 15 % de ses besoins en 2030 ; l'objectif du groupe est d'être totalement autonome en 2050. Il s'agit évidemment d'une excellente nouvelle pour la souveraineté énergétique de notre pays, sans compter que la SNCF est le premier consommateur d'électricité de notre pays et que cette autonomie contribuera à réduire drastiquement la sollicitation de notre système de production d'électricité. Le groupe a également lancé un certain nombre de projets de nouveaux trains régionaux décarbonés et moins coûteux un peu partout sur le territoire : en Alsace, en Haute-Vienne, en Loire-Atlantique, en Charente-Maritime, et ce, pour desservir tous les territoires, dans leur diversité.

Je suis fier d'être à la tête de cette grande entreprise publique qui s'engage au service de la Nation et du rayonnement de notre pays, une entreprise qui apporte un contingent de 1 000 réservistes à la garde nationale, qui a accueilli des réfugiés ukrainiens dans ses gares, qui a très vite organisé des convois vers l'Ukraine avec la protection civile et qui, pendant la pandémie de la covid-19, a transformé des TGV en hôpitaux pour transporter et sauver des malades. Les cheminots ont réussi à assurer la continuité du service lors de la Coupe du monde de rugby ; ils ont lancé vendredi dernier un nouveau RER baptisé Eole (Est-Ouest liaison express) ; ils se préparent aujourd'hui, à travers tout le pays, pour que la France gagne la médaille d'or du pays organisateur des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.

J'ai été choisi en novembre 2019 par le Président de la République et le Premier ministre, M. Édouard Philippe, pour mettre en oeuvre la réforme de 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire. En responsabilité, j'ai mené une transformation profonde du groupe SNCF : j'ai fait évoluer sa gouvernance, en le faisant passer d'un établissement public industriel et commercial (Épic) à une société anonyme ; je l'ai également fait évoluer sur les plans économique, industriel, environnemental et social. Avec certains d'entre vous et de vos collègues députés, ainsi qu'avec les présidents de région, nous avons remis le ferroviaire au coeur du débat public. Les projets de services express régionaux métropolitains (Serm) avancent dans les métropoles. Les nouvelles lignes à grande vitesse (LGV) ont repris de la vigueur. 10 milliards d'euros sont investis chaque année dans le ferroviaire. J'ai replacé, et vous m'y avez aidé, les territoires et les clients - autorités organisatrices, voyageurs, chargeurs, nouveaux entrants - au coeur de notre projet d'entreprise, avec l'ambition d'encourager les Français à prendre le train, d'améliorer la qualité de service, mais aussi de réussir l'ouverture à la concurrence. Ma responsabilité n'a pas changé. Face aux défis nombreux et lourds que connaît notre pays, le mandat qui m'a été confié consiste à conduire la transformation et la modernisation durables de cette entreprise. Pour ce faire, je dois rechercher en permanence la convergence entre l'économie, l'humain et la transition écologique, au service des Français et des territoires. Je remercie le Président de la République pour m'avoir proposé en 2019 pour cette belle fonction, et les deux commissions, au Sénat et à l'Assemblée nationale, pour m'avoir confirmé à mon poste par deux fois. J'ai agi, j'agis et j'agirai toujours dans le respect et la considération de tous les partenaires et de tous les salariés de l'entreprise. C'est mon style, ce sont mes valeurs : j'ai le service de la Nation, de l'intérêt général et du bien commun chevillé au corps.

Après ce propos liminaire, je tiens à répondre en détail aux questions du président Longeot et du rapporteur pour avis Tabarot.

S'agissant des jeux Olympiques et Paralympiques, sachez-le : je ne minimise pas les enjeux, mais je suis confiant dans la capacité du groupe SNCF à être prêt à temps et à relever le défi. Nous serons en mesure de desservir les très nombreux sites olympiques se situant en province - à Lille, à Marseille ou à Châteauroux. En effet, l'été, année olympique ou non, tous nos TGV circulent ; aucun ne reste au garage. L'offre estivale que nous sommes habitués à proposer sera la même l'été prochain et les trains seront aussi bondés que d'habitude. Cela étant, une attention particulière sera accordée à l'accueil et à la prise en charge des clients dans les villes olympiques. En revanche, en Île-de-France, les choses seront plus complexes sur un plan opérationnel et logistique. Ainsi, c'est la première fois que le Stade de France se remplira et se videra deux fois dans une même journée, avec les allers-retours que cela implique pour les usagers des transports. C'est du jamais vu en termes de flux ! Par ailleurs, de nombreuses gares franciliennes seront nettement plus fréquentées qu'à l'accoutumée, comme celle de Vaires-sur-Marne, où se dérouleront les compétitions d'aviron, qui accueillera 30 000 passagers chaque jour durant les jeux Olympiques, soit dix fois plus qu'en temps normal ou comme les gares de la ligne C du RER, dont la fréquentation sera également multipliée par dix. Aussi, alors que l'offre ferroviaire est traditionnellement réduite en Île-de-France en période estivale du fait des vacances, elle sera maintenue cet été au même niveau que le reste de l'année, ce qui signifie que les personnels n'auront pas de congés. Vous admettrez que cette contrainte supplémentaire appelle naturellement un certain nombre de compensations. Pour relever ce défi, nous avons prévu des modalités d'organisation très précises ; nous avons également prévu un nombre significatif de renforts : 10 000 vacataires - volontaires de la SNCF, extérieurs, enfants de cheminots - seront mobilisés ; nous avons consenti un important effort d'anticipation qui nous a conduits à recruter davantage pour combler les besoins, mais aussi pour compenser en septembre et en octobre les congés qui auront été ajournés. Les efforts ont aussi concerné la maintenance des matériels roulants : le parc sera totalement opérationnel cet été. Idem pour les voies ferrées : il n'y aura pas de travaux sur les infrastructures durant toute la durée des jeux Olympiques et Paralympiques, de telle sorte que les techniciens travaux vont devenir des dépanneurs : en vingt minutes maximum en cas de panne, nous pourrons projeter une équipe de dépannage pour intervenir. Bref, nous serons prêts !

Pour ce qui est du dialogue social en prévision de cet événement, un groupe de travail a été mis en place en novembre 2023. Nous discutons prioritairement de l'organisation, de l'emploi et des besoins avec les organisations syndicales. Une table ronde se tiendra le 22 mai prochain : j'espère que les points de vue convergeront, même si j'ai noté qu'un appel à la grève avait été lancé pour la veille. Je n'oublie pas que les jeux Olympiques permettront de léguer un héritage durable à notre pays : j'ai à l'esprit la mise en accessibilité des gares, l'ouverture de la ligne Eole, la rénovation de la gare de Saint-Denis, mais aussi une application de traduction instantanée, qui permettra aux touristes étrangers d'obtenir de l'aide dans l'une des cent à cent cinquante langues prévues. En somme, nous serons au rendez-vous. Je m'implique personnellement et mets toute mon énergie au service de cette cause.

J'en viens au plan de 100 milliards d'euros annoncé par Élisabeth Borne : près de 70 % de son montant sera consacré à des projets comme les Serm ou les nouvelles LGV. Chaque projet fera l'objet d'un tour de table qui permettra de boucler son financement. La SNCF, que ce soit SNCF Réseau ou SNCF Gares & Connexions, a vocation à être maître d'ouvrage, mais pas à être financeur. La LGV Bordeaux-Toulouse, par exemple, représente un investissement de 14 milliards d'euros : les collectivités concernées, au premier rang desquelles on trouve les régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, ont fédéré les efforts des différents territoires pour trouver les financements nécessaires, en complément du concours de l'État. Pour ce qui est des 30 milliards d'euros restants, la SNCF est en revanche contributrice, car il s'agit de remettre en état le bien commun national que constitue le réseau ferroviaire français. SNCF Réseau a pour mission d'entretenir et de gérer les infrastructures au nom de la cohésion technique et de la sécurité de l'ensemble du réseau. Signalons que ce réseau a été sous-entretenu durant des décennies : c'est l'envers de la politique de développement des lignes à grande vitesse qu'a menée notre pays. Celle-ci a coûté 100 milliards d'euros au total, dont 90 % ont été pris en charge par la SNCF. Ce sont en quelque sorte 90 milliards d'euros qui n'ont pas servi au réseau ferroviaire classique. Comme toute infrastructure, un réseau ferroviaire commence à décliner et à connaître de grandes difficultés au bout de vingt à trente ans : nous y sommes. Certes, grâce à la réforme de 2018, les sommes allouées à l'entretien du réseau ont augmenté de 2,8 à 2,9 milliards d'euros par an, mais cela ne suffit toujours pas. Les experts estiment qu'il faudrait consacrer au moins 1,5 milliard d'euros supplémentaires chaque année pour régénérer le réseau et le moderniser : l'âge moyen du réseau français est de trente ans, contre dix-sept ans pour le réseau allemand. L'effort à fournir pour rajeunir le réseau national est colossal et devra se maintenir dans la durée. Actuellement, nous n'avons que partiellement résolu ce besoin de financement de 1,5 milliard d'euros par an. D'ici à 2027, 2,3 milliards d'euros seront consacrés à l'entretien des voies - 300 millions d'euros cette année, 400 millions d'euros en 2025, 600 millions d'euros en 2026, 1 milliard d'euros en 2027, le tout financé par la SNCF. À ce stade, les discussions n'ont pas abouti pour parvenir à un financement de 1,5 milliard d'euros par an à compter de 2028, même si le ministre des transports de l'époque envisageait, en fin d'année dernière, une clause de revoyure en 2025 pour une montée en charge plus ambitieuse. Le débat derrière cet enjeu, qu'il ne me revient évidemment pas de trancher, est naturellement de nature fiscale.

M. Didier Mandelli. - Monsieur le président-directeur général, je ne pensais pas que cette audition, dont la date a été fixée il y a quelques semaines, se transformerait en une cérémonie d'au revoir. Je considère la décision prise ce matin par le Gouvernement, à quelques heures de notre audition, comme brutale, n'est pas sans rappeler, pour le Vendéen que je suis, l'éviction du général Pierre de Villiers de ses fonctions de chef d'état-major en 2017. La politique du fusible ou du bouc émissaire a ses limites qui, en l'espèce, ont été franchies aujourd'hui. Je voudrais vous remercier pour le travail que vos équipes et vous-même avez réalisé depuis votre nomination. La SNCF se porte plutôt mieux qu'à l'époque de votre entrée en fonction : la stratégie de l'entreprise est plus claire et lisible, pour ce qui concerne tant les projets que les financements. Je vous remercie plus particulièrement de l'ensemble des actions qui ont été engagées depuis le vote de la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, un volet auquel je suis très sensible, comme beaucoup de mes collègues ici présents.

Vous avez évoqué les accords de 2008. Selon vous, à l'automne 2023, les pouvoirs publics vous ont incité à mettre en oeuvre cette évolution interne à la suite de la réforme des retraites. Vous avez évoqué une double tutelle, pourriez-vous préciser quel ministère vous a sollicité pour vous engager dans cette voie ? Le Gouvernement et l'Élysée jurent leurs grands dieux qu'ils n'étaient pas au courant de l'accord relatif aux fins de carrière à la SNCF. Je trouve que ces déclarations sont à la fois indélicates et irresponsables ; elles dénotent en tout cas une incapacité à assumer les décisions ou les engagements pris. Il est inimaginable qu'aucun collaborateur ou aucun ministre n'ait pris connaissance de l'interview que vous avez donnée au journal Le Monde. Soyons clairs : chacun doit assumer ses responsabilités, de l'Élysée à Matignon en passant par le ministère des transports et le ministère de l'économie. Vous avez conduit une réforme et contribué à la transformation de la SNCF : je considère que vous n'êtes pas remercié aujourd'hui comme vous auriez dû l'être et qu'aucun dirigeant d'une grande entreprise d'État ne mérite le sort qui vous est réservé. Ce n'est pas ainsi que l'on redonnera confiance dans la chose publique et dans le Gouvernement.

M. Jean-François Longeot, président. - La décision de votre non-reconduction est effectivement totalement indécente.

M. Olivier Jacquin. - Monsieur le président-directeur général, votre audition restera dans les annales tant la brutalité de l'annonce faite à votre endroit traduit celle d'un management caractéristique de la haute fonction publique. Vous êtes un cheminot apprécié de ses collègues, dont le bilan est très satisfaisant. L'accord sur les fins de carrière que vous venez de détailler, signé il y a quelques jours, en est un témoignage supplémentaire. La réussite économique de la SNCF, c'est sa réussite sociale. Cet accord est la preuve que le dialogue social est fructueux lorsqu'il n'est pas instrumentalisé. Dès lors, il n'y a pas à rendre de comptes à ce sujet ni à diaboliser la plateforme de progrès social que vous avez construite, ou pire, à en sanctionner les résultats, quand les administrateurs de cette sanction sont ceux qui voulaient faire de la SNCF une entreprise comme les autres. Je tiens donc à vous féliciter.

Ma première question porte sur le climat social. Comment appréhendez-vous les prochaines négociations au vu de celles qui viennent de s'achever ? Comment faire perdurer ce climat de confiance et d'écoute mutuelle, qui a semblé avoir été fragilisé ces derniers mois avec le développement des collectifs et qui semble être remis en cause aujourd'hui par le Gouvernement ?

Ma deuxième question a trait aux péages. Nous avons eu maintes fois l'occasion de débattre ici du modèle économique de financement des infrastructures ferroviaires. Je considère pour ma part qu'il est à revoir de fond en comble, à commencer par la politique des péages : les nôtres sont les plus chers d'Europe. Jusqu'à quand SNCF Voyageurs acceptera-t-elle de financer seule le réseau ferroviaire français, moyennant un réinvestissement complet de ses bénéfices, une contrainte qui n'est pas imposée à ses concurrents étrangers, alors même que ceux-ci bénéficient de rabais sur le prix des péages ? Que pensez-vous du modèle italien ? Ne devrions-nous pas nous en inspirer pour créer le choc d'offre en matière d'infrastructures nécessaire au choc d'offre en matière de services ferroviaires que nous réclamons tous ?

Ma troisième et dernière question concerne la ligne de trains d'équilibre du territoire (TET) Nancy-Lyon, qui devrait être mise en service en 2029. Un accord a été conclu entre l'État, la métropole de Nancy et le département de Meurthe-et-Moselle. Combien d'allers-retours par jour SNCF Voyageurs pourra-t-il assurer après que les rames commandées seront livrées et mises en service ? Depuis le rapport sur les TET de 2021, avez-vous mené des études sur la viabilité économique d'une telle ligne ? Pourquoi proposer des offres ferroviaires reposant sur le financement de collectivités irresponsables - les départements et les métropoles en l'occurrence -, dès lors que c'est l'État, seul compétent, qui devrait intervenir ?

M. Franck Dhersin. - Monsieur le président-directeur général, votre mandat ne dure que cinq ans, et sa première moitié est consacrée à la gestion des décisions prises par votre prédécesseur. Il aurait donc été intéressant que vous en fassiez un second, ce qui nous aurait permis de juger véritablement de l'ampleur de la réforme que vous avez mise en place. C'est bien dommage, même si vous auriez de toute façon bientôt atteint la limite d'âge.

La SNCF gagne davantage d'argent, c'est à mettre à votre crédit, mais je rappelle que les projets ferroviaires coûtent de plus en plus cher aux régions. Je ne dis pas pour autant que la SNCF est l'ennemie des collectivités : à mon sens, l'adversaire se trouve à Bercy, qui ne nous donne pas l'argent nécessaire pour exercer efficacement nos responsabilités et n'alloue pas à la SNCF les sommes dont le groupe aurait besoin pour remettre en état le réseau.

Vous parlez d'ouverture à la concurrence : parfait ! L'Espagne et l'Italie s'implantent en France, et vous-même intervenez dans ces pays avec un certain succès. J'ai toutefois une inquiétude au sujet des 115 rames que vous avez commandées à Alstom, qui a du retard - ce qui vous concerne, ainsi que les régions. Je regrette que vous ne les ayez pas attendues pour supprimer une centaine de TGV. Ce sont autant de trains de moins sur le réseau, donc des milliers de places, alors que les Français ont envie de grande vitesse. D'où une augmentation du prix du ticket.

M. Jacques Fernique. - Fin de carrière : la formule est polysémique aujourd'hui... L'accord sur la gestion des fins de carrière est le fruit du compromis des partenaires sociaux pour prendre en compte la réforme des retraites et les autres changements intervenus depuis 2008 - de tels accords existent dans bien d'autres secteurs, publics et privés. En faire une polémique à l'emporte-pièce, alors qu'il est le produit d'un dialogue social qui fonctionne et en même temps vouloir réduire les grèves, pose une question de cohérence.

Ma question porte sur l'investissement pour l'avenir du ferroviaire - je souscris aux propos de mes collègues sur la brutalité gouvernementale. Depuis l'annonce du plan d'investissement de 100 milliards d'euros dans le réseau, ne procrastine-t-on pas alors que le nouveau Gouvernement n'a guère mis en valeur cet engagement, et que la programmation concrète est à la traîne ? Depuis des mois, seules des propositions de loi parlementaires alimentent notre agenda, la fameuse loi de programmation des transports s'étant évanouie. Ne faut-il pas actionner la fiscalité carbone, pour rétablir l'équilibre avec le routier et l'aérien ? Ne devrait-on pas parfois prévoir l'obligation réglementaire d'utilisation du fret ferroviaire, comme en Autriche ? Ne pourrait-on pas en finir avec l'exception française des péages ferroviaires très élevés, qui entravent le nécessaire choc d'offre ? L'Italie a, à cet égard, adopté une démarche gagnante.

Nous parlons tous de régénération - vous avez mentionné le tiers des 100 milliards d'euros -, mais je m'interroge sur la volonté de modernisation, que ce soit avec le système européen de surveillance du trafic ferroviaire (ERTMS), pour réduire les intervalles entre les trains, ou la commande centralisée du réseau, pour gérer les flux sur de grands bassins. Notre réseau est loin d'être saturé, bien moins qu'en Allemagne, au Royaume-Uni ou en Italie. La principale déficience n'est-elle pas l'incapacité à concevoir la modernisation comme une urgence pour optimiser l'usage du réseau ?

M. Pierre Barros. - Je vous remercie de votre travail, qui illustre votre engagement envers les usagers, les agents et l'entreprise. Je suis surpris par votre convocation à Bercy, alors que les ordonnances Macron sont censées favoriser les accords d'entreprises au détriment des accords de branche : il semble que ceux qui les prônaient ne les acceptent pas lorsque le rapport de forces est en leur défaveur. La question des négociations collectives est de plus en plus occultée, alors que les propositions de loi encadrant le droit de grève se multiplient, au Sénat comme à l'Assemblée nationale. Ne faudrait-il pas renforcer les moyens du dialogue social pour garantir des cadres de négociation collective pertinents ?

Fret SNCF a été affaiblie par plusieurs plans de restructuration, alors que la part modale du ferroviaire sur le transport de marchandises est passée de 14,6 % en 2009 à 10,7 % en 2021, et que l'entreprise en assure la moitié. Elle a perdu 10 000 emplois sur cette période, et est menacée par le plan de discontinuité issu d'une injonction européenne. Les conséquences sont catastrophiques : abandon pour dix ans de vingt-trois lignes alors que le transport combiné est en net développement ; report sur le wagon isolé, plus difficile à opérer. Le choix du Gouvernement risque de réduire à peau de chagrin la part du fret ferroviaire en France, à rebours de l'urgence écologique. L'ambition de doubler la part du fret d'ici à 2030 est-elle compatible avec le plan de discontinuité ? En l'état, ne risque-t-on pas la disparition du fret ferroviaire en France ?

M. Daniel Gueret. - Nous assistons ce matin à un camouflet qui ne grandit pas nos gouvernants et joue contre le ferroviaire au moment où nous aurions besoin d'un signe. Bercy prépare des lendemains difficiles à vos successeurs et je regrette ce procédé.

Je salue votre mandat, enserré entre les décisions des Gouvernements successifs et de nombreuses contraintes : analyses du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), demandes des élus, besoins financiers considérables, ajustements budgétaires fréquents. Cette belle mission, du fret au TGV en passant par l'entretien du réseau, n'est-elle pas irréalisable en l'état, et ce malgré votre volonté et celle de vos équipes ?

Au-delà des postures, il faut parler du temps ferroviaire, qui n'est pas le temps politique. Tout le monde le sait, mais tout le monde exige d'aller plus vite. Ne faut-il pas changer de logiciel et définir des objectifs essentiels plus restreints, moins coûteux, moins médiatiques, pour que les politiques que nous sommes évitent les demandes impossibles ? Il convient d'éviter de proposer au Gouvernement des options irréalisables. Ma foi dans le ferroviaire est totale, mais il faut des objectifs concrets, sans quoi nos discours n'auront plus de crédit.

Je reprends les propos du Haut-commissaire au plan, François Bayrou : il faut revenir à une politique du temps long. Cela pourrait se traduire par un contrat de plan ferroviaire sur dix ans, ne variant pas selon les postures politiques, climatiques ou énergétiques. Je vous rends hommage, on ne pourra pas vous reprocher de n'avoir rien fait à la tête d'une SNCF que vous avez contribué à remettre sur ses rails. J'ai un espoir : que ce qu'on vous applique aujourd'hui fasse jurisprudence pour certains ministres, qui ont cumulé les maladresses depuis trente ans sans rendre de comptes à personne - notamment le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Hervé Gillé. - Le jeune Bacalanais que vous avez été a sans doute une haute conscience des réalités sociales. Vous avez mentionné la culture d'entreprise, à laquelle vous avez donné corps par votre action. Parmi les Girondins, nous sommes nombreux à avoir une profonde estime pour votre travail. Au-delà des résultats demeurent des injonctions paradoxales. Il y a des réalités économiques, mais aussi tarifaires : les billets de la SNCF sont souvent plus chers que ceux du transport aérien. Olivier Jacquin a mentionné les péages : leur hausse continue, notamment pour les TER, est insoutenable pour les régions, alors qu'elle est souvent supérieure à l'augmentation des péages pour les TGV. Le TER ne doit pas être la variable d'ajustement qui finance la régénération du réseau. Sur les 100 milliards d'euros, la balance entre 70 % pour les grands projets et 30 % pour l'entretien du réseau n'est-elle pas déséquilibrée ? Vous n'avez pas arbitré cette situation, restant dans un équilibre politique. Les régions veulent distinguer les coûts fixes des coûts marginaux, pour plus de visibilité et une véritable comptabilité analytique. Le 5 mars dernier, le Conseil d'État, dans le cadre du recours de la Nouvelle-Aquitaine et de sept autres régions sur les péages, a donné raison aux collectivités en annulant les tarifs des péages ferroviaires en raison du manque de transparence et de délais trop courts. Quel est votre regard sur cette décision ? Comment SNCF Réseau reverra-t-elle sa copie ? La révision du contrat de performance prendra-t-elle en compte cette évolution des péages ? Quelles sont les pertes ? La LGV Bordeaux-Paris, avec LISEA, accuse des pertes financières de dizaines de millions d'euros malgré son succès commercial. Le péage imposé par cette société n'est pas absorbable en l'état.

M. Michaël Weber. - Vu le contexte, je joins ma voix à celle de mes collègues quant à votre bilan. Peut-être cela vous laissera-t-il davantage de liberté de ton.

Vous avez beaucoup parlé du fret. Puisque l'entité succédant à Fret SNCF ne pourra pas exploiter vingt-trois des sillons les plus rentables, alors que ses concurrents le pourront, le respect de l'engagement du doublement de la part modale du fret ferroviaire semble compromis, comme la décarbonation du transport de marchandises en général. SNCF, premier transporteur routier de marchandises, réussira-t-elle ce pari dans les conditions actuelles ? En l'absence de stratégie sur les trains complets cadencés, activité la plus rentable, le wagon isolé, moins profitable, menace-t-il le fret ferroviaire ? Comment le prioriser par rapport au transport de voyageurs, tant l'exigence de rentabilité est favorable à ce dernier, plus rémunérateur ? Quelles sont les garanties associées à la discontinuité, qui vise à éviter des sanctions européennes au détriment de nos engagements climatiques, et qui compromet la soutenabilité économique du nouvel opérateur New Fret ?

M. Jean-Pierre Farandou. - L'encouragement à négocier sur la pénibilité et les fins de carrière venait de Matignon, qui conduisait la réforme des retraites et restait en contact avec les partenaires sociaux, et voulait une perspective de sortie de crise en invitant les branches et les chefs d'entreprise à ouvrir de telles négociations. Alors que nous avions un vieil accord, qui remontait à 2008, le moment n'était pas mauvais pour tenir compte des réformes des retraites successives - Fillon, Touraine et la plus récente. Je n'ai pas peur des choses compliquées, comme le climat social à la SNCF - quand je suis arrivé, il était même très compliqué : on pouvait parler de rupture, de glaciation. Je ne peux pas gérer 150 000 cheminots, en pleine période de transformation, sans organisations syndicales. Sinon, c'est la porte aux collectifs anonymes, qui fonctionnent en boucle WhatsApp, sans corps intermédiaire responsable. C'est une enveloppe impalpable de toutes les demandes : on n'arrive pas au compromis. Les deux difficultés sociales que nous avons connues étaient liées à un collectif ; je défends les organisations syndicales, sans lesquelles on ne peut pas piloter. J'ai rétabli le dialogue, qui commence par le respect. Les élections professionnelles sont très suivies, il y a une vraie représentativité, avec des numéros un, deux, trois, quatre, et je travaille avec tout le monde. Les avis des organisations syndicales ne sont pas toujours les miens, il faut trouver des équilibres, mais la conflictualité abîme l'image de la SNCF ; les Français ne supportent plus de ne pas avoir de train. Elle est aussi très mauvaise pour le fret : après une rupture du contrat de confiance, qui met des entreprises en difficulté, celles-ci passent à la route et sont définitivement perdues. Le voyageur râle, mais il revient ; ce n'est pas le cas du fret. La grève reste un droit, mais mieux vaut l'éviter. En février, je n'ai pas pu le faire, car les revendications étaient inatteignables. Le compromis est donc essentiel : si l'on est radical, la confrontation s'installe. Je vais faire preuve d'idéalisme : les partenaires sociaux sont des partenaires ! Par exemple, pour la covid, nous n'avions pas plus de masques que les autres, et la SNCF aurait pu devenir un vrai bazar, car le droit d'alerte est possible, s'agissant d'un sujet sanitaire. Dès le premier jour, j'ai lancé des conférences sanitaires, auxquelles j'invitais les syndicats. Je ne leur cachais rien. C'est dans ce climat de confiance qu'on a ajusté, avec eux, les gestes barrières aux gestes métier : comment pratiquer la distanciation lorsque l'on est cinq dans un poste d'aiguillage de vingt mètres carrés, ou deux dans une nacelle pour réparer une caténaire ? Pour les jeux Olympiques, ce sera la même chose. Je suis heureux que notre pays les organise, mais des questions se posent : sachons les résoudre ensemble pour réussir. Je ne suis pas pour autant un Bisounours, des sujets demeurent compliqués, comme la concurrence, à laquelle tous les syndicats de la SNCF sont opposés. Il est donc difficile de discuter des décrets d'application face à une position idéologique, mais respectable, de leur part.

L'accord sur les fins de carrière, c'est du progrès social, ce n'est pas interdit ! Parfois, des sujets sont plus douloureux : jamais un syndicat ne soutiendra la discontinuité du fret, alors que mon travail est de la mettre en oeuvre. Cependant, le respect est là, la volonté que la SNCF rebondisse aussi. J'aurais voulu être encouragé après avoir progressé en évitant les grèves, mais j'ai été critiqué pour cela - j'ai une difficulté de compréhension, mais certains éléments me dépassent peut-être.

Les péages sont un sujet de fond. Je suis un vieux cheminot, je connais l'historique : les péages sont apparus avec la création de RFF et la concurrence. La propriété des rails a été transférée à RFF, comme la dette ; il fallait donc que la SNCF, qui utilise les rails, acquitte un péage, pour éviter la « laisse maastrichtienne ». En 1997, la dette de RFF, pour ne pas devenir trop importante, devait être celle d'une entreprise commerciale, c'est-à-dire dont le chiffre d'affaires doit être égal à au moins la moitié des coûts. Or le chiffre d'affaires de RFF découle des péages. C'est ainsi que leur niveau a été calculé ; c'est pourquoi il est élevé. En France, plus qu'ailleurs, on a fait payer l'usager du train : 20 euros sur un billet de TGV à 50 euros, soit 40 % - contre moitié ou trois fois moins en Espagne et en Italie. Mais alors, le budget de l'État doit compenser, ce qui renvoie aux débats budgétaires actuels. Le calcul du péage répercute les coûts, sans marge. Avec l'Ukraine, le coût de l'énergie s'est accru, donc celui de l'acier et du ciment aussi. Les coûts de maintenance ont augmenté de 10 %, l'index TP01 a pris dix points, et les péages sont donc en hausse de 8 % - une hausse décriée par les conseils régionaux, mais qui reste inférieure à ce qu'elle pourrait être. C'est une répercussion mécanique, validée par l'ART.

La ligne Nancy-Lyon est soutenue par les élus concernés. La SNCF n'avait pas le matériel pour la couvrir, car il manque des TGV, elle a donc estimé que l'équilibre économique n'était pas garanti. Une solution entre l'État et la région a été trouvée : faire entrer cette ligne dans les TET, dont l'autorité organisatrice est l'État. Celui-ci paie alors la SNCF et assume le déficit d'exploitation. En 2029, l'État assure que la ligne sera bien prise en compte dans les commandes en cours d'automotrices, après Clermont et Limoges. À court terme, la région Grand Est dépanne, avec son propre matériel.

Sur l'ouverture à la concurrence, en effet, la SNCF est présente en Espagne, mais pas encore en Italie.

Monsieur Dhersin, certes, il paraît étrange d'avoir arrêté une centaine de trains. Je ne souhaite pas me défiler, mais cette décision a été prise en 2015-2016. Il y a dix ans, elle semblait rationnelle, car en comptabilité d'entreprise, les commissaires aux comptes obligent à une dépréciation des actifs lorsque ceux-ci ne sont pas assez rentables. La recette en 2015 était insuffisante, les trains n'étant pas assez pleins, il a fallu déprécier. La réponse managériale logique a donc été de réduire le parc, puisqu'il y avait trop de TGV - même si, quelques années plus tard, on s'en mord les doigts... SNCF Voyageurs m'a proposé de garder les vieux TGV, en plus des 115 nouveaux, qui auront certes du retard, j'ai accepté. Au lieu de radier ces anciennes rames, nous allons dépenser pour assurer leur maintien, afin que les nouveaux trains ajoutent une capacité au lieu de remplacer les anciens. Cela joue sur les prix. En moyenne, selon l'ART, le prix moyen du billet de TGV n'a pas bougé, remontant à peine au niveau de 2019, à 45 euros, soit le prix du taxi pour aller à Roissy. Certes, il y a d'importants écarts-types. Les trains étant très remplis, le lean management joue à plein : il est parfois difficile de trouver des places, qui sont parfois à prix élevé. La capacité supplémentaire rééquilibrera l'équation, avec, je l'espère, une amélioration de la perception des Français.

Sur le financement des investissements et la fiscalité, il faut bien mettre de l'argent public sur le réseau ferroviaire français si l'on veut allier les actes au discours. Pour développer vraiment le ferroviaire, il n'y a pas d'autre solution. Sans cela, nous n'atteindrons ni la capacité nécessaire, ni la fiabilité, ni la modernisation - ERTMS, commande centralisée. La SNCF prendra sa part. Sur le très long terme, après 2027, j'ai annoncé en fin d'année dernière, dans le cadre du plan stratégique à dix ans, que j'étais prêt à augmenter durablement de 500 millions d'euros par an la part de la SNCF, sur le total de 1,5 milliard d'euros. Reste un milliard d'euros par an à trouver.

Pour alimenter le débat, même si le choix ne m'appartient pas, je propose deux pistes. Premièrement, à partir de 2027, une fiscalité européenne visera les sociétés de camions, qui ne sont aujourd'hui pas taxées alors qu'elles polluent. Ainsi, les camions qui vont de la Roumanie à l'Espagne nous infligent toutes les nuisances - émissions, usure des routes - et font le plein au Luxembourg, puis en Espagne, sans même acheter un sandwich en France. De même, les compagnies aériennes seront aussi soumises à une taxation carbone. On estime le produit total de ces taxes à 20 milliards d'euros pour l'Europe, dont 10 % pour la France, soit 2 milliards d'euros : pourquoi ne pas en prélever la moitié ? La seconde idée est de mobiliser, à partir de 2030, la « manne autoroutière » de 3 milliards d'euros par an. Pourquoi ne pas prélever un milliard d'euros pour boucler la remise en état et la modernisation du réseau français ?

L'intérêt de l'entreprise est d'avoir des syndicats représentatifs, formés, rompus à l'économie, comprenant un bilan et une stratégie. Pour dialoguer, il faut partager des prérequis. À la SNCF, nous savons organiser les parcours : les syndicalistes, lorsqu'ils veulent abandonner leurs fonctions syndicales, sont les bienvenus dans l'entreprise, et beaucoup acquièrent des fonctions de cadre ou de cadre supérieur, ce qui est normal. En Allemagne, la maturité du dialogue social n'empêche pas les grèves - mon collègue allemand sort de plusieurs semaines de grève. La démocratie sociale est un élément de la démocratie tout court, c'est-à-dire de l'équilibre du pouvoir et de la discussion. C'est la synthèse qui fait progresser.

Le fret est peut-être le sujet le plus difficile, avec le financement du réseau. On a laissé passer les décennies, nous ne sommes plus qu'à 9 ou 10 % de part de marché et nous subissons une discontinuité difficile à gérer. En la matière, j'ai la foi du charbonnier. Certains pays, comme l'Espagne ou l'Italie, sont passés au tout-camion. J'habite le sud-ouest : l'autoroute vers l'Espagne est une file ininterrompue de voitures ! C'est la même chose au départ de Lille, avec les Britanniques et l'Europe du Nord, et en Alsace : puisqu'il y a un péage en Allemagne et pas de notre côté, les camions passent par la France et font même vibrer les maisons. Le débat sur les méga-camions, les mega-trucks, est à tomber par terre : d'un côté, la Commission européenne vante le Green Deal ; de l'autre, le Parlement européen autorise des camions de trente mètres de long - je rappelle qu'un bus articulé à Paris mesure vingt mètres - et de 60 tonnes ! Cela représente un gain de 20 % de productivité : va-t-on le laisser passer ? Il y a un problème de cohérence entre les ambitions et les décisions politiques. À mon sens, il faut non seulement sauver, mais aussi développer le fret ferroviaire. Les entreprises le demandent, car elles seront confrontées à la comptabilité et au bilan carbone, qui comprend les fournisseurs : livrer en train plutôt qu'en camion réduit les émissions. Les entreprises frappent à la porte : il y a du potentiel.

Certains ont laissé tomber le fret ferroviaire, comme l'Espagne et l'Italie, mais aussi l'Europe de l'Est. D'autres avancent, comme la Suisse, l'Autriche, l'Allemagne, les Pays-Bas, peut-être en raison d'une sensibilité écologique forte. Pour cela, il y a deux conditions nécessaires et quasiment suffisantes. Tout d'abord, il faut investir dans les infrastructures de fret : chantiers, terminaux, sillons de qualité. Les ports de Marseille et du Havre sont mal connectés au plan ferroviaire : si on les développe, cela passera par le camion. Si l'on veut éviter cela, il faudra bien les équiper en ferroviaire.

Il faut, ensuite, aider le wagon isolé, qui a le même tonnage qu'un camion : 40 tonnes. Pour rouler d'un point A à un point B, il faut un petit locotracteur, avec deux cheminots, qui amène le wagon au triage, pour former un train, puis un nouveau triage pour l'amener au consommateur, le tout sur quatre jours. Dans le même temps, le camion a fait quatre allers-retours, et ne paie pas l'usure des routes. Si on laisse faire le marché, le wagon isolé, consubstantiellement plus cher que le camion, disparaîtra. Si l'on veut garder cette activité, il faut l'aider. C'est ce qui se passe en Autriche et en Suisse, et ce dont on parle en Allemagne. Un système d'aide s'est mis en place avec le plan de relance, à 170 millions d'euros par an pour l'ensemble du secteur, SNCF et hors SNCF : nous demandons 200 millions d'euros dans la durée. Si ces deux conditions sont remplies, alors le fret ferroviaire se développera.

Je suis un optimiste, la volonté fait le chemin. Parlons de transition écologique. J'ai deux petites filles, âgées de cinq et trois ans : quel monde vais-je leur laisser ? Quatre ou cinq degrés de plus, des tornades, des inondations, des sécheresses, ou allons-nous vraiment agir ? Alors, il faut traiter le secteur de la mobilité, le seul à avoir vu ses émissions augmenter. Sous le capot de la mobilité, une solution est à notre portée, le report modal : moins de voitures, d'avions et de camions polluants. Il faut bien sûr verdir ces derniers, car le ferroviaire ne pourra pas tout faire - mais cela prendra jusqu'à quarante ans ! En attendant, la transition passe obligatoirement par le ferroviaire.

On parle de souveraineté énergétique : une tonne transportée en train consomme six fois moins d'énergie qu'en voiture, pour de simples raisons physiques : le frottement du pneu sur le goudron. En effet, si la Formule 1 a un pneu lisse, un pneu normal doit accrocher le goudron, pour ne pas aller dans le décor. La beauté du train, c'est qu'il s'agit de roues en acier sur un rail en acier : dans le Morvan, si vous coupez le moteur du TGV, il arrive tout seul à la gare de Lyon, sans consommer d'énergie ! Quand on parle de souveraineté énergétique et décarbonation, cela donne envie.

Quant à l'usage du sol, pensez-vous que nous allons encore construire beaucoup d'autoroutes et faire grossir les aéroports dans ce pays ? Je ne le crois pas. Nous avons peut-être une chance de construire des voies ferrées, parce qu'elles sont écologiques, mais ce n'est pas facile. Comment absorber les besoins de mobilité sur les autoroutes et les aéroports s'il n'y a pas d'augmentation des capacités ? Sur les emprises au sol, on ne fait pas mieux que le RER ou les Serm ! Comment faire entrer chaque jour des centaines de milliers de personnes dans les centres-villes ? Si vous répondez « par la voiture », je vous souhaite bon courage ! La voiture électrique ne résout pas les problèmes de congestion, et il faut des points de charge en ville ; le train offre sécurité, fiabilité, vitesse et fréquence. Les décideurs ne peuvent donc que prendre la décision du ferroviaire. J'ai cet optimisme chevillé au corps.

Le long terme est essentiel. Nous avons souffert, mais nous ne sommes pas les seuls. Ainsi, ce qui s'est passé sur le nucléaire est incroyable : lorsque j'étais jeune ingénieur, le secteur démarrait, de grandes écoles étaient tournées vers ce sujet, nous avions un savoir-faire mondial, nous étions les premiers avec les Américains. Quarante ans plus tard, piteusement, la moitié de nos centrales ne fonctionnaient plus, et nous devions importer notre électricité, parce que le temps long avait été oublié. Pour corriger, il faut dix à quinze ans, comme c'est le cas avec le plan décidé par le Président de la République ; il en va de même pour le ferroviaire : il y a quarante ans, la décision implicite a été prise d'investir beaucoup moins d'argent. Le rattrapage est douloureux et, en attendant, la qualité du service s'en ressent. Il est facile d'attaquer la SNCF, mais espérons que le temps long revienne en politique : il est indispensable pour le militaire, l'énergie, les transports, l'éducation. Ces questions se traitent à l'échelle d'une génération.

Sur la discontinuité, la concurrence est arrivée dans le fret en 2007. Au niveau européen, la direction générale de la concurrence - ou DG Comp - est très sourcilleuse. Or depuis 2007, l'activité fret de la SNCF est en déficit, de 200 millions à 300 millions d'euros par an. La maison mère a compensé et la Commission européenne, après quelques coups de semonce, a estimé que cela était constitutif d'une aide d'État illégale faussant la concurrence, l'État étant actionnaire de la SNCF. La procédure a été ouverte, avec une machine juridique puissante. Le Gouvernement pouvait contester l'analyse de la Commission, avec le risque d'aller devant le tribunal. Dans ce cas, c'était quitte ou double : en cas d'échec, l'entreprise aurait dû rembourser 5 milliards d'euros, ou faire faillite, laissant 5 000 personnes sur le carreau. Estimant que le dossier n'était pas assez solide, le Gouvernement a accepté d'entrer dans la négociation de discontinuité, l'équivalent d'un « plaider coupable » avec, pour punition, une réduction volontaire d'activité, soit vingt-trois flux - les meilleurs - abandonnés aux concurrents. La deuxième punition est la disparition de l'objet porteur de la dette, Fret SNCF, qui doit renaître, tel un phénix, sous la forme de deux sociétés, sous un nom différent, avec peut-être un investisseur privé. Avec l'arrêt des vingt-trois flux, 500 cheminots n'ont plus de travail. Je me suis engagé à les reclasser, c'est en cours. Ni les syndicats ni les cheminots n'en sont satisfaits : les discussions ne peuvent être que compliquées.

M. Fabien Genet. - Je vous remercie pour cet exercice de transparence sur les conditions de préparation de l'accord sur les fins de carrière, que vous serez le premier à appliquer en prolongeant votre mandat jusqu'à la fin des jeux Olympiques, même si votre liberté de ton pourrait pousser le Gouvernement à y mettre un terme plus tôt... Nous apprécions aussi la médaille d'or du cynisme et du double langage que vous attribuez, indirectement, au Gouvernement et à son ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Je me joins aux compliments qui vous sont adressés, sur votre foi en la SNCF et en son rôle déterminant pour les mobilités et les transitions.

Je souscris à votre plaidoyer pour la révolution des mobilités, et vous propose donc un cas pratique. Ainsi, il y a quelques semaines, le Parisien titrait sur les pires lignes régionales de France avec, en deuxième position, la ligne entre Lyon et Paray-le-Monial, dont la pérennité suscite des inquiétudes, particulièrement avec le retrait du poste d'aiguillage de Lamure-sur-Azergues, qui condamne à un cadencement ralenti ne correspondant pas aux trajets des usagers se rendant sur la métropole lyonnaise. Or cette ligne contribue au développement d'un territoire et au desserrement de la grande couronne lyonnaise - je sais que vous avez exercé dans la région. Compte tenu de l'immobilisme des acteurs régionaux, les territoires concernés ont financé une étude concluant à l'opportunité d'un renforcement de cette ligne. Usagers et élus locaux se sont mobilisés samedi matin en Saône-et-Loire. Vous avez indiqué avoir de l'argent et de l'ambition, et n'avoir pas peur de la complexité, je vous propose donc de gérer des choses simples : vous engagerez-vous à remettre en place le poste de Lamure-sur-Azergues ?

M. Sébastien Fagnen. - La concertation publique sur la ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN) s'ouvre, avec ses deux axes hiérarchisés comme prioritaires Rouen-Barentin et Mantes-Nanterre. Mon collègue Pascal Martin et moi-même sommes conscients de l'importance vitale que représente la réalisation de cette LNPN pour les 3,3 millions d'habitants de la région Normandie, parent pauvre du ferroviaire français. À l'issue de la concertation publique, sera-t-il possible de réévaluer les investissements nécessaires, notamment pour sécuriser la traversée des villages entre Barentin et Rouen, afin de ne pas pénaliser les communes riveraines ? Cela vaut aussi pour la desserte de l'ouest de la région, notamment la Manche, car le Cotentin va accueillir de nouveaux grands chantiers essentiels à la souveraineté énergétique, sur le site d'Orano. Dans les années 1980, le trajet entre Cherbourg et Paris prenait 3 heures, contre 3 heures 15 aujourd'hui. Au-delà de la LNPN, il s'agit de la pérennité des lignes normandes, notamment Paris-Granville, essentielle au désenclavement du sud de la Manche et de l'Orne, sur laquelle nous manquons de visibilité. Vous évoquiez le Havre et Marseille : il existe une ligne de TGV en Normandie qui relie ces deux ports. Sera-t-elle pérennisée, alors qu'elle se dégrade ? Elle est aussi indispensable au désenclavement de la région et à la connexion entre ces deux sites.

En outre, l'accueil physique dans les gares tend à se réduire. À Cherbourg-en-Cotentin, principale commune d'un bassin de vie de 200 000 habitants, seuls deux guichets sont ouverts sur quatre, mais sont fermés le week-end, et les bornes n'acceptent que les espèces. C'est un obstacle à la démocratisation du train. Quelles sont les orientations du groupe en ce qui concerne l'accueil en gare ?

J'ai été saisi, avec Philippe Bas, d'un contentieux entre une commune et SNCF Réseau au sujet d'un aqueduc sur la ligne Paris-Cherbourg - une dizaine de communes seraient concernées en France. Le tribunal administratif de Caen a donné raison à la commune de 1 200 habitants avec une pénalité pouvant dépasser 1 million d'euros. SNCF Réseau a fait appel devant la cour administrative d'appel de Nantes, laissant ainsi une épée de Damoclès au-dessus de la commune, dont les investissements sont gelés, et l'accès aux prêts, dégradé. Existe-t-il des protocoles pour un traitement plus juste, transactionnel, avec les collectivités concernées ?

Enfin, tout en regrettant le traitement injuste et arbitraire dont vous faites l'objet, je vous saisis du cas du licenciement, largement relayé, d'une personne chargée de l'entretien de la gare Montparnasse, car elle aurait subtilisé un euro. Cette société a partie liée avec SNCF Gares & Connexions. Un audit interne a-t-il été lancé pour mettre fin à la relation contractuelle avec les entreprises ne respectant pas les pratiques élémentaires du droit du travail ?

M. Guillaume Chevrollier. - Vous mettez en avant le slogan « deux fois plus de transport ». Mais la réalité, c'est une hausse forte de l'attente d'une mobilité décarbonée, donc de plus de trains à des prix abordables, ce qui n'est pas encore une réalité pour tous. Sur le fret, la situation reste compliquée. Quel bilan faites-vous de la politique d'intermodalité ? J'ai rencontré il y a quelques semaines les représentants du transport routier de mon département de la Mayenne, qui font état de difficultés d'accès aux ports - Marseille et Le Havre, mais aussi Saint-Nazaire. Pour l'intermodalité entre port, fret ferroviaire et camion, il reste beaucoup à faire. Notre commission est particulièrement mobilisée sur ce sujet.

Lors d'une précédente audition, je vous interrogeais sur les ralentissements liés à la signalétique du réseau, avec des retards et des limites à la circulation de plus de trains. Qu'en est-il depuis ?

Enfin, nous vous avions adressé, avec ma collègue du département de la Mayenne, un courrier sur la suppression, en 2025, d'un arrêt quotidien en gare de Laval. Je vous avais déjà interpellé à ce sujet il y a quelques années, parce qu'il n'y a plus de convention de desserte. Vous disiez alors vouloir vous débarrasser de ce corset, ce que je regrette, car une desserte pérenne de nos territoires est importante. La Mayenne doit avoir au moins 8 allers-retours quotidiens directs pour la capitale. Le ministre Béchu indiquait à l'Assemblée nationale qu'aucune suppression n'était envisagée. Le confirmez-vous ?

M. Jean-Claude Anglars. - Je vais vous parler d'une ligne que vous connaissez bien : le train de nuit Rodez-Paris. Comme vous le savez, il y a 280 000 Aveyronnais en Aveyron, et 320 000 à Paris. La ligne connaît des difficultés depuis plus d'un an, mais le ministre nous disait, la semaine dernière, qu'il appellerait M. Farandou, et que le problème serait réglé... On nous parle de locomotives non remplacées et de feuilles mortes sur les voies : c'est incompréhensible en 2024 !

M. Rémy Pointereau. - Je vous remercie pour votre travail à la tête de la SNCF : vous êtes celui qui a ramené les comptes de la SNCF dans le vert. Hélas, vous servez de fusible en raison d'une compétition interne au Gouvernement.

Pour autant, tout n'est pas rose : le Grand Centre Auvergne est la « patate vide » des mobilités. Ainsi, pour la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt), la livraison des nouvelles rames est tardive, avec des restrictions de circulation annoncées. Comment la SNCF y répondra-t-elle ? Pour les jeux Olympiques, Châteauroux accueillera les épreuves de tir, ce qui amènera des voyageurs. Comment réglerez-vous le problème en vue de cette période ?

Le Paris-Nevers-Clermont rencontre aussi de grandes difficultés, notamment avec les épisodes du 18 juin 2023 et du 19 janvier 2024, qui ont entraîné des retards de plusieurs heures. Que fera la SNCF pour améliorer cette ligne ?

Bourges a été désignée capitale européenne de la culture. Nous attendons jusqu'à 2 millions de visiteurs. Or la desserte est très réduite, puisqu'il faut aller jusqu'à Vierzon. Qu'est-il prévu pour l'améliorer ?

Enfin, la tierce expertise de la ligne Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon (Pocl) doit préciser le tracé, puisqu'il en existe deux aujourd'hui. Avons-nous encore des raisons d'espérer ?

M. Pierre Jean Rochette. - Je me joins à ce qui a été dit, sur le contexte, mais aussi sur les rames détruites évoquées par Franck Dhersin.

Quel est votre point de vue sur le tram-train ? Sur les lignes locales, comme l'étoile ferroviaire stéphanoise, avec Saint-Étienne-Montbrison-Boën-sur-Lignon, nous avons toujours du ferroviaire lourd, avec d'importantes contraintes matérielles. Nous avons besoin d'amplitude et de cadences. Quant à l'interopérabilité et la billettique, dans la Loire, entre Saint-Étienne et Montbrison, il existe trois possibilités : le car de la région, qui coûte deux euros ; le train régional, bien plus cher ; enfin, à certains horaires, le train régional remplacé par des cars, avec un autre tarif, sans aucune fongibilité ou interopérabilité des tickets. Quelle est votre vision ? Il faut progresser sur ces sujets pour faire gagner le transport public !

Mme Marta de Cidrac. - Je vous remercie, monsieur le président-directeur général, pour la présentation de votre bilan, pour toutes les réflexions que vous avez accepté de partager avec nous, ainsi que pour la clarté de vos explications sur l'accord relatif aux fins de carrière à la SNCF. Je retiens de vos propos que le Gouvernement ne pouvait pas ignorer la teneur de cet accord ni le calendrier des négociations.

Ma question concerne un sujet local. La SNCF a présenté le 30 avril dernier la future concertation qui doit se tenir autour du projet de LNPN à compter du 6 mai prochain. Je souhaite vous interpeller sur le tracé de cette ligne qui suscite beaucoup d'inquiétudes dans mon département, les Yvelines. C'est plus particulièrement le tronçon rapide Nanterre-Mantes, prévu en 2035, qui est en cause, puisqu'il est envisagé un passage par la forêt de Saint-Germain-en-Laye, ainsi que par de nombreuses communes du territoire. Comment comptez-vous traiter cette question qui, au-delà même de son impact écologique, devrait affecter durablement les Yvelines et, évidemment, le cadre de vie des Yvelinois et de millions de Franciliens ?

Ma deuxième interrogation porte sur la méthode, que je déplore, tant sa mise en oeuvre auprès des élus locaux de mon département traduit un manque de concertation et d'accompagnement. La SNCF travaille sur des tracés qui, en certains points, feraient l'objet d'une préemption du domaine public, sans que les maires en aient été informés préalablement. C'est le cas à Saint-Germain-en-Laye, alors qu'il existe des alternatives qui mobiliseraient du foncier appartenant à la SNCF. Au regard de ces critiques et de ces inquiétudes, envisagez-vous de revoir cette concertation, voire le tracé de ce projet ?

M. Franck Dhersin. - Permettez-moi tout d'abord de vous dire combien j'ai apprécié nos échanges. Nous devrions presque remercier le Gouvernement d'avoir publié son annonce juste avant votre audition. Ces dernières semaines, nous avons en effet vu un Jean-Pierre Farandou outragé, un Jean-Pierre Farandou martyrisé ; nous avons aujourd'hui un Jean-Pierre Farandou libéré, ce qui est le plus important ! (Sourires.)

Changeons de sujet : la ligne Amiens-Paris est la pire de toute la région Hauts-de-France en raison de retards à répétition et d'un manque de régularité. Pas un jour ne passe sans que les usagers y soient confrontés. En 2011 déjà, cette ligne faisait partie des douze lignes les plus malades de notre pays. Treize ans plus tard, elle se classe toujours parmi les dix pires lignes ferroviaires françaises. Les Hauts-de-France ont pourtant investi dans les infrastructures via le projet de ligne nouvelle Roissy-Picardie, dans le matériel roulant, avec l'achat de cinquante-deux nouvelles rames pour un total de 600 millions d'euros. Mais l'argent ne peut pas tout. En novembre 2019, Élisabeth Borne, alors ministre des transports, avait promis des mesures pour améliorer les trajets sur cet axe. Cette promesse n'a visiblement pas été suivie d'effets de la part de la SNCF. Dès lors, quelles mesures le groupe compte-t-il mettre en place pour améliorer le quotidien des usagers de cette ligne qui, chaque jour, vivent un enfer pour aller travailler ou se rendre à l'école ?

M. Jean-François Longeot, président. - Notre collègue Hervé Reynaud, qui a, hélas, été obligé de nous quitter, m'a chargé de vous interroger sur la pérennité du projet de ligne TGV directe entre Saint-Étienne et Paris.

Ma collègue Sylvie Vermeillet et moi-même souhaitons également vous questionner sur le développement de l'offre dans la gare TGV de Mouchard, dans le département du Jura. Cette gare est une étoile ferroviaire qui rayonne du nord au sud sur un axe Belfort-Lyon et d'est en ouest avec la ligne TGV Lyria Lausanne-Paris. Il s'agit d'un outil majeur en matière d'aménagement du territoire pour l'ensemble des Jurassiens, ainsi que pour une large part des habitants de mon département, le Doubs, puisque le TGV s'arrête à Frasne. Or, depuis six ans, le TGV ne s'arrête plus dans la ville-préfecture du Jura, Lons-le-Saunier. L'ensemble des habitants de ce territoire espèrent une offre TGV correcte à Mouchard, ville située à quarante-cinq kilomètres. Actuellement, le TGV Lyria ne s'arrête qu'une fois le matin et le soir à Mouchard, alors qu'il y passe quotidiennement six fois dans chaque sens. L'offre actuelle n'est pas satisfaisante et mériterait d'être doublée avec un arrêt dans les deux sens le matin et un autre dans les deux sens le soir. Cette demande d'arrêts supplémentaires est très forte dans le Jura. D'ailleurs, Eric Dehlinger, directeur général de Lyria, a pu en juger par lui-même à l'occasion de l'assemblée générale de l'association Mouchard TGV-TER le 29 avril dernier, qui a réuni une assistance particulièrement impressionnante de plus de deux cents personnes. Pourquoi ne pas accéder à la demande des Jurassiens et accepter d'ajouter au moins deux dessertes quotidiennes supplémentaires dans les deux sens en gare de Mouchard ?

M. Jean-Pierre Farandou. - Comme vous le savez, depuis ma nomination, je plaide sans relâche en faveur d'une amplification des actions de la SNCF dans les territoires.

Le train entre Lyon et Paray-le-Monial circule sur une voie unique, ce qui complique une situation déjà complexe en tant que telle, puisque deux régions et, donc, deux autorités organisatrices, sont concernées. J'admets bien volontiers que la SNCF rencontre des difficultés pour tenir un poste d'aiguillage à Lamure-sur-Azergues. J'ai donc demandé à SNCF Réseau de résoudre rapidement ce problème.

Comme certains d'entre vous l'ont rappelé, le projet de ligne nouvelle Paris-Normandie avance. L'année 2024 est une année de concertation. Il est temps de retenir l'itinéraire par lequel cette ligne passera, ce qui permettra de régler les problèmes relatifs au foncier. Un certain nombre de rencontres ont déjà eu lieu. À la demande du président du Sénat lui-même, qui se dit très concerné par ce projet, le président de SNCF Réseau et moi-même avons pris le temps d'expliquer et d'écouter. Nous avons bien compris que la concertation devrait être de qualité. À cet égard, sachez que le préfet, qui donne le rythme des réunions de concertation, a été mandaté par le Gouvernement pour que celles-ci s'achèvent d'ici à la fin d'année. Concernant la préservation de la forêt de Saint-Germain-en-Laye, madame la sénatrice, il s'agit bien évidemment d'un acquis, puisque cette forêt est classée. J'ai d'ailleurs cru comprendre que les études passaient en sous-terrain sous la forêt. Sachez que vos préoccupations rejoignent celles des élus normands, qui ont attiré notre attention sur les conséquences de la nouvelle ligne pour un certain nombre de villages. Si cette nouvelle infrastructure est très attendue et s'il faut donc aller vite, il faut aussi prendre le temps suffisant pour que la concertation se déroule sereinement. Le projet est double. Il s'agit de faire en sorte que l'on puisse se rendre plus rapidement en Normandie, mais aussi d'accroître les capacités de transport de l'ouest de l'Île-de-France.

Je souhaite écarter une autre inquiétude : nous n'avons pas l'intention de remettre en cause la ligne Le Havre-Marseille.

Vous m'interrogez par ailleurs sur un projet de réduction des dessertes TGV de Laval. Je note qu'il en reste tout de même sept, auxquelles il faut ajouter celles qui ne desservent pas Paris, mais des gares de la région parisienne. Au total, vingt TGV desservent Laval et la région francilienne chaque jour, ce qui n'est pas si mal. Cela étant, comme vous le redoutez, le sujet est sur la table, car, de manière générale, nous manquons de rames, de matériel roulant, ce qui nous oblige à allouer nos trains aux endroits où la demande est la plus forte.

Vous m'avez interrogé sur le fret et l'intermodalité. Nous avons encore d'énormes progrès à réaliser dans ce domaine à la fois pour le transport des marchandises et des voyageurs. L'articulation entre les différents modes de transport est complexe d'un point de vue tant logistique que billettique. Tout le monde doit coopérer en vue d'organiser les offres de mobilité et de promouvoir l'intermodalité : autorités organisatrices, collectivités, mais aussi transporteurs.

Vous avez en outre parlé de signalisation. En la matière, la solution consiste à adopter l'ERTMS (European Rail Traffic Management System) pour faire circuler plus de trains. Il faudra y consacrer au moins 500 millions d'euros sur les 1,5 milliard d'euros que j'évoquais tout à l'heure. L'ERTMS permet de réduire de façon importante l'intervalle entre les trains via une nouvelle génération de dispositifs de signalisation, et de gagner 30 à 40 % de capacités supplémentaires en termes d'infrastructures. Plutôt que de construire de nouvelles lignes, parfois coûteuses en temps et en argent, il me semble qu'il serait intéressant d'accroître les capacités sur les lignes existantes.

Monsieur Anglars, vous m'interrogez sur les difficultés rencontrées par les usagers de la ligne Paris-Rodez. Comme vous le souhaitiez, le ministre m'a en effet saisi de ce sujet. La solution consiste pour nous à retirer les feuilles mortes présentes sur les voies. Sachez que nous n'utilisons plus de glyphosate aujourd'hui et que cela nous complique singulièrement la tâche. Par ailleurs, le changement climatique, l'accentuation de la chaleur et de l'humidité renforcent le développement de la végétation. Ces facteurs aggravants nous empêchent de proposer une gestion optimale de certaines lignes ferroviaires comme celle entre Paris et Rodez. Concernant les locomotives diesel, ces lignes sont gérées par l'État depuis 2010. Aujourd'hui, nous avons de vieilles locomotives, peu nombreuses et fragiles ; à partir de Brive, la locomotion est diesel, avec une dizaine d'arrêts jusqu'à Rodez. Il faut donc trouver une solution avec l'État. Accélérer la desserte sur Rodez est possible, mais il faudra un arbitrage sur les arrêts à éviter. Comptez sur moi pour trouver les meilleures solutions : vous aurez compris que je garde un petit faible pour l'Aveyron.

Sur les lignes Paris-Châteauroux, Paris-Clermont, Polt, sur le centre du Massif central, nous ne sommes pas très fiers de ce qui se passe sur ces territoires, qui souffrent. Le ministre en est conscient, il n'y a pas de citoyen de seconde zone. L'histoire ferroviaire a fait que ces territoires n'ont pas de TGV, dont acte, pour autant, ils doivent disposer d'un train de qualité. Nous gérons une situation compliquée, peut-être du fait d'un manque de décisions claires prises assez tôt, mais les décisions de fond sont enfin prises. Mauvaise nouvelle toutefois : le matériel roulant prendra encore un an, et près d'un milliard d'euros est dépensé sur les infrastructures. Quand ces investissements seront réalisés, il y aura du mieux, avec des automotrices roulant à 200 kilomètres par heure, presque un standard TGV. D'ailleurs, les lignes seront équipées comme s'il s'agissait de LGV, avec des clôtures pour éviter la pénétration de gibier sur les voies. Je regrette le retard de livraison du matériel roulant, mais il sera de grande qualité. En attendant, les usagers souffrent, les cheminots aussi, car ils font ce qu'ils peuvent avec les moyens du bord. J'ai été à Clermont-Ferrand avec Christophe Béchu, à la suite d'un incident malheureux entraînant plusieurs heures de retard. Nous avons deux idées simples : réduire les pannes et mieux les traiter, d'où des clôtures pour éviter les chocs, pour un coût de plusieurs dizaines de millions d'euros.

Quant aux difficultés d'alimentation électrique rencontrées entre Paris et Nevers, le voltage y passe de 1 500 à 25 000 volts et la transition se fait avec le pantographe baissé. Lors de l'incident que vous évoquez, le conducteur n'a pas réussi à amorcer le disjoncteur au changement parce que le compteur avait été monté non en parallèle, mais en série avec le disjoncteur principal. C'est le disjoncteur de cet appareil lui-même qui a sauté. Il faut traiter ces problèmes. Ensuite, nous avons déployé des locomotives nouvelles. Entre Montargis et Nevers, la zone est mal équipée et nous suivons les trains avec des locomotives prêtes à intervenir en cas de panne. Lors du dernier incident, nous sommes donc intervenus en quarante minutes au lieu de quatre heures. Nous nous donnons les moyens, y compris financiers, de réduire l'impact des pannes, sans oublier les mesures de communication auprès des usagers. Nous continuerons à nous battre en attendant les solutions de fond.

Dans le cadre des jeux Olympiques, un train spécial desservira Châteauroux depuis Paris. Avec Bourges, un cinquième aller-retour est prévu dès 2025.

Je suis d'accord, monsieur Rochette, le tram-train est parfois une solution, comme dans les Pays de la Loire. En Alsace, un tram-train dessert le centre-ville de Mulhouse et la vallée de la Thur. Nous innovons : avec de petites entreprises, la SNCF finance de nouveaux trains régionaux électriques plus légers, moins coûteux, moins consommateurs d'infrastructures : le TELLi, près de Limoges, le DRAISY, fabriqué par Lohr en Alsace, et, pour les territoires non connectés, le Flexy, sorte de monospace de vingt places qui, à un passage à niveau, peut prendre le rail et devenir un train. France 2030 nous y aide. Nous progressons vers la fréquence, souvent plus critique que la vitesse quand les distances sont courtes.

Vous avez évoqué le Y picard : les branches qui commencent à Amiens et à Saint-Quentin se rejoignent à Creil pour arriver à la gare du Nord à Paris. Ce sont de gros porteurs, jusqu'à 2 300 places, pour des trajets longs, parfois une heure et quart : ces passagers sont sensibles à la fiabilité et au confort. Le goulet d'étranglement se trouve à la gare du Nord, l'une des plus chargées de France, avec de redoutables effets boule de neige. Nous disposons de plans d'action avec la région, M. Dhersin le sait. La concurrence pourrait d'ailleurs faire venir un nouvel opérateur, ce que la région sait utiliser pour nous inciter à être plus inventifs. Je sais que les passagers de ces lignes comptent sur nous.

Monsieur le président Longeot, le Saint-Étienne-Paris sera bien maintenu.

J'entends votre demande sur Lyria. Je formulerai une réponse plus approfondie. J'en sais l'importance pour le Jura, mais, de l'autre côté, les Suisses veulent arriver vite à Paris, alors que les arrêts allongent le temps de parcours. Nous répondrons à votre courrier.

M. Jean-François Longeot, président. - Je m'associe à mes collègues pour déplorer l'ingratitude du Gouvernement, et saluer votre bilan. Nous avions prévu cette audition depuis des semaines : je ne m'attendais pas à ce que, deux heures avant, un communiqué de presse laconique annonce la fin de votre mandat. Je trouve cette méthode épouvantable et je rends hommage à la qualité de notre relation de travail. À travers votre expérience, qui transparaît dans vos réponses techniques, j'ai beaucoup appris.

La question de votre reconduction se posait, au vu de la limite d'âge prévue pour cette fonction, mais je considère que cette décision est ingrate et j'écrirai à Matignon en ce sens. Il est abominable, de la part du Gouvernement, de ne pas assumer ses responsabilités, et de désigner ainsi un fusible. Je n'ai pas d'atomes crochus particuliers avec Sud Rail, mais même eux le déplorent. Le Président de la République aurait pu proposer votre reconduction au titre de l'article 13 de la Constitution : en ce cas, le Parlement se serait prononcé. Au lieu de cela, on se moque du Parlement, et le président-directeur général de la SNCF pourra de nouveau servir de fusible en cas d'incident pendant les jeux Olympiques. C'est déplorable et hypocrite, je regrette ce manque d'humanité, alors que les hommes et femmes politiques doivent être capable d'en faire preuve - comme de fermeté, lorsque c'est nécessaire. Je me réjouis que mes collègues aient unanimement reconnu votre travail, que vous poursuivrez jusqu'à la dernière minute, grâce à votre conscience professionnelle. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Farandou. - Je vous remercie de ces propos, monsieur le président. Pour moi, l'humain est en effet essentiel et devrait se trouver au fondement de toute politique et de toute entreprise, surtout quand celle-ci est publique.

À mon sens, tous les sujets comptent, qu'ils soient nationaux ou locaux. Tous les territoires comptent. Je veillerai, dans le temps qui me reste à la présidence de la SNCF, à ce que les liens noués entre mon groupe et les membres de votre commission se perpétuent. Ensemble, nous avons su faire bouger les lignes et je suis convaincu que, dans les mois qui viennent, nous pouvons continuer à les faire évoluer dans le bon sens. Merci à vous tous pour le dialogue sincère et riche que nous avons eu.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible sur le site internet du Sénat

La réunion est close à 16 h 50.

Projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis

M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, j'en viens désormais au second point de notre ordre du jour. Nous devons procéder à la désignation d'un rapporteur pour avis sur le projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, qui est en cours d'examen à l'Assemblée nationale.

Maintes fois annoncé, plusieurs fois remanié, ce texte se veut une réponse aux crises que traverse notre agriculture : défi du renouvellement des générations, baisse de l'attractivité de la profession auprès des jeunes générations, concurrence internationale exacerbée, difficultés pour les agriculteurs de tirer un revenu décent de leur activité, attentes sociétales de plus en plus fortes pour produire une nourriture qui concilie qualité et durabilité, etc.

Pour tenter de répondre à ces défis multifactoriels, l'article 1er du projet de loi dispose, entre autres, que « l'agriculture, la pêche et l'aquaculture sont d'intérêt général majeur en tant qu'elles garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation ». Les articles suivants sont consacrés à des mesures en faveur de l'orientation, de la formation, de la recherche et de l'innovation, ainsi qu'à des mesures en matière d'installation des agriculteurs et de transmission des exploitations.

En outre, la forte demande de simplification qui s'est exprimée en début d'année à la suite des colères agricoles française et européenne a incité l'exécutif à modifier les contours du texte qu'il avait préparé. Il me semble à cet égard que, si nous voulons nous aussi répondre à cette préoccupation, il nous faudra agir de façon pragmatique et efficace à l'occasion de son examen ici, au Sénat, et éviter de multiplier les amendements.

Ce projet de loi tente de répondre à la demande de simplification des agriculteurs, à travers un titre IV consacré à la sécurisation, la simplification et la libération de l'exercice des activités agricoles, qui prévoit notamment la mise en cohérence du régime de protection des haies, l'encadrement des contentieux agricoles en matière d'ouvrage de stockage des eaux, la possibilité pour le département d'intervenir en matière de production et d'acheminement d'eau potable.

Nombre de ces sujets relèvent de façon univoque du champ de compétence de notre commission. L'exposé des motifs du projet de loi corrobore d'ailleurs cette interprétation : il y est affirmé que « nos politiques publiques doivent être pensées [...] au regard de deux défis intrinsèquement liés, et qu'il nous faut absolument relever pour préserver notre souveraineté alimentaire : celui du changement climatique et de la préservation de la biodiversité, d'une part, et celui du renouvellement des générations, d'autre part ».

C'est la raison pour laquelle il m'a semblé indispensable que notre commission se saisisse pour avis de l'ensemble de ce projet de loi et apporte son expertise en complément de celle des affaires économiques.

Nous avons également demandé des délégations au fond pour l'examen de quatre articles : l'article 13 relatif au régime de répression des atteintes à la conservation d'espèces sauvages, l'article 14 sur la protection des haies, l'article 15 sur les contentieux des ouvrages de stockage d'eau et l'article 18 sur la possibilité pour le département d'assurer la maîtrise d'ouvrage en matière de production, de transport et de stockage d'eau potable. Nous dialoguons à ce sujet avec la commission des affaires économiques et je ne manquerai pas de vous tenir informés du périmètre des délégations qui pourraient nous être accordées, dès lors que le texte aura été transmis par l'Assemblée nationale.

Il n'est point trop de deux commissions pour remporter la « mère des batailles » ainsi que l'a baptisé le Président de la République, en consolidant notre souveraineté alimentaire et en réussissant les transitions agroécologique et climatique avec les agriculteurs, les collectivités et les citoyens.

Notre commission aura ainsi à coeur, en vertu de sa démarche pragmatique, réaliste et ambitieuse, de contribuer à ce nouvel édifice normatif, afin de répondre aux défis climatiques du siècle et d'aider les agriculteurs à faire face à un avenir qui n'a jamais été aussi incertain et à des changements environnementaux d'ampleur inédite.

En vue de cet examen, j'ai reçu la candidature de Jean-Claude Anglars. Je vous propose donc de le désigner en qualité de rapporteur pour avis.

La commission demande à être saisie pour avis sur le projet de loi n° 2436 (A.N., XVIe lég.) d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, sous réserve de sa transmission, et désigne M. Jean-Claude Anglars rapporteur pour avis.

La réunion est close à 16 h 50.

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président, et de M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes -

La réunion est ouverte à 17 heures.

Audition de M. Wopke Hoekstra, Commissaire européen chargé de l'action pour le climat, en commun avec les commissions des affaires européennes du Sénat et de l'Assemblée nationale ainsi que la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale (sera publié ultérieurement)

Ce compte rendu sera publié ultérieurement.

Ce point de l'ordre du jour à fait l'objet d'une captation vidéo disponible sur le site internet du Sénat.

La réunion est close à 18 h 30.